berceuse
Mots-clés
somali — oralité, littérature enfantine, hees caruureed, berceuse — Somalie, Djibouti ; fille, garçon, ammaanta, éloge.
Production du corpus
Les deux textes font partie d’un corpus de berceuses somali recueillies en 2001 auprès de femmes originaires de Djibouti et du nord de la Somalie. Les performances ont été enregistrées sur solliciation, mais en situation : la mère chantait la berceuse à son enfant.
Contexte
Plusieurs raisons peuvent motiver une berceuse. Certaines sont provoquées par l’état de l’enfant au moment où la mère chante et qui se rapportent à un besoin pressant de celui-ci tel que la faim, la soif, le sommeil ou la maladie. Dans ce cas, la mère s’adresse à lui et la berceuse pallie le manque ou fait patienter l’enfant.
La mère chante également à son petit alors que ses besoins primaires sont satisfaits. Dans ces instants de quiétude, elle parle de lui, fait son éloge ou dresse sa généalogie.
Enfin, à d’autres heures, elle s’adresse à lui pour lui faire des prières ; lui donner des conseils ; se plaindre de lui ou de son mari ; ou se mettre en valeur.
Les berceuses font partie du patrimoine culturel. Elles n’ont pas d’auteur connu. Chaque mère peut improviser quelques vers et exprimer son sentiment du moment. Il existe des variantes régionales, tant sur le plan rythmique que lexical.
Les deux textes proposés portent sur l’éloge qui est différencié selon le sexe de l’enfant. Dans le premier texte, la mère s’adresse à sa fille. Elle rappelle la grande proximité qu’elles partagent et combien cette dernière lui sera précieuse dans le grand âge et dans la maladie. Elle la nomme Mane, « conscience, esprit » ou Billa (de bil, « croissant de lune »), « luisante, embellissante », mais elle l’appelle également Wiilo (de wiil, « garçon »), « la garçonne », en grande partie à cause de la valeur accordée au garçon dans la représentation patriarcale.
Dans le second texte, la mère loue son fils sur des thématiques habituelles telles que la beauté physique, une généalogie irréprochable et des qualités de leader.
Ammaanta gabadha — Éloge de la fille
Maneey maneeya Maneey madadaaliyaaya Maneey magantii Allaaya Maneey Rabi mahadii ee ya Maneey maradaan sitaa ya. |
Ô Mane, ma fille, ma conscience, Mane, tu es celle qui me divertit et qui me distrait Mane, tu es ce présent d’Allah Mane, tu es celle par qui s’exprime ma gratitude pour le Seigneur Mane, tu es l’habit qui drape mon corps. |
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Billaay hooyadeed Billaa ya Billaay bilic gu ee ya Billaay abbeheed bokhraa ya barbaar badan o bahda ya bafti iyo shal wada hagoogan ka baylahayey ha odhanin. |
Ô Billa, toi qui embellis ta mère, Billa, tu es pareille à l’éclat de l’été Billa, toi que le père a placée sur un piédestal, parmi la jeunesse nombreuse de ta tribu drapée toute de blanc, leur châle sur les épaules, ta présence ne doit pas faire défaut. |
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Naa waxaa wiillowda lahayo naa waxaa loo wada wareeray naa waxaa loo waalanaayo naa adaa bilisooy i maydhi naa adaa huga igu hagogi. Haddaan wadka kaa karayo haddaan Rabi kaa helayo naa adaa wiilooy wanaagsan. |
Fille, on a beau toujours souhaiter un garçon, fille, on a beau être tourmenté pour ça, fille, on a beau perdre la tête, ô ma fille, c’est toi qui laveras ma dépouille (le moment venu), c’est toi qui mettras mon linceul. Si je peux te protéger de la mort, si le Seigneur peut m’accorder ta présence, ô ma fille, ma garçonne, tu demeures ma préférée. |
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Waxaa gabadh gud madowle Waxaa waranli iyo wadaada Waxaa wiil timacad jooga Naa aduun bay igala wanaagsan Hooyo dabeyl iyo dhahanta jiilal Hooyo adaan dugseey ku doortey |
Parmi toutes ces filles à la chevelure de jais, tous ces guerriers, ces religieux, ces jeunes gens aux cheveux cendrés, ô ma fille, tu demeures ma préférée. Fille, quand souffle en rafales le vent froid de l’hiver ma fille, mon abri, c’est toi que je choisis. |
Ammaanta wiilka — Éloge du garçon
Waar Guntane geeraar ma joogo Waar geyiga geeraa dhameysay Waar siddi suugaan la duubay Waar amma surrad wada xariira Waar sargooyo wanagsanoowa |
Fils, Goutaneh l’instant n’est pas à la poésie Fils, la région est ravagée par la mort. Fils, Comme une jolie natte qu’on a roulée Fils, ou un revêtement mural entièrement soyeux Fils, tu es merveilleusement bien bâti. |
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Waar xariirta iyo shiidka suuqa Waar si loo wada ibsan maayo Waar sac dhiina iyo saanta geela Waar haddii aqal lagu siyaabo Waar si lo wada daawan maayo |
Fils, la soie et un banal tissu Fils, ont-ils la même valeur sur le marché ? Fils, Si pour ornement d’intérieur Fils, l’on accrochait côte à côte la peau pourpre de la vache et celle d’un camélidé [terne]. Seraient-elles appréciées de la même manière ? |
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Waar sidi dayax daleexiyo wa Waar sidi daah la hadhsado wa Waar sidi diin lagu dhaqmo wa Hooyo daruraha xamaar guyo wa Waar dareemaha Cali dablo wa |
Fils, tu es comme la lune cheminant dans la nuit ou à la manière d’un rideau qui abrite du soleil ou d’une foi que l’on pratique ou les gros nuages durant la saison des pluies. Fils, tu as le tempérament d’Ali le fougueux |
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Waar gudida geedka u tago wa Waar guntiga feedhaha gasho wa Hooyo ma jabee jaleelabsho wa Waar gabdhaha jiidho jabsho wa |
Fils, tu participes aux palabres des sages sous l’arbre, tu attaches solidement ton pagne autour de tes reins. Toujours robuste, toi qui rudoies et que personne ne peut molester Fils, tu brutalises et malmènes les filles. |
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Bilow waar Bilow Bilow habartii Bilow wa Waar bahdooda biiriyo wa Waar adaa laba dhaalad dhaxdod ah Waar adaa laba dhool horaad ah Waar ada laba dheef dambeed ah Waar adaa dhuux iyo laftii ah Hooyo adaa lagugu dhici karaynin |
Bileh ô Bileh, tu es comme un astre pour ta mère. Fils, par ta présence, tu augmentes le nombre des tiens, fils, tu es le fruit de deux êtres nobles, tu as l’éclat de deux incisives centrales tu as la générosité des mamelles de la vache tu es l’os et la moelle (authentiquement noble) fils, tu es celui qu’on ne peut attaquer de front. |
Fatouma Mahamoud
Corpus inédit, © Fatouma Mahamoud 2019