Khabari ya amur bin Nasur Ilomeiri – Présentation de l’oeuvre

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Ce texte a été publié en 1894 dans l’anthologie de Carl Gotthilf Büttner : Anthologie aus der Suaheli-Litteratur[1].

Büttner était alors professeur de swahili à l’école des langues orientales de Berlin, Amur bin Nasur y était lecteur (dans cette même langue). Comme ce dernier le relate lui-même, il avait été engagé à Berlin pour une durée de quatre ans (1891-1895). En 1895, sa mère et d’autres membres de sa famille étant décédés pendant son absence, il demande un congé sans solde de six mois pour retourner à Zanzibar. Les instances universitaires n’étant pas satisfaites de son travail, son contrat ne fut pas reconduit. Amur bin Nasur devint ensuite le liwali (le gouverneur) de Bagamoyo[2].

Bien que Carl Gotthilf Büttner indique à plusieurs reprises que la contribution d’Amur bin Nasur est écrite, le récit apparaît cependant étonnamment marqué par l’oral, en particulier par le retour quasi incessant du mot « bassi » (voilà, bref, c’est tout…) que l’on imagine assez mal en contexte écrit. C’est également le cas du mot « tamat » (fin, point) qui vient scander les grandes articulations du texte et dont on peut se demander s’il n’était pas énoncé à l’oral pour marquer les pauses (comme on le fait dans une dictée) alors que sa présence à l’écrit est étrange. Par ailleurs, la segmentation des mots, souvent incorrecte, laisserait à penser que le récit a plutôt été transcrit directement de l’oral par une personne qui ne connaît pas forcément très bien le swahili. Ceci dit, nous sommes à une période où la langue n’est pas encore standardisée. De plus, il est très probable que si Nasur a bel et bien écrit le texte (et non dicté), il l’a alors fait en recourant à l’alphabet arabe, ce qui suppose une transcription ensuite en caractères latins, qui pourrait expliquer ces traits et variations assez surprenants.

Le texte, comme son titre l’indique, ressort en swahili du genre du khabar, qui recouvre différents types de textes à contenus informatifs (voir l’article associé à khabar). Il participe ici du récit biographique, avec un aspect centré sur le récit de voyage et la vie à Berlin. Le genre du récit de vie fut prisé en Allemagne où l’on suscita un certain nombre de textes qui furent utilisés comme base de cours et modalité d’entrée dans une culture spécifique. Carl Velten, qui apparaît dans le texte d’Amur, poursuivra ce travail de collecte de récits avec les Safari za Wasuaheli[3] qu’il publiera en 1901. Les textes qu’il proposera, et notamment ceux de Mtoro bin Mwenye Bakari qui fut également lecteur de swahili à Berlin à partir de 1900, sont cependant d’une teneur littéraire et ethnographique plus intéressante. Le texte ici reproduit vaut cependant par l’orientation qui lui est donnée : Amur bin Nasur, après avoir retracé les principales étapes de sa vie à Zanzibar et sur la côte est-africaine, livre dans son récit des années berlinoises un regard incrédule et émerveillé sur ce qu’il découvre : visites au musée et au zoo, théâtre, tavernes… Le texte est scandé par l’expression « nikastaajabu sana khabari ile » : j’étais stupéfait/émerveillé par cela !

Il y a dans le récit une dimension très visible de mise en valeur de la culture allemande qui rappelle que les textes suscités appartiennent, certes, à la littérature swahili (dont il constitue parmi les premiers textes en prose), mais également à la littérature impériale. La germanophilie de l’auteur apparaît nettement et le lecteur est d’ailleurs en droit de se demander dans quelle mesure la situation particulière de production du texte (demandé à un auxiliaire par une personne hiérarchiquement supérieure dans un contexte colonial) influe ou non de manière forte sur son contenu. Il est à cet égard particulièrement surprenant de voir que la découverte des tavernes berlinoises ne se traduit pas par une prise de distance de la part d’Amur bin Nasur (alors que ce sera toujours le cas des informateurs musulmans des Safari za Wasuaheli par exemple).

En dépit de ces spécificités, d’ailleurs intéressantes, le texte offre un regard particulier sur l’Europe (et l’Allemagne en particulier) du XIXème siècle, en pleine mutation industrielle. La dernière partie du texte, sur la vie à Zanzibar, permet également une lecture comparatiste dans la mesure où certains thèmes abordés lors du récit des années allemandes le sont également dans cette dernière partie du texte consacrée à la sphère culturelle d’origine (voir par exemple la question du logement).

A la fois récit de voyage, réunissant informations et anecdotes, ce récit constitue aussi l’un des premiers textes biographiques rédigé en langue africaine.

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Notes:

[1] Anthologie aus der Suaheli-Litteratur, textes recueillis par Carl Gotthilf Büttner. Berlin : Emil Felber, 1894, 405 p.

[2] Ces informations sont tirées de l’ouvrage de Ludger Wimmelbucker, Mtoro bin Mwinyi Bakari, Swahili lecturer and author in Germany. Dar es-Salaam : Mkuki na Nyota Publishers, 152 p.

[3] Carl Velten, Safari za Wasuaheli. Göttingen : Vandenhoeck & Ruprecht, 1901. Le texte est publié avec sa version allemande (Schilderungen der Wasuaheli). Traduction française : Nathalie Carré, De la Côte aux confins. Récits de voyageurs swahili. Paris : Cnrs éditions, 2014.

Khabari ya Amur bin Nasur / Le récit de voyage de Amur bin Nasur – 3) Zanzibar

 

 

Mots-clés: swahili ; récit de vie

Contribution présentée par Nathalie Carré

Auteur: Amur bin Nasur ilOmeiri

Editeur: Carl Gotthilf Büttner

Traduction française par Nathalie Carré

Enonciation: écrit

Contexte: Version originale Swahili : Anthologie aus der Suaheli-Litteratur, textes recueillis par Carl Gotthilf Büttner. Berlin : Emil Felber, 1894, 405 p.

Constitution du texte: Ce récit biographique fourni par Amur bin Nasur l’a été alors que celui-ci était lecteur de swahili à Berlin, entre 1891 et 1894. Carl Gotthilf Büttner, qui édite le texte, indique que celui-ci est écrit, tout comme Amur bin Nasur le souligne à la fin de son récit. De nombreux traits auraient cependant pu faire penser que le texte avait été recueilli oralement et transcrit (voir le document de présentation).

 

 

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Hii ndio khabari ya Unguja.

Informations concernant Zanzibar

   

  Mtu atakaye kusafiri kwenda Unguja kwanza atashuka pwani. Ataona watu wanaokula nyama ya watu. Walakin si nyama, hawo wanakula fedha wake kuona hujui lugha yake Unguja. Watakujia watakuambia: unataka kwenda wapi, bwana? Nao watasema nawe kwa lugha ya kiingreza watakuchukua hatta nyumba unayotaka; atafanya shauri yako hatta ulichoshughulika; atakuja atakuambia: sasa unataka kwenda wapi, bwana? Uta-mwambia atakupeleka, na ukitaka kununua kitu atakupeleka kwa Wahindi wao. Maana watu hawo wa na Wahindi wao maalumu, kitu kwa reale utanunua kwa reale mbili na kitu cha pesa utanunua kwa pesa kumi. Hiyo ndiyo khabari ya watu hawo.

   Celui qui veut se rendre à Zanzibar débarque d’abord sur le rivage. Là, il trouvera des gens mangeurs d’hommes… Mais ce n’est pas de la chair de l’homme qu’ils mangent : c’est son argent parce qu’ils voient que le voyageur ne parle pas le kiunguja[1]! Ils viendront et diront « Bwana, où veux-tu aller ? » Ils communiqueront avec toi en anglais et t’emmèneront jusqu’à la maison de ton choix. Ils feront tout selon ce que tu souhaites et l’un d’eux reviendra te demander : « Et maintenant Bwana, où veux-tu aller ? » Et il t’emmènera là où tu souhaiteras ; et si tu veux faire des emplettes, il te conduira à ses indiens, parce qu’ils ont des marchands qui leur sont associés : une chose qui coûte un reale, ils te le vendront à deux. Pour les petites sommes, ils multiplieront par dix. Voilà ce qu’il faut savoir sur ces gens.
   Pa na na wangine ndani ya mashua na wangine katika maduka na watu hawa watwana na Wangazija na Washeheri, hawo ndio watu dhaifu walio katika kisiwa cha Unguja, bassi.   Certains d’entre eux sont dans les pirogues, et d’autres dans les boutiques ; ce sont des esclaves des Comores et des Washihiri[2]. Ce sont les gens les plus misérables de toute l’île.
   Na Unguja ndogo si kubwa walakin kwa mtu atakaye kukaa nzuri. Nayo i na biashara nyingi ya pembe na ya ngozi na ya sandarusi na ya garafuu na ya mihogo na mtama na kunde na nazi na makumbi na vifuo na kulla kitu.    Zanzibar est un petit territoire, mais celui qui veut peut y vivre bien. On y fait largement commerce d’ivoire, de peaux, de copal, de clous de girofle, de manioc, de sorgho, de haricots et de noix de coco, qu’on utilise du fruit jusqu’à la coque.
 Walakini na ukitaka kupanga nyumba Unguja utakwenda kwa mwenyi nyumba utapatana naye kama vile mtavyoafikana wewe ma mwenyi nyumba ikawa reale au mbili, maana hapana kawaida hiyo kwetu. Nako ku na majumba ya mawe na majumba ya udongo nayo ya makuti. Ndio yaliyo rakhisi, themani yake tokea reale khamse mia hatta reale ishirini, utapata kununua; ukitaka kupanga tokea reale sita hatta robo utapata. Na nyumba za mawe ukitaka kupanga tokea reale miteen hatta reale tatu mwezi utapata. Walakin na nyumba hizo lazim kwa kulla kitu ununue mwenyewe tokea meko hatta fagio hatta mtumishi wa kufagia ndani ya nyumba.

Na katika khabari ya koodi hutoa akheri ya mwezi ikiandama mara utatoa, bassi.

  Si tu veux louer un logement à Zanzibar, tu iras chez un propriétaire et tu t’entendras avec lui pour voir si ce sera un prix de un ou deux reale parce que les choses ne sont pas fixes chez nous. Il y a des maisons en pierre, ou des maisons en terre avec des toits de palme. Celles-ci sont bon marché, tu peux en trouver à acheter à partir de 20 reale jusqu’à 500 reale. Si tu veux louer, c’est possible à partir d’un quart de reale, jusqu’à six reale. Pour les maisons en pierre, tu peux en louer à partir de 3 reale jusqu’à 200 pour un mois. Mais dans ce genre de maison, il faut tout acheter par soi-même : de quoi cuisiner et balayer ; il te faudra aussi recruter le balayeur ! Et concernant la location, on paye à la fin du mois pour le mois qui vient, quand arrive la nouvelle lune.
   Na Unguja kuna mifeleji katika njia, walakin ndani ya majumba hapana, illa mtumishi aende apeleke maji. Na Unguja ku na maduka na Wahindi na Waarabu na Washeheri na Wangazija na Watwana na Wasawahili na watu wa Mrima na Washenzi na Wazaliwa.    A Zanzibar, il y a des petites rigoles au milieu des rues parce qu’il n’y a pas d’eau courante dans les maisons ; ce sont les domestiques qui vont la chercher. A Zanzibar, il y a des boutiques ainsi que des Indiens, des Arabes, des Washihiri, des Comoriens, des esclaves, des Swahilis, des gens de la Côte et des indigènes de l’intérieur et des autochtones.
   Na Unguja kuna mitaa: wa kwanza Fordhani na Malindi na Shangani na Mnazimoja na Kidotani na Kibunguni na Gogoni na Fungoni na Mtakuja na Sokoni na Baghani na Vuga na Mkunazini na Malindi na Kiponda funguni. Na mitaa hii yote mjini na mpaka wake daraja. Na upande wa pili: kwanza Vikokotoni na Kisiwani na Vikokotoni kwa wabuki na Mchangani na njia kuu na Miembeni na kwa Machoro na Kikwajuni na kwa Said Hamud Kiungani na huku pia jina lake Ngambo. Na maana yake Ngambo kwa sababu ngambo ya mto. Na watu wanaokaa katika mji watu walio Waarabu na Wazungu na watu wangine kidogo Wangazija, walakin ndani ya Ngambo nyumba za makuti na watu wanaokaa Ngambo Waarabu na Watwana na Wangazija kazalika na watu walio maskini kama mimi Amur. Na mimi nakaa Vikokotoni. Na Ngambo hapana nyumba ya mawe; zipo kidogo, walakini si kama mjini. Nako ku na mabokhari mengi na watwana wa Kiangazija wauza nyama ndani ya mabokhari ya makuti.    La ville de Zanzibar est divisée en nombreux quartiers : il y a d’abord Forodhani, Malindi, Shangani, Mnazimoja, Kidotani, Kibunguni, Gogoni, Fungoni, Mtakuja, Sokoni, Baghani, Vuga, Mkunazini, Malindi et Kiponda funguni. Tous ces quartiers-là se trouvent en ville, jusqu’au pont. De l’autre côté, il y a d’abord Vikokotoni, Kisiwani, Vikokotoni là où sont les Malgaches et Mchangani, près de la route principale, il y a Miembeni, Kwa Machoro et Kikwajuni et le quartier dit « Chez Said Hamud Kiungani ». On appelle toute cette zone « Ng’ambo » (l’autre côté)[3] parce qu’elle se trouve de l’autre côté du bras de mer. Les gens qui résident en ville sont les Arabes, les Européens et quelques Comoriens, mais à Ng’ambo, dans les maisons aux toits de palme, ce sont des Arabes, des esclaves, des Comoriens et d’autres gens pauvres, comme moi Amur. J’habite à Vikokotoni. A Ng’ambo, il n’y a pas de maisons en pierre, enfin il y en a quelques-unes, mais ce n’est pas comme en ville. Il y a de tas de sortes de hangars couverts de palmes où les esclaves et les Comoriens vendent de la viande.
   Na katika khabari ya mashamba ya Unguja nayo kana mitaa, kwa kulla mahala pana mashamba: auwali Donge na Kinduni na Mwera na Zingwezingwe na Nyanyale na Uzini na Fuoni na Kwarara na Kikaangoni na Mwanyanya na Buibui na Mwera na Pwani mchanga na Uzi na Mzizima na Bandamaji Mwanda na Chechele na Kisongoni na Uzi ndogo na Langoni na Mtoni na Bububu na Mbuzini na Kitumba na Fuoni na mangine siyajui.    Pour ce qui est des campagnes sur l’île, elles sont aussi réparties en différentes zones. Chaque localité a ses plantations : d’abord il y a Donge et Kinduni, Mwera, Zingwezingwe, Nyanyale, Uzini, Fuoni, Kwarara, Kikaangoni, Mwanyanya, Buibui, Mwera, Pwani mchanga, Uzi, Mzizima, Bandamaji Mwanda, Chelele, Kisongoni, Uzi ndogo, Langoni, Mtoni, Bububu, Mbuzini, Kitumba, Fuoni et d’autres que je ne connais pas.
   Walakini mashamba haya yote ya Waarabu na Wahindi walionyanganya kwa Waarabu. Na mashamba ya saiyidi Chukuani na Chweni na mangine mengi sana, walakini hayo mawili ndio mashamba mashuhuri yanayojuikana nayo ndiyo anayokwenda mwenyewe, kwa kulla anapotaka kwenda shamba huenda yeye mashamba haya mawili. Na baathi ya mashamba nimeyasahau kuyataja, bassi.    Tous ces terrains appartiennent à des Arabes où des Indiens qui les ont retirés aux Arabes. Pour ce qui est des propriétés du Sultan, il y a Chukuani et Chweni[4] et d’autres encore mais les deux premières sont les plus connues. C’est là que se rend le Sultan à chaque fois qu’il veut quitter la ville, dans ces deux endroits-là. Il y a d’autres propriétés mais j’ai oublié de les nommer.
   Na Unguja kulla katika mashamba yalio mbali ku na watu, na watu hawo wakhadimu, nao hawana kazi illa uchawi na kulima na kuruka; na watu wenyewe aghlabu wanakaa katika Maweni na Mwanda na Donge na Muyuni na Pwani Kiwengwa na Uzini. Walakin Uzini uchawi wao punyu na asli ya punyu moyo wa nyoka na moyo wa guruguru na dawa nyingine ya miti na dawa nyingine katika makaburi ya watu. Na khalafu wanasaga mwituni hatta ikawa kama unga, bassi. Na wakisaga sharti upande juu ya mti na wao wawe na mti mrefu wakukaangia hiyo punyu, hatta khatima wakaipua wakaitia ndani ya mahala wanapotaka basi. Na wakiwa na mtu hawamupendi hutolewa hiyo dawa kidogo ikatiwa ndani ya chakula akapewa yule mtu, bassi. Hatta akaisha kula hapati siku kumi atakufa, na ugonjwa wake hukohoa na ikanyaga mtu yale makohoo yake naye atakufa. Na mambo haya yako Uzini. Wa ama khabari ya Donge nako kazalika ku na uchawi. Walakin namna nyingine. Watu wa Donge uchawi wao wakiona mtu a na mali au amevuna mpunga sana humwangia wakamwua kwa sababu kutaka wote kula nyama ya ngombe. Naye kiisha kufa watafanya khitima na katika khitimata watapata kula nyama. Hiyo ndiyo khabari ya mashamba na khabari ya Wahadimu.    Et à Zanzibar, sur ces terres éloignées de la ville, vivent des gens, ce sont des Wahadimu[5], leurs occupations sont l’agriculture et la sorcellerie, ils volent dans les airs[6]. Ces personnes habitent souvent Maweni, Mwanda, Donge, Muyuni, Pwani Kiwengwa et Uzini. A Uzini, leur sorcellerie utilise le punyu[7], le venin qui vient du cœur d’un serpent et celui d’un gros saurien, le guruguru. Ils utilisent aussi les plantes et toutes sortes de magie qui viennent des tombes humaines. Ils réduisent ensuite tout cela en poudre dans la forêt, mais cette opération doit être accomplie en haut d’un arbre et il leur faut une longue tige pour faire frire ce poison, après, ils le retirent du feu et le répandent là où ils veulent. Par exemple, si une personne ne leur plaît pas, ils mettent un peu de cette magie dans sa nourriture et lui donne. Après l’avoir ingéré, la personne meurt en moins de dix jours. La personne se met à tousser et lorsque les quintes deviennent très fortes, elle meurt. Tout cela, ce sont les choses d’Uzini. A Donge aussi on pratique la sorcellerie, mais de manière différente. Là-bas, si un homme est riche ou a récolté beaucoup de riz, ils l’ensorcellent et le tuent parce que tous veulent pouvoir manger du bœuf : lorsque l’homme est mort, on conduit les funérailles et lors de la cérémonie[8], alors ils mangent de la viande. Voilà les informations concernant la campagne et les Wahadimu.
   Na mjini kuna wachawi wa vizuu. Na vizuu vimekaa kama panya na chakula chao bisi na watu wanaofuga vizuu sana khadimu za Said Hamid bin Sultan, hawo ndiwo wanaofuga vizuu sana katika mji. Na khabari ya vizuu: hutumwa, wakaambiwa: nendeni mukamle fulani. Na wale hujua huenda wakamla maini yake yule mtu aliyeazimiwa bassi. Hio ndio khabari ya wachawi walio katika mji wa Unguja. Nayo khabari hii sahihi wala mtu asihasibu nidhihaki, bassi.     Dans les villes, il y a des sorciers qui usent des esprits[9]. Ces derniers vivent comme des rats et se nourrissent de bisi[10], les gens qui les élèvent sont le plus souvent les esclaves de Said Hamid bin Sultan[11], ce sont eux qui élèvent les esprits en ville. Et concernant ces esprits : ils sont envoyés en mission, on leur dit : allez manger celui-là. Et ceux-là vont manger le foie d’un tel qui a été désigné. Voilà pour ce qui est de la sorcellerie qui se pratique en ville. Et tout cela est vrai, ne pensez pas que je plaisante.
 Na mashamba mangine wako uchawi, walakin si kama kana mashamba haya; maana mashamba hayo ndio maarufu kwa mambo hayo. Na ithana Wangazija nao wa na uchawi wao na uchawi wao wa ramli na masihiri na mazuka. Na wao hawafanya illa kumwona mtu yuko katika hadhi kwa Sultani au kwa balozi au kama a na mali au a na watoto wengi bassi, humfanyia ushihiri wakamwua mara au mtoto wake au mke wake au humtoa katika nyumba yake anayopata hadhi mara.

Na katika khabari ya watu wa Unguja Waangazija nao kazalika, hatta kama mtoto wa miaka kumi anajua kazi ya wazee wake ya uchawi ndio kazi yao Wangazija. Nao wa na vijicho sana na wao wanapendwa na Wazungu wote kwa sababu wanafanya uchawi sana. Nao ni waongo sana nao hawana fadhili; ujapo kumpa zahabu kwa kulla siku, wakiona adui yako watakuletea apate kukuthuru.

   La sorcellerie se pratique dans bien d’autres plantations, mais ce n’est pas partout pareil, parce les endroits dont je viens de vous parler sont réputés pour leurs pratiques. Je pense que les Comoriens ont aussi leur sorcellerie liée à la divination, l’envoûtement et les apparitions. Ils l’utilisent contre celui qui est dans les faveurs du sultan ou de l’ambassadeur, qui a beaucoup de richesses ou de nombreux enfants. Ils l’ensorcèlent et le tuent sur le champ, lui, son enfant ou sa femme. Ou bien il l’expulse de la maison qu’il avait acquise parce qu’il était bien considéré par les puissants. Et pour ce qui est des Comoriens à Zanzibar, même un enfant de dix ans connaît toutes les pratiques ancestrales de ses aînés. Ils sont vraiment doués pour cela. Ce sont des gens très envieux, et tous les européens les apprécient beaucoup parce que ce sont de grands sorciers. Ce sont des menteurs patentés, ils n’ont aucune compassion, tu pourrais bien leur donner de l’or tous les jours, s’il voit ton ennemi, ils seront prêts à te l’envoyer dans les pattes afin de te nuire.
Hio ndio khabari ya Waangazija. Voilà mes informations concernant gens des Comores.
   Na khabari ya Wasawahili kazi yao yote jema, walakin wangi katika Wasawahili wanaosoma ilmu hii, ndio kazi yao. Na Waarabu kazi yao hununua watumwa; kwa kulla panapo mtumwa mwema, atakwenda kumnunua hatta kama ana rasimali yake, ndio thamani ya mtumwa lazim atamnunua.

Na Waarabu hupenda sana kulisha watu na kukaribisha watu na kuheshimu watu. Walakin si wote wanaofanya hivi, bassi. Nao hupenda sana chakula kizuri na wanawake wazuri na nyumba nzuri na kulla kitu kizuri. Hii ndiyo khabari ya Waarabu. Na libasi nzuri, hatta kama themani yake elfu reale lazimu atanunua. Na adabu yake Arabu na heshima yake Arabu nyingine kuliko Wasawahili. Mwarabu ukienda kwake atakukaribisha kwa heshima atakupa kahawa; na ukinywa kahawa lazim unywe vikombe vitatu; ukinywa zaidi atakuambia; wewe mjinga. Na akikuuliza kunyiwa tena kahawa, umwambie: naam, walakin mimi nimekunywa, bassi. Atanyamaza. Atakuuliza: tafadhali, leo ntalala pangu. Na wewe utamwambia: mimi sina amri, amri yote kwako. Maana mimi niko kwako hapa, bassi. Na yeye atafurahi sana, bassi

   Pour ce qui est des Swahili, il n’y a pas de problème mais parmi ceux qui sont éduqués, beaucoup sont versés dans la sorcellerie. Les Arabes, eux, sont occupés à la traite, là où il y a un esclave de valeur, il ira pour l’acheter même s’il est déjà riche. La valeur d’un esclave est telle qu’il l’achètera. Les Arabes aiment plus que tout inviter les gens chez eux, les recevoir avec tous les honneurs et festoyer. Tous ne se comportent pas comme cela cependant. Ils aiment les bons mets, les belles femmes et toutes les choses délicates. Voilà pour les Arabes. Ils apprécient les beaux vêtements, même si cela doit coûter mille reale, il faut qu’ils achètent. Les Arabes sont plus éduqués et respectés que les Swahili. Si tu vas chez un Arabe, il te recevra avec honneur, te donnera du café. Pour le café, il te faudra en boire trois tasses, si tu en bois davantage, il te dira : « Tu es un imbécile ! » S’il te demande si tu veux encore une tasse, il faut lui répondre « Merci, j’ai déjà bu ce qu’il fallait. » Il ne pipera plus mot. S’il te dit : « S’il te plaît, je t’invite à dormir chez moi ce soir », tu diras : « Je n’ai pas le pouvoir de décider, c’est à toi qu’il revient de trancher, car c’est moi qui me trouve chez toi. » Cela le réjouira.
  Na desturi ya kiarabu hakuuliza kama unataka kula au la. Desturi hiyo kwake Arabu ni aibu sana. Na Wasawahili kazalika bassi. Hatta khatima yule Mwarabu ataingia ndani ataamurisha chakula kipikwe, hatta khatima kitatoka barazani mtakula. Na katika kula usile kama chakula hukitaki atakasirika, yahitaji ule sana na furaha. Hatta kama chakula hukipendi, bassi, yeye atafurahi sana, bassi. Na khalafu yatakuja maji ya mafukizwa na ubani, na khalafu mtakunywa kahawa, na khalafu ndio atakuuliza khabari na hali na yote unayotaka.     Les Arabes ne te demandent jamais si tu veux manger ou non. Ce serait une grande honte, et pareillement chez les Swahili. Dès qu’un Arabe aura pénétré chez lui, il aura ordonné que l’on se mette à cuisiner pour que la nourriture soit amenée sur la baraza où vous mangerez. Et pendant le repas, ne fais pas le difficile, il se mettra en colère ; il faut manger beaucoup, et avec délectation. Ensuite, on apportera de l’eau parfumée, vous boirez un café et enfin il demandera des nouvelles de tout et tous, et de tout ce dont tu peux vouloir parler.
 Walakin kama hujala kwanza hakuulizi neno illa: tafadhali pumzika. Na ukiisha kula na kunywa utapata mazumgumzo yake yote aliyonayo, basi.   Mais si tu n’as pas mangé, il n’engagera pas la conversation, il dira seulement : « S’il vous plaît, reposez-vous. » Lorsque tu auras mangé et bu, alors il engagera la conversation.
 Na khabari ya majumbani wanawake wa kiarabu nao wanafanya kazalika sawasawa. Na desturi ya wanawake, hapana mtu anayemwita mtu kwa jina lake, illa unaita na „binti fulani” bassi. Na wanawaume kazalika, hapana mtu anayemwita mtu kwa jina lake, kwa kulla mtu atakuita „shekhi fulani”. Hii ndio desturi ya Waarabu. Walakini Wamanga desturi yao nyingine, si kama waliyozaliwa Unguya. Wanawake wa Wamanga wanaitana kwa majina « fulani na fulani », bassi. Walakin na wanaume heshima yao kama masuriama. Hii ndio khabari ya Waarabu wa Unguja na wa Maskati, atakayesema namna nyingine hiyo mwongo wala hapana atakayesadiki.     Et pour ce qui est des femmes arabes dans leurs maisons, ils se comportent de même. L’habitude veut que l’on ne nomme jamais une femme autrement que par le terme « fille de », son prénom n’est jamais utilisé. D’ailleurs, on n’appelle jamais les hommes non plus par leur prénom, on dit « Sheikh untel ou untel ». Ce sont leurs coutumes. Mais celles des Wamanga[12] sont différentes, ce n’est pas comme celles de ceux qui sont nés à Zanzibar. Les femmes des Wamanga sont appelées par leur nom. Mais pour les hommes, les formes de respect sont pareilles à celles utilisés pour les gens nés sur la côte[13]. Voilà les informations concernant les Arabes de Zanzibar et ceux de Mascate, celui qui te dit l’inverse est un menteur, personne ne lui portera crédit.
  Ukienda kwa Mngazija kwanza atakupapasa kipindo akutezame, na khalafu ndipo akuuliza khabari unayotaka; na kama akiona hamuna kitu katika kipindo chako hakuulizi kito, atakuambia : unataka nini hapa? Hii ndiyo khabari ya Wangazija na Wasawahili la, hawafanyi. Walakin mgeni asikae sana; akikaa sana watamnena na kumgugunua na kumnyanasa na khalafu ataambiwa: toka.     Si tu rends visite à un Comorien, il va d’abord te palper sous toutes les coutures pour t’évaluer. Après seulement il engagera la conversation et s’il voit qu’il n’y a rien dans les poches, il te demandera seulement : « Eh bien, que voulez-vous ? » Voilà pour ce qui concerne les Comoriens mais les Swahili, non, ils ne se comportent pas comme cela. Mais l’hôte ne sera pas reçu longtemps, s’il s’éternise, ils commenceront à bouder, à marmonner entre leurs dents, à se montrer humiliants jusqu’au moment où ils lui diront : « Va-t’en ! »
   Hii ndio khabari ya Wasawahili. Walakini Wangazija mgeni akikaa sana utaambiwa khalafu mgeni huyu mwizi. Hii ndio khabari yao hatta ajapokuwa mwana wa ndugu yake, lazim watamfanya kama hivi.     Voilà les manières des Swahili. Chez les Comoriens, si un visiteur reste trop longtemps, on dira ensuite de lui : « C’est un voleur ». Voilà leurs façons de faire, même avec les leurs, c’est ainsi qu’ils font.
Wa salaam. Salutations.
   
  Hii ndio khabari yangu mimi ninayoijua. Walakin sikuimaliza yote; insh Allah taala nikijaaliwa mwakani nitaandika zaidi kuliko hii mara elfu, nitaandika tokea Unguja hatta Mrima nimpe shekh ilakbar baba yangu maalimu wangu mwombezi wangu muhebu wangu il-doktor B.    Voilà donc les choses que je sais, mais je n’ai pas terminé. Si Dieu le veut et me prête santé, j’écrirai mille fois plus l’an prochain, je commencerai par Zanzibar et poursuivrai en parlant de la côte et je remettrai tout cela au grand Sheikh, mon père, professeur et bienfaiteur, le docteur Büttner.
    Muungu amupe afia na hadhi ampe na kulla neno lilio njema na mudiri kazalika na kulla watu walio katika nyumba yake tokea mama yake hatta mke wake hatta wanawe hatta na jirani zake wote na mimi kazalika. Wakatabahu ilfakir Allahi taala abdi rasuli Muhammed Amur bin Nasur bin Amur ilOmeiri bijedihi. Na mimi nimeandika ili kwa ajili zawadi yangu mimi ya Berlini. Tamat bitarikh yom 15 September 1892 bitarikh yom muhammadiye sene 1310. Berlin.   Que Dieu Tout puissant lui donne santé et gloire, douces paroles ainsi qu’au directeur de département et tous les membres de sa maison : sa mère, sa femme, ses enfants ainsi que ses voisins et moi-même également. A écrit ceci le serviteur du prophète Mahommet Amur bin Nasur ilOmeiri. J’ai écrit cela comme un cadeau que j’offre à la ville de Berlin. Fin. Aujourd’hui à Berlin, le 15 septembre 1892, c’est-à-dire en l’an 1310 du règne de Mahommet[14].

 

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Notes:

 

 

[1] Le kiunguja est la variante de swahili parlée à Zanzibar, c’est elle qui a servi à la standardisation du swahili.

[2] Les Washihiri (les gens de Shihr, cité portuaire de l’Hadramawt au Yémen) arrivèrent sur la côte et s’installèrent majoritairement dans les villes. Migrants humbles et souvent sans contacts sur place, ils s’établissent comme petits commerçants et vendent notamment du café. Leur présence est importante à Ng’ambo.

[3] La ville de Zanzibar était en effet autrefois séparée par un bras de mer qui a depuis été comblé. La dénomination de Ng’ambo est, elle, restée. Insérer un lien vers la carte Zanzibar en 1890.

[4] Le Sultan y possédait en effet des palais.

[5] Les Wahadimu sont considérés comme les premiers habitants de l’île, avant l’arrivée des Arabes. Ils étaient en effet réputés être des experts en sorcellerie.

[6] Le texte emploie le verbe « kuruka » : bondir, sauter, voler (idée de quitter le sol). Il est relativement surprenant de le trouver ici, mais le contexte étant celui de la sorcellerie, nous le traduisons comme tel. Büttner a supprimé le terme de sa traduction.

[7] Büttner indique qu’Amur a précisé que « punyu » (glosé par « petits vers d’eau » par Büttner) signifiait « bacilles ». Le sens de la phrase n’est pas très clair.

[8] Le texte utilise le mot « hitima », ce mot renvoie au rite qui suit des funérailles. Durant les trois jours qui suivent on lit le Coran (kusoma hitima), différentes personnes se succédant selon les lectures, jusqu’à la lecture finale (kuondoa hitima). La récitation du Coran se conclue par un repas commun (kufanya hitima).

[9] Le terme utilisé est « kizuu » (pl. vizuu). On le trouve encore dans le dictionnaire de nos jours. Il désigne plus ou moins une créature magique crée par les sorciers et qui les servent dans leurs tâches.

[10] Grains de maïs ou de sorgho grillés.

[11] Amur bin Nasur fait peut-être référence à Hamed bin Thuwaini Al-Busaid.

[12] Littéralement « ceux du Nord », terme qui désigne les arabes venus d’Oman.

[13] Le texte utilise le mot masuriama qui signifie métis. Il semble que la différence s’établissent entre Arabes résidant hors de la côte est africaine (par exemple Omanais récemment arrivés) et arabes implantés de longue date qui se sont par ailleurs métissés.

[14] Ce dernier paragraphe – tout comme le passage d’ouverture – est mis en valeur par une présentation particulière dans l’édition originale.

Khabari ya Amur bin Nasur / Le récit de voyage de Amur bin Nasur – 2) Mon voyage à Berlin

 

 

Mots-clés: swahili ; récit de vie

Contribution présentée par Nathalie Carré

Auteur: Amur bin Nasur ilOmeiri

Editeur: Carl Gotthilf Büttner

Traduction française par Nathalie Carré

Enonciation: écrit

Contexte: Version originale Swahili : Anthologie aus der Suaheli-Litteratur, textes recueillis par Carl Gotthilf Büttner. Berlin : Emil Felber, 1894, 405 p.

Constitution du texte: Ce récit biographique fourni par Amur bin Nasur l’a été alors que celui-ci était lecteur de swahili à Berlin, entre 1891 et 1894. Carl Gotthilf Büttner, qui édite le texte, indique que celui-ci est écrit, tout comme Amur bin Nasur le souligne à la fin de son récit. De nombreux traits auraient cependant pu faire penser que le texte avait été recueilli oralement et transcrit (voir le document de présentation).

 

 

Safari ya Berlin

Mon voyage à Berlin

Na hiki kisa cha safari yangu ya Berlin, nitaanza kueleza hapa katika kartasi hii. Auwali nazukuru mimi Amur bin Nasur bin Amur ilOmeiri katika khabari ya safari ya Berlin Ulaya wa Majerumani.

Voici maintenant l’histoire de mon voyage à Berlin, que je vais commencer à expliquer sur cette page. Je reviendrai d’abord, moi, Amur bin Nasur bin Amur ilOmeiri, sur toutes les informations se rapportant à mon voyage à Berlin, dans l’Europe des Allemands.
Auwali naliondoka Unguja nikamwambia mama yangu: Mama, mimi nikijaaliwa nitasafiri Ulaya. Mama yangu akanambia: unakwenda kutafuta nini, mwanangu? Nikamwambia: nakwenda kutafuta kujulikana na watu na kutafuta riziki. Mama akanambia: haya mwanangu, walakin usitusahau kwa chochote huku nyuma. Nikasema: la, insh Allah taala, bassi.

Au moment de quitter Zanzibar, je suis allée voir ma mère : « Mère, si Dieu le veut, je vais voyager jusqu’en Europe ! » Ma mère répondit : « Que pars-tu donc chercher, mon enfant ? » « Je vais chercher la renommée et les moyens de vivre[1]. » « Bien mon enfant, va, mais ne nous oublie pas, ni rien de ce que tu laisses ici. » Je lui répondis : « Non, Inshallah. »

Kikaondoka nikaaga mke wangu binti Rashidi nikaaga na mama yangu, wala sikuaga majirani wala watu wengine ila watu hawa.

Je suis parti, j’ai dit au revoir à ma femme, binti Rashidi et à ma mère mais pas à mes voisins ou à d’autres personnes ; seulement à ces deux-là.
Nikaingia katika marikebu usiku. Na aliyenipeleka pwani yaya yangu Siyenu na ndugu yangu Khalid bin Muhammed; nikalala hatta asubuhi tukasafiri hatta tulipopata saa tisa tukapata Tanga tukalala hatta kulipopambazuka asubuhi. Tukaondoka tukasafiri hatta kwa siku ya sita tukaona Adeni. Hatta alasiri tukaingia Adeni nikashuka katika Adeni nikapanda gari nikaingia katika Adeni. Na mimi nimeona katika Adeni mji wa Adeni nikaona na soko ya Adeni na katika bandari nikaona Wasomali ndio askari wa fordha. Na mji wa Adeni kama mji wa Pangani na milima kama Pangani na majebali makubwa. Sasa nimeona na mizinga katika majebali na watu wakapita chini ya majebali, bassi. J’ai embarqué à la nuit tombée sur un grand navire. Ceux qui m’avaient accompagné sur la grève étaient ma nourrice Siyenu et mon cousin Khalid bin Mohammed. J’ai dormi jusqu’au matin, nous avons navigué et vers trois heures de l’après-midi, nous sommes arrivés à Tanga. Nous avons dormi jusqu’à l’aube, nous avons ensuite levé l’ancre et après six jours de navigation, Aden était en vue. Nous sommes entrés dans sa rade l’après-midi, à l’heure de la prière d’alasiri. Je suis descendu et j’ai pris une carriole pour entrer dans la ville. Je suis allé au marché et au port où j’ai vu des Somali : ce sont eux assurent la protection de la douane. Aden ressemble à Pangani : il y a, comme là-bas, des collines et de grandes montagnes. Sur les hauteurs des montagnes, j’ai vu des canons et des gens qui passaient sous les montagnes.
Hatta khatima kwa siku ya sabaa tukasafiri tukaenda muda wa siku tano tukapata Suesi kanali nikashuka katika mji wa Suesi nikaona gari la moshi nikaona na farasi nikaona na nyumba ya pasha nikaona yote niliyoona, bassi. Hatta siku ya sabaa tukasafiri muda wa siku moja u nusu tukaingia katika mto mwembamba sana na mto huu umechimbiwa na Wafransa tokea Suesi hatta Port Said, bassi. Hatta kwa siku ya pili tukapata Port Said nikashuka katika Port Said nikatezama mji wa Port Said nikaona nguruwe wanatembea katika mji usiku nikaingia madukani nikanunua kofia bassi. Nikarudi markebuni nikalala hatta asubuhi tukasafiri tukaenda mwendo wa siku tatu katika bahari ya Stambuli hatta tukaisha kwa siku ya sita tukapata Ulaya wa Mataliani. Nikashuka ndani ya mji nikatembea katika mji wa Mataliani. Nikaona mnara mkubwa nikaona na kilima kubwa sana na ndani ya kilima kinatoka moshi. Nikauliza ndio nini vile nikaambiwa: moto ule hatujui wapi unatoka tunaona na sisi vilevile, bassi. Au septième jour, nous avons levé l’ancre, après cinq jours, nous avons atteint le canal de Suez. Je suis descendu dans la ville et j’ai vu le train, des chevaux et le palais du Pacha[2]. J’ai tout bien observé. Au septième jour, nous avons repris notre voyage, après un jour et demi de navigation, nous nous sommes engagés sur un étroit bras d’eau. Ce bras d’eau a été creusé par les Français à partir de Suez jusqu’à Port Saïd. Le lendemain, nous atteignions cette ville ; je suis descendue la visiter et le soir, j’ai vu des cochons qui déambulaient dans les rues. Je suis entré dans plusieurs boutiques et j’ai acheté un chapeau. J’ai ensuite rejoint le navire et j’ai dormi jusqu’au matin. Nous sommes repartis et après trois jours, nous avons débouché sur la mer d’Istanbul. Après six jours de navigation, nous sommes arrivés en Europe, chez les Italiens. Je suis descendu pour voir la ville, j’ai aperçu un grand phare et une haute montagne de l’intérieur de laquelle sortait de la fumée. J’ai demandé de quoi il s’agissait mais l’on m’a répondu : « Nous ne savons pas d’où vient ce feu, nous le voyons toujours comme ça. »
Tukaondoka kwa siku ya pili tukasafiri hatta kwa siku ya tano tukapata mji nikauliza: hapa wapi? Watu wakaniambia: hapa ndio mji wa Wareno na jina lake Luzboa ndio Ulaya wa Ureno huu. Nikashuka nikaona ngome katika bahari na katika bandari. Nikaona na magari, bassi. Hatta khatima nikapanda marikebuni nikalala hatta asububi. Tukasafiri tukaenda mwendo wa siku tano tukaona mji nikauliza: huu mji gani? Nikaambiwa: mji huu ndio Ulaya wa Waholandi. Nikauliza: wanasema lugha gani watu hawa? Nikaambiwa: wanasema kama lugha ya Madachi; walakin si Madachi watu hawa, bassi. Tukaingia katika mji ule nikashuka nikaenda ndani ya mji nikaona mji wote wameenea mito nikaona na daraja za chuma, chini hupita marikebu na juu hupita gari la moshi; nikastaajabu sana khabari ile, maana yake tokea kuzaliwa kwangu sikuona khabari kama ile, bassi. Nikazunguka katika mji nikaona wanawake wakikamata wanaume nikawasa: mji huu ndio mji wa wazimwi khasa, hii ndio akheri dunia na huku ndiko kupotea mimi Amur, baasi. Nikarudi markebuni nikalala. Hatta asubuhi tukashinda muda wa siku mbili; hatta siku ya tatu tukasafiri tukaenda hatta tulipopata usiku tukaona kandili zinawaka. Mimi nikauliza: wapi kule kunakowaka kandili. Watu wakanambia : kule ndiko Londoni Ulaya wa Wangreza, bassi. Nikatezama sana hatta kulipokucha asubuhi tukaona na majumba, walakin hatukushuka ndani ya mji. Nikaona na marikebu moja imetota, bassi. Nous sommes partis le lendemain, nous avons voyagé cinq jours et nous sommes arrivés dans une nouvelle ville. J’ai demandé : « Où sommes-nous ? » et les gens m’ont répondu : « C’est une ville portugaise, son nom est Lisboa, nous sommes en Europe, chez les Portugais. » Je suis descendu et j’ai vu un fort sur le port, qui s’avançait dans les flots[3], j’ai également vu des carrioles. Je suis retourné sur le bateau et j’ai dormi jusqu’au matin. Nous sommes repartis pour cinq jours de navigation et nous avons à nouveau jeté l’ancre. J’ai demandé « Et maintenant, où sommes-nous ? » « Nous sommes chez les Hollandais. » « Quelle langue parlent-ils ? » On m’a répondu : « Ils parlent une langue comme celle des Allemands, mais ce ne sont pas des Allemands. » Je suis descendu pour visiter la ville, il y avait des bras d’eau partout et des passerelles en fer. Sur les passerelles, des trains et sous les passerelles, des bateaux. J’ai été très étonné car je n’avais jamais vu telle chose de ma vie. J’ai fait le tour de la ville ; j’y ai vu comment hommes et femmes s’étreignent. J’ai pensé : cette ville est vraiment une ville de créatures incroyables ! C’est la fin du monde et c’est bien là que tu es venu te perdre, toi Amur ! Je suis rentré sur le navire et j’ai dormi. Nous sommes repartis pour deux jours, le troisième jour, nous avons navigué jusqu’à la tombée de la nuit. Nous avons vu plein de lumières qui brillaient. J’ai demandé « Quel est donc cet endroit où brillent tant de lumières ? » « On m’a répondu, c’est Londres, nous sommes dans l’Europe des Anglais. » J’ai tout observé jusqu’à ce que le jour se lève, nous avons alors vu tous les édifices mais nous ne sommes pas descendus. J’ai aussi vu un navire qui avait coulé.
Tukaenda hatta tukapata mji nikauliza: wapi hapa? Nikaambiwa : hapa ndipo Hamburg mji wa Madachi, ndio Ulaya wetu ulio katika bandari. Nikauliza: ndio tumefika au bado. Nikaambiwa: sisi tumefika, walakin wewe bado, bassi. Mara nikaona mtu moja akaja akanambia: wewe ndio Amur bin Nasur ilOmeiri. Nikamwambia: naam, mimi ndiye Amur bin Nasur. Akanambia: haya, shuka katika marikebu, bassi. Hatta khatima nikashuka nikatiwa ndani ya gari wa farasi nikaenda hatta tukafika kunako bandari ya gari la moshi nikaambiwa: leo ndio utakwenda Berlin katika mji mkubwa sana nao ndio mji anaokaa sultani wetu na jina lake Kaiza Wilhelmu, bassi. Hatta khatima nikaingia katika gari la moshi, markebu ya nchi kavu, na tokea Hamburg bandarini hatta Berlin na kama mtu anakwenda kwa miguu atakwenda kwa siku sabaa, walakin marikebu ya bara anakwenda kwa saa tano, bassi. Tukaondoka tukaenda hatta tukafika Berlin. Mara nikaambiwa: tumefika sasa katika Berlin, nikashuka ndani ya gari la moshi. Mara nikaona mbwana mkubwa daktari Büttner akanambia: wewe ndiye Amur bin Nasur? Nikamwambia: naam, ndiye mimi Amur bin Nasur. Na neno lake la kwanza akanambia: umekuja salamu salemina. Nikamwambia: naam. Akaniambia: ngalawa juu na wimbi chini. Nikamwambia: naam, ilhamdu lillahi rab ilalamina, bassi. Hatta khatima akaniambia: sasa umefika hapa ndipo Berlini na sasa tuende jumbani, bassi. Tukaondoka tukaenda hatta nyumbani nikafanyiwa chakula nikala nikalala. Hatta asubuhi akaja daktari bwana mkubwa akanitazama akaniuliza hali yangu. Nikamwambia: hali yangu jema, bassi. Hatta khatima akaniambia: tafadhali nataka wende kwangu ukatutazame. Tukaondoka tukaenda kwake nikamwona mama yake na mke wake na watoto wake wote akanambia: hawa ndio watu wangu. Nous avons poursuivi le voyage et nous avons atteint une autre ville. J’ai demandé « Où sommes-nous maintenant ? » « Nous sommes à Hambourg, une ville allemande. C’est notre Europe à nous, qui se trouve sur la mer. » « Est-ce que nous sommes arrivés ou pas encore ? » « Nous, nous sommes bien arrivés, mais toi, tu dois continuer. » C’est alors qu’un homme est venu vers moi et m’a dit : « Etes-vous Amur bin Nasur ilOmeiri ? » « J’ai répondu : « Oui, c’est moi. » Il m’a dit « Très bien, descendez du navire. » Ce que j’ai fait, je fus alors emmené à une diligence qui m’a déposé à la gare[4]. On m’a dit : « C’est bien aujourd’hui que vous arriverez à Berlin, une immense ville, c’est là-bas que réside notre souverain qui s’appelle le Kaiser Guillaume. » Je suis ensuite monté dans le train, le navire des terres fermes. Cela prend sept jours d’aller du port de Hambourg jusqu’à Berlin à pieds mais si tu prends le train, en cinq heures tu seras parvenu à destination. Nous sommes partis et nous avons atteint la capitale. Soudain quelqu’un m’a dit : « Ça y est, nous sommes à Berlin ! » Je suis descendu et j’ai vu le grand professeur, le Docteur Büttner. Il m’a dit : « Etes-vous bien Amur bin Nasur ? » J’ai répondu que oui ; ses premières paroles furent : « Avez-vous voyagé sans encombre ? » et j’ai dit que oui. Il a ajouté « la pirogue flotte, c’est en dessous que sont les vagues. »[5] « Oui, alhamdulillah » et il a ajouté : « Nous sommes arrivés à Berlin. Allons à votre domicile. » Nous sommes partis, on m’a préparé un repas, j’ai mangé et je me suis couché. Le lendemain, le professeur est venu me voir et m’a demandé comment j’allais. Je lui ai dit que tout allait bien. Puis il m’a dit : « S’il vous plaît, venez nous rendre visite à la maison, je vous présenterai ma famille ». Nous sommes donc partis, j’ai rencontré sa mère, sa femme et ses enfants qu’il m’a présentés : « Ce sont les miens ! »
Wakafurahi sana wazee wake na mke wake na waanawe kuwakuniona mimi na mimi nikafurahi sana nao nikala chakula hatta nikashiba. Hatta khatima nikarudi nyumbani kwangu nikakaa yeye kwa kulla siku huja kwangu akinitazama akaenda akanionyesha nyumba ya darasa akanionyesha na nyumba ya mizinga na nyumba hii sikupata kuona mimi tokea kuzaliwa kwangu hatta sasa wala mizinga kama hiyo. Ikawa mimi naye akinifundisha namna ya mji, adabu ya watu wa huku akaninunulia mbau wa kujifunza kusoma na kitabu akanipa kwa muda wa siku hamse wa asherini, bassi. Sa mère et sa femme se sont réjouies de me rencontrer, j’étais tout aussi heureux de les voir, j’ai mangé jusqu’à être rassasié. Je suis ensuite retourné chez moi, le professeur venait me rendre visite tous les jours, il m’a montré l’école de langues et un bâtiment avec des canons[6], c’était la première fois que je voyais un tel édifice et de tels canons ! Il m’a fait découvrir la ville, les manières des gens. Il m’a acheté une ardoise pour apprendre à lire et il m’a prêté un livre pendant vingt-cinq jours.
Hatta khatima tukaenda kufanya shauri mimi naye hatta khalafu akaja rafiki yangu naye ndiye maalimu wangu jina lake Hans Tsakhe akaja tukaenda tokafuatana kwa fundi kufanya nguo nikalinga nguo, bassi. Hatta khatima ikawa mimi kwenda kulla siku kwa bwana B. na kulla siku nikaenda mimi, yeye huona kama ndio leo siku kuu, bassi. Hatta khatima ikawa vilevile hatta sasa.

Wa salaam.

Puis nous avons discuté. Ensuite est venu mon ami et professeur dont le nom est Hans Zache[7]. Il m’a emmené chez le couturier qui a taillé des vêtements à ma mesure. Je me rendais chaque jour auprès du Professeur Büttner et chaque jour de visite était pour lui comme un jour de fête. Et depuis tout ce temps, rien n’a changé.

Salutations

Khabari ya katika Berlin.

De la ville de Berlin

Hii ndio khabari ya katika Berlin niliyoona yote. Tamat. Voici les informations concernant tout ce que j’ai vu à Berlin. Point.
Auwali ya kuja kwangu Amur bin Nasur katika Berlin. De mon arrivée dans cette ville
Auwali nimeona mji wa Berlin nikauliza mji huu watu wangapi ndani yake, nikaambiwa malyoni wa nussu malyoni watu walio katika mji huu, bassi. Nikaona na majumba ya matabaka katika mji na kulla nyumba ghorfa tatu na ghorfa inne na kulla ghorfa yamejaa watu ndani. Na mimi katika siku nilizokaa zote nimeuliza: watu wenyewe majumba wako wapi? Sikuwajua, bassi. Lorsque j’ai découvert Berlin, j’ai demandé combien de personnes y habitaient. On m’a répondu qu’il y avait un million ou un million et demi de personne[8]. J’ai vu des maisons empilées ! Dans cette ville, toutes les maisons ont trois étages ou quatre. Et chacun de ces étages abritent de nombreuses personnes. Et tous les jours pendant que j’ai habité là-bas, je me suis demandé : « Mais qui sont les propriétaires ? » Je ne les ai jamais rencontrés.
Hatta khatima akaja rafiki yangu naye ndiye maalimu wangu jina lake Hans akanichukua kwake akanikerimu, bassi. Akanionyesha njia za mji kidogo akanionyesha na khabari za Berlin akanifundisha kuandika kidogo na kusoma hatta nikajua, bassi. Hatta khatima tukafanya darasa yetu. Ikawa mimi kupata wanafunzi kufundisha. Na mimi ikawa kazi yangu kuwafundisha lugha ya kisawahili na kuandika na wao kujifunza, bassi. Mon ami qui est professeur, celui qui s’appelle Hans, m’a reçu chez lui et s’est occupé de moi. Il a commencé à me montrer la ville et ce qu’il fallait savoir. Il m’a un peu appris à écrire et à lire, jusqu’à ce que j’y parvienne. Ensuite, nous avons fait classe, c’est moi qui enseignais aux étudiants. Je leur enseignais la langue ainsi que la manière d’écrire. Et ils ont appris.
Hatta khatima akaja mwanafunzi wangu rafiki yangu jina lake Velten akanambia: tafadhali shekh Amur nataka tufanye usuhuba tufuatane pamoja. Nikamwambia: haya, bassi. Akawa mimi naye kufuatana na huku akinifunza namna ya kidachi.

Akanambia: Amur, umeona farasi kucheza ngoma? umeona farasi kuambiwa maneno akasikia? umeona farasi charaza? Nikamwambia: la, sikuona. Nikathani ni uwongo nikamwambia: unafanya thihaki sasa na mimi.

Un jour, un de mes étudiants du nom de Velten est venu me dire « S’il vous plaît, Sheikh Amur, soyons amis ! » Je lui ai dit que j’étais d’accord. Nous nous sommes alors beaucoup fréquentés et il m’a un peu appris les coutumes allemandes.

Il m’a dit « Amur, est-ce que tu as déjà vu un cheval danser ? Est-ce que tu as déjà vu un cheval qui écoute ce qu’on lui dit ? Danser sans s’arrêter ? » J’ai dit « Non, jamais » et j’ai pensé qu’il racontait des mensonges, j’ai dit : « Tu te moques de moi ! »

Akanambia: la, na kama husadiki utaona. Nikamwambia: lini? Akanambia: kesho usiku insh Allah taala utaona. Bassi. Nikalala hatta ussubuhi tukakaa hatta usiku. Akanambia: haya tuende ukatezame leo. Nikaondoka nikaenda nikatazama nikaona watu ndani ya nyumba wamejaa tele, na nyumba hiyo ni ya chuma yote na ukubwa wake kama nyumba tatu ja Shaksi, bassi. Tukakaa. Mara wakaja farasi wamepandwa na wanawake wakacheza. Hatta khatima wale waanawake wakashuka wakaachiwa wale farasi peke yao wakicheza wakiamurishwa na mwanamke na wao wanafuata. Nikastaajabu sana khabari ile, bassi. Il m’a répondu « Non, et si tu ne me crois pas, viens avec moi ! » J’ai dit « Quand ? ». Il a répondu : « Demain soir, si Dieu le veut, tu verras tout cela. » Je me suis couché et le lendemain, nous sommes restés ensemble jusqu’au soir et il m’a dit : « Parfait, allons-y ! » Je l’ai accompagné et j’ai vu un endroit rempli à craquer. L’endroit était tout en fer et immense, de la taille de trois maisons de Shaksi[9]. Nous nous sommes assis. Soudain, des cheveux sont entrés, ils étaient montés par des femmes qui dansaient. Les femmes ont mis pied à terre et les chevaux n’avaient plus de cavaliers ; lorsque les femmes leur ordonnaient de danser, il le faisait. J’étais stupéfait de voir cela.
Na siku nyingine akanipeleka katika nyumba ya nyama nayo bustani nikaona simba na paa nikaona na chui nikaona na kiboko nikaona na bweha nikaona na tembo wa pembe nikaona na twiga nikaona na punda milia nikaona nyama wote wa bara tokea wa bara hatta wa bahari, tokea wakubwa hatta wadogo, tokea panya hatta nyoka, tokea samaki hatta uronda. Nilipoona vile nikastaajabu sana khabari ile nikaona tokea kuku hatta ndege na kulla nyama ndani ya nyumba yake ua kulla chumba kama nyumba ya saidi Ali, baiti ilajaib. Nikasema huko ndiko wapi, huku akhera au huku dunyani nisiseme neno nikanyamaza kimya. Na rafiki yangu huniuliza : vitu hivi viko Unguja. Na mimi hamwambia: naam, viko. Na katika roho yangu mimi naogopa, walakin nafanya roho yake na mume, nataka kutoka nende zangu, walakin nistahamili asinambie rafiki yangu: nyama unaogopa? Bassi. Maana yake manyama yale mimi sikupata kuona tokea udogo wangu hatta sasa, bassi.

Un autre jour, il m’a emmené dans un endroit où vivent des animaux. Dans les jardins, j’ai vu des lions et des gazelles, des léopards et un hippopotame, des chacals, des éléphants, des girafes, des zèbres… Tous les animaux de notre continent, ceux de la côte et ceux de l’intérieur, des plus grands au plus petits, des rongeurs au serpent, du petit poisson au plus petit encore[10]. J’étais vraiment stupéfait de voir tout cela : les poules, les oiseaux et tous les animaux à l’intérieur de cet endroit ! Et chaque cage était comme une pièce du palais de Sultan Ali, beit-el Ajaib, la maison des merveilles[11]. J’ai demandé : « Mais où sommes-nous donc ? Est-ce c’est bien la réalité ? Sommes-nous vraiment sur la terre ? » Je n’ai pas dit un mot, je suis resté silencieux. Mon ami m’a dit : « Ce sont tous les animaux de Zanzibar ». Et j’ai dit « Oui, tous ces animaux vivent là-bas. » Dans mon for intérieur, j’avais peur, je me suis cependant montré fort, j’avais très envie de repartir chez moi[12] mais je me suis contenu pour que mon ami ne me demande pas : tu as peur des bêtes ? La vérité, c’est que je n’avais plus vu tous ces animaux depuis mon enfance.
Hatta khatima akanipeleka mahala kungine. Kuna nyumba kubwa na ndani muna vitu vya. washenzi vyote vitu vya bara na vitu vya watu waliopigana na Wadachi nikaona, bassi. Tokatoka tukakaa hatta siku nyingine akanambia: leo tuende tukatazama teata. Nikaenda nikaona watu kupanda juu ya uzi wakaenda, nikastaajabu sana khabari ile. Hatta khatima nikaona wakafanya mahala nikaona majumba na bustani mara nisione kitu. Hatta khatima nikaona bahari na mawimbi na watu wanavua na watu wanapita ndani ya mashua na majabali. Nikathani kweli, hapa pana babari, bassi. Hatta khatima nikaona na jua linatua nikamfanya khofu sanasana. Nikathani kweli khabari hii nikamwuliza rafiki yangu: hapa Berlin au hapa katika marikebu sisi. Akaniambia: Berlini, kwa nini unauliza, Amur? Nikamwambia: la, nauliza, bassi; walakin ndani ya moyo wangu naogopa sana, walakin yeye hajui, na mimi nakhofu khabari ile, bassi. Hatta khatima tukatoka nikaenda nyumbani nikafikiri kucha, hatta assubuhi nisilale, bassi.

Hatta siku nyingine akanambia: tuende tukatezame muujiza mungine. Nikamwambia: muzuri? Akamwambia: naam, leo utaona simba anapanda farasi. Nikathani uwongo nikamwambia: haya tuende, bassi. Tukaondoka jioni tukaenda tukakaa hatta khatima nikaona tundu lake simba akaingia mtu ndani; na mara akaja kijana mwanamke na mara akaja simba akaja na farasi akaja na mbwa wakacheza sana; simba hupanda juu ya; farasi ya nyuma, na mke humuamurisha; na yule simba hufanya kama anaoyataka yule mwanamke, bassi. Hatta khatima walipokwisha wakatoka. Bassi. Akaja na mtu mmoja mwaname akaingia ndani yake tundu la simba nyingine, na ndani yake tundu mu na simba sabaa akacheza nao akashindilia basitula akamushikisha simba akapiga. Nikastaajabu sana. Bassi. Hatta khatima tukatoka tukarudi na huku nawaza khabari ile, bassi.

Il m’emmena encore ailleurs. Un grand édifice avec, à l’intérieur, tous les objets des tribus sauvages, des objets de l’intérieur du continent, des gens qui avaient combattu les Allemands[13]. Nous avons quitté le lieu. Un autre jour, il m’a annoncé : ce soir, nous allons au théâtre. Je l’ai accompagné et j’ai vu des gens qui marchaient sur un fil : ça alors ! Je n’en revenais pas ! Et puis des gens ont transformé l’endroit : il y avait un palais et un jardin, après, tout était vide. Puis, c’était la mer et les vagues et des gens qui pêchaient, d’autres sur des pirogues et des rochers. Je pensais : c’est vrai ! La mer est vraiment là ! Puis j’ai vu le soleil disparaître et j’ai été rempli d’une grande frayeur. J’ai eu l’impression que tout était vrai. J’ai demandé à mon ami : « Est-ce que nous sommes à Berlin, ou sur un bateau ? » Il m’a répondu : « Non sommes à Berlin, pourquoi cette question, Amur ? – Je ne fais que demander. » Mais, au fond de moi, j’étais terrorisé. Lui n’en savait rien mais tout cela m’a fait peur. Nous sommes repartis et à la maison, je n’ai pas dormi de la nuit, je n’ai fait que pensé.

Un autre jour, il m’a dit « Allons voir d’autres choses étonnantes ! » « De belles choses ? » Oui, m’a-t-il répondu. Aujourd’hui, nous allons voir un lion sur le dos d’un cheval. Je me suis dit qu’il mentait mais j’ai dit, bien, allons-y ! Nous sommes partis vers 18h, sommes rentrés dans un lieu où nous nous sommes assis. Quelqu’un est entré dans la cage d’un lion et tout d’un coup une jeune fille, puis un lion, puis un cheval, puis un chien. Tous dansaient. Le lion est monté sur le cheval, la femme lui donnait des ordres et il obéissait. Il faisait tout ce qu’elle voulait. A la fin, ils sont partis. Un homme est entré dans une autre cage. Dans celle-ci, il y avait sept lions, il s’est amusé avec eux, puis il a chargé un pistolet, l’a fait tenir à un des lions qui a tiré. J’étais vraiment très étonné, nous avons ensuite quitté le lieu et sommes rentrés. Je repensais beaucoup à tout cela.

Hatta khatima siku nyingine tukaenda katika nyumba na ndani ya nyumba hiyo mu na mafupa ya watu, mu na na sanamu ya watu nikaona na sarufu yao nikaona na viungu vyao. Nikauliza: watu hawa wa lini? Nikaambiwa: miaka elfu wa themania mia. Nikastaajabu sana. Nikaona na watu waliyokauka wamegeuka mawe ya matumbawe. Nikauliza: watu gani hawa? Nikaambiwa: watu hawa ndio watu waliyoingiliwa na bahari katika mji wao na sisi tukienda kuzamia tukaona vitu hivi tukaumbuwa. Nikastaajabu sana khabari ile, bassi. Les jours suivants, nous sommes allés dans un endroit où il y avait des ossements humains, ainsi que des répliques de personnes. J’ai également vu leurs monnaies, et leur vaisselle[14]. J’ai demandé « de quand datent ces gens ? » et on m’a répondu : « ils ont 1800 ans ». Ça alors ! J’ai également vu des gens qui étaient devenus tout secs, durs comme des galets. Quel genre de gens est-ce là ? Ce sont des gens dont la ville a été ensevelie par les flots. Des plongeurs les ont découverts comme ça. J’étais bien étonné de tout cela.
Hatta khatima tukatoka tukaenda zetu, hatta siku nyingine akanambia: leo tuende tukatezame nyumba nyingine. Nikamwambia: haya twende. Tukaondoka tukaenda nikaona ndani ya nyumba hiyo mu na sanamu ya sultani yote ya ulimwenguni. Nikathani wazima nikauliza: hawa wazima au wamekufa. Akanambia: wazima walakin haya masanamu yao, bassi kwani unathani nini wewe Amur? Nikamwambia: mimi nathani labuda wazima. Akanambia: la, haya masanamu, bassi. Hatta khatima tukatoka tukaingia katika nyumba nyingine nikaona nyoka wasima na nondo. Na nyoka hawa wa kulla inchi tokea wa bara hatta Wahindi wamo ndani nikastaajabu sana khabari ile, bassi. Hatta khatima tukatoka tukaenda zetu nyumbani, bassi. Puis nous sommes retournés chez nous. Un autre jour, il m’a dit : allons voir autre chose ! Bien, allons-y ! Je suis entré dans un endroit où se trouvaient les représentations de tous les souverains du monde[15]. Ils avaient l’air en forme et j’ai demandé : « Sont-ils vivants ou morts ? – Ils sont vivants, mais là, ce ne sont que des statues en cire. Qu’est-ce que tu vas t’imaginer Amur ? » Nous sommes entrés encore ailleurs, dans un endroit où j’ai vu des serpents et même le nondo[16]. Des serpents de tous les pays et tous les continents, certains venaient d’Inde. J’étais vraiment très étonné. Puis nous sommes retournés chez nous.
Hatta kwa siku nyingine akanambia: na leo, twende ukatezama khabari nyingine. Tukaondoka tukaenda nikaona nyumba kubwa sana na ndani yake mu na vitu vya Hindi vimekusanywa ndani tele nikatazama nikastaajabu sana khabari ile, bassi. Tukaingia katika nyumba nyingine nikaona masanamu ya kihindi na ya kiparisi na ya China na watu wanatikisa shingo. Nikauliza: watu hawa wazima? Akanambia: la, watu hawa masanamu, hawa si watu. Nikastaajabu sana miujiza ile na khabari ile, bassi. Hatta khatima tukatoka tukaenda zetu nyumbani. Un autre jour encore, il m’a dit : « Viens, nous allons voir autre chose ! ». Nous sommes arrivés devant un immense bâtiment, à l’intérieur duquel étaient rassemblés plein d’objets venant d’Inde et qui m’ont impressionné. Ailleurs, il y avait des sculptures en provenance d’Inde, de Perse, de Chine et des gens qui bougeaient la tête. J’ai demandé qui étaient ces gens. Ce sont des statues, pas de vraies personnes. Cela tient vraiment du miracle ![17] Et nous sommes rentrés.
Hatta siku nyingine akaja kwangu akaniambia: leo twende ukatezame mambo mengine. Kikamwambia: haya, twende. Nikaondoka tukaenda katika nyumba na ndani ya nyumba hiyo mu na macheza ya tembo. Nikakaa na yeye akakaa kitako. Mara akaja mtu na tembo watatu wakacheza hatta khalafu wakapewa kitambaa wakavaa wakacharaza kama watu. Hatta khatima wakaondoka akaja mtu mungine akapanda juu ya uzi akaenda, nikawaza labuda mtu huyu ataanguka, Hakuanguka, nikastaajabu sana kwa khabari ile ya tembo kucharaza na mtu kupita juu ya kamba, bassi. Hatta khatima tukatoka tukaenda zetu. Un jour, il est venu en disant : « Allons voir de nouvelles merveilles ! – Très bien ! » Nous sommes entrés dans un édifice, à l’intérieur, il y avait des éléphants qui dansaient. Je me suis assis et mon ami également. Un homme est entré avec trois éléphants qui ont dansé. Ensuite, on leur a donné une étole et ils s’en sont vêtus et, comme des humains, ils se sont mis à danser sans jamais s’arrêter. Ils sont partis et une autre personne est entrée, elle est montée sur un fil et a marché. J’ai pensé qu’elle tomberait sans doute mais non, et tout cela m’a vraiment stupéfait : ces éléphants qui dansent et cette personne qui marche sur une corde. Et nous sommes partis.
Hatta siku nyingine tukaenda katika nyumba nyingine na ndani ya nyumba hiyo mu na mizinga na bendera na mikombora na sura ya watu nikaona na sura za miji na vitu vingine vyote vya Wafransa vilivyotekwa wakati wa vita Dachi na Mfransa. Nikaona mizinga sijapata kuiona na makombora sijapata kuyaona nikawaza khabari hiyo katika roho yangu, bassi. Hatta khatima tukatoka tukaenda zeta nyumbani. Une autre fois encore, nous sommes entrés dans un lieu où l’on voyait des canons, des drapeaux, des obus, des photographies et des reproductions de gens et de villes et plein d’objets venant de France. Les Allemands les en avaient dépouillés pendant la guerre entre les deux nations. J’ai vu des canons et des obus comme je n’en avais jamais vus et j’ai beaucoup pensé à toutes ces choses. Puis nous sommes repartis.
Hatta kwa siku ya pili akanambia: leo twende tukatezame machezo mangine. Tukaondoka tukaenda katika mahala pakubwa sana, na siku hiyo ndio siku ilikuwa siku yake ya kuzaliwa sultani kaiza. Nikaona usiku umegeuka mchana, zimetapakaa taa katika mji, nikastaajabu sana khabari hiyo. Nikaona watu sijapata kuona waliko wengi nikaona na mambo kaza wa kaza, bassi. Hatta khatima tukarudi nyumbani. Un autre jour, Velten m’a dit : aujourd’hui, nous allons assister à un grand spectacle. Nous avons rejoint une très grande place. C’était l’anniversaire du Kaiser. Et j’ai cru que la nuit s’était changé en jour tellement il y avait de lumières dans la ville, cela m’a émerveillé. J’ai vu plus de gens que jamais, et bien d’autres choses. Puis nous sommes rentrés.
Hatta siku nyingine akaja maalimu wangu Hans Tsakhe akanambia: tafadhali Amur wewe umeona askari wa kidachi hapa? Nikamwambia: naona njiani, bassi. Akanambia: bassi, tafadhali, nataka kesho kutwa uje kwangu tufuatane ukatazame askari wanavyocheza kiungani, na sultani atakwenda, bassi, tafadhali twende. Bassi. Un jour le professeur Hans Zache est venu me voir et m’a dit : « Amur, tu as déjà vu des soldats ici ? – Oui, j’en ai vu sur la voie publique. – S’il te plaît, après demain, je veux que tu viennes chez moi, nous irons voir ensemble la manière dont les soldats défilent[18]. Le Kaiser sera là, s’il te plaît, allons-y tous les deux ! – Très bien ! »
Hatta ikawa ile siku yetu ya miadi ikaja nikaondoka nikaenda kwake tukafuatana tukaenda hatta tukafika kiungan i wakaja askari wote. Nikauliza: hawa ndio watu wa mji wote au askari, bassi. Akanambia: hawa askari nao si wote, hawa katika mafungu kumi yetu, hili ndilo fungu moja; ametamani sultani kuwatazama. Nikastaajabu sana. Nikauliza: hawa watu wangapi wote. Nikaambiwa: hawa elfu mia waliyopanda farasi na hawa wanaokwenda kwa miguu elfu mia. Nikasema: ilhamdu lillah rabb ilalamina dunia iko maskini Bushiri bin Salim amethulumu roho yake burre, watu kama hawa yeye alitaka kupigana nao, bassi. Le jour du rendez-vous arriva, je me suis rendu chez lui et nous sommes allés ensemble dans un endroit à l’extérieur de la ville, tous les soldats arrivèrent. J’ai demandé : « Est-ce que tous les habitants de la ville sont là ou bien est-ce qu’il n’y a que des soldats ? – Ce sont des soldats, et ils ne sont pas tous là ! Il y a dix régiments et là, il n’y en a qu’un. » Il espérait que le Kaiser vienne les voir. C’était étonnant ! « Combien sont-ils donc ? – La cavalerie représente 100 000 hommes et les fantassins sont aussi nombreux. – Allamdulillah ! Ça alors, quel monde ! Le pauvre Bushiri bin Salim[19] a perdu sa vie pour rien ! Comment aurait-il pu combattre tous ces hommes ? »
Mara alhasil akaja sultani na mkewe ndani la gari. Nikamwona. Nikaona na dude kama yayi yamepanda juu na ndani yake mu na watu. Nikauliza: ndio nini kitu kile? Nikaambiwa: Dude lile ndani yake mu na watu wamepaa juu wanatezama maadui atoka wapi, wakiona adui mara washuka walete khabari chini. Nikataajabu khabari hjyo, bassi. Hatta khatima tukarudi nyumbani nikamwona na sultani mwanamke wa Hollandi katika machezo hayo, bassi. Akawa mimi kutaajabu sana kwa kulla siku, bassi. Hatta khatima tukaona mashangwi ya watu kasawakaza wanaotezama khabari ya machezo. Na mimi nikathani labuda katika mji hapana watu, watu ni hawa, bassi, kumbe ndani ya mji kama hakuondoka mtu. Nikatikisa kichwa changu na huku nikafikiri, bassi.

Soudain le Kaiser et sa femme sont arrivés en calèche. Et je l’ai vu. Et j’ai vu aussi une chose comme un œuf dans le ciel, il y avait des gens à l’intérieur. J’ai demandé « Qu’est-ce que c’est ? ». On m’a répondu : « Des gens sont montés dans cet engin pour regarder d’où vient l’ennemi, lorsqu’un ennemi est repéré, ils redescendent pour transmettre l’information à terre. » Tout cela m’a bien surpris. Sur le chemin du retour, j’ai vu la reine de Hollande au milieu de ces festivités. Vraiment, j’ai vu beaucoup de choses étonnantes ce jour-là. J’ai vu des foules en liesse qui regardaient les célébrations. Je me suis dit que peut-être il n’y avait plus personne en ville, que tout le monde était là. Mais non ! En ville, c’est comme si personne n’était parti ! J’ai secoué la tête en pensant à tout cela !

Hatta khatima kwa siku nyingine nikaona watu wanasema: leo sultani wa mji mgine atakuja hapa kumtazama sultani wetu, bassi. Naye sultani mwenyewe wa katika mji wa Italia, bassi. Mimi nikangoja hatta nikasikia : leo atakuja; nikaondoka nikaenda katika njia atayopita sultani nikakaa. Hatta mara nikaona wakaja watu wakajipanga safu na watu hao askari wa mji na majina yao mapolisai na kulla moja a na nguvu kama simba, wangine juu ya nyama na wangine wanakwenda chini. Na kulla asiyekuwapo siku hiyo hakufaidi, na kulla asiyekuja au asiyekwenda katika Berlin hakujaaliwa wala hajazaliwa wala hana jina ndani ya dunia, bassi.

Un autre jour, j’ai entendu des gens dire : aujourd’hui, un souverain étranger va venir rencontrer le nôtre. Ce souverain venait d’Italie. J’ai attendu jusqu’au moment où j’ai entendu dire : c’est aujourd’hui. Je suis sorti et me suis installé sur le trajet qu’il allait emprunter. Soudain, j’ai vu des gens qui se mettaient en rangs, c’était des soldats de la ville, on les appelle « policiers ». Chacun d’entre eux a la force d’un lion. Certains étaient à cheval et d’autres à pieds. Ceux qui n’ont pas pu assisté à l’événement ne savent pas ce qu’ils ont raté. Et ceux qui ne sont pas venus et n’étaient pas à Berlin ce jour-là, ils sont restés sans renommée, c’est comme s’ils n’étaient pas nés ou que leur nom était inconnu du monde. Voilà !
Mara wakaja wafalume wawili, kaiza na mfalume wa Italia ndani la gari. Nikawaona nikafanya salamu. Mara nikaona na mke wake na mke wa kaiza wameingia katika gari moja. Wakaondoka watu wote wakafanya salamu wakamtupia maua na wao wakiitikia salamu na wakipokea maua, bassi. Hatta khatima tukaondoka na mimi nikaenda zangu hatta kwangu na huku nafikiri ufalme nasema katika roho yangu: ama ufalme ni kama huu asemaye vingine muongo, bassi. Les deux souverains, le Kaiser et le roi d’Italie, sont soudain arrivés. Je les ai vus et les ai salués. La femme du souverain italien et celle du Kaiser étaient à l’intérieur d’un fiacre. Deux personnes se sont détachées pour les saluer et leur jeter des fleurs, elles ont répondu aux saluts tout en recueillant celles-ci. Je suis reparti chez moi tout en songeant au fait de gouverner. Je me disais en moi-même : c’est ainsi le pouvoir, celui qui dit l’inverse est un menteur.
Hatta khatima nikakaa kitako siku kazawakaza, bassi. Hatta siku moja akaja rafiki yangu Velten akanambia: leo tafadhal, Amur, nataka tukatembee katika nyumba ya pombe. Nikamwambia: haya, walakin wapi? Akaniambia: karibu, si mbali, bassi. Takaondoka tukaenda katika nyumba ya pombe nikaona vioo vidogo sawasawa na kuta nikaona na kandile kwa kulla namna nikamwambia rafiki yangu: nyumba hii ya nani? Akanambia; nyumba hii ya tembo, bassi. Nikaona viti sijapate kuviona tukakaa kitako, bassi. Hatta khatima tukaona watu na vinanda na matarumpeta na ngoma. Nikauliza: watu hawa wanakwenda wapi? Akanambia: watu hawa watapiga ngoma hizi na matarumpeta haya kwa ajili yetu sisi tunaokunywa pombe kwa ajili kutuanis. Je suis resté chez moi quelques jours, puis mon ami Velten est venu et m’a dit : « S’il te plaît Amur, aujourd’hui, je veux t’emmener dans une taverne. – Bien, mais où est-ce ? – Ce n’est pas loin du tout ! » Nous nous y sommes rendus, j’ai vu des murs tapissés de sorte de petits miroirs et des lumières partout. J’ai demandé à mon ami : « A qui appartient cet endroit ? » Il m’a dit, « C’est ici la taverne. » J’ai alors vu des chaises comme je n’en avais jamais vues et nous nous sommes assis. Des gens sont arrivés avec des violons, des trompettes et des tambours. J’ai demandé ce qu’ils venaient faire ici : Ils vont faire de la musique pour divertir tous ceux qui boivent ici.
Nikawaza mimi ndani ya roho yangu: ikiisha kuwa nyumba ya pombe kama hii, chumba anayolala mwenyewe kama nini? Nikamwambia rafiki yangu: nyumba kama hii tokea kuzaliwani kwangu sikuona, nikisema nyumba hii kama ya sultani Unguja, la hii zaidi. Nikasema: alhamdu lillahi rabb ilalamina. Nikamwambia rafiki yangu: mimi nikienda Unguja nikahadithi khabari hii, watu hawatanisadiki watanambia wewe unapenda Madachi ndio maana unasema hivi, bassi. Hatta khatima takaondoka tukaenda nyumba nyingine nikaona zaidi kuliko ile, bassi. Ikawa kwenda nyumba baada ya nyumba hatta zikatimia nyumba sabaa na kulla nyumba zaidi kuliko ya pili, bassi. Akanambia: nyumba zilizo kama hivi katika mji huu jumla yake zote nikipunguza uwongo Ja baba 3000, na kulla nyumba zaidi kuliko ya pili. Nikasema: Allahu akbar. Bassi. Hatta khatima tukaondoka tukaenda zetu, bassi. En moi-même, j’ai songé : si cela c’est une maison pour la bière, je me demande bien à quoi ressemble la chambre de celui qui possède le bâtiment. J’ai dit à mon ami : « C’est la première fois que je vois un tel endroit, je dirai que c’est aussi beau que le palais du Sultan. Non, d’ailleurs, c’est encore plus beau. » J’ai ajouté : « Qu’Allah soit loué, lui le roi du monde. Si je rentre à Zanzibar et que je raconte cela, personne ne me croira. Les gens me diront : ‘C’est parce que tu aimes les Allemands que tu dis cela.’ » Nous avons changé de taverne et j’ai vu encore plus de choses. Nous sommes entrés dans sept tavernes et à chaque fois la nouvelle était plus étonnante que la précédente. Il m’a dit qu’il y avait environ 3000 endroits comme cela à Berlin, et qu’il n’exagérait pas ! Alors ça ! Et chaque taverne est aussi grande que deux maisons ! Allahu akbar ! Puis nous sommes rentrés.
Siku nyingine tukaondoka tukaenda hatta tukafika mahala. Na mahala hapa pa na watu wengi. Nikauliza: watu hawa wani ? Akanambia: watu hawa wamewekwa, kwa sababu pakizaliwa mtu au pakifa mtu au akija mgeni na watu hawa watu elfu sabaa, kazi yao hii, akija mgeni huuliza: umezaliwa wewe, hunena unatoka nchi gani, hunena umezaliwa siku gani na mwezi gani na hapa utakaa siku gani au miezi mingapi, na wewe kazi yako nini, bassi. Na wewe useme yote. Na ukisema: mimi si na kazi hapa, nimekuja tembea utasafirishwa mara au kama hawajui siku yako uliyozaliwa utasafirishwa mara hii. Un autre jour, nous sommes allés dans un endroit rempli de monde. J’ai demandé : « Qui sont ces gens ? – Les gens viennent ici lorsqu’il y a une naissance ou un décès. Quand un étranger arrive, le travail des gens que tu vois – ils sont 7000 – est de lui demander : ‘De quel pays venez-vous ? Quelle est votre date de naissance ? Combien de temps allez-vous rester ? Quel est votre travail ?’ etc, etc… Et tu dois répondre à toutes ces questions. Si tu réponds ‘Je n’ai pas de travail, je suis venu ici pour me promener.’, on te renverra immédiatement. Ce sera la même chose si tu ne connais pas ta date de naissance. »
Ndio khabari yao watu hawa waliokalia hapa, bassi. Tukatoka tukaenda zetu, baasi. Voilà mes informations concernant les gens qui travaillent en ce lieu. Puis nous sommes partis.
Hatta siku nyingine tukaondoka tukaenda mahala nikaona nyumba na ndani ya nyumba hii mu na masanamu mengi sana nikaona na magari ya posta ya kulla inchi nikaona na marikebu za kulla inchi nikaona na mitambo inalia nikasikia na watu wanakuimba nikauliza: nini hivi ? Nikaambiwa : mitambo hii unayosikia hao si watu wanaokwimba, nikastaajabu sana umuri ule, bassi. Hatta khatima nikatoka na yeye akatoka tukaenda zetu hatta tukafika nyumbani. Nikakaa. Un autre jour encore, nous sommes allés dans un autre lieu. A l’intérieur, il y avait beaucoup de statues, il y avait aussi des diligences et des navires de tous les pays. J’ai vu des machines qui parlaient : j’ai entendu des gens qui chantaient ! J’ai demandé : « Qu’est-ce que c’est ? – Ce ne sont pas les gens que tu entends, c’est la machine[20]. » Incroyable ! Puis nous sommes rentrés.
Siku moja nikasikia: leo anakuja Bismark katika Berlini, walakin atapita, hatakaa sana, bassi. Nikaondoka nikaenda kunako nyumba ya gari la moshi. Mara nikaona wakaja watu wakaja na askari wakakaa safu. Mara nikaona gari linakuja na ndani yake yumo Bismark, wakaja watu wakafanja salamu kwake. Mara akatoa kichwa chake ndani ya gari akaitikia salamu. Na mimi nikasogea hatta nikapata karibu yake nikamwambia akaitikia akatoa ua kwa mkono wake akanipa akanambia: tafadhal shwakhsa[21]. Nikamwambia: ahsanta. Nikamutazama sana nikamwona mwana we na mke wake na ahali zake wote, na yeye a na mvi hatta kope, nikafurahi sana kumwona kwangu Bismark, bassi. Hatta khatima akaondoka akaenda zake na mimi nikaenda zangu nyumbani ua huku ningali na furaha na kunusa lile ua aliyonipa, nikakaa nalo siku kazawakaza hatta khatima nikalitupa, bassi. Tamat. Un autre jour, j’ai entendu dire : « Aujourd’hui, Bismarck vient à Berlin, mais il ne fera que passer. Je me suis alors rendu à la gare. J’ai soudain vu des personnes qui arrivaient et les soldats qui se mettaient en rang. Une voiture est arrivée et à l’intérieur se trouvait Bismarck. Les gens sont venus le saluer. A un moment, il sorti la tête du véhicule et il a salué. Je me suis approché jusqu’à être tout près. Il m’a salué, a pris une fleur et me l’a donnée en disant : « Pour vous, le Noir[22] ». J’ai répondu merci. Je l’ai observé un long moment, j’ai vu son enfant, sa femme, toute sa famille. Il a les cheveux blancs, et même ses sourcils sont blancs. Voir Bismarck m’a rempli de joie. Puis il est parti de son côté et moi du mien. J’étais ravi et je respirais la fleur qu’il m’avait donnée. Je l’ai gardée plusieurs jours mais ensuite, j’ai dû la jeter. Point.
Wa salaam. Hiki kisa na khabari ya Berlin. Tamat. C’était mes informations concernant Berlin. Fin.

Khabari nyinglne ya Berlin. (Sonstiges aus Berlin.)

Autres informations concernant Berlin

Sasa nataka kuandika khabari yake ya magari ya moshi, ya magari yanaokwenda katika njia za chuma na magari mengine yalio ghali na minara na saa na khabari ya majumba na maposta ninaoyaona, vidogo na vikubwa vilivyo katika njia na desturi ya Berlin niliyoijua na niliyoiona mimi, bassi. Et maintenant, je souhaite vous parler des trains, des tramways et des autres moyens de transports qui sont coûteux. Je veux aussi vous parler des tours, des horloges, des belles maisons et des diligences. De tout ce que j’ai vu dans les rues en ce domaine, petit ou grand, et aussi des usages de Berlin que je connais.
Khabari ya njia, mapana yake pima tano na urefu wake upeo wa macho ya mtu. Na njia wanaopita watu mbali na njia inayopita magari mbali. Na njia hizo kwa kulla siku utaziona kama kioo, zi na watu kasid wa kufagia, kwa kulla siku hufagiliwa, na katika njia hizo sikupata kuona njia iliyo namna nyingine, kwa kulla njia hali moja. Na katika njia hizo mu na taa na kulla taa inawaka zaidi kuliko ya pili. Na njia hizo si za mawe wala kokoto. Njia hizo zimetiwa na vipande na khalafu lami na khalafu rangi uliziona kama hariri, wala mimi sijapata kuona njia kama za Berlini, baasi. Concernant les routes, elles sont très larges et leur longueur est telle que c’est l’œil qui en voit la fin. Les routes qu’empruntent les gens sont différentes des routes qu’empruntent les véhicules. Celles-ci te paraitront semblables à du verre car elles brillent, il y a des gens qui les balaient ; chaque soir, les rues sont balayées. Elles sont toutes pareilles, je n’en ai jamais vues qui soient différentes. Ces rues sont aussi éclairées, chaque réverbère éclaire plus que son voisin. Elles ne sont pas pavées à partir de grosses pierres et on n’utilise pas non plus de graviers mais du goudron que l’on verse, puis de la couleur. Quand tu vois cela, tu penses à de la soie. Pour ma part, je n’ai jamais vu cela qu’à Berlin. Voilà.
Na katika khabari ya taa za Berlin kulla siku huziona zinawaka, walakin sioni mafuta wala mwasha taa, huziona zinawaka; na kulla nyumba zimeenea taa zaidi kuliko khamsini; na mji wa Berlini wote unawaka taa na ikitoka baamwezi huijui kwa ajili ya taa. Pour ce qui est de l’éclairage, chaque soir à Berlin des lumières sont allumées. Je n’ai jamais vu de pétrole ou de personne chargée de les allumer, mais elles brillent ! Chaque maison abrite une cinquantaine de lampes. Il y a tant de lumières à Berlin que lorsque c’est la pleine lune, on ne s’en rend même pas compte.
Na majumba ya Berlini makubwa sana nayo ya na nguvu kana majabali nayo ni meupe nayo mazuri, wala sikupata kuona nyumba nzuri kama Berlini nayo na dhifu sana nayo kwa kulla nyumba ghorfa tatu hatta nne; hapana nyumba iliyo ghorfa moja wala mbili. Na nyumba hizo zi na mashimo chini na ndani ya mashimo wanakaa watu waliyo maskini na mashimo hayo kwa kulla shimo kana nyumba ya Taria. Na katika khabari ya matajiri wanaouza vyombo, utaona ndani ya maduka kwa kulla kita tokea lulu na zahabu na fedha na shaba na chuma hatta mavi ya chuma wameweka na nguo, na kulla kitu wameandika na thamani yake juu ya mali na vitu na pete na saa ya fedha na zahabu kazalika. Wala hapana mwivi na kama atakwiba, bassi. Les demeures à Berlin sont grandes et imposantes, comme des montagnes, elles sont blanches et très belles. Nulle part ailleurs, je n’en ai vues d’aussi belles. Elles sont très propres et chacune d’elles compte trois à quatre étages, jamais moins. Des cavités ont été creusées sous ces habitations et là vivent des miséreux mais chaque cave vaut bien la maison de Taria[23]. Pour ce qui est des commerçants, tu verras dans leurs magasins qu’ils vendent de tout, de la perle à l’or, l’argent, le cuivre, le fer jusqu’aux petits déchets de fer. Ils étendent des étoffes et posent dessus les objets dont le prix est écrit pour chacun : la bague, la montre en argent ou en or etc… Mais il n’y a pas de voleur[24].
Na khabari ya njia za chuma. Mu na magari na magari hayo ukitaka kuingia themani yake nauli yake tokea pesa kumi na pili hatta pesa nne. Nayo yamefanywa na kochi ndani na vibao na vibaa na kulla anasa imo ndani ya gari, bassi. Na magari hayo ndiyo ghali ukitaka kwenda mahala tokea rupia tatu hatta esherini, bassi. Na mimi nikakaa hatta nimechoka sikuona nyama awayo yote wala nyama yake. Watu wamechukua ndani ya magari kwa kulla nyama tokea ngombe hatta nguruwe na hatta bidhaa nazo zitiwa ndani ya magari, bassi. Parlons maintenant du tramway. Il y a différents types de voitures et les prix varient de 4 à 12 pesa. Certaines voitures ont des banquettes, des tablettes et tout le confort qu’il faut mais elles sont chères : il t’en coûtera de 3 à 20 roupies. Pour ma part, je m’y suis assis jusqu’à être fatigué et je n’y ai vu aucun animal d’aucune sorte. Les gens emportent de nombreux animaux à l’intérieur, de la vache au cochon, et bien d’autres marchandises.
Na khabari ya magari ya moshi: Ukitaka kusafiri tokea mji hatta mji, yamefanywa na njia zake za chuma pale na magari hayo yaliyo ndani ya mji mbali na yaliyo mbali yako mbali. Na magari hayo kama majumba, ya na vyakula ndani, ya na miji ndani, ya na maduka ndani ya na vyoo ndani ya na kulla kitu ndani. Na ukitaka kusafiri mji wote unaotaka utaingia. Nayo ya na mahala pazuri na pabaya, ya na ghali ua rakhisi. Mahala pa ghali pana matandiko ya makhmil ndani ya mahala rakhisi muna bao ndani. Na ukitaka kwenda hatta nchi sultani Rum utakwenda ndani ya gari. Na hatta ulaya yote ukitaka utakwenda, walakin i ghali sana nauli yake magari hayo. Na magari hayo si moja wala si arbain mia, nayo mengi sana hatta mtu hajui idadi yao. Na majumba yake magari yamejengwa kwa chuma, na kuti yake vyoo na kulla panda la magari urefu wake pima arbaini na mapana yake pima kumi. Hii ndio khabari ya magari ya moshi. Bassi. Pour ce qui est du train, si tu veux voyager de ville en ville, des rails ont été construits et relient les endroits éloignés. Les voitures sont comme des palais : il s’y trouve de l’eau, de la nourriture, des boutiques, des toilettes et plein d’autres choses. Tu peux y monter si tu veux visiter une ville. Les endroits sont divers : il y a ceux qui sont très bien, et ceux qu’il faut éviter ; les premiers sont chers ; les autres ne coûtent rien. En première classe, il y a lits et matelas, dans les compartiments bon marché, de simples bancs. Et si tu le veux, tu peux aller jusqu’au Pays des Turcs[25]. Tu peux d’ailleurs voyager à travers toute l’Europe mais cela coûte très cher dans ces voitures luxueuses, ce n’est pas 100 ou 400 mais plus encore, et personne ne peut en définir la somme[26]. Les compartiments sont construits en fer, les plafonds sont en verre et pour ce qui est des proportions des gares, les dimensions sont de 40 x 10 mètres. Voilà ce que je peux dire du chemin de fer.
Na khabari ya njia sikumaliza yote. Katika njia mume fanywa vyoo vidogo na vikubwa na ukitaka kwenda chooni utaingia ukatabawali ; na ikiwa usiku utaona kandili ndani inawaka ndani ;na ukitaka kwenda kwa kikubwa utaingia ndani, walakini utatoa pesa nne, ndipo utapata kwenda chooni, bassi. Mais revenons aux voies de communication, car je n’ai pas tout dit. Le long des rues, des toilettes, petites ou grandes, ont été construites et tu peux y pénétrer pour t’y soulager. Le soir, des bougies sont allumées. Si tu veux y aller, il faut payer 4 pesa. Voilà.
Na katika njia mu na miti na miti hiyo i na watu huingoja; na wakati wa bardi hnkauka majani yote na wakati wa hari huchimbuka majani; na miti hiyo urefu wake[27] kama miembe na unene wake kama mifinesi, nayo haina maana iwayo yote, imekaa zana bassi. Le long des rues est planté d’arbres, très nombreux, des gens les entretiennent. A la saison froide, les feuilles se dessèchent, à la saison chaude, tout devient bourgeons. Par leur taille, ces arbres ressemblent aux manguiers, pour ce qui est de la circonférence, ils ressemblent plutôt aux jaquiers. Mais ils ne servent à rien, c’est juste pour faire beau.
Na ndani ya njia mu na ndege; na ndege hawo wengi sana hawana idadi, nao wala hawakimbii mtu wakimwona; na wewe ukiwaona usiwapige, ukiwapiga utapata khatia kwa serkali, bassi. Tu verras aussi d’innombrables oiseaux qui ne s’envolent pas à l’approche de l’homme. Mais tu ne peux pas les tuer ; tu serais puni par la loi.
Na mimi nimekaa siku nilizokaa nikaona watu kama hawo walivyo wengi, walakin sikuona hatta mtu mmoja kugombana na mwenzi we, hatta siku moja, kulla nimwona humwona na kazi yake akafanya na idha. Wala sikumwona mtu kijana anayepata miaka sita umri wake ikawa hana kazi katika mkono wake, kwa kulla umwonaye, utamwona ameshughulika na kazi; na mtu hana kasi husafirishwa mara, na kama hasafirishwi atakufa kwa njaa. Na watu wa huku hujifunza mambo kaza wa kasa ya dunia ya kulla kasi na ya kulla muhaji na kulla namna ya kusoma, watu wa huku wanajua. Tout le temps que je suis resté sur place, j’ai vu beaucoup de gens et bien je n’en ai pas vu un seul qui se batte avec son semblable, pas une seule fois. Chaque homme, je l’ai vu se concentrer sur son travail. Pareillement, je n’ai jamais vu un enfant les bras ballants à partir de ses sept ans. Chaque personne que j’ai vue, je l’ai vue occupée à sa tâche. Celui qui ne travaille pas est souvent obligé de partir et s’il ne le fait pas, il mourra de faim. Les gens là-bas apprennent diverses choses sur le monde, sur chaque métier, sur chaque manière d’apprendre. Ces gens sont très savants.
Na katika khabari ya kupanga majumba, ukitaka kupanga nyumba kwa kulla nanma ya upangaji utapata. Ukitaka nyumba tupu au ukitaka nyumba na vyombo ndani utapata. Ukipanga nyumba tupu utapata nyumba rakhisi, na ukitaka na vyombo utapata ghali, walakin utapata mtu akutumike, utapata kitanda na kochi na viti vizuri, utapata na zulia ndani na maji na mahala pa kutawabali, na mtumishi usubuhi atatandika atazoa uchafu wote atafuta matandiko atafanya vizuri asubuhi, na ukija utaona yote tayari amefanya, na wewe utatoa koodi kwa kulla mwezi tokea marka arbaini hatta eshrini. Utapata na kahawa asubuhi na mkate, bassi. Pour ce qui est du logement, si tu veux louer quelque chose, tu peux trouver tout ce que tu souhaites. Maison vide ou meublée. Si tu veux seulement une maison, sans rien d’autre, elle sera bon marché ; si tu la veux meublée, ce sera plus cher mais tu auras aussi du personnel, un lit, un canapé, et plein de belles choses, des tapis, de l’eau dans les toilettes, un domestique pour nettoyer chaque matin. Quand tu arrives, tout est déjà en ordre. Pour cela, le loyer t’en coûtera de 20 à 40 marks. Et tu auras chaque matin pain et café.
Na ukitaka nyumba tupu nayo utapata, walakin rakhisi inavunja mpishi, utapata nyumba haina hatta mtu ndani, nayo utanunua kwa kulla kitu wewe mwenyewe utatia. Na ukitaka nyumba tupu nayo utapata, walakin rakhisi inavunja mpishi, utapata nyumba haina hatta mtu ndani, nayo utanunua kwa kulla kitu wewe mwenyewe utatia. Na katika khabari ya koodi ya nyumba, mtu huanza kutoa kabla hajalala ndani ya nyumba, ndipo unapotoa koodi. Na ukitaka kuhama, sharti useme katika mwezi khamstashara kati ya mwezi. Si tu veux seulement une maison, c’est possible aussi. Ce sera moins cher mais tu n’auras pas de personnel et ce sera à toi de tout acheter toi-même. Pour ce qui est des loyers, il faut payer avant même d’avoir investi les lieux. On paie à l’avance. Et si tu veux déménager, il faut prévenir au quinze du mois. Si tu le dis après, tu ne pourras pas déménager, la loi te l’interdira et tu ne pourras pas aller ailleurs.
Na ukisema akheri hutaweza kubama, sharia haitakukubalisha kuhama, na wewe wala huwezi kuondoka kwenda mahala pangine, atatunzwa, lazim. Si tu choisis de louer une maison meublée ou tout autre chose et que tu vas vois le propriétaire en disant : « Voilà, c’est d’accord, je viendrai » et que tu ne viens pas, s’il te poursuit en justice, il obtiendra gain de cause. Salutations.
Na katika khabari ya makadhi hapana kadhi anayetoa rushwa kwa kulla mtu mwenyi haki yake, akishitaki atapata hatta nakama. Unamshitaki kwa sultani atatunzwa upewe haki yako. Na sultani bana batta amri ya kuua mtu wala hana amri ya kufunga mtu. Sultani kazi yake hungoja mshahara wake, bassi, akapewa. Na mshahara huu wanatoa watu katika mji, kulla mtu anayekula mshahara hutoa fedha kidogo kwa kulla muda wa miezi mitatu na jina lake staia, koodi ya mji. Na kulla mtu mwenyi nyumba an mwenyi kiwanja au mwenyi shamba hutoa koodi hiyo lazimu, illa mtu kijana anayekuwa kwa mama yake na baba yake hatoi. Na fedha hiyo ndiyo anayopata sultani ua inayofanywa kazi yote ya mji, bassi. Pour ce qui concerne les juges, aucun ne reçoit de pot-de-vin d’un quelconque plaignant. S’il le dénonçait, le juge serait même condamné. Si tu le dénonces devant le souverain, tu obtiendras gain de cause. Et le souverain n’a pas le droit de tuer pas plus que celui d’emprisonner un homme. La seule chose que le souverain a à faire, c’est d’attendre son salaire et c’est tout. D’ailleurs, on le lui donne. Et ce salaire est prélevé sur l’ensemble des gens qui habitent en ville. Sur le salaire de chaque résident, une partie est prélevée tous les trois mois. On appelle cela Steuer[28], c’est l’impôt municipal. Chaque propriétaire, qu’il soit propriétaire d’une maison, d’un terrain ou d’un champ doit payer cet impôt. Seuls les jeunes gens qui sont encore chez leurs parents ne paient pas. Avec l’argent ainsi récolté, le souverain finance les travaux liés à la ville. Voilà.
Na katika Berlini kuna bardi sana; muda wa miesi sita bardi na miezi sita jasho. Na jasho hili, afdhali ya bardi kuliko jasho hilo, maana yake utaona jasho sana, na ukiona jasho sana isitamani kuvua nguo zako utapata bardi inaingia ndani ya kifua na khatima utapata maradhi. Et à Berlin il fait très froid. Pendant six mois il fait très froid et pendant les six autres mois il fait très chaud. Et le froid est préférable à cette chaleur parce que lorsqu’il fait aussi chaud, ne t’imagine pas pouvoir enlever tes vêtements, le froid pénétrerait dans ta poitrine et tu tomberais malade.
Na katika Berlin mu na daraja za chuma, mu na na mito, mu na na madau, mu na na mbwa wangi sana nako Berlini barra si kisiwa nayo nzuri sana waia si mbaya. Walakin khabari yake ni kama hii ya bardi yake maji huganda kama mawe, na ikija mvua huanguka mvua kama kokoto. Na mvua nyingine kama machicha ya nazi, bassi. A Berlin, il y a aussi des ponts en fer, des rivières et des bateaux et beaucoup de chiens. Mais ce n’est pas une île, c’est très beau, et assez agréable. Et ce qui est notable du froid de cette ville, c’est que l’eau gèle et devient dure comme de la pierre, et lorsque la pluie vient, ce sont comme des cailloux qui tombent. Une autre pluie est semblable à de la noix de coco râpée. Voilà.

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Notes:

[1] La version originale utilise le mot de « riziki » qui fait référence, à l’origine, à ce qui est donné par Dieu, par extension, ce qui permet de vivre. La référence à Dieu pourvoyeur de toutes choses n’est pas visible dans la traduction mais est probablement présente en arrière-fond de l’original.

[2] Il s’agit probablement d’Ismaël Pacha, petit-fils de Mehemet Ali, vice-roi puis khédive d’Egypte, qui vendit ses droits sur le canal de Suez au Royaume-Uni en 1875.

[3] On peut imaginer qu’il s’agisse de la tour de Belém.

[4] Le texte dit : « bandari ya gari la moshi » soit le port des trains.

[5] Büttner accueille Amur bin Nasur par un proverbe swahili (« Ngalawa juu, wimbi chini ») qui signifie que la vie est pleine de surprises et de dangers mais qu’il ne faut pas les redouter lorsque l’on se lance dans quelque chose.

[6] Büttner nous indique qu’il s’agit de l’arsenal.

[7] Hans Zache écrira par la suite plusieurs ouvrages dont Das deutsche Kolonialbuch (Berlin/Leipzig, 1925)

[8] Les chiffres sont effet étonnants mais Berlin avait déjà dépassé le million en 1877. Entre 1920 et 1930, elle était la ville la plus peuplée d’Europe.

[9] Büttner indique qu’il s’agit de Muhammed bin Abdallah, un homme très riche.

⁹ Le texte dit « uronda » qui renvoie aujourd’hui à « ronda » : tout petit poisson.

[11] Beit-el Ajab, la « maison des merveilles » en arabe, est l’un de six palais construits par le sultan Bargash. Il était ainsi surnommé car il fut le premier édifice d’Afrique de l’Est à recevoir l’électricité. Situé sur le front de mer, en face des jardins de Forodhani, le palais abrite aujourd’hui le musée de Zanzibar.

[12] Il faut peut-être interpréter ici le « chez moi » comme le continent africain, et plus précisément Zanzibar dont Amur bin Nasur, devant ce spectacle, est peut-être devenu nostalgique.

[13] Büttner indique qu’il s’agit du Museum für Volkerkunde (le musée d’ethnographie).

[14] Büttner indique qu’il s’agit de la section égyptienne de l’Altes Museum.

[15] Büttner indique qu’il s’agit du Castans Panopticum, l’équivalent des musées Grévin à Paris et Tussaud à Londres.

[16] Le nondo est le nom d’un serpent mythique. Sacleux dans son dictionnaire Swahili/Français le décrit comme « un grand serpent auquel la légende attribue une taille fantastique, une crête rouge sur la tête et le cri de la chèvre. Il percerait les yeux de celui qui ose l’attaquer et serait capable de tenir tête à une caravane entière. » Il s’agit ici d’un très gros serpent.

[17] Le sens de la phrase est difficile à saisir, même si l’on choisit de traduire sanamu par « représentation » plutôt que sculptures. L’idée de créations animées est en effet assez miraculeuse, sauf s’il s’agit de marionnettes ou d’automates. Büttner ne donne pas d’indications.

[18] Büttner indique qu’il s’agit d’un grand défilé sur le terrain de Tempelhof.

[19] Bushiri bin Salim (également Abushiri bin Salim) : puissant propriétaire et marchand de la côte, à l’origine de la révolte dite « d’Abushiri » contre la colonisation allemande en 1888. Devant une situation qui dégénérait, Bismarck a envoyé Hermann von Wissmann pour mater la rébellion. Bushiri bin Salim fut pendu le 15 décembre 1889 à Pangani.

[20] Il s’agit bien sûr, et comme le confirme Büttner, d’un phonographe.

[21] So hat Amur das deutsche Wort gehört und geschrieben.

[22] Amur transcrit shwakhsa le mot allemand Schwartzer (Noir) qu’il a entendu.

[23] Taria Topan (ou Tharia Topan), riche marchand indien de Zanzibar, proche du pouvoir et notamment du sultan Bargash qui le nomma chef des douanes (1876-1879). Il a rencontré de nombreux explorateurs – dont Stanley et Livingstone – et demeure jusqu’à aujourd’hui une figure marquante de l’île.

[24] La phrase se poursuit « na kama atakwiba, bassi. » (et même s’il te volait, et bien…). Le sens n’est pas clair, Büttner traduit, « et s’il y en avait un (voleur), on lui ferait vite son compte. »

[25] Amur fait très probablement allusion à l’Orient Express, en circulation depuis 1883 et dont le trajet passe par Paris-Strasbourg-Munich-Vienne-Budapest-Bucarest-Constantinople.

[26]. Le train, luxueux était en effet extrêmement coûteux (300 francs de l’époque pour un départ de Paris, soit deux mois de salaires d’un ouvrier environ). .

[27] Man beachte den Singular des Pronomens, wo wir den Plural erwarten.

[28] Amur transcrit staia le mot allemand Steuer, qui signifie bien impôt.

Khabari ya Amur bin Nasur / Le récit de voyage de Amur bin Nasur – 1) Vie d’Amur bin Nasur

 

 

Mots-clés: swahili ; récit de vie

Contribution présentée par Nathalie Carré

Auteur: Amur bin Nasur ilOmeiri

Editeur: Carl Gotthilf Büttner

Traduction française par Nathalie Carré

Enonciation: écrit

Contexte: Version originale Swahili : Anthologie aus der Suaheli-Litteratur, textes recueillis par Carl Gotthilf Büttner. Berlin : Emil Felber, 1894, 405 p.

Constitution du texte: Ce récit biographique fourni par Amur bin Nasur l’a été alors que celui-ci était lecteur de swahili à Berlin, entre 1891 et 1894. Carl Gotthilf Büttner, qui édite le texte, indique que celui-ci est écrit, tout comme Amur bin Nasur le souligne à la fin de son récit. De nombreux traits auraient cependant pu faire penser que le texte avait été recueilli oralement et transcrit (voir le document de présentation).

 

 

 

 

 

Khabari ya wazee wangu.

A propos de mes parents

Khabari ya kuzaliwa mimi.

De ma naissance

   

Aliondokea baba yangu kutoka Maskati akasafiri hatta akafika Unguja; akaingia kwa ndugu yake Hamudi bin Amur akakaa siku kaza wa kaza, hatta khatima ilamri akatamani kuoa mke. Akamwambia ndugu yake:

Mon père a quitté Mascate, il a voyagé jusqu’à Zanzibar. Là, il est allé chez son parent[1] Hamudi bin Amur, où il est resté quelques temps jusqu’au moment où il lui a dit :

Ndugu yangu, ya akhi, mimi nataka kuoa mke, walakin na mimi sina kitu katika mkono wangu, bassi.

« Mon frère, je souhaite prendre épouse mais je n’ai pas de bien. Voilà.
Na yule ndugu yake akamwambia: bassi, na kama huna kitu utaoaje mke? – Mais alors, comment vas-tu faire ?
Akamujibu: nataka unikopeshe fedha ijapokuwa ndogo, walakin lazima ila mimi kuoa mke. Maana yake: ndugu yangu, mimi ni mwanamume na mimi kijana mzima, hapa nilipo siwezi kukaa bila mke. – Je voudrais que tu me prêtes de l’argent, ne serait qu’une petite somme, parce qu’il me faut me marier. En effet, je suis un jeune homme dans la force de l’âge et il ne m’est pas possible de rester ici sans femme.
Na yule ndugu yake akamjibu akamwambia: mke gani unayemtaka, ndugu yangu? Son parent lui répondit : quel genre de femme souhaites-tu ?
Akamwambia: awaye yoyote yule, mimi namtaka. – N’importe laquelle fera l’affaire.
Akamwambia: wataka shamba au mjini? – Une femme de la campagne ou bien une femme de la ville ?
Akamwambia: mahala pawa popote pale panapo mwanamke. – Peu importe là où elle vit.
Akamwambia: Insha Allah taala, bassi.

– Inshallah.

Walipokwisha kufanya mashauri yao wakakaa hatta walipo kuichuma wakashukia mjini yeye na ndugu yake wakaenda hatta wakafika kwa mzee wao Said Sud Muhindi wakamuaridhia khabari zao zote walizo nazo za posa. Une fois leurs délibérations terminées, ils allèrent en ville pour rendre visite à leur aîné, Said Sud Muhindi, pour lui expliquer toute cette histoire de mariage. Celui-ci dit :
Bassi yule mzee wao akasema: insha Allah tutatafuta mwanamke anaye chochote tukaoze, bassi. « Nous trouverons une femme qui a un peu de bien, et si Dieu le veut, vous vous marierez. »
Wakaulizauliza hatta wakapata mtu mmoja. Ils ont interrogé les uns et les autres jusqu’à ce qu’un homme leur dise :
Akawambia: mimi namjua mwanamke mmoja, amefiwa na mume wake naye ana watoto watatu, wawili wanaume, mmoja mwanamke; mmoja jina lake Maseudi bin Rashid na mmoja Ali bin Rashid, na mwanamke Ghasha binti Hasan, naye ndiye mdogo wao huyu mwanamke; athani[2] mwanamke huyu atakufaa, naye ana kitu kidogo, ana shamba moja Kikaanguni na moja Buibui, ana na watumwa, athani, wanapata kumi na sita, na waanawe wana mali, wamerithi kwa baba yao, labuda atakufaa mwanamke huyu, bassi. « Je connais une femme, une veuve qui a trois enfants : deux garçons et une fille. L’un des fils d’appelle Maseudi bin Rashid et l’autre Ali bin Rashid, la fillette s’appelle Ghasha binti Hasan. C’est la benjamine. Cette femme pourra te convenir et elle a un peu de bien : un terrain à Kikaanguni et un à Buibui. Elle a des esclaves, seize je crois, et les enfants ont du bien qu’ils ont hérité de leur père. Est-ce que cette femme peut t’aller ? »
Baba yangu akasema: naam, nataka kumposa, utakwenda wewe kuniposea. Yule mtu akasema: kwa ni mimi siendi? Ukinituma nitakwenda kuposa, maana kuposa ni thawabu, bassi. Mon père répondit : « Oui, je veux lui faire une demande. Tu t’en chargeras pour moi ». L’homme répondit : « Pourquoi refuserai-je ? Si tu m’envoies, j’irai car toute démarche de demande en mariage est profitable. »
Wakafanya mashauri wakamtuma yule mtu akaenda akaposa akakubaliwa baba yangu akaoa. Naye hana hatta pesa moja, yaani mama yangu akakubali, bassi. Ils délibérèrent et envoyèrent l’homme pour transmettre la demande en mariage de mon père. Celle-ci fut acceptée. Il n’avait rien du tout mais ma mère accepta. Ce fut ainsi.
   

Khabari yangu mtoto

De mon enfance

Hatta khatima wakahamia shamba Buibui wakakaa; hatta khatima wakarudi mjini wakakaa siku kaza wa kaza; hatta khatima baba yangu akasema: afadhali mke wangu tuhamie shamba Buibui wakahamia shamba Buibui wakakaa muda wa miezi sita. Nikazaliwa mimi nikaitwa jina langu mzee. Nikazaliwa katika mwezi wa ilhaji siku ya jumaa a tatu kumi na tatu kwa saa ya sita athuuri sene 1285, na mulki wa said Majid bin Said bin Sultan. Baba yangu akafurahi sana na mama yangu akafurahi sana na yule ndugu ya baba yangu akaja akanitazama akaja na mke wake akanitazama, bassi. Hatta baada ya mwezi kupita akaja ndugu wa baba yangu Hamudi bin Amur akanichukua kwake Kwarara nikakaa kwa mke wake na jina lake Zafarani binti Abdallah Habeshia. Naye alikuwa akinipenda mimi sana zaidi kuliko ndugu ya baba yangu, bassi. Hatta khatima yule mke wa ndugu ya baba yangu akafa, bassi, akawa mimi kuchukuliwa kwa mama yangu nikarudishwa mjini kwa mama yangu, bassi. Mama yangu akanunua vijakazi viwili wa kunilea mimi. Wakakaa muda wa ijummaa moja wale vijakazi wakafariki wote wawili siku moja, bassi. Ikawa mimi sina yaya, ikawa ndugu yangu Ghasha binti Hasani ndiye yaya wangu akinilea mimi hatta nikapata kijana wa miaka miwili. Akaja mama yake baba yangu kutoka Maskati ikawa mimi kukaa kwa bibi yangu siku kaza wa kaza. Hatta khatima yule bibi yangu akafa. Akabaki shangazi langu aliyekuja naye bibi yangu; naye jina lake Zuwina binti Amur ilOmeiriya na binti wake Aza binti Muhammed.

Mes parents déménagèrent pour s’installer à Buibui, ils revenaient cependant de temps en temps en ville. Mais à la fin, mon père dit à sa femme : « Mieux vaut nous établir à Buibui ». Ils s’y rendirent et y habitèrent six mois. A ma naissance, on me donna le nom de mon grand-père. Je suis né pendant le mois du hajj, un lundi à l’heure de la prière de midi, en l’an 1285, sous le règne du Sultan Majid bin Said. Mes parents furent remplis de joie. L’oncle de mon père vint me voir avec sa femme. Un mois passa et Hamudi bin Amur revint me prendre chez lui à Kwarara où je suis resté auprès de sa femme Zafarani binti Abdallah Habeshie[3]. Celle-ci m’aimait plus encore que lui mais elle mourut et je fus rendu à ma mère, en ville. Celle-ci acheta deux esclaves de case pour s’occuper de moi, mais au bout d’une semaine, elles moururent toutes les deux, le même jour. Je n’avais plus de nourrice, si ce n’est ma demi-sœur Ghasha binti Hasani. C’est elle qui m’a élevé jusqu’à mes deux ans. A cette période, ma grand-mère maternelle vint de Mascate et je restai avec elle quelque temps. Puis elle mourut. Ma tante paternelle qui était venue avec elle resta chez nous. Son nom était Zuwina binti Amur ilOmeiri, sa fille s’appellait Aza binti Muhammed.

Ikawa mimi kuhamisha kwa mama yangu, bassi. Nikakaa kwa mama yangu. Hatta khatima baba yangu akasema: afdhali tuhamie shamba. Mama yangu akasema: haya mume wangu, bassi. Wakahamia shamba wakakaa, bassi. Na yule ndugu yake baba yangu Hamudi alikuwa mtu mkubwa sana kwa Said Majid, ana heshima sana, bassi. Hatta khatima tokea muda waliohamia shamba wazee wangu hawakupata mwezi mmoja illa walisikia said Majid amefariki. Na mimi kijana wa miaka mitano, bassi.

J’ai alors été envoyé auprès de ma mère avec laquelle je restai. Un jour, mon père dit : « Mieux vaut quitter la ville. » Ma mère dit : « Très bien alors ». Ils déménagèrent donc. L’oncle Hamudi était quelqu’un d’important auprès du sultan Majid, il était très respecté. Un mois ne s’était pas écoulé depuis leur installation à la campagne que mes parents apprirent la mort du Sultan. J’avais alors cinq ans.

Wazee wangu wakarudi mjini wakakaa. Akatawala said Bargashi akasema: nataka watu Waarabu au Wangazija au Watwana au Waswahili au watu walio wowote niwapeleke Unyamwezi wakampige Mirambo, bassi. Mes parents retournèrent alors en ville. Said Bargash accéda au trône. Il ordonna : « Que tous, Arabes, Swahilis, gens des Comores, esclaves, que tous soient envoyés en Unyamwezi pour combattre Mirambo[4]. »
Said Bargash aliposema vile marra haukupata mwaka marra kikaja kimbunga, kikaangusha minazi kikaangusha na majumba yote, watu waliokuwa matajiri wakawa maskini, maana mashamba yao yote yameteketea minazi na mikarafuu yote, baasi. Baba yangu akasema akamwambia mama akamwambia: mimi, mke wangu, nitakwenda kwa Unyamwezi, maana yake sasa hatuna kitu, minazi yote imeanguka na mikarafuu yote imeanguka na sisi hatuna shauri ya kufanya, afadhali mimi nitasafiri, bassi. Un an à peine après que le Sultan Bargash a dit cela, un cyclone ravagea la côte, déracinant les cocotiers et les palais[5]. Les possédants n’avaient plus rien parce que les plantations de cocotiers et de girofliers avaient été complètement détruites. Mon père dit à son épouse : « Ma femme, je vais partir pour l’Unyamwezi parce que nous n’avons plus rien, il n’y a plus un cocotier ou un giroflier debout et nous ne savons pas quoi faire. Il vaut mieux que je parte. »
Wakafanya mashauri ya kusafiri na yule ndugu yangu Ali akasema: na mimi kazalika nataka kusafiri pamoja na baba, bassi. Wakaondoka wakasafiri baba yangu na ndugu yangu Ali na ndugu yangu Khalidi, mtoto wa shangazi langu, na mtoto wa shangazi langu mwingine jina lake Sleman bin Salim. Na mama yangu akatoa mtumwa wake, jina lake Akilimali. Wakaondoka wakasafiri watu kaza wa kaza. Na huko nyuma mimi na mama yangu na ndugu zangu Maseudi na ndugu yangu mwanamke binti Hasan na ndugu ya baba yangu Hamud bin Amur. Il discuta de ce projet avec mon demi-frère Ali qui dit qu’il voulait lui aussi partir avec mon père. Ce dernier partit donc avec mon demi-frère Ali et Khalidi, le fils de ma tante paternelle ainsi qu’un autre de ses fils qui s’appelait Sleman bin Salim. Ma mère envoya son esclave Akilimali. Tous se sont mis en route. Nous sommes restés moi, ma mère, mon demi-frère Maseudi et ma demi-sœur binti Hasan avec mon oncle Hamud bin Amur.
Na wao waliambiwa: twaeni sasa reale 20 na mkirudi mutapata fedha yenu yote ya miezi mtakaokaa Unyamwezi. Wakasema : heiwallah saidina. Wakaondoka wakaenda zao, bassi. Na huko nyuma mimi nikapata ugonjwa wa ndui mimi na ndugu yangu mwanamke na watu wote nyumbani. Mama yangu akamwambia ndugu ya baba yangu: tafadhali bwana nataka unipatie kiwa chochote nipate kula na huyu kijana, maana yake huyu kijana hawezi na mimi sina kitu na baba yake amesafiri naye kakuniachia kitu; au mchukue mtoto wenu, maana mwana wa ndugu yako baasi. Yule ndugu ya baba yangu akamjibu: mimi sina kitu wala simchukui aende akanitilie wanangu shamba, la, siwezi, bassi. On leur dit : « Prenez vingt reale[6] et quand vous reviendrez vous recevrez tout l’argent des mois où vous serez restés en Unyamwezi. » Ils répondirent : « Très bien, Seyyid » et ils partirent de leur côté. Moi, je suis resté et j’ai attrapé la variole, moi mais aussi mes demi-frères et sœur et tous les autres à la maison. Ma mère en appela à mon oncle : « S’il vous plaît, donnez-nous un petit n’importe quoi que je puisse nourrir cet enfant car il est mal en point ; je n’ai rien et son père est parti sans rien nous laisser. Ou alors, prenez-le avec vous car c’est aussi votre enfant. » Le cousin répondit : « Je n’ai rien et je ne peux pas prendre l’enfant pour qu’il contamine les miens à la campagne. »
Mama yangu akanyamaza asiseme neno la pili akajua: sasa nikasema ataleta maneno mengi huyu; akasubiri, bassi. Hatta khatima mama yangu alikuwa na mtwana wake, jina lake Sumail, naye mtwana huyu huenda kazini akileta mapesa, ndio tunayokula mimi na mama yangu; ikawa vivyohivyo hatta mimi na ndugu yangu tukapona ndui, na mimi kijana wa miaka sabaa. Ma mère s’est tue, elle n’a rien ajouté car elle savait que si elle parlait trop cela ferait des problèmes. Elle attendit. Ma mère avait un esclave qui s’appelait Sumail. Celui-ci travaillait et rapportait de temps en temps de l’argent. C’est grâce à cet argent que nous avons mangé, ma mère et moi. Telle fut notre situation jusqu’au jour où moi et mon demi-frère avons guéri. J’avais alors sept ans.
   

Nilitiwa chuoni

A l’école coranique

Mama yangu akasema kumwambia ndugu yangu Maseudi akamwambia: huyu kijana amepata miaka sabaa sasa na baba yake hayuko na mimi nataka atiwe chuoni akasome, bassi. Yule ndugu yangu akasema: naam afadhali nitampeleka akasome, bassi. Akafanya mashauri wakafanya na sadaka. Nikatiwa chuoni kwa maalimu Abdallah ilMadadi Kiponda. Nikakaa ili kusoma siku kaza wa kaza hatta baba yangu akaja. Naye mgonjwa sana wa tumbo akafanya dawa hatta akapata afya. Wakaulizana khabari za safiri wakaelezana khabari yote ya walikokwenda. Na huku mama akamweleza khabari yote ya nyuma wanachotoka, bassi. Hatta khatima baba yangu akamwambia mama yangu: huyu kijana tokea alipoingia chuoni hatta sasa tunaona hajui kitu, afadhali tutamtoa tutamtia katika chuo cha serkali, wanakosoma watoto wa Said Bargash, bassi. Mama yangu akasema: haya chema unavyoona, ndivyo bassi. Ma mère dit à mon demi-frère Maseudi : « cet enfant a sept ans[7] maintenant, son père est absent et je veux qu’il aille étudier. » Maseudi répondit : « Oui, il vaut mieux que je l’emmène s’instruire. » Il réfléchit et tous deux firent des offrandes[8]. Je commençai à étudier avec le mwalimu Abdallah ilMadadi Kiponda. Je suis resté auprès de lui jusqu’au retour de mon père. Il avait de gros problèmes d’estomac, on prépara des traitements jusqu’à ce qu’il guérisse. Ils nous racontèrent tout des endroits où ils étaient allés et ma mère donna les nouvelles de ceux qui étaient restés. Mon père dit alors à ma mère : « Ce garçon a commencé à étudier mais nous voyons qu’il n’a rien appris. Il vaut mieux l’envoyer à l’école du gouvernement, où étudient les enfants du Sultan Bargash. »

Ma mère répondit « Si c’est ce que tu penses, alors soit. »

Wakanitoa wakanipeleka chuo cha serkali, na mimi kijana wa miaka minane. Nikasoma muda wa miezi sita nikatoroka nikaenda kwa ndugu yake baba yangu shamba Fuoni. Nikakaa hatta khatima akaja baba yangu akanikamata akanirudisha bassi. Je fus donc envoyé là-bas. J’avais huit ans. J’ai étudié pendant six mois et ensuite je me suis enfui, je suis allé chez mon oncle à Fuoni. J’y suis resté jusqu’à ce que mon père vienne me chercher pour me ramener.
Hatta khatima nikatolewa katika chuo cha serkali nikatiwa chuo cha maalimu Shekhi bin Fakihi ilMalindi. Nikakaa muda wa mwezi. Baba yangu akasafiri. Huku nyuma mama yangu akafanya mashauri na ndugu zangu ili kutia mimi katika jando bassi. Nikatiwa mimi katika jando na mimi kijana wa miaka tisa. Nikakaa hatta baba yangu akarudi alikosafiri. Nami mule katika jando mimi na mtumwa wangu Kheiri na Abdulkheir, baasi. Hatta khatima tukatolewa tukapata zawadi kaza wa kaza, bassi. Hatta khatima nikarudi chuoni kusoma, ikawa mimi kulla siku utoro, baba yangu akafanya pingu akanitia hatta nikakhitimu nikatolewa chuoni. Na mimi kijana wa miaka kumi na moja, bassi. Après cela, je retournai à l’école du gouvernement et je fus mis dans la classe du mwalimu Shehki bin Fakihi ilMalindi. Je restai un mois puis mon père repartit, ma mère s’entretint avec mes demi-frères de ma circoncision. La cérémonie eut lieu, j’avais neuf ans. Je restai à la maison jusqu’au retour de mon père. J’avais été circoncis en même temps que mon esclave Kheiri et qu’Abdulkheir. Nous avons reçu quelques cadeaux. Ensuite, je suis retourné étudier mais je n’arrêtai pas de fuguer, mon père finit par fabriquer des manilles pour m’entraver jusqu’à ce que j’ai appris le Coran. J’avais onze ans.
Hatta khatima akaja ndugu yake baba yangu Hamudi bin Amur akamwambia: afadhali ndugu yangu, sasa tuhame hapa Unguja, maana yake hapa tufanye kitu hapa sasa, bassi. Wakafanya mashauri wakahama yeye na ndugu yake wakahamisha Mrima Pangani wakafanya mashamba wakakaa. Na mimi nikawa na mama yangu Unguja, bassi. Hatta khatima akaja baba yangu akasema kwa mama yangu: nataka mwanangu nimchukue Pangani. Mama yangu akasema: mimi sikukatazi, walakin huyu kijana anasoma na wewe unataka kumchukua, haifai. Akasema: amekhitimu sasa, haithuru. Ensuite, mes parents commencèrent à se disputer parce que mon père voulait se marier avec l’esclave de case de son cousin. Ma mère lui dit : « Si tu le fais, alors je demande le divorce. » Ils se disputèrent et se séparèrent et mon père épousa l’esclave de case de son cousin, Tatu binti Sumaili. Il répudia ma mère et elle fut flouée de tout son bien, même la maison sur la grande rue. Et l’esclave qui avait travaillé au temps de ma maladie, fundi Sumail, lui fut aussi enlevé. Ma mère l’avait acheté pour moi mais mon père lui enleva. Je suis resté avec mes parents jusqu’à ce que mon oncle, Hamudi bin Amur vienne et dise : « S’il te plaît, mon frère, quittons Zanzibar : qu’y-a-t-il à faire ici pour nous ? » Ils délibérèrent et déménagèrent tous deux à Pangani, sur la côte. Ils achetèrent des terres pour s’installer. De mon côté, je restai avec ma mère à Zanzibar. Un jour, mon père revint et dit : « Je veux reprendre l’enfant et l’emmener à Pangani. » Ma mère répondit : « Je ne peux pas te le refuser mais ce garçon étudie et tu veux le prendre, ce n’est pas correct. » Il répondit : « Il est parvenu au terme de son éducation[9], cela n’a pas d’importance. »
Mama yangu akasema: la, humchukui mwanangu Mrima, bassi. Baba yangu akanyamaza asiseme neno akangoja akafanya taratibu zake, hatta akaniiba akanichukua Pangani; nikakaa muda wa mwaka, Akanisafirisha Maskati kwa ndugu yake mwanamke nikakaa muda wa miaka miwili. Ma mère lui a dit : « Non, n’emmène pas mon garçon sur la côte. » Mon père n’a rien répondu, il est resté silencieux, attendant son heure, puis il m’a enlevé pour m’emmener à Pangani où je suis resté un an. Il m’emmena aussi à Mascate chez sa soeur. Nous sommes restés là-bas deux ans.
   

Mimi kijana

Je suis un jeune homme

   
Hatta khatima nikarudi kwa baba yangu akanioza mke binti Saidi bin Salum ilLemkiye. Nikakaa naye Pangani nikatoroka naye tukaja Unguja kwa mama yangu nikakaa. Hatta khatima nikaingia katika kazi ya askari katika garde, bassi. Hatta khatima nikafanya kazi muda wa miaka mine. Nikaoa mwanamke mungine jina lake binti Raya binti Saidi bin Khalfani ilAdwaniye. Hatta khatima yule mke aliyenioza baba yangu nikamwacha na yule ndugu yangu binti Hasani akashikwa na maradhi akafariki, bassi. Je suis retourné chez mon père et il m’a marié avec la fille de Saidi bin Salum ilLemkiye. Je suis resté avec elle à Pangani puis nous nous sommes enfuis à Zanzibar où je me suis installé chez ma mère. J’ai ensuite travaillé comme soldat dans la garde[10] . J’ai occupé ce travail quatre ans. J’ai épousé une autre femme du nom de Raya binti Saidi bin Khalfani ilAdwaniye et je me suis séparé de celle que m’avait donnée mon père. Puis ma cousine Ghasfa binti Hasan est tombée malade et elle est morte.
Hatta khatima na yule ndugu yangu Maseudi akafariki. Na mimi ni na wake wawili binti Saidi na binti Rashidi na watumwa wa mama yangu wote wakafa. Nikabaki mimi na mama yangu na yaya yangu na Mnyasa. Hatta khatima na yule ndugu yangu akafariki, yule Ali. Ikawa mama yangu mtoto wake mimi, bassi. Nikakaa na mama yangu. Hatta khatima Saidi Bargash akafa akatawali Saidi Khalifa bin Said. Ce fut ensuite le tour de Maseudi, de binti Saidi et de binti Rashidi, des esclaves de ma mère… tous sont morts. Ne restaient que ma mère, ma nourrice, un esclave originaire du Nyasa, et moi. C’est ensuite mon demi-frère Ali qui est mort. Je restai avec ma mère. Le Sultan Bargash mourut et fut remplacé par Khalifa bin Said.
Ikawa mimi katika kazi ya askari nikatoka nikakaa mimi ikawa kazi yangu kukata vitambaa nikashona. Nikaona kaifai ikawa kusafiri nikafanya biashara ya kulla kita katika Mrima wa Pangani, bassi. Hatta khatima ikawa vivi siku kaza wa kaza. Na yule ndugu wa baba yangu akafa, yule Hamudi bin Amur, ikawa baba yangu kule Mrima peke yake na huku Unguja yule shangazi langu akafa na yule binti wake akafa. Ikiwa mimi Unguja mgeni, wasalaam. J’ai quitté le métier de soldat et je me suis mis à tailler et coudre mais ça n’allait pas, j’ai voyagé et je me suis mis à faire du commerce en tous genres sur la côte, vers Pangani. Cela a duré quelques temps et puis mon oncle Hamudi bin Amur, est mort ; il était comme mon père sur la côte. A Zanzibar, ma tante paternelle aussi mourut, ainsi que sa fille. J’étais désormais comme un étranger à Zanzibar.

Salutations.

Hiki kisa cha wazee wangu na mimi tokea sene 1285 hatta sasa sene 1310. Na sasa khabari ya safari yangu nilipokuwa askari. Nilisafiri kwenda katika vita alipouawa Mdachi daktari walakini jina lake silijui katika Kismayu. Tukafanya mambo kaza wa kaza na mimi sikupata kitu cha heshima, na khalafu tukasafiri Pemba katika vita aliowawa nakhoza katika London Muingreza, sikupata heshima wa salaam. Na katika khabari ya mwanamke niliyooa binti Saidi bin Khalfani, alipoona mimi sina kitu na mimi nimeoa mwanamke mungine akanambia: niache. Mimi nikamuliza: kwa nini? Akanambia: sababu umeoa mke mungine na tena huna kitu. Na mimi nikamwambia; na kama sababu ndio hiyo, sikuachi. Akasema: utaniacha. Akaenda kunishitaki kwa jenerali wangu Matthews asipate haki akaenda nishitaki kwa kadhi Nasur asipate haki akaenda akanishitaki kwa kadhi Abdulazizi asipate haki ikawa kunishitaki kwa kulla siku naye hapati haki. Ikaendelea hatta na mama yake kuyaingia maneno yeye tu naye akafanya wazimu ikawa naye kunishitaki na kujitwika nguo mbovu kwenda nazo kwa kadhi usiku akawa hatta na ndugu yake naye akafanya wazimu ikawa na majirani zake wote kufanya wazimu, mchana hunyamaza na usiku hutanga nguo kwa makadhi, kwa kulla siku ikawa ndio kazi yao hiyo na vilio daima kama amekufa mtu nakudwiwa. Voici donc l’histoire de mes parents et la mienne propre depuis 1285 jusqu’à 1310. Je vais maintenant vous entretenir des expéditions que j’ai faites en tant que soldat. Je participé au conflit pendant lequel fut tué cet allemand à Kismayo, mais j’ai oublié son nom[11]. Nous nous sommes employés à diverses missions, mais sans en tirer aucune reconnaissance. Nous avons ensuite rejoint Pemba. C’était le conflit pendant lequel le capitaine du « Londres », un anglais, a été tué. Je n’en ai pas reçu davantage de respect ou de sérénité[12]. La femme que j’avais épousée, la fille de Saidi bin Khalfani, me voyant sans fortune, et parce que j’en avais épousé une autre, demanda le divorce. Ce sont les raisons qu’elle m’a données lorsque je lui ai demandé pourquoi elle voulait divorcer. Alors je lui ai dit : « Si ce sont là toutes tes raisons, elles ne sont pas suffisantes. » Elle a porté plainte contre moi devant mon supérieur, le Général Matthew[13] sans succès. Elle a donc décidé de porter plainte devant le cadi Nasur, sans plus de réussite, elle a alors poursuivi devant le cadi Abdulaziz. Nouvel échec. A chaque fois, elle essuyait un refus. A la fin, sa mère s’est elle aussi mise de la partie. Elle était comme possédée, c’était elle qui m’accusait et qui se chargeait de vieilles hardes pour aller voir le cadi à la nuit tombée, de sorte qu’avec sa sœur et tout le voisinage, ce fut tout une histoire. Pendant la journée, elles se tenaient coites puis le soir, elles déambulaient avec ces hardes jusque chez les cadi. Chaque jour c’était leur contribution de cris, comme si quelqu’un était mort.
Hii ndio khabari ilionipata mimi tokea mimi kijana wa mwaka moja hatta sasa tokea sene 1285 hatta 1309, sijui khatima na ngine ya mbele; ya nyuma ni haya; na ya mbele ayajua Muungu na mtume we Muhammed. Voilà pour les informations me concernant depuis ma première année jusqu’à aujourd’hui, de 1285 à 1309. Ce qui reste à venir, je l’ignore, mais ce qui s’est passé jusqu’ici, c’est ce que je viens de raconter. Ce qui adviendra, seuls Dieu et Mahommet son prophète le savent.
Wa salaam. Salutations.
Tamat.

Fin.

 


 

Notes:

[1] Le texte original dit « ndugu » soit un terme pour lequel il n’existe pas véritablement d’équivalent en Français. Dans le contexte familial, le mot peut désigner une relation de proximité (frère, cousin…). Büttner le traduit par « frère », et lorsque le texte indique « ndugu ya baba yangu » (frère de mon père), logiquement par « oncle ». Si l’on considère qu’il a pu obtenir directement des informations de la part d’Amur bin Nasur, alors ces termes de « frère » et « oncle » seraient les plus justes en regard des classifications françaises, d’où le fait que nous les conservions sans toutefois préjuger de leur exactitude.

[2] Athani ist eine arabishe Form, 1. Pers. Imp.

[3] Le terme habeshi signale probablement une ascendance éthiopienne (Mhabeshi : éthiopien, abyssin, en swahili)

[4] Mbula Mtelya, chef africain qui prit le nom de Mirambo lors de son accession au pouvoir en 1860. Il n’eut de cesse de combattre les Arabes de l’Unyamwezi (et particulièrement de Tabora), menaçant les intérêts économiques du sultanat. De 1871 à 1875, les guerres se succèderont, à l’avantage du jeune chef. En 1875, le sultan Bargash se résout à une proposition de paix : la liberté commerciale est à nouveau accordée aux caravanes contre des droits de passage aux chefs locaux.

[5] Il s’agit du cyclone de 1872 qui ravagea en effet les plantations de Zanzibar. Celles de Pemba avaient été relativement épargnées et l’île prit alors une place prépondérante dans la culture et le commerce du clou de girofle. .

[6] « Dollar de Marie-Thèrese », frappé à l’effigie de l’impératrice d’Autriche, une des monnaies principales de la côte. Il équivaut à deux roupies (et à peu près 15 dollars). On ne sait pas qui parle, même si la réponse « Très bien, Seyyid » peut laisser supposer qu’il s’agit du Sultan ou de ses hommes, le sens reste obscur.

[7] C’est à sept ans que commence pour les enfants – et notamment les garçons – l’apprentissage du Coran.

[8] Le texte dit plus précisément sadaka, ce qui implique un don qui peut prendre différentes formes (argent, aumône, offrandes…)

[9] Le texte utilise le verbe kuhitimu : avoir terminé l’apprentissage du Coran.

[10] « Garde », utilisé comme tel dans le texte original.

[11] Büttner indique qu’il s’agit du Karl Ludwig Jühlke, grand ami de Carl Peters qui fonda avec lui en 1884 la Société pour la colonisation allemande (Gesellschaft für Deutsche Kolonisation). Il est mort le 1er décembre 1886, à Kismayo en Somali.

[12] Büttner se garde bien de traduire dans sa traduction le manque de reconnaissance mentionné par Amur.

[13] Il s’agit très probablement de Sir Lloyd Mathews. La « Garde » dont parle Amur bin Nasur et à laquelle il appartient est ainsi probablement l’armée de près de 6300 hommes que le Sultan Bargash lui avait demandé de former sur le modèle européen.

Récit de voyage

 

Les frontières du récit de voyage sont poreuses et témoignent d’une certaine instabilité générique lié aux textes – pourtant très anciens – qui relatent des expériences vécues lors de pérégrinations plus ou moins lointaines. Autobiographie, notes historiques ou ethnographiques informent le plus souvent les textes et les termes qui les désignent portent la marque de cette complexité : dans le monde arabe, certains textes sont désignés comme tarikh (récits historiques) alors que le terme de rilha semble plus volontiers réservé aux récits de voyage mais celui de risala (lettre, message) est aussi utilisé, par exemple pour le fameux récit d’Ibn Fâdlan relatant son voyage chez les Bulgares de la Volga (ce voyage, est, de fait, une ambassade). Dans le monde swahili, un texte autobiographique comme la maisha de Tippu Tip relate avant tout des voyages et diffère peu dans son contenu d’autres récits désignés comme safari (voyage) ou khabar (rapport). Dans la sphère européenne, il suffit de songer à la fortune d’Hérodote auprès d’écrivains contemporains considérés comme « voyageurs » (ainsi Jacques Lacarrière, En cheminant avec Hérodote ou, plus récemment Ryszard Kapuscinski, Mes voyages avec Hérodote) pour souligner combien les écrits se nourrissent de multiples sources et modèles.

Si l’on veut cependant tenter une définition du genre, notamment dans ses premières manifestations, la notion de récit – et de récit autobiographique, effectivement vécu par celui qui raconte – domine, associé à l’idée de transmission de connaissances. Un récit de voyage pourrait ainsi être décrit comme un « récit rapportant des faits dignes d’être connus du plus grand nombre » et ce, le plus souvent, concernant des territoires considérés comme lointains au regard de la société de d’origine.

Cette définition souligne un genre dont le contenu informatif est fort, qui met en avant le lien entre littérature et savoir. La manière de conserver et faire circuler les informations variant selon les contextes, la question du mode de transmission est ici primordiale et influe sur nos connaissances : l’exemple du Devisement du monde, dicté par Marco Polo à Rusticello qui le fixe de manière écrite, en témoigne. Qu’en connaîtrions-nous aujourd’hui sans cette mise à l’écrit ? Le voyage n’étant pas l’apanage d’un peuple ou d’une culture, il est vraisemblable que nombre de récits ont dû circuler de manière orale et informer d’autres récits passés ou non à la postérité sans pourtant laisser de traces immédiatement identifiables. Dans la sphère swahili, au milieu du XIXème siècle, les récits caravaniers se transmettaient bien plus volontiers par oral que par écrit. La question du passage de la mémorisation d’informations à la transmission par écrit est donc intéressante : quelles sont les motivations qui poussent à consigner « sur le papier » les connaissances glanées en chemin ?

Les textes « canoniques » du genre – au premier chef, Le devisement du monde déjà cité – sont avant tout liés à l’économique et au politique, ce sont des témoignages liés à des ambassades diplomatiques et les informations rapportées – qu’elles soient avérées ou non – sont assez précieuses pour être conservées : Marco Polo organise sa relation autour de son séjour à la cour du grand Khan ; Ibn Fâdlan est envoyé en 921 par le calife de Bagdad al-Muqtadir dans ce qui est appelé le « pays des Bulgares ». La religion occupe également une place non négligeable dans les pérégrinations : dans la sphère arabe, un certain nombre de voyageur partent comme pèlerins vers la Mecque et dans cas d’Ibn Battûta, le voyage est conçu comme un voyage de découvertes des terres musulmanes dans le monde. Dans tous ces cas, les informations n’intéressent pas le seul voyageur, mais également la société d’origine, lorsque ce n’est pas directement le pouvoir en place.

Témoignage de la mise en contact des mondes et des hommes, le récit de voyage est un lieu privilégié de l’expression de la conscience de soi et des idéologies à l’œuvre – parfois également de leur remise en cause. Siècle de la révolution industrielle, des innovations technologiques et du développement des moyens de communication, le XIXème siècle voit logiquement la multiplication des récits d’exploration, liée à la pénétration et la colonisation progressive de nombreux territoires. En Europe, les récits, dont la part « scientifique » est au départ jugée essentielle (relevés topographiques et hydrométriques, établissement de cartes…), glissent progressivement vers le récit d’aventures, notamment après les succès retentissants du journaliste Stanley qui influencent durablement le genre (travail de la description des paysages ; dramatisation du récit). La place faite à la subjectivité devient plus importante en regard des informations factuelles transmises. Ce trait n’est pas forcément partagé dans les récits de voyages relatés en langues non-européennes.

En effet, le genre, déjà bien identifié dans le monde arabe, n’est pas l’apanage des seuls Occidentaux et les voyageurs qui sillonnent le monde sont nombreux : Mirza Isfahani Khan relate ses voyages (Asie, Afrique, Europe) en persan ; Rifat el Tawtâwi rédige en arabe L’or de Paris, qui relate son séjour à Paris (1826-1831) et les réflexions suscitées par une telle expérience. L’ottoman Ömer Lüfti rédige en turc un court témoignage de son séjour au Cap (1862-1866). En Afrique de l’est, des textes sont également suscités, en arabe et en swahili. Ainsi les textes du Shayk ‘Abd al-Aziz al-Amawi rédigés à la demande du sultan Bargash (ainsi le Tarikh Ruwuma mais aussi le Tarikh al-rilha ila barr al-Tunj li dawla al-‘aliyya) ou les Safari za Wasuaheli collectés par Carl Velten. Si les textes publiés sont bien le fruit de l’expérience d’informateurs et auteurs africains, leur mise à l’écrit se fait au sein d’une entreprise coloniale. Ce passage d’une tradition orale à une publication européenne et la manière dont cette dernière influe sur le récit est particulièrement visible dans les Safari za Wasuaheli. A ce titre, un des récits les plus intéressants de par son contenu et de par la réflexion qu’il donne des rapports entre savoir, oralité et écriture est sans doute l’ouvrage d’Ham Mukasa, rédigé en ganda et retraçant le séjour du katikiro (premier ministre) Apolo Kagwa à Londres, lors du couronnement d’Edouard VII. S’intéressant de près à la question de l’écriture et de la sauvegarde des traditions comme de la mémoire, le texte offre une mise en abyme intéressante de la transmission de l’information en relatant la palabre entre le premier ministre et les habitants lors de son retour à Kampala.

Le genre, aujourd’hui très prisé dans le monde occidental, semble avoir donné assez peu de développements écrits en langues non-européennes. Les récits de voyage s’écrivent sous toutes les latitudes, mais en privilégiant les modèles occidentaux où la part de la subjectivité est allée grandissante, développant un lien fort avec les écritures de soi.

Nathalie Carré

Bibliographie indicative

RICARD Alain (dir.) Voyages de découvertes en Afrique. Anthologie 1790-1890. Paris : Robert Laffont, 2000.

Voyageurs arabes (Ibn Fâdlan, Ibn Jubayr, Ibn Bâttuta et un auteur anonyme). Textes traduits, présentés et annotés par Paule Charles-Dominique. Paris : Gallimard, bibliothèque de la Pléiade n°413, 1995.

De la côte aux confins. Récits de voyageurs swahili (Mtoro bin Mwenyi Bakari, Sleman bin Mwenyi Chande, Abdallah bin Rachid, Selim bin Abakari). Textes traduits, présentés et annotés par Nathalie Carré. Paris : Cnrs éditions, 2014.

FONKOUA Romuald (ed.). Les discours de voyages. Afrique, Antilles. Paris : Karthala, 1999.

AL-AMAWI ‘Abd el Aziz. Tarikh Ruwuma. An account of the journey of 1879-1880 et Tarikh al-rilha ila barr al-Tunj li dawla al-‘aliyya al-‘arrabiyya al-sa’idiyya. Ms n°1345 et n°1346 de la collection des écrits du Shaykh conservés en Oman.

AL- TAHTAWI Rifâ’a. L’Or de Paris. Traduit de l’arabe par Anouar Louca. Paris, Sindbad – Actes Sud, coll. « La bibliothèque arabe »,‎ 1988.

Ibn FADLAN. Voyage chez les Bulgares de la Volga. Paris : Sindbad, 1988.

GEIDER Thomas. « Early Swahili Travelogues » dans Sokomoko : Popular Culture in East Africa, W. GRAEBNER ‘éd.). Amsterdam & Atlanta : Rodopi, p. 27-65.

KAPUCINSKI Ryszard, Mes voyages avec Hérodote. Traduit du polonais par Véronique Patte. Paris : Plon, 2008. Réédition poche : Pocket, 2008.

KHAN Mirza Isfahani, The Voyages of Mirza Abu Taleb Khan in Asia, Africa and Europe in the years 1799-1803, written by himself in the Persian Language. Londres: 1810 (2 vol.)

LACARRIERE Jacques. En cheminant avec Hérodote. Paris : Seghers, 1981. Réédition poche : Paris : Hachette, coll. « Plurielle », 2011.

LÜFTI Ömer. D’Istanbul à Cape Town : pérégrinations d’un turc en Afrique du Sud, 1862-1866. Traduit du turc par Xavier Luffin. Paris : L’Harmattan, 2010 (édition en turc moderne : Ümitburnu Seyahatnamesi. Istanbul, 1994)

MUKASA Ham. Uganda’s Katikiro in England: Being the Official Account of His Visit to the Coronation of His Majesty Edward VII. London: Hutchinson & Company, 1904. Réédition présentée et annotée par GIKANDI Simon : Manchester University Press, 1998.

POLO Marco. Le devisement du monde (également Le livre des merveilles et Le Millione). Edition poche : Paris : La découverte, 2011.

VELTEN Carl. Safari za Wasuaheli. Göttingen : Vandenhoeck & Ruprecht, 1901.

Biographie

Née en Grèce au IVème siècle avant Jésus-Christ, la biographie apparaît étymologiquement comme le fait d’écrire la vie d’une personne (de bios vie et graphein écrire).

Si l’on s’en tient à cette définition relativement large, la biographie recouvre en partie des genres tels que le panégyrique, l’éloge, l’oraison funèbre… Pourtant, le terme même de biographie apparaît relativement tardivement dans les langues européennes, au tournant du XVIème et du XVIIème (ainsi en anglais, en allemand et en français). Il dénote alors une certaine rigueur scientifique en regard des termes précédemment cités et exclut les développements ultérieurs de biographie romancée ou fictive. Le genre sous-entend, du moins au départ, que l’existence de la personne dont la vie est relatée est avérée (ou supposée telle).

Si le terme est donc apparu relativement tardivement (on lui préfère auparavant les appellations « Vie de » ou « Histoire de »), le genre lui-même est ancien, lié à la nécessité dans toute culture de garder mémoire des hauts faits d’une personne ou d’une lignée, comme en témoigne par exemple l’importance du griot dans un certain nombre de sociétés africaines. Le rôle didactique de la biographie est essentiel : on conserve la mémoire d’une vie digne d’être connue et transmise, notamment parce qu’elle transmet des valeurs partagées par la société d’origine. La question se pose alors du choix des vies relatés : il s’agit, la plupart du temps, d’hommes (plus rarement de femmes) de haute naissance ou bien dont les vies apparaissent exemplaires : vies des grands orateurs (ainsi les Vies rédigées par Plutarque (Plutarque, s. d.)), vie de saints (les hagiographies sont nombreuses), de personnages qui se sont distingués par leurs actions – notamment les faits d’armes. Une inflexion se produira par la suite, accompagnant l’évolution des sociétés. Les biographies d’individus plus « communs » entreront ainsi progressivement sur la scène littéraire à mesure que l’homme du peuple deviendra lui aussi objet de discours. Cette attention accordée à la vie de l’homme banal est cependant loin d’être dominante, et, dans le monde contemporain de l’édition, pour quelques titres consacrés aux existences de tout un chacun, combien plus nombreux sont ceux qui s’intéressent aux individus liés au pouvoir (sous quelque forme que prenne celui-ci : politique, médiatique, artistique…).

Lieu où s’exprime ce qu’une société valorise dans la vie d’un homme, la biographie s’est infléchie diversement selon les cultures. En Afrique, la dimension exemplaire et mémorielle reste importante, ce qui explique que les premières existences ayant fait l’objet de publications aient souvent été consacrées à des lignées royales. Le passage à l’écrit a souvent été motivé par le travail missionnaire ou par la colonisation (voir par exemple les biographies de rois du Borno rédigées en kanuri par Sigismund Wilhem Koelle en 1854) mais le fond biographique des littératures orales leur préexistait bien évidemment.

Si le parcours de l’individu est souvent englobé au sein de la lignée, cela n’est pas toujours le cas. L’attention portée à l’individu est bien réelle mais c’est le versant didactique de l’existence qui est mis en valeur : ainsi l’écrivain Shaban Robert (Robert, 1991), retraçant en swahili la vie de la chanteuse de taarab Siti binti Saad, souligne la conformité de la vie de celle-ci avec les valeurs de la société traditionnelle (alors que la vie de la chanteuse peut également apparaître transgressive à certains égards). Amadou Hampâté Bâ consacre son ouvrage Vie et enseignement de Tierno Bokar (Bâ, 1980) à une personnalité importante de la mystique soufie. Si en Occident, ce versant « d’exemplarité » existe bel et bien, il est cependant intéressant de noter que loin de louer la conformité aux valeurs traditionnelles, l’attention des biographes s’est à l’inverse de plus en plus souvent portée vers des parcours de vie « hors-normes » et volontiers transgressifs. L’ouvrage que consacre Emmanuel Carrère à Edouard Limonov (Carrère, 2014) peut en être un exemple, mais d’autres existent en nombre. Dans la littérature africaine, le parcours peut bien s’éloigner du « droit chemin » mais c’est le retour sur celui-ci qui est valorisé, comme peut en témoigner le récit rédigé en igbo par Pita Nwana Omenuko ou le repentir d’un marchand d’esclaves (Nwana et Ugochukwu, 2010). Ceci dit, on se trouve ici face à un cas de biographie romancée (celle du chef Igwegbe Odum), ce qui pose de manière intéressante les rapports entre informations biographiques et manière de les conserver entre formes littéraires variées.

Nathalie Carré

Bibliographie indicative :

    • Bâ A.H., 1980, Vie et enseignement de Tierno Bokar: le sage de Bandiagara, Paris, Seuil (Points), 254 p.
    • Carrère, E., 2014, Limonov, Folio, S.l., Gallimard, 488 p.
    • Nwana N., Ugochukwu F., 2010, Omenuko ou Le repentir d’un marchand d’esclaves: premier roman en langue igbo (Nigeria), Paris, Karthala.
    • Plutarque, s. d., Vies des hommes illustres.
    • Robert S., 1991, Wasifu wa Siti binti Saad, Dar es Salaam, Tanzania, Mkuki na Nyota.
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