Jammooje na’i – Allaay Jallo mo Konsa / Éloges aux bovins – Allâye Diallo de Konsa

 

Mots-clés

peul, fulfulde de Mâssina, Mali — oralité, poésie pastorale, jammooje na’i, éloges aux bovins — degal, fête de retour de transhumance.

Production du corpus

Enonciateur:  Allâye DIALLO de Konsa.

Contexte de production: Enregistrement effectué à Oummere : hameau près de Konsa, lors du degal de Wouro-Dialloubé (fête de retour de transhumance), le 14 / 02 / 1973.

Récitation sur un rythme combinant ressources respiratoire et intonatoire, pendant que le troupeau défile devant les villageois attroupés et devant un jury qui prime le plus beau troupeau.

L’enregistrement dans ces conditions étant impossible et le berger n’ayant pas alors le temps de déclamer la totalité de son poème, il a été effectué à la veillée précédant la fête, alors que l’auteur s’exerçait en une ultime répétition devant ses camarades.

Descriptif

Poème composé par le jeune berger dans la solitude de la transhumance pour être déclamé en public uniquement lors des fêtes pastorales annuelles comprenant défilé des troupeaux et concours des plus belles bêtes ; chaque berger y fait montre de son savoir-faire pastoral et de son talent poétique en clamant son œuvre tandis que défilent ses bêtes. Une fois adulte et marié, il abandonnera transhumance et poésie. Cette performance apparaît comme un exercice culturel associant les deux compétences constitutives de l’identité idéale peule : élevage et langue. Les caractéristiques de ce « genre » poétique reposent essentiellement sur les jeux phoniques ; le sujet, commun à tous, est sans surprise : la longue marche du troupeau en quête d’herbe et d’eau, l’environnement traversé, la description des bêtes… toute la recherche porte sur la musique des mots avec, outre toutes les figures de style y répondant, un souci permanent : créer une combinaison d’allité-rations dont se dégage une allitération dominante qui cède peu à peu à une autre, par un jeu de tuilage, de façon que l’enchaînement des syllabes crée une impression de continuum ininterrompu ; impression auditive qui fait écho à l’impression visuelle, chaque mot pouvant par ses phonèmes en générer d’autres proches et différents, tout comme chaque vache suivie de son petit, offre une palette de couleurs et de taches à la fois proches et différentes.

Ce poème compte 766 vers (brefs pour la majorité). L’auteur se situe d’emblée dans la compétition du degal, en brocardant ses rivaux et en louant de façon souvent amphibologique l’une ou l’autre de ses bêtes (ou lui-même) ; la pratique de l’allusion et du sous-entendu rend souvent la traduction peu claire.

Collecte et édition

Collecté sous la direction de: Christiane SEYDOU

Transcription: Almâmi Maliki YATTARA et Christiane SEYDOU

Traduction : Christiane SEYDOU

Références

SEYDOU Christiane, 1991, Bergers des mots, poésie peule du Massina présentée et traduite par… [Classiques africains 24], Paris, Les Belles Lettres, 360 p. [bilingue – distribué par Karthala].

SEYDOU Christiane, 2010 – « Voix et mots. Poésie pastorale des Peuls – Mali, in Claude Calame, Florence Dupont, Bernard Lortat-Jacob, Maria Manca (dir.), La Voix actée, pour une nouvelle ethnopoétique, Paris, Éditions Kimé, pp. 231-243.

 

 

 

 

 

Jammooje na’i – Allaay Jallo mo Konsa / Éloges aux bovins – Allâye Diallo de Konsa

 

 

Keɗee faa mi gaajanoo on gane Écoutez, que je vous entretienne à ma façon
ko Garakoy 1 waawaa en quoi sont bien incapables les Garakoye 2 :
garci letti mbaawaa bétail broussard bigle des cornes 3, incapables,
gane-wowle mbaawaa jargons et javanais 4, incapables,
ga’i Kumaasi mbaawaa taureaux de Koumassi 5, incapables,
kumorɗi sigi mbaawaa porteurs de grigris en ceintures, incapables,
cigaati cayti mbaawaa bêtes marquées de trois traits 6, incapables,
jahooji Pooba mbaawaa. bêtes qui vont à Pôba, incapables !
Mbaayɗiron e baawe Faites amis avec oies d’Égypte !
banal yarii sewnde Grand-Noir-de-Jais a bu à une source
baagal jaɓɓoo sewndu Grand-Ventre-Blanc accueille brise
ƴonngo senngoo balaaje. et bosse épouse épaules 7.
Hee ! Mi seerii e durooɓe kunndu Hé ! J’ai rompu avec ceux qui font paître dans tiges à mélasse 8 :
kuɓɓu caayewal grosse suée pour Grand-Ocre-Cuivré,
dotte na’i hono cemmbuuje 9 croupe des bêtes comme harpons de pêcheurs
bucce keɓii ɗo ceŋoo pneumonie a trouvé où s’ancrer
keeƴe keɓii ko njookoo ictère a trouvé où prospérer
njoowtu heɓii ɗo fiyee ! sommeil emmitouflé a trouvé son temps 10!
Pinee tampere mon warii ! Réveillez-vous, le moment de vous donner du mal est venu !
Nanee, on kersii Entendez ! Vous vous déshonorez
cettoowoy noori pauvres types qui passez la saison sèche sur les levées de terre
caɗe caɗe taaya yonki ! et salut, salut ! pusillanimité !
Cetton kaanibeeji Taillez des plumes
kaaldon e moodibbaaɓe consultez des marabouts
moomton na juruuji accumulez longs turbans torsadés
njukkinee mbasoy mon : bourrez bien vos sales sacoches :
baakaaji nafataa on amulettes en ceintures ne vous serviront de rien
talki tanantaako on ! talismans vous seront sans effet !
Tarsina-wippa’en Campés ferme et, à tirer fort
taata wiifa à glisser et ahaner,
on keɓii no njuwron talli ! vous avez de quoi enferrer silures !
Demɗe na’i mon taayii Langues de vos bêtes ont fondu
on torrii on paaran. à les faire souffrir vous boirez lait mouillé.
Kelii paali maɓɓe Ont brisé leurs calebasses
lawƴoowoy palan ! 11 les pauvres laveuses de petit seau !
Hoɗun ? njiɗo mon Paali Alors quoi ? Votre amoureuse est Pâli
cena 12 mon Paarumata ! et votre amour, Pâroumata 13 !
Paareeje e dotte mon Grands harpons 14 à vos fesses,
pa’aay ɓiltaade ! n’êtes pas sur la bonne voie pour vous libérer !
Binndi mobbo mon penii Écrits de vos marabouts ont failli :
biiwe na’i mon paaɗii vos bêtes ont filets bien étriqués,
bire na’i mon njaltii. et côtes saillantes.
Koy njarrataako durde Malheureux qui n’acceptez pas de mener les bêtes en transhumance
on ngaɗii ɗi duubule 15 : vous avez double échec :
mbaawaa ngorgu incapables de courage
mbelaa gondal ! et privés de bonne compagnie !
Nyamminon ɗi golɓal Nourrissez-les de mauvaise herbe baïonnette
banŋe cuuɗi Gorowal près des habitations de Gorowal
kulii golwole Dagaaɓe où ils redoutent attaques des Dagâbé 16 ,
kulii weendu Daaji redoutent lac de Dâdyi,
kulii daande Kooba. et rive de Kôba.
Mi kutiiɗo ɓe ndunngu Koyram Je ne leur fais pas confiance pour passer l’hivernage à Koyram
korsol Koraaru ! ni premières pluies au Korârou !
Koode nyaara jemma étoiles filantes strient la nuit
koolɗe kaɓa e karaaje sabots luttent contre latérites
kofiingal daande un grand (taureau), cou courbé,
korfotoongal se leloo qui se recroqueville quand il se couche
leemngal e cuudal élégant en son allure
leemtaral e cuuɗi ! mais guère en ville !
Ga’i ɓami cuse mon Taureaux ont flairé vos effluves
jokolɓe cuusaa yaade jeunes gens n’osent partir
curiya jamtataa ma « patati » ne vous sauvera pas
cariya immintaa ma ni « patata » ne vous mettra sur pieds
kanaa caalo-ɗon à moins que vous ne calmiez
duroowo caygal le berger de Grande-au-Ventre-Tacheté
nabbidoowal e cayle qui fait montée avec oies armées
duroowal e caabeeje. et pâture dans jachères.
Dow wuldii doobe En haut il a fait chaud avec les outardes
kenel iwrii Dorooji vent léger est venu depuis Dorôdyi
kiikiiɗe amen Dooko et notre soirée à Dôko
ɗi pindii e doobe bêtes se sont éveillées avec outardes
njardii e donndorgaaji. et abreuvées avec éléphants.
Durngol wanaa ndonndu Conduite de troupeau n’est point course
sariya 17 wanaa doole. ni choix du jury verdict sans appel.
ƴonngo doboo sooro Bosse à hauteur d’étage
sollewal bagi longue pièce de cotonnade
someere buugaali bande de tourterelles
sokeere burre buisson de gardénias
bunel haange Petit-Gris-Tourdille de jeune génisse
pellel burdameeji. Petit-Pelote-au-Front des bêtes touarègues.
Ɓe mbi’a kam Buubu Arɗo Galo Ils m’appellent Boûbou Ardo Galo
gaawe mbaccee 18 lances sont à l’épaule
gardiije concee fusils sont chargés
cuucee 19 Pullo caayewal ayez courage pour affronter le Peul de Grand-Ocre-Cuivré
dee morso ngoo hoondii car amorce s’est enflammée
collawel moorii petit nuage de poussière a fait torsades
morre faa na iida ! et balles sifflent !
Homtoo hoore takisi 20 Avec plaisir Capot-de-taxi 21
taƴii kuɓeeje a passé cantons
taƴii Kulkaraaje passé les Koulkarâdié
taƴii boowal Kuntasey passé les terres de Kountassèye 22
nanii bawɗi Awgunndu a entendu tambours à Awgoundou,
taƴii gurtuuji 23 a passé pistes
taƴii guume Hawsa passé arbrisseaux du Haoussa 24
taƴii gurnye mbeela passé les abords piétinés du grand lac
taƴii weendu Gunci passé lac de Gountyi
Guna e beelal. Gouna et son beau lac.
Beete Beewlaka Au matin au Bêwlaka
ɓen woni wiinde Sigiire ils sont au vieux campement de Siguîré
sikke fuu mi waɗaali aucun doute de ma part,
siido fuu mi haaldaay ! ni aucune plaisanterie !
Garol ƴewle sinima 25 C’est venir pour un spectacle de cinéma :
sirifiijo debbo une femme chérif
e debbo joom jallal. et une femme lancier 26 !
Jaayɗo waɗataa ko jantetee Bon à rien ne fera pas de quoi être célébré
wi’an jannde ana naawi dira qu’étude fait souffrir
wi’an jaleeɗe ana kaamni que rires sont lassants
wi’a demal ana kala 27 ɗum travaux des champs, embarras
durngol hono kasu 28 ! et garde de troupeau, quasi prison !
Kaariyante Suudan Ascète du Soudan
kaŋŋe suuwi baale or, roi de sa classe d’âge,
ceeɗu oo suurtii saison chaude fume de chaleur
suuynooru hootii pisteur rentre au bercail
suɓɓere suume ndooraawu vache blanche à pois, beau mouton
hee ! ɗi ngaɗii ndoondo hé ! Ils ont fait merveille
Ndoosugile bammbarawal : au gros bourg bambara de Ndossouguilé :
ndoƴƴii aayado’en 29 en sont tombés sur leurs fesses les « arrêtez-vous ! » 30
kulii aayado’en ! ont eu bien peur les « arrêtez-vous ! »
Ndoomon na hoore mon ! Gare à vous !
Ndoondo-ɗon kulle mon Chargez vos affaires sur vos têtes
kuuro-ɗon e haganyo et allez vous tapir dans le regain d’herbe
hakkundeewo ndunngu du cœur de l’hivernage
nduron e karaaje menez en pâture sur terres nues
kaaldon e sungurubaaɓe 31 bavardez avec putains
lamndo-ɗon suudu nyegeere 32 enquêtez-vous des chiottes
faa mi bonsinoo 33 kaananke 34 baale et j’irai enfin saluer le roi des classes d’âge
illa karooji pinaay avant que grandes antilopes ne s’éveillent,
kakkulleeje kaalaali que canepetières ne caquètent,
kanuuji Suudan et fusils du Soudan
suuɗataa on ngoonga. ne vous cacheront pas en vérité.
Sukulla walaa e banal Point de souci avec Grand-Noir-de-Jais
duule cuurta baade nuages poudroient de pluie
baasi walaa Dirma rien de mal au Dirma
banndam walaa e ngeenndi n’ai point de pair dans le village,
kanaa banel ngaari saaje n’était Petit-Noiraud taureau de La-Fanon-Blanc
samaari ngaari saaye Jeunot, taureau de La-Cuivrée
durngol wanaa sayla ! garder un troupeau ce n’est pas rien !
Sawra Saygalaare ! Patience, Saygalâré 35 !
Mi saytoo baaɗe (attends que) je rafle des lances
mi sayfin licce maa. et éparpille tes haillons !
Kori kooti ŋataay Tiques n’ont-elles pas mordu ?
kori koppi mon naawaay N’avez-vous pas mal aux genoux ?
kori koolɗe mon colaali Vos ongles ne sont-ils pas déchaussés ?
coorotookoy e daaka Pauvres diables qui vous glissez dans bivouacs
contotookoy kandeeje qui butez dans paniers
conkotookoy wusuleeji 36 êtes à court de poissons fumés 37 ,
sella on nanaay hooreeji ngaɗii hoolo ? dehors n’avez-vous pas entendu l’écho des bêtes de tête ?
Hoore na’i waɗii hootonnde Peloton de tête s’est mis en cercle
oɗon mbi’a mobbo jaɓanaaɗo vous diriez qu’un marabout approuvé de Dieu
hawrii e jamaanu est tombé juste à ce moment ;
jamngel Petit-Fer
jaddal Grand-à-Queue-Coupée
jankama 38 qui parade
jamalal sukaari Grande-Diamal, taurillon
ndi wanaa jam qui n’est pas de tout repos
ndi tuɗɗii jabe qui a vidé balles du fusil
taƴii jamɗe a gagné tout le monde 39
jaayoowal ɗo jaɗɗi qui va bon train où c’est rude
jardoowal e baɗɗi s’abreuve en compagnie des cobs,
fedde Bara Bookum est du parti de Bara Bôkoum 40
Damana Boyna ! Damana Boyna 41 !
Boɗeeji ceeɗu tooke Bêtes baies à la saison sèche, poison 42 !
mi warii faa mi tornya on Je suis venu pour vous mettre à mal
mi toonya on vous tourmenter
mi waɗa on toonƴe ! vous mettre muselières d’épines !
Mi ittii on e darnde mon Je vous ai délogés,
mi bonnii darja mon j’ai ruiné votre renom
darapo 43 wunaawe daande drapeau 44 à Celle-au-Cou-Gris-Tourdille
dargi e nyaawe daake ! bêtes à balzanes et La-Tiquetée-Col-Blanc !
Ɓe ndaɗaali sarri ! Ils n’ont pas échappé au malheur !
Samaari bunal Jeunot de Grand-Gris-Tourdille
sanngu dumaare felle et Géante-Ibis-Pelote-au-Front
ƴoyɓitaaki fenyaango n’ont même pas sursauté au coup de tonnerre
njoppali feren 45 n’ont pas freiné
kulaali feeto 46 ! n’ont pas craint la fête !
Se nyawlii ɓe nyaaran Quand soleil sera haut, ils s’égailleront
nyalaande Kubay au jour de Koubay,
nyalaande kursi 47 au jour de course
faa noori na’i kulsii au point qu’échines des bêtes se sont écorchées
huɗo fuɗaali noori herbe n’a point poussé aux buttes
huɗo wuurtaali; herbe n’a point repris vie ;
illa ɗi poorii 48 depuis que bêtes ont forci
ɗi potaay e cokaaɗi elles n’ont point égalé celles marquées du sablier 49
iriiɓe colla. des hommes ensevelis sous nuée de poussière.
Alla surane suwtoraade Jalluuɓe Dieu te préserve de t’extraire de Dialloubé
sititirowa Jaaka pour aller traverser de part en part le Diâka
to se neɗɗo wi’ii yoortinan où, si quelqu’un a dit qu’il restera sans traire,
daande mun yooran il aura gosier sec,
nagge mun yooyan sa vache se traînera, épuisée,
nyallan dorbeede passera le jour à marche forcée
waalan dooseede. et la nuit liée au piquet.
Naange doonyal Soleil de Grand-à-Liste-Oblique
ana doomtiri on dow vous attend sur les hauteurs
Dorooji wi’ii ndi dooral Dorôdyi l’a appelé Grand-Mouton-de-Dôri,
Doogani wi’ii ndi doobal. Dôgani l’a appelé Outarde.
Coo ! Ndi diraali Doorawol Bravo à lui qui n’a pas évité le Dôrawol
horaaki dooceri ni laissé en paix petit troupeau dôtiéri
lobbal ko doylotoo (lui,) si beau dans sa démarche fière,
pamaral ko doonyotoo ! si rarement hors du rang !
Dosooji mardii doole Gros taureaux sont pleins de force,
dow too ana nyaaɗi en haut, c’est fort rude
leembol walaa e leydi ! pas un brin d’herbe au sol !
Lettal tamii leeke Gros-Bigle-des-Cornes a bajoues en boules
hoore lelnataaki mais ni tête basse
leere 50 ƴeewataaki ! ni regards en l’air !
Leɗɗe faa na naƴƴa Arbres craquent de sècheresse
jennga mi natoo e hoore dumaral. au cœur de la nuit je prends la pause 51 devant Grand-Ibis.
Doondiiɗi duule Bêtes couronnées de nuages
duuɗe burre aux îles aux gardénias
balamawal bugeeji Gros-aux-Épaules-et-Dos-de-Bougués 52
kumandaw 53 dargal Commandant de Grande-à-Balzanes
Kumaasi baagal pellal Koumassi 54 de Grand-à-Ventre-Blanc-et-Pelote-au-Front
Perzidan permyer kalaasi 55 ! Président de première classe !
Hee ! Ɗi kalii jawle Hé ! Ils ont barré la route aux troupeaux
solleeji bagi 56 des longues pièces de cotonnade 57
baaraaɗi Kommbo bêtes blanches de Kombo
puneeji korodi jumelles aux yeux d’albinos
ɓaleeji koolɗe aux sabots noirs
oorii konu sont parties en guerre
anndaa kodi 58 ignorant les « qu’est-ce ? »
mbarii konne ! et ont tué l’ennemi !
Alla kute e Mayra Hamma mo Koorooji Qu’ait mépris de Mayra Hamma des Kôrôdyi
baagal kofiindi ! Grand-Ventre-Blanc à la bosse busquée !
Koowƴol tuutataake Collation pas encore prise,
konne ɓiltataako et, de l’ennemi, pas encore libérés
komo-ɗon e karaaje. vous restez campés sur terres sèches.
Kanuure bunal yoordi e kanndi Pis de Grande-Gris-Tourdille n’a plus de colostrum
kammu nanngii kama ciel a pris tout l’horizon
kayeeji naatii kawla taurillons sont entrés en retraite
piyanaama kawaati pour eux a été consultée table géomantique
kaaɓal suŋlaali lassitude ne leur fait plus souci
suraali baasi. mais sans apaiser tracas.
Baylel e baagal sukaari Petit forgeron avec Grand-Ventre-Blanc taurillon
bareewal e cirgal balaaje Grand-Blanc et Épaules-Tachetées,
taƴii baafe a coupé à travers lianes à latex 59
taƴii wulaare coupé à travers brousse sauvage
taƴii noore wune coupé des siens La-Gris-Tourdille-à-l’échine-Tachée
wuyii hoore il a tête hirsute
wulii sawru bâton rapide
wuldinii e jokolɓe a eu démêlés avec jeunes gaillards
wuynii ƴonngo waage woɗe a hérissé poils à la bosse de la Baie-à-Ventre-Blanc
woɗe heewnge owre Baie si impressionnante
ooranaange Diina pour qui on est parti en campagne à Dîna
dimmboowe gaawal. et qui agite grande lance de guerre.
Giɗo heɓii ko gaajoo Ami a eu de quoi deviser
ganyo heɓii ko garnyoo et ennemi de quoi se démener pour réduire à merci
gabbi maayo Gara hippopotames du fleuve Gara
e maagana saago 60 !! et paroles à volonté 61 !!
Mi sawndoo saayeeji 62 Je vais aux côtés de vaches ocre-cuivré
giɗam sanngu baale mon amie, géante des classes d’âge,
mi barkinii Peepa je dis merci à la grande plaine de Pêpa
beeboowal bereeji Grande-aux-Cornes-Éployées des championnes
beenyaaɗi becce aux larges poitrails
beeɗaaɗi loorde 63 . qui ont tous les suffrages.
Loowle nawal Pawal Fin de saison froide à la grande mare Pawal
Paali Abduramaani Pâli Abdouramâni
Seeyni (Hous)Seyni
Buukari Boûkari
Impa Impa 64
ɓoylooɓe pa’aaje sont gens qui encordent harpons 65
woytortooɓe weccirde réclament écope à grands cris
wosortooɓe gabbi se protègent des hippopotames à coup de formules
tuufirooɓe gaande. font pièges avec herbe flottante.
Gataaji ngan-mi ga’i gabbi Aux premières pluies je fais des taureaux des hippopotames !
Jaabal mo dannyeere Jaaka Diâbal 66 , de la berge du Diâka
jamaanu jamale wuule à l’époque de la Diamal-à-Liste 67
Bammbiya bala-wune Bambiya, à la Gris-Tourdille de la tête à la croupe
e bammbitiingel walaa sutura. avec un petit descendu du dos de sa mère sans vergogne !
Hee ! Suudu on helii Eh ! votre famille est brisée
suuna mun yaltii ! et en a l’anus dehors 68 !
Mi yarnataa ɓe kanndi Je ne leur donnerai pas à boire du colostrum
ɓe karminii kaaɗam ! ils ne se permettent même pas du lait caillé !
Kaari mon e ngattu ! Pauvres de vous, vous êtes K.O. !
Kaaru waage woɗe Talc de la Baie-au-Ventre-Blanc,
kanndi mun yarataake son colostrum ne sera pas bu
daande mun ƴaɓɓataake ni son cou dépassé
sakkataake hariima pacage communal ne lui sera point fermé
nanngataake hatey 69 ! elle ne sera pas saisie, pour sûr !
Hikka harƴii Cette année a été rude 70
sole harroo La-Tavelée s’emmêle les pattes
jamaa hawra le monde s’assemble
Kubay hawii Lawru Koubaye 71 a eu le dessus sur Lawrou
e Lajine e laamu Cooci. et la Guinée et le Cercle de Tyôki.
Coli piccaaɗi conndi kannye 72 Tavelés (sont) comme saupoudrés de poudre d’or
kaabusuuji 73 naawɗi kaɓorɗe. et pistolets 74 nocifs aux autres armes.
Sofii gaandal On a cueilli tiges d’herbe aquatique
soortii gaawal tiré lance de guerre
mawɗi Gana les grands (bœufs) du Ghana
garci Kommba bêtes en brousse au Komba
gardiije Gaysunngu fusils de Gayssoungou
gaawe Silaamaka lances de Silâmaka
sirri woodii Palkarana moyen secret est à Palkarana 75
hoggo ley loowi kaaƴe parc dans grottes des collines
loowanɗe kaaɓi un plein de génisses
looci lommbiiɗi balaaje arceaux au beau milieu des épaules 76
bamaange siinge baali La-Marron-Nègre (des moutons 77 ) à l’oreille incisée 78
banndun walaa e jawle. n’a pas sa pareille dans les troupeaux.
Jaadam Donngoro Mon compagnon de route, Dongoro,
dookere 79 oole doonye petit troupeau de La-Fauve-à-Liste-Oblique
banndo Boolo Boososo frère de Bôlo 80 de Bôssosso
wanaa bo’e ca’aaɗe il n’y a pas de carpes grillées
wanaa bolol fewde cayngel pas de rue menant droit à un petit acacia
jawaasi doonyel canicule pour le Petit-à-Liste-Oblique
lobbal Dorooji Grand-Beau de Dorôdyi
doobe ɗee kuyii outardes sont pleines d’entrain
doori kulii. et moutons pleins de crainte.
Kubiyaa’en Chez les Koubiya
kumaaɗi Nyooro bêtes bloquées à Niôro
nyoro finii crispation est advenue 81
fiinde waɗii ce fut le signal :
finaaje gite yeux cernés de khol
fiiliinge luwal Celle-aux-Cornes-en-Couronne
findii e jayaaba s’est éveillée pleine d’allant
jallal waage woɗe sagaie de La-Baie-au-Ventre-Blanc
jamaanu sayge wune époque de La-Gris-Tourdille-aux-Fanons-Blancs
jam waawii baasi la paix a eu raison du mal
Bakkay waawii Bara Bakkaye a eu raison de Bara
alsilaame waawii keefeero et le musulman du païen
kelte ɗee ngalaa baasi fusils 82 n’ont pas eu de mal
baɗɗi ɗii ngalaa baawo cobs n’ont pas de maître
baagi ɗii ngalaa nanndo et Ventres-Blancs sont sans pareils
nataaɗi bire ont flancs luisants
binndaaɗi buse cuisses marquées de signes
njiiɓii buru se sont mêlés à querelle
njirgitii butel 83 bien frottés de remèdes en bouteilles 84
kawrinii burusu 85 . se sont rejoints en brousse.
Kute e buulal Maasina ! Qu’on ait mépris du Grand-à-Liste du Massina !
Mafere jamaa Une brassée de gens assemblés
maƴere kammu éclair au ciel
yabere kaabusu balle de pistolet
kawrii e Pullo mo hulaali wote 86 ont trouvé là un Peul qui n’a pas craint le vote
Pullo mo dogaali wolde un Peul qui n’a pas fui le conflit
ceenal wojja-Dagaaɓe au grand sablon, rouge des (tentes des Touaregs) Dagâbé,
mbi’a kam : « Pullo danewal ils me disent : « Peul de Grand-Blanc
Pullo daake Peul de Celle-au-Col-Blanc
dara faa min njoowte arrête-toi pour que nous te donnions le salut
min njooɓe sirri et, pour provisions de route, le secret
min nelda e Siidibe que nous envoyions dire à Sidibé
anta silaamu que tu es en paix
a naarraali siido que tu ne t’es pas engagé par plaisanterie
a hollii min sinima et nous as montré un vrai cinéma !
waage siinge La-Nègre-à-Ventre-Blanc
siinge sigaange saaye La-Nègre-aux-belles-formes, La-Cuivrée
saddaange luwal à la corne joliment décorée
sakalaare jamale une à robe diamal comme couverture
sanngu waage woɗe ! » géante de Baie-au-Ventre-Blanc ! »
—« Wote min kawii — « Au vote nous avons eu la victoire
wolde min ndoomtii et l’affrontement, l’avons attendu de pied ferme
Ndoondo kaa min mbaawii et à Ndondo avons eu le dessus.
laa kala silaami 87 Portez-vous bien !
laakara durooɓe L’autre monde aux bergers
laasara cayngel ! l’après-midi au Petit-aux-Fanons-Blancs !
Nambara 88 nafataa Tricherie ne servira de rien
sannda sakkataako entourloupette n’arrêtera rien
Sammba e Sagada seerii. Samba et Sagada sont en désaccord 89 !
Seeleeji bereeji Belles bêtes vraies championnes
seeleeji Attara belles bêtes d’Attara
Aadama Arɗo d’Âdama Ardo
aamaral jokka Grand-aux-Flancs-Colorés suit
joy jorondirɗi 90 bêtes des cinq régions accolées 91
binndanaaɗi Joona pour qui on a écrit (des talisman) à Diôna,
so ngoɗɗike kam kuyon loin de moi, soyez pleines de joie
so ɓe njottike kam kulon ! mais près de moi, pleines de peur !
Faa kanaaje colti Bientôt lavognes ne sont plus que terre humide
kersanaaɗi korsol et bêtes humiliées par les premières pluies
njoordii e kanndi n’ont plus de colostrum
njowii beɗel kannye ont accroché médaillon d’or
kaanibol kawaati 92 plume pour écrire signes cabalistiques
moodibbal kawla 93 grand marabout en retraite spirituelle
imma en kaɓaama debout ! Nous avons été attaqués !
noota ɗi kawii Réponds ! Elles ont eu la victoire !
ɗi kawrinii jamaa Elles ont réuni foule
jannjereeji kulee. festivités pastorales sont redoutées !
Nyaamooji kuymbe Bêtes qui paissent souches d’herbe des mares
kulɓiniiɗi sariya. sont effrayées par le concours.
Sadaka nafataa o Don ne lui servira de rien
saara suurantaa o. parenté ne le protègera guère.
Suɓɓere kalii jamaa Un pois (sur la robe d’une vache 94 ) a immobilisé la foule
tampii sultii walaa fatiguée et sans répit,
suudu haala warii est arrivé un flot de paroles 95
belooji jiɗo aux bêtes belles, favorable
bemmbooji ganyo aux stupides, défavorable
belɗi gaajanaade les agréables sont objets de conversations
gacce ngalaa e ndewru il n’est point de reproche entre proches
ndenndoori walaa e sariya point de lutte ludique au concours
sappotooɓe ndogii ceux qui se targuent d’exploits ont fui
sakkotooɓe celii ceux qui font obstruction ont quitté le terrain
fottooɓe mon kersii et vos concurrents ont connu la honte
« taanun wartii Tule-Buule e Unnduɗe-Buule à « Son petit-fils est revenu à Dunes-de-Boûlé 96 et Pilons-de-Boûlé
Kaaƴe-Buule Boƴi-Bugaali-Buule » Collines-de-Boûlé, Pleurs-des-Tourterelles-de-Boûlé ».
Jaljallo Booni nanii Dialdiallo de Bôni a entendu parler
Jalluuɓe Nyaŋay nanii Dialloûbé-du-Gnangaye a entendu parler
Jalluuɓe Uuruuɓe duuɗe nanii Dialloûbé-des-Oûroubé-des-Îles a ententu parler
ko duudetee e ndumaari des rudes discussions sur Taureau-Ibis,
peesotooɗi duule sur les bêtes qui savent évaluer nuages
permooɗi 97 kala barrent la route à tous les autres
kaasaaɗi e kollaaɗe sont bien fourbies sur les plaines
kofiiɗi balaaje. ont belle bosse aux épaules.
Daɗii sarri naange waage oole A échappé aux périls du soleil La-Fauve-au-Ventre-Blanc
naangeteeɗi ceeɗu bêtes prisonnières de la saison chaude
njiidataa e cewle ne rencontrent pas aux sources
selaaɓe cefal Kurmaari les gens séparés du gros troupeau de Kourmâri
kumanaaɗi buba bêtes bien préparées pour la canicule
burgu hootanii nooral buulal le bourgou a repris pour Le-Grand-à-Liste-et-Tache-sur-Échine
bumaangal sawtii. fleur de mil a fait épi.
Lobbel saraanga Pour la bien jolie d’un beau troupeau uniforme
saate salii le malheur a échoué,
e tokora banel Sammba pour l’homonyme, Noiraude, de Samba 98
saage nge sanaali et Longue-Liste-et-Fanons-Blancs qui n’a pas fondu
kaanibol salaaki la plume n’a pas été vaine 99
mi sarsii 100 ko santataa j’ai chargé (un fusil) qui ne s’enraye jamais
sappo e jeeɗɗi dix-sept
jekuure taƴii lances barbelées se sont brisées (sur moi)
gaawal taabiima lance de guerre s’est incurvée
binndi bulanga taayii écrits ont fondu comme beurre de karité
moodibbal Lawru tampii le grand marabout de Lawrou s’est donné bien du mal
talki guri tamaaji ! avec amulettes en peau de silures !
Mi doomataa faa taaɓoo Je n’attends même pas que fassent un pas
tati ɓurɗi lenyol les trois meilleurs de leur lignée
leemɗi ɓurɗi siman 101 plus beaux que ciment
wanaa siido durdaa ce n’est pas une plaisanterie que d’être leur berger
wanaa sikke winndiraa il n’est nul doute dans ces écrits
sikke walaa maayde goonga il n’est pas douteux que la mort soit chose vraie
golle ɓuri haala agir vaut mieux que parler
seemeneeji grigris au-dessus du coude
seesereeji grigris au bras
binndi Seeku talismans de Cheikh
senngo nooral caayewal au flanc de Gros-à-échine-Tachée-et-Flancs-Tachetés
cuppitii candal ont permis de relever le défi et même plus !
carsii jabe ont chargé les balles
permitii jamɗe et ouvert la porte aux armes 102 .
« jaa ! » hootanaay Jallo ! « Pff ! » n’est pas revenu à un Diallo 103 !
Jaadam banel Kummba Noiraude Koumba qui m’accompagne
naange dumare saaye soleil de la Vache-Ibis-au-Ventre-Moucheté
sanngu baale woɗe ! géante des classes d’âge La-Baie !
Wolere 104 jolol Valeur à la traversée
wowru joltere mortier au retour 105 .
coo ! Ɗi ngaɗaali lommbi Bravo ! Les bêtes n’ont pas été mises au milieu 106 ,
lorraaki baafe n’ont pas eu à recourir aux fruits de bâfé 107
lownidaay e baaɗi n’ont pas passé la fin de la saison froide avec les singes
doomtiraaka baasi. n’ont pas été attendues par le malheur.
Baagal yoortii Grande-au-Ventre-Blanc a son lait tari
balaaje teddii et épaules épaisses
saaje terkaawe La-Beige-aux-Fanons-Blancs
e suume teɓaange avec La-Blanche-au-Mufle-Bleuté à l’oreille incisée 108
maɓɓii teeleeru a surpris un petit berger solitaire 109
yanii e teenoowo. est tombé sur quelqu’un qui ramassait du bois.
Bara Allaay Bara Allaye 110
baanyewel Wuro-Aali ! pauvre berger de Ouro-Âli !
Ɓe cenninoo ɗoon Ils avaient passé là la saison chaude
hoccanii cililliije il a pris leurs œufs aux canards sauvages
mo ciraaki na’i mun cigaaki. lui dont la zébrure de ses vaches n’est guère seyante 111 .
On kirii ɗo on kewtataako Vous avez envié un lieu qui vous est inaccessible :
paawal selii seekii « grand trou scindé en deux branches
gasel selii seekii petit fossé scindé en deux branches »
semmbereeji Senndege forts troupeaux de Sendégué 112
taaniraaji Seyni descendants des troupeaux de Seyni !
Aamadu Seyni Âmadou Seyni
Kuunyo Seyni Koûgno Seyni
Aali Seyni Âli Seyni
Dikko Seyni Dikko Seyni
Kummba Seyni Koumba Seyni
Booka Seyni Bôka Seyni
seyanike sewre illa e Diina Seeku a joui d’un troupeau depuis l’époque de la Dîna de Sêkou 113
seekii daande saaya. et a passé la tête dans le cou du boubou 114 .
Samaari baagal danyii sagam Jeune gaillard de Ventre-Blanc a comblé mes désirs
mi saaya naange pellal je suis boubou, soleil du Grand-à-Pelote-au-Front,
burdaameeri caayewal taureau touareg, Grand-Ocre-Cuivré
buba nooral buulal canicule de la Grande-à-Liste-et-Échine-Tachée
burgu e Buulol-Waalo bourgou avec Boulol-Wâlo 115
watorde daasii à la première grande pluie prolongée
daabaaji nguurtii animaux ont retrouvé vie
ilaali mbuuwii crue a nettoyé les terres
Idaman’en kootii les Idaman 116 ont regagné leur zone
baɗɗi koortii et cobs abandonné leur jeûne
baagal taƴii kooƴol. Grand-Ventre-Blanc a déjeuné.
Kooliima taabal 117 saaje Confiants en la table 118 de Celle-à-Liste-et-Fanons-Blancs
tambinii 119 sariya ils ont escompté l’approbation du jury,
tampinii saliiɓe ont fatigué les tenants du non,
saadanaama panya 120 . et ont reçu paniers en présents.
Parnyi palii laanyal Les « quelconques » se sont placés entre gagnants et suivants 121
labaaɓe kuyii belles gens sont pleins de joie
laaliiɓe kulii vauriens, pleins de crainte
lamndo-ɗon Kuyaate demandez-donc à Kouyaté
nyemsoowal gaaci le célèbre gratteur de cordes
nyemmbinoowal gawlo imitateur de griot gawlo
gaatotoongal gacce impénitent rôteur d’offenses
gaabotoongal leydi : et ratisseur de terres :
ɓe ndokkii ma ngaari ils t’ont donné un taureau
ɓe koccii ma ngattu t’ont gratifié d’un K.O. !
kanaa dura faa seɗoo Il te faut le mener paître en passant la saison sèche
senngoo faa sewa ! à ses côtés jusqu’à en mincir !
So nagge senoo so gi’al sella Quand une vache est en bonne santé, qu’épine dorsale va bien
salaatu jamaa ! bénédiction sur l’assemblée !
Sannguwal Jallo Uuruuɓe Au géant Diallo des Oûroûbé
wi’ee munya on dit « patiente ! »
annda muroo il sait et ne dit rien
jalee jaawa. on rit de lui, il devient ombrageux.
Jamɗe nyaamooje asaansi 122 Fers nourris d’essence 123
se ndunngu awsinii quand l’hivernage en est à sa mi-temps,
mi aara becce kaaɓi je fais large le poitrail des génisses
mi puuta kayeeji et enfler à craquer les taurillons.
Hawa seera ɗum sela ɗum Que Hawa le rejette et se sépare de lui 124
sallimina ɗum mi sadoo daande mum et cela définitivement, je lui tranche net le cou
daabaangel pauvre animal
dampaangel ! foulé aux pieds !
Daamaali sariya Jugement n’a pas été à son goût
danyaali sago ƴaamnde Saawo il n’a point eu satisfaction, à la saison des récoltes à Sâwo
daɗaali sarri samaari baagal n’a point échappé au péril du jeune gaillard de Grand-Ventre-Blanc
o sittike sirge oole, il a malmené la Fauve-Tavelée,
eere siinge maa si’ii maa si’inii ferde maa dumaare felle helii feere makko La-Nègre-au-Cou-Tacheté ou bien s’est infiltrée ou bien a décidé d’émigrer ou bien Ibis-à-Pelote-au-Front lui a cassé son affaire 125
hakkunde sallifanaa e laasara entre le début et la fin de l’après-midi
faa « lamndoo kasanka mun jusqu’à « demande son linceul
maayo wuddataa darataake ». eau du fleuve n’est point trouble on ne peut s’y tenir debout » 126 .
Daakal ndi danyataa Grand-Col-Blanc qui n’a pas de chance
jooɗataako damandi 127 n’attendra pas autorisation pour être vendu
wuundiindi dawa. lui qui a pris encre sur son cœur 128 .
Mi dawru faa wooɗa J’ai ourdi un plan bien ficelé
kumol illa ceeɗu faa cette faa ƴaamnde wartii e cedde 129 depuis la saison sèche jusqu’à celle des semailles et qu’enfin on en soit arrivé à la fin des récoltes
ceebira 130 waaga mon 131 ! meilleurs vœux de fêtes à vous 132 !
Kebbe nyaaɗi nyalaande hoondii Cramcram a été rude le bruit en a bien couru 133
hoore na’i honnii jamaa troupeau de tête 134 a attroupé les gens
jaagu helii commerce en a été interrompu
jaayɗo hersii et vaurien humilié
cefel Jaamɓe ferii petit troupeau des Diawambé a déserté
fedde waage hawii et la troupe de Ventre-Blanc a eu la victoire
Jaandel haɓɓa diikum un petit Diawando attache son baluchon
teeyfoo diile mun maquignonne la vache qu’on lui a prêtée
dimmboo hoore mum. en se balançant.
Ɓe kaɓooɓe e diina Jallo Ceux qui ont lutté au temps de Diallo
wanaa jam ndaari ce n’était pas le bonheur qu’ils cherchaient
cokaaɗi Jallo bêtes de Diallo marquées du cokal 135
coŋaaɗi jaɓɓe troupeaux de Tionga-aux-Jujubiers 136
jaaduɗi so nayra qui vont ensemble pour plus de chance
Hoore-Nammaadi à Hôré-Nammâdi 137
hooreeji e natal bêtes de tête belles à prendre en photo
kaarnal kaayeeji rassasiement de taurillons
hee ! Kaaɓi mbaamii eh ! Génisses ont paressé
duppoowal asaansi grand brûleur d’essence,
jaaroowal ayaana 138 marcheur bien en vue
addoowal henndu qui amène le vent
adiingal doori a devancé moutons de Dôri
doobiingal baɗɗi rejoint cobs
ngaari banel taureau de Petite-Noiraude
baton 139 e seeno navire dans le Sêno
wi’etee ngoo toɓii, ngoo toɓaay, ngoo tuɗii ngoo tuɗaay on dit : qu’il ait plu ou non, qu’il ait de l’eau ou non
ndeen tubaaku ɓaleejo ŋabbii lors, l’Européen noir est monté
tawii ana wii kati et a trouvé que l’affaire était rude
ana wii kok que c’était sec
ana wii koron ! et archi-sec !
Fay paaɓi ɗii kookataa Même grenouilles ne coassaient pas
kolaaɗe ɗee coofaali terres basses n’étaient pas encore humides
ceene ɗee coobaay 140 sablons pas encore ramollis
come ana mbii teen grillons étaient silencieux
teera dogataa seeno dans le Sêno point de courant
temuure walaa Faguna pas de pirogue à Fagouna
faaro walaa e ƴeeŋol : pas de gloriole dans la transhumance sur terres sèches :
ngal huraaki burgu il 141 ne s’est point évanoui dans le bourgou
hunngaali ferro n’a point déclaré forfait dans brousse boisée
fesaaki seeno n’a point été griffé dans le Sêno
tewtaali sewnde n’a pas recherché de source
bonnaali mboɗo n’a pas trahi d’interdit
sonndaaki mbolo ne s’est pas engoué avec grumeaux de polenta
tabaaki mboowndi ne s’est pas laissé engluer dans le traintrain
tampaali meere ni donné du mal pour rien
sarɓaaki nagge n’a pas sauté sur une vache
saakaali batu ni dispersé une assemblée
saawaaki bammbara ne s’est pas trouvé au milieu de Bambara
kaasoowal balaaje kaaɓi lui qui fait lisses les épaules des génisses
kaaldoowal e Seyɗaani qui converse avec les diables
karotoongal laddeeji lutte avec les fauves
daraniingal laamu donne son appui à l’autorité
binndoowal labaari e hoore écrit (talisman) sur la tête d’un beau taureau
biisoowal hoore mobil 142 oriente bien l’automobile
Morosogo Alfaa Hamma Sorba Morossogo Alfâ Hamma de Sorba 143
naarrii golle oo soobe s’est mis à cette ouvrage avec sérieux
faa faa fuu wi’aali sans jamais dire d’attendre jusqu’à… jusqu’à…
faaro fuu waɗaali sans aucune jactance
kanaa nagge faya tan ! il faut seulement que vache engraisse !
Sariya wanaa saaya daande Jugement n’est pas boubou autour du cou 144
daakoro 145 wanaa haala « d’accord » n’est pas (toute) parole
ciriyon 146 wanaa kaanibol ni crayon (toute) plume
gaandol wanaa kaɓɓorgal corde à veaux n’est pas (toute) attache
keɗaaɗe wanaa donngal objets d’attention ne sont pas (toute) charge
dookere wanaa sewre petite troupe n’est pas troupeau
sewnde wanaa maayo. ni source, fleuve.
Burdaame jaroowo kosam Touareg est buveur de lait
Kaaɗo jaroowo kore. et Dogon, buveur de bière.
Noordi mboɗeeri koolɗe Taureau échine-Tachée-aux-Sabots-Rouges
mbommboori e konu qui va partout de-ci de-là au combat
mboppitoori koɗal qui renonce à stationner
ngal tulaali hulaali vaillant qui ne recule jamais ni ne connaît la peur
kaananke tubal roi du canton
tubaaku huɓeere Européen du Palais
tuubanaangal sariya devant qui le jury s’est incliné
sayge sewnge svelte Ventre-Tacheté
sewnge yaroore sewndu svelte qui hume la brise
nge senngaaki gaworgal. qui point n’a côtoyé marges du troupeau.
Gaamuwal ngal seekii Grand filet de pêche s’est déchiré
gaawal ngal tafaama lance a été forgée
talkuru nduu tamaama et amulette bien mise en boule
tabital ngal heɓaama la réalisation (de mon succès) est bien acquise.
koɗun heddii ? Que reste-t-il ?
Biiri mboyoori ndi wanaa bojoori A élevé un taureau pleureur mais qui n’est point lièvre
mboɗeeri ndi wanaa kaadam un bai sans ocre rouge
kaɓorɗe kaasee e mbayla armes sont fourbies à la forge
kaaɓi karodoo e garbaaji. génisses luttent par jeu avec gros taureaux.
Gaagalaawal gaayaangal gaɗaangal gatti tati L’espèce de grand corbeau galeux mis par trois fois K.O.
ngal gaamaaki. n’a plus bâillé 147 .
Hoore na’i hoƴaande burgu Gaaliya Troupeau de tête gavé au bourgou de Gâliya 148
sallifanaa nawre Gase au début d’après-midi à la mare de Gassé
pulaaku nanii gane la gent peule a compris le javanais
ɓe ndoccii 149 ndaneeri ils ont donné un taureau blanc
majaari sole oole, comme silure, de la Fauve-Tavelée,
piy-mi soneere je lançai un coup de sifflet
gardiingal wii sooy et le gros garde n’a plus rien dit 150 .
sole mi durdan ɗum soobe La-Tavelée, je la mènerai paître avec sérieux
wanaa yiɗde am sollaare ce n’est pas que j’aime la poussière
mi sofere 151 na’i mais je suis un « conducteur » de vaches
sole balamaawe Tavelée-aux-épaules-et-Ventre-Blancs
sommbere wuule terka hache à douille de la Beige-à-Liste 152
jara siiri. boit philtre magique.
Njoppaa ɓe Siwaandu Laisse-les donc à Siwândou,
ɓe ngaɗa lowle buruuɗe Kammbu qu’ils passent la fin de la saison froide aux Bouroûdé-Kambou
cette burgu Kaaŋiya et la sèche au bourgou de Kânguiya
eɓe kaawnii kam golle : leurs actions m’ont étonné :
jokolle dura seeɗa yoortina yoorngo sewre qu’un jeune pasteur pendant la saison chaude ne traie plus les vaches d’un troupeau pour qu’elles engraissent
haɓanoo ko semmba ɗun mbii-mi sellataa ! et se démène pour avoir de quoi boire lait coupé d’eau, je dis que ça ne va pas !
Cukkungal hoore Grosse tête touffue
cuusungal naange qui brave le soleil
cuŋloowal 153 wayɓe cuwtoowal ŋataaji inquiète ses adversaires, fais sortir crocodiles de l’eau,
ŋarɗinoowal sewre embellit le troupeau
gaddoowal e seekuuɓe partage (secrets) avec les cheikhs
rowani mi hawrii e kaayeewa ngeelooba nga walaa kaayoowo l’an passé je suis tombé sur un jeune dromadaire sans dresseur,
ŋatoowa latoowa njaɓoowa njaɓɓoo faa poro yalta qui donnait coups de dents, coups de pattes et aimait bien piétiner jusqu’à faire sortir les tripes
wanaa pooso 154 pas de danger qu’on me demande si j’ai portefeuille,
wanaa pompilampa sikko mi lamndee ni lampe à pétrole 155 ,
ɓellere mi waɗi e mbasam mi sokkii fay ganyo sooynataako c’est de la graisse que j’ai mis dans mon sac, bien fermé pour qu’un adversaire n’y lorgne pas
sikka so wanaa joomun meema et encore moins qu’il y porte la main :
meemta meere nyaama ɗun. qu’il y tâte et un rien le mangera 156 .
Nyanngalde Jalli nyaawe Exploit des Dial, La-Tiquetée
nyawla sorta gaawal quand le soleil est haut, dégaine grande lance
jennga sorta kaafal au cœur de la nuit, dégaine grand sabre
kabuusu kanuure Jalli. un mousquet, canon des Dial.
Rowani mi jaƴu L’an passé j’ai fait une tentative
Jalluuɓe nanii loowaande Jallo Dialloubé a entendu un coup de fusil d’un Diallo
jandarma 157 noore saye gendarme d’une Mouchetée-à-l’échine-Tachée
saa Allaa ngan-mi sarti s’il plaît à Dieu, je m’engage :
woleere mo saamataa valeur qui ne chutera pas
ngattu mo santataa K.O. qui ne ratera pas
saaneeru sarŋere petit sac magique 158 hérissé
almaami Saare-Kubey. de l’imam de Sâré-Koubèye.
Kuɓɓu ceeɗu Grosse chaleur de saison sèche
Kurbaka Allay Jaari à Kourbaka, Allaye Diâri
ƴeew faa mi jaafoo on ngolonde mi waɗa on soottooɓe ngooru regarde, que je vous coince le cou dans mon coude et fasse de vous des vendeurs de cœurs de palmiers 159
o annda ko ngondu-ɗon et qu’il sache de quoi il en retourne pour vous
haala kaa miɗo waawi parler, ça, c’est mon fort !
golle oo miɗo waamtii Pour agir, je ne manque pas d’énergie !
goongaraaji miɗo jogii Des taureaux en bien propre, j’en ai !
ngoonga Alla saretee Vérité de Dieu authentique !
sariya dow haayre ɓaleere Jugement sur Montagne noire
Haaɓe ɓaleeɓe Dogon noirs
Soŋankooɓe ɓaleeɓe Songhay noirs
soofaaɓe ɓaleeɓe Gardes noirs
Kummbeeɓe ɓaleeɓe Koumbêbé noirs
yarnooɓe tooru abreuveurs d’idoles,
tomnooɓe kammu qui font tomber pluie
niisooɓe kaareeje. et broient noix de karité.
Piiroowal kaayeeji Grand qui gagne grâce à ses taurillons,
loowoowal kanuuji verse poudre dans canons de fusils
kaɓeteengal njoolaari habitué à affronter solitude d’émigré
haakanaaki njolloori ne s’est point précipité sur but de jeu de cache-cache
joomnaangal panye à qui panier est donné pour provision de route
paydinaangal deworɗo est honoré par son parent
deesewal deele felle grand fanion de Ceinture-Blanche-et-Pelote-au-Front
femmbere dumare siinge bataille de Ibis-(né)de-Nègre
sinima miilo am teddaali sur cinéma ma pensée ne s’appesantit guère
terɗe am mbaataali mon corps n’est point crevé
mi salminataa Mbargu-Margu je ne donne pas le salut 160 à Mbargou de Margou
mbaalu Bogo mouton de Bôgo
bottaari Jegeeɓe déjeuner des Diéguêbé 161
jeeyoowoy tamaro luumo Konna njehen faa min korte pauvres vendeurs de dattes au marché de Konna, allons-y pour que nous te lancions un sort
min ngaɗe korɗo que nous fassions de toi une servante
min kolle ko haɗii fotiire fuɗde leeɓi ! et te montrions ce qui a empêché des poils de pousser à une marmite 162 !
Noori na’i tibaama Échines des bêtes sont bien rembourrées
tino heɓaama on a eu bon bénéfice,
tiinnitaare ɓeydaama endurance en a été accrue
ɓernde mahraaka bulanga cœur n’a point été pétri de beurre de karité
haakanaaki buba n’a point foncé vers la chaleur
harminaali burgu ni renoncé au bourgou
cefel burusu 163 maayii petit troupeau de brousse est mort
mangasi 164 manngal e maayo duuɗe Magasin 165 le grand au fleuve-aux-îles 166
duule dumare-wawduwal noore nuages à la vache Ibis-née-d’Échine-Tachée
nagge noota yo noosal à la vache réponds donc que c’est la montée vers l’est 167
ndeen mbii-mi ngal yahaali lors je dis qu’il n’est pas allé
Ndakaaru à Dakar
ndaaraali moteere 168 n’a pas cherché un moteur,
wakkaaki jallal n’a pas mis lance à l’épaule
jammbaaki mobbo n’a pas trahi marabout
waɗaali moddo 169 n’a pas fait coiffure « Mode »
mownaaki ceeɗu n’a pas cédé découragé à la saison chaude
sannginwol sahaaba au Canal-du-Compagnon
taton saahiiɓe trois sages
durwa 170 sayge waage le temps de partir est venu pour la Ventre-Blanc,
danyoowal baraaje temps doté de bénédictions
daasoowal batorɗe qui traîne bonnes pluies
ɓuumnoowal pataaje et rafraîchit mares adventices
baroowal nyaaci 171 tue abeilles
guurtinoowal nyaabi et redonne vie aux pigeons des rôniers ;
tutaama hurooje ont été repiqués arbres à cure-dents
tuɗaama pete et flaches ont été remplies
sonaama peɗeeɗi oreilles ont bourdonné
soɗaama Bellaaɓe et Bella se sont mis sur leur trente et un
hoɗaama Dagaaɓe ont stationné Dagâbé
gutaama dawaaɗi ont grondé lions
daasaama ɓooli sont traînés gourdins
oynaama ooli sont chassés de « hoy hoy ! » troupeaux fauves
oordaama geelooɗi sont conduits dromadaires.
fornaaki ilam Il ne s’est pas précipité vers la crue
fooɗanaaki iduru ni lancé vers un bas-fond
fonndaali kaasaaji n’a pas mesuré couvertures 172
wakkaaki kaalaaje pas épaulé perches
deertaali kankeeji ni poussé pirogues à l’eau
ƴeewaali karne 173 n’a pas consulté carnet
kaanankooɓe ɗalii gens du pouvoir ont laissé faire
wayɓe ɗaatii adversaires se sont adoucis
ɗaaniiɓe pinii dormeurs se sont éveillés
piyanɗe koondii. coups de feu sont partis.
Kooɗaaka mbuduri N’ont point du tout envie de vase
mbuuldi terkaari Le-Beige-à-Liste
mbuneeri caajal Le-Gris-Tourdille-(né)de-Fanons-Blancs
carŋal gallaaɗi La-Grande-aux-Longues-Cornes-en-Lyre,
gaawal noore wune grande lance de la Gris-Tourdille-à-l’Échine-Tachée
bawaaɗe nyannde oorngal boucliers au jour de l’expédition armée
baɗɗi nyannde sariya cobs au jour du concours
bamooji narkal danseurs de danse narkal 174
baawandi konu taureau bien apte à la guerre
baawdandi seeno et tout autant au Sêno
milyonŋawal 175 cefa un bon million de C.F.A
sereendu Segeeran tuyau du Séguérane 176
pooɗoori sewndu taureau qui hume un filet d’air
paɗalndi boɗeeri Bai-au-Toupillon-Blanc
pamardi baasi qui fait peu d’histoires
paloori gaawal qui interpose une grande lance
panndinoori bempeeje qui accoste, poussé par les vagues ;
beertanaangal solleeji vaillant pour qui est déroulé tapis rouge 177
beeɗaangal kanaare à qui est fait honneur
bemmboowal hayeeɓe qui épate les jeunes gaillards
golloowal ko haaynii accomplit prodiges
sannguujo humoo géant se ceint les reins
saawo hoolo est entouré de tapage,
saawo hobeere et enveloppé de poussière ;
hoore nannda e ngabbu tête comme celle d’un hippopotame
ganndeeje na’i aaroo poitrails des vaches sont larges
alluwal saaje tablette 178 de celle qui a longue liste jusqu’aux fanons,
alkiyoomi saliiɓe. damnation 179 pour ceux qui ont refusé 180 !
Sagam hiɓɓidii Mon désir a été comblé
saawal ngal nyakaali rien n’a manqué à la mesure
sappo nyaamge ɓihum nge ɓirdugal soraali de dix vaches qui, privées de leur veau, n’ont pas été traites
soɗaaka daasal ni n’ont été parées d’un bâton à traîner
daasaali jomol. ni d’une corde aux cornes 181 .
Foo mon jokolɓe ! Et salut à vous, jeunes gens !

Corpus inédit, © Copyright Christiane Seydou

 


Notes:

1  Air de luth pour les Touaregs appelé aussi Jaba par les Songhay.

2   Nom d’un air de luth propre aux Touaregs, les désignant ici par synecdoque.

3   Il s’agit de bêtes qui transhument, et décrites ici comme portant des cornes ridicules, orientées l’une vers le haut, l’autre vers le bas.

4  Ces jargons sont les langages conventionnels et très sophistiqués que les jeunes de chaque classe d’âge adoptent pour communiquer sans être compris des autres.

5  La référence à Koumassi, au Ghana, évoque popularité et valorisation.

6  Troupeau portant, comme marque d’appartenance, trois petits traits verticaux sur les flancs.

7   Signes de maigreur : la bosse mal remplie s’efface, se rabat le long de l’épaule et, de même, plus loin, les os pointent sur les croupes comme des harpons.

8   Au lieu de conduire les troupeaux à la cure salée, ces bergers restent sur place à l’époque où l’herbe aquatique est utilisée pour la fabrication d’une boisson sucrée.

9   cemmbuuje : cemmuuje.

10   Façon de dormir en enfonçant sa tête sous sa couverture, lorsqu’il fait froid.

11   palan : bbr. pàlan, seau, touque.

12   cena : kenan.

13   Noms de femmes bozo (population pratiquant la pêche).

14   Il s’agit de gros harpons pour crocodiles ou hippopotames, reliés à une corde.

15   duubule : fr. doublé.

16   Fraction touarègue.

17   sariya : ar. Sarī‘at, loi et, ici, jury, concours.

18   mbaccee : mbakkee.

19   cuucee : cuusee.

20   takisi : fr. taxi.

21   Image évoquant la rapidité et la force de son taureau.

22   Le terme employé désigne les bâtiments administratifs et, par extension, les cantons ; les Koulkarâdié sont des mares et Kountassèye est une zone de brousse dans le Dourgama.

23   gurtuuji : gurti, guurti.

24   Il s’agit d’un lieu peuplé de Vitex simplicifolia Oliv. (Verbenaceæ) sur la rive gauche du Niger.

25   sinima : fr. cinéma.

26   Il s’agit de vaches, ainsi louées comme des stars du grand écran : la « femme lancier » désigne une vache aux longues cornes.

27   kale : fr. caler, i. e. empêcher.

28   kasu : fr. cachot, prison.

29   aayado’en : bbr. áy’ájɔ̀: les « arrêtez-vous » désigne ici ceux qui parlent ainsi, c’est-à-dire les Bambara.

30   I. e. les Bambaras, ici brocardés à leur tour. Le poète poursuit en recourant encore à la langue bambara pour ne pas utiliser deux termes qui, en peul, lui sembleraient d’un registre trop trivial.

31   sungurubaaɓe : bbr. súngurunba, prostituée.

32   nyegeere : bbr. nyɛ́gɛn, latrines.

33   bonsinoo : verbe fait à partir du fr. bonsoir.

34   kaananke : snk. roi.

35   Saygalâré : nom de la célèbre devise musicale du héros Ham-Bodêdio, donné ici comme nom à sa vache, en jouant sur le mot sayge désignant une robe comportant une grande tache blanche sur les flancs, le ventre et les pattes.

36   wusuleeji : poissons fumés ; bbr. wúsu, fumer.

37   Toutes ces interpellations visent les pêcheurs bozo.

38   Cp. bbr. jànkamu, parade.

39   Littéralt. « a coupé les fers », expression signifiant « être un as, dépasser les autres, avoir de la chance. »

40   Bara Bôkoum : personnage éminent de l’époque de Modibbo Keita, qui fut premier député maire et ministre de l’intérieur et évoqué ici pour magnifier le taureau en question.

41   Nom d’un marabout touareg.

42   Ce troupeau est un poison pour tous les autres, car, dans la concurrence, il les élimine.

43   darapo : fr. drapeau.

44   Le gagnant des concours, aux fêtes de transhumance, remporte un fanion.

45   feren : fr. frein.

46   feeto : fr. fête.

47   kursi : fr. course.

48   poorii : fr. fort.

49   Marque de propriété en forme de sablier simple ou double marquée au fer rouge sur la cuisse des bovins.

50   leere : fr. l’air.

51   Littéralt, « je me prends en photo devant taureau-ibis », glosé « le poète se fige, immobile comme pour se faire photographier ».

52   C’est-à-dire d’un noir à reflets métalliques comme le tissu de ce nom.

53   kumandaw : fr. commandant.

54   Ville du Ghana bien connue servant ici d’épithète pour évoquer la popularité comme les autres apostrophes en français : « Commandant » et « Président ».

55   Perzidan permyer kalaasi : fr. Président de première classe.

56   bagi : bbr. bági, cotonnade.

57   Le troupeau de bêtes blanches est comparé à une longue pièce de cotonnade.

58   kodi : bbr. kódi, n’est-ce pas, et a kó dì, que dit-il ?

59   Landolphia heudelotii A.DC.ou owariensis P. Beauv. ou Saba senegalensis A.DC. Pichon.

60   Vers incertain : noms de lieux non identifiés ? Ou bien maagana “paroles” (en haoussa) et sago (au lieu de saago) ?

61   Vers incertain.

62   caayeeji, prononcé saayeeji par souci d’allitération.

63   loorde : fr. l’ordre, i. e. le pouvoir, l’autorité.

64   Énumération de personnes bozo habitant sur des îles.

65   On enroule une corde autour du manche de ces gros harpons qui servent à la chasse au crocodile.

66   Nom d’une personne comme, plus loin, Bambiya, nom d’un Dogon auquel il a donné une vache.

67   Diamal désigne une robe de bovin comprenant trois grandes taches qui partage le corps de la bête verticalement.

68   Tant ils sont maigres.

69   hatey : bbr. hàtɛ, pour sûr !

70   Littéralt, n’a pas bien cuit ou bien mûri.

71   Koubaye : le marabout de son village ; Lawrou : village sur la route de Diafarabé.

72   kannye : kaŋŋe.

73   kaabusuuji : bbr. kàbùsi, pistolet.

74   Image évoquant les cornes pointées comme des canons de pistolets.

75   Lieu où se trouve le marabout qui peut lui remettre des talismans protecteurs.

76   Les bosses bien pleines sont comparées à des arceaux de paillote.

77   Ainsi désignée parce qu’elle fut achetée grâce à la vente de moutons.

78   Marque de propriété en forme de V découpée sur le côté du pavillon de l’oreille.

79   dookere : jokkere.

80   Nom d’une femme de Borosso, plaine entre Mopti et Toguéré-Koumbé.

81   Vers glosé : « un malheur est arrivé » (or, reste une incertitude sur le mot nyoro qui évoque un “froncement de sourcil”).

82   Glosé : « cornes », ce type de fusil formant un V lorsqu’on l’ouvre pour le charger.

83   butel : fr. bouteille.

84   Ces bouteilles contiennent des remèdes magiques dont on frotte les bêtes pour les protéger.

85   burusu : fr. brousse.

86   wote : fr. vote.

87   laa kala silaami : yaaki lislaam, salutation maure.

88   nambara : bbr. nánbara, tromper, duper.

89   Dicton utilisé lorsque deux personnes se disputent.

90   jorondirɗi : joɗondirɗi.

91   Il s’agit d’une série de lieux pour le groupe des Oûroûbé : a) Sendégué et les alentours, pour les Oûroûbé-des-îles; b) Timé, Konsa et alentours pour ceux du Bewlaka ; c) Ouro-Dayêbé, Ouro-Môdi et Poutyi pour ceux de Tyikam ; d) Bansago (?) presque au Burkina; e) Ndokoye (?) et quelques villages alentour, dans le Komangalou.

92   kawaati : ar. ḫawātim, sceau.

93   kawla : kalwa, ar. ḫalwāt, lieu de retraite spirituelle.

94   Une ou deux taches rondes comme des pois de tapisserie sur la robe d’un animal sont considérées comme de bon augure, marques de chance.

95   « une maison (i. e. un magasin) de parole » pour en signifier la grande quantité.

96   Série de noms de lieux qui constituent la devise du village de Woumméré. Plusieurs villages portent le nom de Boûlé qui désigne une zone de terrain nu.

97   permooɗi : fr. fermer.

98   Le berger a surnommé sa vache du nom de son ami.

99   Les amulettes écrites par les marabouts ont été efficaces pour lui, à l’inverse de celles écrites pour ses adversaires (voir cinq vers plus loin).

100   sarsii : fr. charger (un fusil).

101   siman : fr. ciment.

102   Allusions au jugement du jury qui préside aux fêtes de transhumance pour attribuer les prix ; tout est ici exprimé métaphoriquement en empruntant au registre belliqueux.

103   Le Diallo en question n’est autre que le poète, qui n’a donc pas été objet de mépris.

104   wolere : fr. valeur.

105   On donne à porter un mortier au vaincu.

106   On met au centre du troupeau les bêtes les plus faibles pour que les autres les soutiennent pendant la traversée du fleuve.

107   Cet arbre à liane donne des fruits comestibles auxquels peut avoir recours le troupeau en attendant la repousse de l’herbe. Ces vers signifient qu’à cette époque son troupeau est déjà loin.

108   Une double incision en V sur le bord du pavillon, est une marque de propriété.

109   Surpris en train de ramasser des œufs nous a précisé l’auteur.

110   Son adversaire.

111   Cette « zébrure » désigne en fait les veines et les côtes que leur maigreur rend saillantes.

112   Ces trois lignes dont la traduction n’est pas sûre, renvoient à la devise d’un lieu situé dans la région de Konza, les « trous » faisant allusion aux canaux et aux ruisseaux qui le parcourent. Quant à la généalogie qui suit, elle fait référence aux propriétaires du troupeau dont l’auteur a la charge.

113   Ce que l’on appelle l’Empire peul du Massina (18181853).

114   Idiotisme pour désigner le gagnant dans une rivalité opposant deux personnes.

115   Fraction de Songhay.

116   Il s’agit de Touaregs.

117   taabal : fr. table.

118   Cet emprunt au français est là pour magnifier le volume de la bosse de cette vache, indice de son embonpoint aux yeux du jury venu présider au retour de transhumance.

119   tambinii ; tamminii.

120   panya : fr. panier (de noix de cola).

121   Littéralt « ont barré l’arc », « sont entre parenthèses », i. e. se sont interposés dans la ligne formée par les bêtes, dont les plus belles sont en tête.

122   asaansi : fr. essence.

123   Les bêtes du troupeau sont comparées aux véhicules fonctionnant à l’essence pour leur résistance (fers) et leur rapidité.

124   Le poète se met à souhaiter la discorde entre son adversaire et sa belle.

125   Glosé : « elle aura donc la victoire ».

126   Devise de Kombo, cours d’eau entre Sâya et Tonyimina.

127   damandi : fr. demande (d’autorisation).

128   Ce taureau a le poitrail noir comme de l’encre.

129   cedde : kedde.

130   ceebiraa : pour keebiraa.

131   Déformation d’une formule de vœux en soninké (waaga : l’année prochaine).

132   Il s’agit des vœux que l’on échange à l’occasion des fêtes ou après une longue séparation, et selon lesquels on se souhaite de se revoir l’année suivante dans les mêmes circonstances.

133   Littéralt. « la renommée a flambé ».

134   Il s’agit du premier troupeau qui doit engager la traversée du bourgou.

135   Marque d’appartenance en forme de deux sabliers joints par la base, imprimée au fer rouge sur la cuisse de l’animal.

136   Lieu dans le Guimbala.

137   Lieu de campement dont le nom signifie : extrémité de Bauhinia rufescens Lam.

138   ayaana : ar. ‘ayānan, en public, à la vue de tous.

139   baton : fr. bateau.

140   coobaay : coofaay.

141   Il s’agit soit de lui-même soit de son taureau préféré le classificateur pronom étant ici l’augmentatif d’éloge, l’ambiguïté est ainsi entretenue, comme c’est souvent le cas dans ces poèmes.

142   mobil : fr. automobile.

143   Marabout dont le poète célèbre l’efficacité.

144   … qu’on peut mettre ou enlever : i. e. un jugement est irrévocable.

145   daakoro : fr. d’accord.

146   ciriyon, kiriyon : fr. crayon.

147   Expression habituelle signifiant : « il est mort ».

148   I. e. Sendégué.

149   ndoccii : ndokkii.

150   Allusion à un incident : à Sendégué, on leur a interdit de faire passer le troupeau ; ils ont donné un taureau et le « garde » les a laissés passer.

151   sofere : fr. chauffeur.

152   Comparaison de cette vache à une hache dont la douille formant un angle peut en rappeler la bosse.

153   cuŋloowal : cuŋlinoowal.

154   pooso : fr. poche, avec le sens de portefeuille.

155   Ce sont là objets de citadins, le poète, lui, n’est qu’en brousse avec son troupeau.

156   I. e. « le fera disparaître, le tuera », car cette graisse comporte un sortilège.

157   jandarma : fr. gendarme.

158   Il s’agit d’un objet magique enfermé dans une bourse ou dans une gourde et que les magiciens font parler (par ventriloquie).

159   Autrement dit, des Bella.

160   i. e : « je me fiche pas mal de… »; Mbargou a été glosé Mbalku, « Sangsue » par allusion à la minceur de son adversaire dont Margou est le village.

161   Pêcheurs somono de Ségou.

162   Expression populaire : menace de maltraiter l’interlocuteur, comme une marmite qui est toujours exposée au feu.

163   burusu : fr. brousse.

164   mangasi : fr. magasin.

165   Nom donné par le poète à un taureau géant aux pattes blanches.

166   Vers Sendégué.

167   Ou « annonce à la radio » ?

168   moteere : fr. moteur.

169   moddo : fr. mode ; type de coiffure, genre « brosse », les cheveux du sommet du crâne étant gardés plus longs.

170   durwa : fr. droit ; i. e. le droit de partir est arrivé.

171   nyaaci : nyaaki.

172   I. e. il n’a pas été contraint, pour gagner sa vie, de s’employer à coudre des bandes tissées pour confectionner des couvertures de laine, ni, comme il est dit plus bas de se muer en conducteur de pirogue. Le poète parle de lui-même à la troisième personne.

173   karne : fr. carnet.

174   Danse qui se danse à deux et comporte une alternance de positions : genoux à terre et sauts.

175   milyonŋawal : fr. million, « un gros million ».

176   Lieu de terre natronée où le troupeau se rend pour la cure salée.

177   Littéralt : pour qui sont déployées pièces de tissu. À partir de ce vers, l’ambiguïté s’installe : le classificateur augmentatif (ngal) pouvant être attribué aussi bien au taureau qu’au berger, dont il s’agit réellement cinq vers plus bas, le classificateur o désignant l’humain apparaissant alors clairement (sannguujo).

178   Image de la tablette à écrire des écoliers d’école coranique, évoquant la forme arrondie de la bosse de cette vache.

179   Littéralt : l’Autre-Monde ; ici, l’Autre-Monde promis aux adversaires ne peut être que le châtiment de leur refus.

180   C’est-à-dire ceux qui ont refusé de reconnaître ce troupeau et ce berger comme gagnants au concours de retour de transhumance où sont récités ces poèmes.

181   La « mesure » dont il est question correspond au nombre de vaches qui, chaque année, doivent être gardées et sont ainsi traitées pour être engraissées ; elles ne sont pas traites après la mort de leur veau, ne sont pas traitées comme le sont les vaches rétives, entravées par un bâton qui, traîné, ralentit leur marche ou par une corde fixée à leurs cornes pour pouvoir les maîtriser.

Versification

 

Dans les cultures de tradition orale, il n’est pas toujours aisé de définir des critères nets permettant d’établir une distinction franche entre prose et poésie. D’emblée le filtre vocal imprime en effet à toute parole un rythme – dû en partie aux ressources naturelles, en partie à une structuration mentale spontanée ou intentionnelle – qui est le premier élément définitoire de toute prosodie, base de l’art du langage ; en Afrique, du fait même de la production orale des textes, cet élément est éminemment présent dans tous les genres, rendant parfois floues les lisières entre prose et poésie. Ce sera donc à deux critères complémentaires que l’on devra avoir recours, l’un tenant à deux qualités du texte : phonique et symbolique, l’autre à une exploitation spécifique et volontaire du rythme. Ainsi sera-t-on amené à établir dans la mise en voix des textes, un éventail allant de genres dont la dimension poétique relève du seul rythme de déclamation imprimé au texte  – qui, lui, est peu ou pas marqué par une recherche sur la matière même de la langue – à des genres soumis à une versification conventionnelle stricte et contraignante, en passant par des genres qui allient rythme et manipulation experte de toutes les autres potentialités linguistiques : sens et forme des mots.

Cela dit, la production poétique est en Afrique d’une grande richesse, offrant des exemples de toutes ces réalisations ; en effet, toutes les déclamations rythmées délimitent des unités qui structurent le texte en ce que l’on peut considérer comme des vers ; et, selon les genres, ces unités sont plus ou moins régulières, plus ou moins accentuées, leur succession est plus ou moins rapide etc. et l’on passe ainsi de la prose rythmée à une poésie libre puis à une versification convenue appliquée rigoureusement. Nombreux sont les genres qui illustrent ces différents cas :

  • la prose rythmée concerne surtout le genre épique ; à l’exception de la poésie épique swahilie qui obéit à une prosodie définie, dans les épopées d’Afrique de l’Ouest et du Centre, hormis les devises, les généalogies et quelques passages formulaires, l’essentiel du récit ne relève pas d’un style particulièrement recherché, ni d’un registre de langue spécifique ; en revanche c’est le type de déclamation qui confère au texte une sorte d’aura poétique par la dimension esthétique que lui ajoutent l’accompagnement musical, le rythme et l’accentuation imprimés par la voix. Seules les productions récentes à vocation hagiographique, qui prennent la forme de qasîda, adoptent une forme versifiée, empruntée aux modèles arabes
  • les genres poétiques à proprement parler, eux, mettent en œuvre des caractéristiques prosodiques relevant non seulement du rythme mais aussi d’une recherche portant à la fois sur l’agencement des mots pour créer tous les jeux phoniques souhaités et sur la manipulation de la charge symbolique que permettent leurs potentialités sémantiques ; chaque genre se différencie par la façon dont se distribuent ces choix, les uns mettant davantage l’accent sur le rythme (scansion, vitesse), d’autres sur les tropes (métaphores, images…), d’autres encore sur les sonorités (allitérations, rimes…), d’autres enfin mettant en jeu l’ensemble de ces données ; toutefois, dans cette dernière catégorie, on peut distinguer deux procédures poétiques à l’œuvre : dans un cas, la création reste libre, chaque poète organisant son texte et exploitant la langue selon ses désirs, sa sensibilité et son talent personnels, tandis que, dans l’autre, elle est encadrée par un ensemble de règles formelles contraignantes.

Les exemples abondent : nombreux sont les peuples qui pratiquent une « poésie d’éloge », de la plus quotidienne et familière à la plus cérémonielle et sophistiquée. Brefs poèmes sur les noms, les zamu des Zarma du Niger, dits uniquement par les femmes, peuvent varier de 4 à 30 vers, être chantés ou seulement récités dans des situations anodines et ordinaires – par exemple à l’adresse d’un enfant que l’on veut encourager – et leur forte unité rythmique est favorisée et renforcée par la répétition du nom en anaphore, en épiphore ou en rime.

Ailleurs, en Zambie, chez les Shona, ce genre est pratiqué quotidiennement : car, si les chefs ont des bardes assignés à cette fonction, toute personne connaît les poèmes d’éloge attribués aux clans de ses parents et alliés ; les jeunes gens en composent sous forme de chansons d’amour ; forgerons, chasseurs, cultivateurs, chaque fonction ou position sociale donnent lieu à un poème d’éloge. Ces textes sont chantés soit en des occasions très solennelles (poèmes de clans) soit sans réserve, dans le cadre des relations ou des rivalités amoureuses etc. Ils comportent des noms d’éloge, sortes de blasons, formules descriptives bien frappées, et chaque poème présente, outre une cohérence grammaticale et sémantique, une unité rythmique assurée par d’éventuelles élisions ou au contraire une accentuation des dernières syllabes des vers ; cette poésie adopte des formes très variées, chaque poème comprenant une succession de strophes de modèles différents et étant déclamé sur une intonation et une cadence propres.

L’adresse de poèmes d’éloge est, chez les uns, généralisée, chez d’autres réservée aux notabilités ; ainsi peut-on évoquer les ijala des Yorouba, les izibongo des Zoulou, les mabôkô des Tswana, voire les jobbitooje des Peuls…(cf. Bibliogr.) tous ces genres ayant en commun, une structuration rythmique reposant sur ce que l’on peut appeler des unités de souffle dans lesquelles les « vers » s’inscrivent, la voix imprimant au texte la scansion souhaitée. On peut définir alors le vers comme un segment rythmique marqué par une syllabe accentuée (l’accent se combinant avec éventuellement le ton, la durée, l’intensité vocale) suivie d’une pause et cela étant repris à intervalle régulier.

On rencontre aussi en Afrique une autre production poétique gouvernée par des règles prosodiques précises et plus complexes que la simple segmentation rythmique. Ainsi les Tutsi du Rwanda, appliquent des normes différentes selon les genres, utilisant pour certains (le guerrier et le dynastique) l’effet rythmique généré par  « une intonation de phrase spécifique » (différente du schème tonal du langage ordinaire) et, pour d’autres (le pastoral) outre le rythme, la mesure en mores (unités de quantité vocalique : brève ou demi-longue), la recherche des assonances étant commune aux trois genres. Le débit de déclamation est aussi distinctif, l’autopanégyrique étant proféré à une vitesse maximale et à bout de souffle, tandis que les poèmes pastoraux le sont recto tono, à voix posée, avec un léger ralentissement à la fin de chaque vers (vers réguliers de douze mores) ; quant aux poèmes dynastiques, leur caractère prestigieux est reflété par leur mode de récitation lent et solennel, « accroissant les écarts tonaux de manière à leur donner des intervalles quasi musicaux » (A. Coupez et Th. Kamanzi, 1970 : 160).

Enfin, chez les populations en contact plus ou moins influent avec le monde arabe, le recours à divers modèles métriques a ouvert de nouvelles voies à la versification. Toutefois, même là où la culture arabo-islamique s’est imposée, existait déjà une tradition de règles prosodiques obligées ; par exemple, à propos de la poésie swahilie où triomphent formes métriques fixes, modèles rythmiques rigides, et impératif de la rime, J. Knappert évoque pour certains genres poétiques de possibles influences persane et portugaise (rime et métrique syllabique) antérieures à l’arabe ; ainsi la poésie épique des utendi, qui est chantée et déclamée avec accompagnement instrumental, se coule dans des stances de quatre lignes de huit syllabes chacune et terminées pas une rime aaab ou aaaa, la dernière rime persistant tout au long du poème. Les multiples autres genres offrent un éventail de toutes les combinaisons jouant sur le nombre de syllabes par vers, le nombre de vers pas stance, la place de la césure et les successions et alternances de rimes, offrant ainsi une riche diversité qui fait de la poésie swahilie l’une des plus sophistiquées et des plus intéressantes.

Dans d’autres populations, comme chez les Peuls, à côté d’une poésie profane variée où la prosodie tient essentiellement au rythme de déclamation et à une manipulation extrême des effets stylistiques relevant de l’aspect phonique des mots, existe une poésie d’inspiration religieuse ou savante qui, inspirée directement des modèles arabes, recourt à une métrique quantitative, chaque vers étant constitué d’un nombre précis de pieds, définis eux-mêmes par une succession particulière de longues et de brèves, et marqué par une rime unique. On se trouve en présence d’une versification très rigide appliquée avec plus ou moins de bonheur selon le talent et la culture des poètes, mais aboutissant souvent à des œuvres remarquables d’un grand retentissement, leur valeur « littéraire » étant soutenue par leur énonciation chantée.

Il arrive aussi que, lorsque, au sein d’une même population, la poésie connaît ces deux orientations : populaire et savante, elle ait aussi, comme c’est le cas en Mauritanie, des expressions linguistiques différentes : la hassâniya et l’arabe classique et, en conséquence des règles prosodiques distinctes ; toutefois, si l’arabe est réservé à la poésie savante, la hassanîya, elle, finit par recouvrir un répertoire plus étendu allant du domaine religieux à l’inspiration épique ou amoureuse ; de même la prosodie y varie selon les genres : de la métrique classique arabe à un vers syllabique aux combinaisons multiples, de la rime unique à un système complexe ; ce dont témoigne un manuscrit datant du xixe siècle, où sont recensées les règles prosodiques de cette poésie (H . T. Norris, 1968, pp.155-193).

Quels que soient les traits définitoires de la poésie dans chacune de ces cultures, il est évident que c’est son caractère oral et « aural » qui lui assure sa qualité « poétique » : les plus pertinents de ces traits tiennent, l’un, à son type d’énonciation, avec tous les jeux de rythme et de voix, l’autre à la manipulation du matériau linguistique avec l’exploitation de la forme sonore des mots à travers toutes les figures de style. Entre ces deux pôles, la « versification » ouvre son éventail de formes, de la simple prose rythmée à la métrique la plus sophistiquée.

Christiane Seydou

Griot

 

Précisons dès l’abord que le terme de « griot », utilisé abusivement actuellement pour désigner tout musicien africain doit retrouver ici son acception exacte, du moins dans son usage « traditionnel » (S. Camara, 1976, Th. A. Hale, 1998). L’étymologie du mot a donné lieu à diverses interprétations, la plus vraisemblable étant à chercher simplement dans la déformation de l’une des langues africaines rencontrées par les premiers explorateurs : jèli en bambara, gyèli en malinké, géwél en wolof, gawlo en peul ; notons qu’il s’agit là de langues de l’Afrique de l’Ouest ; c’est en effet dans la zone sahélienne et dans des populations à organisation hiérarchisée et pouvoir centralisé, que l’on trouve des « griots », dont le statut est héréditaire (même si la profession n’est pas exercée), à la différence de l’Afrique centrale où les sociétés polyarchiques reposant sur une organisation lignagère ont ce que l’on appellera plutôt des « bardes », qui se vouent à cette fonction par choix, à l’issue d’une initiation volontaire ou suscitée par une révélation onirique.

Dans les populations sahéliennes concernées (wolof, malinké, soninké, bambara, peul, songhay, zarma…) les mots désignant les griots renvoient à une qualification spécifique correspondant non seulement à une fonction mais aussi à un statut ; statut qui est corrélé à une structuration des sociétés, comprenant un premier clivage, entre gens de condition libre et gens de condition non libres, et un second, à l’intérieur de la première classe, qui distingue en les regroupant sous un terme général, l’ensemble des classes socioprofessionnelles parmi lesquelles figure celle des griots ; celle-ci comprenant elle-même plusieurs catégories correspondant à des fonctions culturelles particulières. La caractéristique principale de cette structuration sociale étant l’endogamie et le caractère héréditaire des statuts, c’est l’instauration de liens conventionnels spécifiques entre les différentes classes qui garantit l’intercommunication et, partant, le fonctionnement efficace du groupe, qui repose sur un système de relations codées de clientélisme et d’interdépendance ; aussi, même si, dans la société moderne, cette hiérarchisation s’estompe, n’en reste-t-elle pas moins sous-jacente au réseau interrelationnel qui en assure la cohésion.

Ainsi pouvons-nous encore, à travers les comportements sociaux, mais surtout à travers les pratiques de l’expression langagière, voir plus clair dans le phénomène « griot » dont l’Afrique de l’Ouest nous offre maints exemples.

Appartenant à l’ensemble qui regroupe les différentes activités artisanales, les « griots » se placent bien comme les « artisans de la parole », les « gens de la bouche » comme les désignent les Soninkés. Chez ceux-ci, se dessine une hiérarchie, reflétée par la terminologie, et graduée selon le statut des destinataires de la parole des griots : princes, nobles, roturiers ; chaque classe de griots assume alors sa fonction propre : récitation des traditions orales officielles de l’aristocratie, crieurs publics, musiciens animateurs de festivités, etc. ; intervient par ailleurs une classification selon le sexe, les femmes ne jouant pas d’instrument de musique mais chantant en accompagnant les récits des hommes, pour certaines, ayant l’exclusivité de certains textes et récits généalogiques, pour d’autres.

Ailleurs, la classe des griots se différencie en griots généalogistes, détenteurs de l’histoire et producteurs des grands récits épiques, en musiciens et chanteurs se produisant en toute occasion, et même pour certaines sociétés, en griots bouffons ; si l’on prend l’exemple des Peuls, on distingue les maabuuɓe (sg. maabo), tisserands de laine mais aussi détenteurs de l’histoire des grands personnages, dont l’apanage est la déclamation des devises, des généalogies et des épopées ; les wammbaaɓe (sg. bammbaaɗo) musiciens, animateurs de toute manifestation festive et éventuellement accompagnateurs des maabuuɓe (lorsque ceux-ci ne savent pas jouer du luth) ; les awluuɓe (sg. gawlo), quémandeurs, laudateurs patentés ou pamphlétaires redoutables si la générosité du destinataire est en défaut ; et, enfin une catégorie marginale, assimilée aux griots bien que non héréditaire : les capurta’en, bouffons obscènes en rupture de ban, obligeant l’assistance offusquée à la prodigalité, seul moyen de faire cesser leurs extravagances.

À travers l’extrême diversité de ces manifestations langagières, reste une constante : la relation de dépendance économique liant le producteur du discours à son destinataire ; telle est en effet la condition pourrions-nous dire « génétique » du griot : qu’il soit vulgaire louangeur, capable d’inventer une destinée mensongère à un arriviste en vue, ou au contraire grand historiographe attaché à une famille princière dont il est l’archiviste renommé, le griot se trouve dans une situation de dépendance économique totale vis-à-vis du destinataire de sa parole, puisqu’il ne vit que de sa production orale, foncièrement immatérielle et instantanée, impossible à « monnayer » autrement que dans une situation de relation interpersonnelle directe.

La spécificité de cette relation trouve un reflet dans les récits d’origine concernant le griot, à la différence des autres artisanats ; en effet, on rencontre plusieurs légendes dans les zones mandingue et peule (H. Zemp, 1966, Télémaque Hamet Sow, 1916), l’une des plus courantes évoquant un lien doublement consubstantiel (parenté biologique et parenté par le sang) entre destinateur et destinataire : il s’agit là de deux frères circulant en brousse en une période de famine ; devant l’état de faiblesse de son cadet, l’aîné le nourrit d’une partie de son mollet, lui faisant croire qu’il a pu attraper un gibier ; mais voyant son frère boitiller, le cadet apprend la vérité et se fait alors le chantre de son sauveur, le célébrant partout où ils passent. Cette origine doublement consanguine du louangeur et du louangé, ajoutée à l’ordre générationnel des protagonistes, met l’accent à la fois sur leur interdépendance originelle en même temps que sur le type de cette interdépendance : dépendance éminemment matérielle, vitale pour le cadet, et dépendance éthico-sociale pour l’aîné dont la renommée tient à ce qui est dit publiquement de lui. C’est ce qu’illustre particulièrement le rôle du griot lorsqu’il clame la devise de la personne qu’il interpelle ou qu’il évoque en public. La devise étant une formule condensée censée représenter la personne dans ce qu’elle a de plus valorisant, sa profération à l’adresse de son « propriétaire » oblige celui-ci à s’y conformer sans faillir et à conserver ainsi son rang dans la société.

Un autre récit peul du Sénégal, le Fantang – qui porte le nom d’une phrase mélodique, devise musicale des Peuls pasteurs –, met la découverte du luth à l’origine de l’instauration du système relationnel particulier qui lie Peuls et gens de « caste » (selon la terminologie approximative adoptée en raison de l’endogamie des groupes d’artisans) et, en particulier l’alliance entre Peuls et griots (S.M. Ndongo, 1986, Ch. Seydou, 1998, pp.148-151). Cette fois, le récit met en scène trois frères qui ont en propriété commune le troupeau hérité de leur père. L’aîné, puis le dernier-né ayant trouvé trop rude le métier de pasteur, seul le cadet décide de s’y consacrer entièrement. Dès lors chacun des frères vaque à ses occupations ; l’aîné fournit le bouvier en écuelles de bois pour la traite et, exigeant en contre-don un bovin, il deviendra le prototype des boisseliers et du même coup de l’ensemble des artisans ; quant au dernier-né, il recevra de son frère bouvier le luth et deviendra le prototype des griots, appartenant, comme le boisselier, à la classe socioprofessionnelle des artisans « castés ». C’est un vautour qui, perché sur un arbre, tire de sous son aile l’instrument et se met à en jouer pour célébrer les bovins ; c’est le bouvier qui réussira à lui faire lâcher le luth et à se l’approprier ; et c’est en cédant aux sollicitations de son puîné qu’il le lui remettra ; dès lors, ce dernier chante les louanges de son aîné ; et lorsque, voulant prendre femme, il viendra solliciter l’aide de celui-ci pour avoir le bœuf porteur exigé par la coutume, le donateur réclamera en échange qu’il lui chante son répertoire.

Ainsi s’annonce symboliquement la relation de totale dépendance du griot vis-à-vis du Peul propriétaire du troupeau : en effet, ce dernier fournit au griot non seulement l’instrument de musique mais encore le bœuf, garant de son alliance matrimoniale, et enfin, en sa personne même, la matière sur laquelle il pourra exercer son art verbal (l’éloge du pasteur et de son troupeau) et, pour boucler la boucle, le destinataire privilégié qui, en échange de sa parole, le prendra en charge économiquement.

Quant à la parole du griot, du point de vue du destinataire, elle en est la représentation sociale, autrement dit ce qui lui assure sa place et sa fonction et qui, par cela-même, peut faire et défaire son statut et son destin.

Comme on le voit, ces légendes sont particulièrement éclairantes sur le statut et la fonction du griot dans les sociétés où existe cette catégorie socioprofessionnelle.

Dans cette relation intime entre le griot et son interlocuteur – lorsqu’il agit sur celui-ci par la proclamation de sa devise et de sa généalogie ou par l’évocation des héros épiques, représentatifs de l’idéologie commune –, la force agissante de sa parole est redevable tant à son talent personnel qu’à son statut même ; mais, outre cela, il est une autre notion relative à la parole qui ajoute à la justification de sa fonction : celle de moyen privilégié de la communication. Compte tenu, d’une part, de l’importance de la parole et de sa valeur performative dans des sociétés de culture orale, d’autre part, de la rigidité imposée par les exigences de l’étiquette éthico-sociale régissant les relations entre personnes, dans des sociétés fortement structurées en un système de classes étanches, la situation implique un règlement conventionnel de la circulation de la parole et le recours à une catégorie de locuteurs vouée à assurer cette circulation et à compenser cette rigidité pour préserver l’harmonie des relations et la cohésion du groupe. Le griot s’avère ainsi le vecteur attitré de la parole entre personnes et entre groupes… : il intervient dans toutes les circonstances impliquant l’établissement d’une relation entre partenaires que l’étiquette ou la position personnelle inhibent : émissaire dans toutes les démarches d’alliance matrimoniale, dans les négociations entre adversaires politiques ou guerriers, porteur de la parole du pouvoir et de l’autorité à l’adresse des administrés etc., il est ainsi, grâce à son statut « hors rouage » dans le système social, le médiateur neutre, assuré d’une immunité totale, qui a liberté et… pouvoir de parole ; et, ce faisant il se révèle, en dépit de sa situation peu gratifiante socialement, dépositaire de la cohésion de la communauté, à la fois dans son fonctionnement interne par la garantie d’une communication entre tous les agents engagés, et dans sa continuité, par la transmission du patrimoine historique dont il est l’archiviste.

Christiane Seydou

 

Épopée

 

Il sera fait ici l’économie du débat relatif au problème de la nature et de l’identification des « genres littéraires », considérant comme acquis que, chaque société établissant dans sa production langagière une classification qui, même si elle ne se traduit pas toujours par un lexique spécifique, se perçoit à travers des traits distinctifs conventionnels (sur les plans tant discursif que pragmatique), chaque « type de discours » est identifiable par ses producteurs et par ses récepteurs, comme répondant à un ensemble de propriétés reconnaissables relevant de divers paramètres.

Dans les sociétés dites de tradition orale, outre l’examen de la nomenclature autochtone dont rend compte le lexique, la précaution qui s’impose est de prendre en considération précisément les paramètres adéquats qui entrent en jeu dans la catégorisation des « genres » : a) qualité et statut des partenaires de l’énonciation (sexe, âge, interlocution admise ou non, catégorie socioprofessionnelle) ; b) conditions de l’énonciation (temps, lieu, circonstances) ; c) modalités de l’énonciation (parole, chant, accompagnement instrumental, gestuelle) ; d) critères du contenu : thèmes et sujets…, valeur (réalité, fiction, véridicité, imagination) ; e) forme et enfin fonction.

Ainsi peut-on repérer à l’intérieur de chaque culture, les divers « genres » pratiqués. Mais, lorsqu’on parle d’« épopée », il s’agit d’une terminologie transculturelle, ce qui nous oblige à procéder à une nouvelle démarche afin de repérer, par une comparaison raisonnée des systèmes de genres propres à chaque société, les correspondances qui, mutatis mutandis, nous permettraient de ranger telle classe de textes présente dans chacune, sous cette rubrique commune. C’est ainsi que se sont dégagés au sein du système des genres en usage dans différentes populations, des types de discours qui présentaient certains traits communs relevant parfois moins du contenu textuel que des conditions de performance et d’énonciation, du statut des performateurs et de la fonction socioculturelle de leur performance. C’est le cas pour ce que l’on qualifie d’épopée ou de récits épiques.

Certes tous les textes épiques du monde présentent des traits communs élémentaires concernant le contenu : ce sont des textes narratifs mettant en scène des personnages exceptionnels, acteurs d’exploits héroïques devenus mémorables, et considérés comme représentatifs des valeurs constitutives de la culture dont ils émanent.

Ce qui caractérise la situation du genre en Afrique, c’est que – fidèle en cela à l’étymologie du mot grec – l’épopée y est restée parole vivante, parole en acte et peut y être étudiée en situation, dans ses diverses expressions et dans son fonctionnement. Son inscription dans des cultures différentes offre un éventail de manifestations dont l’analyse permet de repérer, compte tenu de leurs variations respectives, ce qui justifie leur regroupement sous une qualification commune.

Ce qui, dès l’abord, permet, dans une population donnée, une distinction par rapport aux autres genres pratiqués, c’est le statut particulier qui est reconnu à cet acte de parole, plus porteur que tout autre d’un faisceau de données qui sont fondamentales, constitutives de la communauté ; c’est là ce qui implique la prise en charge d’un tel acte de parole par des spécialistes, sa réalisation conditionnée par des circonstances déterminées et suivant des modalités d’énonciation spécifiques, sa signification dévolue à un message tout à la fois sémantique (par le choix de thèmes conventionnels représentatifs), et pragmatique (par une mise en forme textuelle et artistique canonique) ; tout cela sous-tendu par une intention idéologique très prégnante : celle de ranimer dans une population la conscience de son identité en exaltant les valeurs symboliques qui la fonde et en l’appelant à communier dans la solidarité du partage des mêmes émotions.

Ce qui explique que le phénomène total qu’est la production d’un tel acte de parole constitue toujours un événement vécu intensément, comme un repère culturel unanime autour duquel une communauté réajuste et ravive périodiquement les représentations idéologiques et les valeurs spécifiques qui la constituent en tant que telle et par rapport aux autres.

Cela étant, chaque peuple dessinant les contours de son identité en fonction de sa situation écologique et historique, de son type d’organisation sociale et politique, ses positions religieuses et éthiques, son système de relation au monde etc., l’épopée aura des formes et des modes de fonctionnement propres à chacun. Toutefois, la comparaison de ces diverses réalisations permet de dégager trois principaux points de convergence :

  • au niveau de l’énonciation
    • l’association de la parole à un instrument de musique spécifique, et un mode de déclamation particulier ;
    • la spécialisation de l’énonciateur : « griot » de naissance ou barde initié ;
  • au niveau de la réalisation textuelle : la logique narrative est générée par une constante : une transgression motivée en amont par un défi (souvent concurrentiel) et entraînant en aval, au terme d’une progression paroxystique une situation agonistique qui implique généralement une opposition binaire (duel entre pairs rivaux ou combat contre ennemi collectif), schème minimal de la distinction entre soi et l’autre, à la base de toute représentation identitaire ;
  • au niveau socioculturel : fonction identificatrice et mobilisatrice liée aux deux points précédents qui créent un effet d’exaltation et de communion dans le sentiment d’appartenance à une même communauté.

Compte tenu de ces convergences, l’Afrique offre une diversité de situations où l’on peut distinguer quatre grandes catégories de textes à caractère épique, reposant sur la corrélation d’un certain nombre de paramètres dont les plus pertinents sont :

  • le type de société où ils sont présents
  • les conditions écologiques et économiques (agriculture, pêche, pastoralisme, chasse)
  • le statut et le rôle de leurs producteurs
  • le thème et la manière de le traiter

Et c’est ainsi qu’il est admis de parler d’épopées de type :

  1. L’épopée de type mythologique : elle se rencontre principalement en Afrique centrale, dans des sociétés à organisation politique segmentaire reposant soit sur des chefferies autonomes à base lignagère (ex. : Fang, Bapounou au Gabon, Douala, Bassa au Cameroun) soit sur des chefferies à caractère sacré (ex. Banyanga, Mongo en R.D.C). Dans des société de type polyarchique, le seul lieu d’unification possible se situe soit au niveau du clan, niveau accessible à travers initiations et culte des ancêtres – dont le premier ne peut être que mythique –, soit au niveau de la personne du chef, surtout si celui-ci représente une entité supérieure en étant investi d’un caractère sacré. Ce qui projette d’emblée l’épopée dans le temps mythique et dans l’univers du discours symbolique, dans le cosmique et le surnaturel, dans l’imaginaire et le fantastique
  2. L’épopée de type historique : appelée aussi « épopée dynastique » ou « royale », elle repose sur des faits historiques et des personnages attestés mais qu’elle réinterprète tout au long de sa transmission, au cours du temps et selon les circonstances, prenant finalement des contours plus proches de la légende que de la chronique. On connaît, entre autres, en Afrique du Sud, l’épopée zoulou de Chaka et, en Afrique de l’Ouest, les nombreuses épopées malinké, soninké, wolof, bambara, peule, zarma, songhay… qui sont liées à des sociétés à pouvoir centralisé et structure hiérarchisée ; thèmes et personnages sont alors inscrits dans des actions héroïques liées aux remous historiques provoqués par la constitution d’empires ou de royaumes (Royaume de Ségou, Empire peul du Mali, royautés soninké…), les révoltes contre des suzerains ou encore contre l’islam conquérant etc.
  3. L’épopée de type religieux : dans les régions où l’islam s’est établi, l’épopée « historique » a pris une toute nouvelle orientation. Certes elle persiste sur le modèle précédent lorsqu’elle concerne les luttes anciennes de royaumes contre leurs voisins ou le djihad pour l’instauration d’un État théocratique ; mais, pour des personnages historiques plus récents, comme El-Hadj Omar par exemple, elle adopte une tout autre forme : s’inspirant du modèle de la « qacida », elle est alors le fait de lettrés, adopte une forme versifiée inspirée du modèle arabe et prend une orientation nettement hagiographique.
  4. L’épopée de type corporatif : dans plusieurs sociétés de l’Afrique de l’Ouest, d’autres textes à caractère épique sont, eux, rattachés à des groupes dont les activités traditionnelles sont en rapport avec le monde animal terrestre et aquatique (pêche chez les Bozo, les Soubalbé…, chasse, chez les Bambara, les Malinké… ) et impliquent des rituels, des règles et des pratiques cultuelles ; ces récits épiques plongent dans le merveilleux, remontant au pacte originel entre le héros ancêtre et les mondes animal et surnaturel, pacte qui garantit l’équilibre des relations entre le monde humain et celui de la nature et se trouve en quelque sorte ranimé par la déclamation de ces textes.

Si variées que soient les réalisations de l’épopée dans des sociétés et des cultures de types aussi divers, il est manifeste que ce genre y tient une place prépondérante ; en effet les héros et leurs exploits exaltant les représentations identitaires fondatrices de chaque communauté, l’épopée y a une fonction tout à la fois idéologique et pragmatique ; ce qui lui confère, outre sa qualité de « genre littéraire », une dimension de quasi institution sociale.

Christiane Seydou

Poésie

 

En Afrique, dans toutes les sociétés, la poésie tient une grande place dans la pratique langagière aussi bien populaire que savante. Rien d’étonnant à cela, du fait qu’y ont prédominé des cultures d’oralité et que le paramètre fondamental de la poésie relève précisément de cette situation ; les caractéristiques du discours poétique tiennent en effet d’une part, à l’aspect sonore des signifiants en tant que tels, d’autre part, à la distribution des pauses, des accentuations, des modulations… soit, au rythme et à la vocalisation. Toute l’esthétique de cet art verbal reposant sur une organisation concertée des vocables de sorte que leur signifié se diffuse à travers la matière sonore que crée l’enchaînement mélodique et rythmique de leur composition phonique, elle n’est authentiquement reconnaissable et perceptible qu’audible ; qui « lit » de la poésie, ne « l’entend-il » pas spontanément en la lisant ? L’oralité est bien la condition première de l’art poétique.

En Afrique, la poésie est composée oralement, énoncée publiquement et retransmise oralement, à l’exception de certains cas de poésie savante relevant d’emprunts culturels ; elle est si répandue que son éventail de réalisations est, de tous les genres discursifs, le plus large, tant dans ses formes que dans ses modes d’énonciation et dans le statut de ses producteurs ; ainsi :

  • s’il n’existe pas toujours dans la langue un terme recouvrant la notion générale d’art poétique, en revanche la poésie se distribue en de multiples genres ayant chacun son nom et ses caractéristiques canoniques
  • elle est soit récitée, soit chantée et accompagnée ou non de musique instrumentale et parfois même de danse ;
  • elle est le fait du tout venant (tous sexes, tous âges, toutes activités) ou, au contraire, de spécialistes ;
  • elle se dit en privé ou en public, dans des circonstances ordinaires ou cérémonielles.

Toutes ces conditions étant corrélées, elles entrent en compte dans la spécificité des différentes catégories et l’exercice de la poésie prend les formes les plus diverses, des plus sommaires aux plus complexes, parmi des populations qui cultivent de façon plus ou moins intensive cet art verbal. Ainsi les Swahili (J. Knappert, 1967, 1979, L. Harris, 1962) comme les Somali (B.W. Andrzejewski & I.M. Lewis, 1964) ou les Touaregs ont une grande tradition poétique, distribuée en différents genres, chacun ayant son nom, son style, sa prosodie, son type de diction, son accompagnement musical ou gestuel etc. Par exemple, chez les Touaregs du Niger (D. Casajus, 1992, 2000) qui ont, pour désigner la poésie un terme propre (asätagh), la poésie élégiaque obéit à une tradition littéraire qui fixe thèmes, motifs, scansion, respect de la rime et qui suscite des œuvres d’un extrême raffinement, chaque poète cherchant à réinventer, à partir de sa propre culture poétique, une expression nouvelle ; autre genre, les chants de mariage exécutés par les forgerons varient selon l’étape de la fête, entonnés soit par un soliste, soit avec choristes, orchestre et danses, le rythme étant, dans ce cas, la marque poétique prédominante, mais là encore le vers comptant un nombre de syllabes et une alternance de longues et de brèves définis ; les chants de chameaux exécutés par les jeunes filles, avec accompagnement de tambour, pendant le carrousel des méharistes, ne sont généralement qu’une litanie de vers très brefs consacrés à une louange hyperbolique des chameaux.

Ailleurs encore, on voit, selon le genre, la création poétique revenir à des spécialistes ou non : par exemple, chez les Peuls du Mali, à côté d’une poésie religieuse islamique due à des lettrés et observant des règles strictes empruntées à la poésie arabe, une poésie profane se partage entre un genre, le mergol, sorte de poésie libre, création de poètes qui exercent leur talent personnel sur tous les sujets, et les jammoje na’i ou louanges aux bovins, création, eux, des tout jeunes gens qui, sur un même sujet (le troupeau transhumant), rivalisent dans l’articulation maîtrisée des jeux sonores rendus par l’agencement savant des mots, mais qui, sitôt adultes, cessent cette activité pastorale et poétique (Chr. Seydou, 1991).

Dans chaque population, la poésie peut marquer de son sceau des pratiques langagières habituelles : en partant des cas les plus simples, on trouve une recherche d’expression poétique dans les comptines enfantines, les jeux verbaux, dans les berceuses plus ou moins improvisées, mais aussi dans les proverbes et dictons qui émaillent les propos les plus familiers — J. Knappert ne voit-il pas dans les proverbes « les racines de la poésie Swahilie » (1979, p.45) ; mais certaines y développent des genres particuliers : tel est le cas, par exemple chez les Songhay-Zarma du Niger, des zamu ou poèmes sur les noms qui sont récités uniquement par les femmes à l’adresse des enfants et évoquent de façon oblique ce qui est souhaité pour ceux-ci, tout en servant, dans la situation occasionnelle de leur énonciation, d’encouragement ou de louange (J. Bisilliat & Diouldé Laya).

Il est remarquable que, dans un grand nombre de sociétés, la forme poétique est particulièrement associée à la pratique de l’éloge quel qu’en soit l’objet. On peut en chercher les raisons tant en amont qu’en aval, de la composition à la fonction ; en effet, louer étant magnifier, on ne peut se contenter de décrire la seule banale réalité de la chose ou de la personne à célébrer ; la représentation en est donc « trans-formée » par le recours à toutes les ressources stylistiques — en particulier la métaphore et l’image, premiers tropes de l’art poétique —, la déclamation en est rehaussée par des effets de voix destinés à entraîner l’attention et l’adhésion de l’auditoire, le tout étant mis en œuvre pour obtenir un sentiment d’exaltation admirative.

Si l’éloge d’objets, d’animaux, de plantes peut prendre la forme de blasons (D . Noye, 1976) joliment tournés, pour le simple plaisir de l’auditoire, d’autres poésies de louange ont un impact social voire religieux beaucoup plus important ; c’est le cas, chez les Yorouba, des ijala chantés à l’occasion des cérémonies annuelles pour le dieu Ogun, aux funérailles d’un chasseur ou en l’honneur des ancêtres d’un lignage ; ils sont composés par des spécialistes sur des modèles anciens suivant des formules poétiques et rythmiques conventionnelles, et chantés avec un accompagnement de tambour : toutefois le caractère solennel de leur profération n’entame en rien la profusion des occasions de leur exécution (S. A. Babalola, 1966).

La poésie d’éloge à l’adresse de personnes fleurit à foison (R. Finnegan, 1970) : si l’on pense évidemment, dans ce cas, aux dithyrambes réservés aux chefs ou aux personnalités importantes, comme chez les Tswana ou les Zoulou (I. Schapera, 1965, J. Stuart & D. Malcolm, 1968)), ce peut être aussi pour des personnes ordinaires et dans la vie courante que se pratique ce genre. Ainsi les enfants shona du Zimbabwe sont-ils sensibilisés très tôt au culte du beau langage et apprennent-ils les éloges des clans auxquels ils appartiennent, en se les entendant constamment attribuer par leurs parents sous forme d’encouragement ou de félicitation tout au long de leur éducation. Ce n’est certes pas là la seule forme de poésie qu’ils pratiquent, mais elle accompagne les événements de la vie des plus courants aux plus marquants (A.C. Hodza & G. Fortune, 1979).

Cette poésie d’éloge à l’adresse de personnes peut aussi prendre le chemin de la poésie d’amour qui ouvre partout un large champ à l’inspiration. Sans doute le sentiment amoureux entraîne-t-il l’évocation de l’objet aimé et, de ce fait, soit, en son absence, l’élaboration d’une image sublimée par la nostalgie, soit, en sa présence, un discours orné, façonné par l’espoir de le séduire ;  dans l’un et l’autre cas, la poésie d’éloge a sa place : qu’on songe mélancoliquement à l’aimé(e) ou qu’on veuille attirer son attention bienveillante, l’énoncé exalté et… exaltant de ses qualités constitue en effet l’essentiel du sujet.

Mais il est encore, pour cette poésie d’éloge, un chemin beaucoup moins lyrique et plus combatif : celui de l’autopanégyrique, comme on le rencontre au Rwanda. La poésie y est très largement pratiquée dans trois grands domaines : poésie dynastique, poésie pastorale et poésie guerrière (A. Coupez & Th. Kamanzi, 1970), chacune ayant ses règles de composition et d’énonciation. Dans la dernière catégorie, les autopanégyriques sont l’œuvre des guerriers qui, sur des thèmes imposés (arc, lance ou bouclier), se composent un poème personnel décrivant leurs exploits réels ou imaginaires, qu’ils hurleront à pleins poumons et à toute vitesse en brandissant leur lance pour impressionner l’ennemi ou pour se défier mutuellement dans des circonstances purement récréatives.

Enfin un genre plus discret de cette poésie prend forme dans les devises ; dans bon nombre de sociétés, la pratique de cette interpellation des personnes par une formule bien frappée censée les représenter s’applique aux personnalités en vue, aux puissants, aux personnages historiques célèbres. La devise consiste en une qualification apologétique de la personne à travers un couplet bref et percutant empruntant généralement sa force d’évocation au procédé de la métaphore et à une modalité de profération rythmée et fortement accentuée (Chr. Seydou, in G. Calame-Griaule, 1977). Elle est l’apanage de spécialistes et s’inscrit dans un système social dans lequel le réseau relationnel est conventionnellement hiérarchisé et elle tient en grande partie son efficacité de cette situation : en interpellant une personne par sa devise, le griot la force à se conformer à l’image qui est ainsi donnée d’elle et à assumer sans détour son statut social ; et voilà où la force performative de la parole poétique trouve un exemple privilégié !

La devise tient en outre une place importante dans un genre qui, selon les cultures, relève de la poésie ou simplement de la prose rythmée : le genre épique ; chez les Swahili, l’utendi se compose de strophes de plusieurs vers comptant un nombre de syllabes précis, avec un système de rimes complexe etc., tandis que chez les Peuls, les Bambara, les Malinké, les Songhay…, les récits épiques n’utilisent que la prose narrative mais sont déclamés sur un rythme bien marqué ; et surtout, chez les uns comme chez les autres, l’accompagnement musical instrumental joue un rôle primordial.

Comme on le voit, la poésie parcourt toutes les activités et s’épanouit en toutes circonstances dans le cadre de la communication orale. Reste un domaine particulier, celui de la poésie religieuse ou mystique qui a éclos avec l’adoption de l’islam dans bien des régions ; cette nouvelle inspiration soit s’est inscrite dans les normes prosodiques de la poésie profane et populaire existante (Swahili), soit, a suivi les modèles de la poésie arabe classique (Peuls, Haoussa, Maures, etc.), voire a parfois opté pour l’utilisation de la langue arabe (Somali). Cette poésie a pris une grande importance dans la littérature de certaines populations où sa pratique s’est tellement répandue qu’elle offre un large éventail de sous-genres (élégies, prônes, oraisons funèbres, éloges etc.) et… de grandes disparités de qualité (depuis les pièces laborieuses de piètres rimailleurs jusqu’aux splendides odes, œuvres de grands auteurs, penseurs profonds et poètes inspirés). Notons que l’oralité y reste maîtresse, cette poésie étant chantée et que, même lorsqu’elle fait l’objet de copies, sa transmission reste orale au sein des zaouias où les talibés les chantent.

Dans la production moderne, s’ajoute à tous ces genres poétiques, d’une part, une personnalisation des talents, de l’autre, une diversité de thèmes et de formes parfois éloignés des genres traditionnels ou même totalement empruntés. On trouve aussi des cas d’auto-évolution, tel le genre de la qacida, épopée hagiographique en vers, inspirée de la tradition poétique arabe, qui, éclose au Sénégal dans le contexte historique et religieux de la conquête oumarienne, s’est greffée sur une tradition épique antérieure bien ancrée dans le pays.

Comme on le voit, en Afrique la poésie habite tous les instants de la vie des plus intimes (berceuses, zamu) aux plus solennels, des plus personnels aux plus publics, des plus austères aux plus festifs ; elle est pratiquée, créée ou récitée, par des énonciateurs les plus divers, dans des intentions et avec des fonctions multiples et enfin sous des formes très variées allant de la poésie libre à la plus sophistiquée ; et surtout, plus que simple exercice artistique à simple objectif esthétique, elle s’inscrit dans un système de communication dans lequel, à chacune de ses manifestations, elle a une fonction définie, sociale, affective, éthique, voire politique. Et tout cela est manifestement lié à l’expression orale de cette parole dont la recherche d’une mise en forme verbale et vocale est la marque dominante en vue d’un impact accru sur l’auditoire destinataire.

Si la prédominance de l’oralité dans la plupart des cultures de l’Afrique a entretenu la créativité dans l’art poétique, elle la favorise d’autant plus, dans la situation actuelle, où elle trouve de nouveaux champs d’expression avec le rap et le slam, que l’on voit fleurir à présent sur maintes scènes africaines.

Christiane Seydou

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