Patrick MUGABO, 2010, Bugingo wa cumi na batatu [Bugingo XIII].
Mots-clés: kinyarwanda– Rwanda– roman – Bugingo XIII – Patrick – Mugabo
Contexte:
Le livre a été publié sous forme de “Printing on Command” chez Lulu, Raleigh (USA) en 2010. C’est le premier roman de l’auteur et c’est à lui qu’appartient le copyright.
P. Mugabo, né en 1983 à Kigali (Kicukiro district) est ancien élève du Groupe scolaire officiel de Butare et du Lycée de Kigali. Il rejoint ensuite la faculté des Sciences de l’université nationale du Rwanda où il obtient une licence (équivalent Master) en biologie en 2007.
Résumé:
Quatre personnages principaux sont présents: Bugingo Camil (i.e. « Celui qui possède la vie et/ou la chance»), surnommé Boy; Suzanne, la mère de Bugingo Camil; Sarah surnommée Nina; Helen, la mère de Sarah.
Le roman est bâti sur le thème classique de la quête. Nina et Boy grandissent ensemble en Ouganda. Helen, la mère de Nina, part faire des études au Royaume-Uni un mois seulement après la naissance de sa fille. Son père, membre de la rébellion rwandaise en Ouganda, rentre au Rwanda avec la prise du pouvoir par le Front Patriotique Rwandais et est nommé Général-Major dans la nouvelle armée. Les parents laissent Nina aux bons soins de Suzanne, la mère de Boy, qui vit également en Ouganda. Lorsque Suzanne, déplacée comme la plupart des anciens réfugiés en 1994, décide de rentrer au Rwanda avec Boy, Nina est obligée de rejoindre sa mère au Royaume-Uni. Elle a six ans.
Une fois adulte, elle se lance alors à la recherche de son ami d’enfance, afin que reprenne leur ancienne idylle. Le roman raconte cette recherche longue et difficile, puisqu’elle devra vérifier plus d’une dizaine d’identités avant de tomber, comme par enchantement, sur celle d’un « prisonnier au garage de son père » qui est, en fait, le treizième Bugingo, et donc le vrai Bugingo! La rencontre signe le début (ou la continuité) d’une aventure amoureuse qui ne dit pas son nom, mais c’est sans compter sur une opposition farouche d’un certain Captain Richard, amoureux de Sarah (dont Nina était le nom d’enfance) et pilote d’hélicoptère dans la même armée que Steven Kamanzi, le père de Sarah et qui semble aussi avoir les faveurs de la mère de celle-ci.
De son côté, Camil ne bénéficie d’aucun soutien de la part de sa mère Suzanne qui préfère que son fils trouve une fiancée de même condition sociale et lui recommande une certaine Anita. En effet, Suzanne est veuve du génocide de 1994 et de condition modeste. D’ailleurs, Helen qui a une vie aisée ne manquera pas de le lui rappeler par ce proverbe: “Amabóko atáreeshyá ntaaramúkanya” : « Les bras qui n’ont pas les mêmes coudées ne peuvent se donner des accolades » (p. 338).
Les deux héros dont les destins se croisent seront aidés dans leur combat par un talent hors-pair et une force de caractère: Sarah est pianiste de renom tandis que Camil est champion d’Afrique en karaté, style Wado Ryu. Le garçon, dans une dernière bataille, sur scène, croise le fer avec Richard; Sarah est blessée durant le combat ; le sang de Camil se mêle à celui de Sarah, comme dans Tristan et Yseult, avant que son adversaire ne soit confondu.
Le style de l’auteur, teinté d’humour, comprend une forte dose d’emprunts (anglais, français, swahili) et ceci peut dérouter plus d’un rwandophone ordinaire. Ce style brosse, en quelque sorte, le tableau du paysage linguistique rwandais actuel où l’on parle en mélangeant trois et parfois quatre langues.
Extrait :
Jane ntiyavuganaga na Sarah ngo babure kuzanamo Boy. Ntiyabikundaga ariko yabaga abyiteze. Boy bari barareranywe kuva bakiri impinja, batandukanywa muri 1989, igihe Sarah ajya i Burayi. Bari bafite imyaka itandatu. Mbere yo gutandukanywa, Jane ni we wakoze akazi katoroshye ko kubasobanurira no kubemeza ko bagiye kumara iminsi itanu batari kumwe. Mbere nta hantu umwe yajyaga ajya ngo asige undi; barerwaga nk’impanga. No kuri uwo munsi wa nyuma kugira ngo abana bemere gutandukanywa, Jane yabanje kubarahira ko ntawuzongera kubatandukanya, uretse ko n’ubundi bitongeye (Bugingo, p. 136)
Traduction:
Jane ne pouvait jamais s’entretenir avec Sarah sans évoquer Boy. Cela ne lui plaisait pas, mais elle s’y attendait toujours. Sarah avait grandi avec Boy depuis leur tendre enfance et ils avaient été séparés en 1989, lorsqu’elle est partie en Europe. Ils avaient six ans. Avant leur séparation, Jane avait dû user de tout son savoir-faire pour les convaincre qu’ils allaient être séparés pendant cinq jours seulement. Avant, l’un ne pouvait aller nulle part sans l’autre; ils étaient élevés comme des jumeaux. Même ce dernier jour, pour que les enfants acceptent d’être séparés, Jane avait dû promettre que personne ne pourrait les séparer de nouveau, et effectivement cela ne s’est jamais répété.
Jean-Chrysostome Nkejabahizi