Àjònò Àlá / Les Trois Oyono

 

Un mvet boulou (Cameroun)

de Asomo Ngono Ela

 

 

Mots-clés

bulu, Cameroun — oralité, mvet, mbom mvet interprète du mvet, épopée, chant — conflit, guerre, le surnaturel

Éditeur scientifique

Gaspard Towo Atangana et Marie-Rose Abomo-Maurin.

 

 

 

Production du corpus

Récit épique boulou (mvet) interprété par Asomo Ngono Ela, une mbom mvet « interprète du mvet ». L’artiste psalmodiait ou chantait le texte, accompagnée de musiciens, d’un chœur mixte et en présence d’un public nombreux qui participait activement à la performance.

Collecte

Texte provenant des enregistrements réalisés entre 1963 et 1969 dans la région de Bengbis, au sud du Cameroun, dans le département de Dja-et-Lobo, par Gaspard Towo Atangana. Les séances ont lieu la nuit. L’enregistrement est assuré par un technicien du Centre Culturel Camerounais.

Descriptif

Le mvet est un genre chanté, répandu dans la forêt équatoriale au sud du Cameroun, au nord du Gabon, en Guinée équatoriale et dans l’extrême nord de Congo Brazzaville. Le terme désigne aussi bien l’instrument que les chants qu’il accompagne. Ceux-ci sont désignés par le terme de biban bi mvet (sing:eban mvet « chant de mvet »).

Le texte est un épisode d’un récit organisé en cinq chants. Les performances durent toute la nuit. L’artiste psalmodie ou chante le texte. Les thèmes principaux sont les conflits et les guerres.

Il est question dans le récit de trois jeunes Ekangs à la recherche de femme à épouser et qui s’appellent tous Oyono. Mais chez les Fangs-Boulous-Betis, le nom donné à l’enfant à sa naissance est suivi de celui de son père, s’il est vivant, et celui de sa mère si le père est décédé ou s’il n’a pas épousé la mère de l’enfant. Ainsi donc, s’il est ici question de trois Oyono, le premier s’appelle Oyono Medang, le second Oyono Mfoulou Mana et le troisième Oyono Meye me Nguini Ango Nkong. Mais, au cours du récit, Oyono Mfoulou Mana disparaît, sans qu’on puisse savoir pourquoi.

Édition du corpus

Transcription: première version par Gaspard Towo Atangana; version finale par Marie-Rose Abomo-Maurin.

Traduction: Marie-Rose Abomo-Maurin.

Introduction et notes: Françoise Towo.

Référence de l’ouvrage

TOWO ATANGANA Gaspard et ABOMO-MAURIN Marie-Rose (éds), 2009, Àjònò Àlá Les Trois Oyono Un mvet boulou (Cameroun) de Asomo Ngono Ela. Recueilli et traduit par Gaspard Towo Atangana, retranscrit et annoté par Marie-Rose Abomo-Maurin. Introduction et notes de Françoise Towo, Paris, Classiques africains 31, 256 p. [deux photos en noir et blanc représentent l’une, l’artiste en performance, et l’autre, ses accompagnateurs].

Bibliographie

    • ABOMO-MAURIN Marie-Rose, 2006, « L’épopée bulu du Sud-Cameroun: un genre en mutation ? L’exemple de Ayono Ala d’Asomo Ngono Ela », in Oralité africaine et création, sous la direction d’Anne-Marie Dauphin-Teinturier et Jean Derive, Paris, Karthala, p. 127-147.
    • ABOMO-MAURIN Marie-Rose, 2010, « La représentation de l’espace dans Àjònò Àlà, Les Trois Oyono, Un Mvet boulou (Cameroun) de Asomo Ngono Ela, édité par G. Towo-Atangana et M.-R. Abomo-Maurin, Classiques Africains, 2009) », in L’expression de l’espace dans les langues africaines II, Journal des Africanistes, T 79, Fascicule II, p. 127-153.
    • ABOMO-MAURIN Marie-Rose, 2013, « Asomo Ngono Ela (ou Okono Abeng) [Bisombo 1914 – id. v. 1970] », dans Béatrice Didier, Antoinette Fouque et Mireille Calle-Gruber (dir.), Le dictionnaire universel des créatrices, Éditions des femmes, 2013, p. 291-292.
    • BIYOGO Grégoire, 2002, Encyclopédie du Mvet, T.1 et T.2, Ed. Cirad, Libreville.
    • ELLA Steeve, 2014, «Le Mvett et le Renouvellement des épistémès », Ayong, [en ligne], 24/11/2014, consulté le 28 juin 2018 et 22/10/2019, http://www.ayong.fr/pages/news/articles/page-3.html.
    • ENO BELINGA Samuel-Martin, 1978, Moneblum ou l’Homme bleu, Yaoundé, ouvrage publié avec le concours de l’Université de Yaoundé, version bilingue.
    • KOLETOU MANOUERE Blandine,  « L’énonciation temporelle dans Le Mvett de Tsira Ndong Ndoutoume », dans Les Temps épiques : Structuration, modes d’expression et fonction de la temporalité dans l’épopée, sous la direction de Claudine Le Blanc et Jean-Pierre Martin, Publications numériques du REARE, 15 novembre 2018  URL: http://publis-shs.univ-rouen.fr/reare/index.php?id=437.
    • NDONG NDOUTOUME Tsira, 1983, Le Mvet épopée fang,  Paris, Présence africaine.
    • NDONG NDOUTOUME Tsira, 1993, L’Homme, la mort et l’immortalité, Paris, l’Harmattan, 1993.
    • ONDO Angèle Christine, 2009, « L’espace corporel intérieur dans le mvet », Journal des africanistes, 79-2, pp. 155-170.
    • ONDO Angèle Christine, 2014, Mvett Ekang: forme et sens: L’épique dévoile le sens, Paris, l’Harmattan.
    • WOLF Paule et WOLF Paul (ed.), 1972, Un mvet de Zwè Nguéma: chant épique Fang, receuillis par Pepper Herbert, Paris, Armand Colin, 493 p. [autre édition: 1985, Un mvet de Zwè Nguema,  Chant épique Fang, Classiques Africains, 492 p.]

 

 


 

Àjònò Àlá Les Trois Oyono

Un mvet boulou (Cameroun)

de Asomo Ngono Ela
Extrait

 

DZÌÁ OSU — CHANT I

 

 


Le Chant I vient après un prélude d’une cinquantaine de vers chanté avec la participation du public qui intervient en chœur. Les passages en caractères romains sont des discours narratifs, ceux en caractères italiques sont chantés.

 

 

Bètàt, ’mvét dza dzó nǎ:

Pères, voici l’histoire que raconte le mvet:

dzàm é mànèjà táté Éŋóŋ

Un drame a éclaté à Engong-vaste-comme-des-flancs-d’éléphant,

Sí bə̀ndàè bə́ Zòlò Òbiàŋ, ’mvó’ò Ngémá

terre des petits-fils de Zolo Obiang, les descendants de Nguéma.

Ndə ’nláŋ wɔˊ dzó nǎ.

Voici ce que dit le récit.

tɔ́ŋ è nə̀ bə̀lɔ́ŋ, ngɔ̀m è nə̀ bə̀bòm

Tout cor son sonneur, tout tambour son batteur.

Àkútə ngɔ̀n ǎ bìsón òdən ngɔ̀n ǎ mìnà

La fille sotte raisonne, la fille vaine est menteuse.

Nànə́ Àsɔ̀mò à kɔ́bò à Mbiàŋ-Mànà-Àdà

Ainsi mère Asomo s’accompagne du Mbiang-Mana Ada

Èjɔ̀ŋ te mə̀ ngá jə́n ə́ sí Èngóŋ Àkùma…

Je vis donc à Engong, au pays d’Akouma…

Àmú mà wó’ó nǎ ñə́ à nə́ mòt ’mfùk,

Les « on-dit » rendent en effet l’homme menteur.

Mà jə́n nǎ ñə́ à nə́ bə̀bé àdzó.

Seul « je vis » 1 au récit donne l’accent du vrai.

Marie-Rose ABOMO-MAURIN

 


 

Notes:

1 C’est-à-dire « voir » avec les yeux d’un initié.