Hemmu Unamir et Tanirt

 

Mots-clés

Berbère, tachelhit, chleuh – poésie ; Aajmi, graphie arabe – poésie religieuse, légende pieuse, poésie populaire

Édition scientifique du texte

Édition scientifique du texte par Si Othman Ben Bachir et Si Brahim (recueil et annotation)– Texte collecté en XXème siècle, Région de Souss (Maroc), et intégrés au volume Textes en tachelhit. Poésies populaires berbères en tachelhit (v. e-Médiatheque – SHS).

Référence du corpus

Textes en tachelhit. Poésies populaires berbères en tachelhit, Archives d’Arsène Roux, Médiathèque MMSH (Aix-en-Provence), Cote : FR_MMSH_IREMAM_AR_ARC_028_01_05_02 .

Traduction des extraits

Daoud Knioui et Sabrina Mazigh.

Résumé du texte

Hemmou Unamir est un jeune garçon élevé dans le giron familial. Depuis son plus jeune âge, Il a été inscrit dans une école coranique pour y acquérir une éducation purement religieuse. Un jour, sa beauté physique attire l’attention d’une entité céleste : nommée « Tanirt », décrite comme un ange ou une fée, qui lui applique secrètement du henné à la main pendant son sommeil la nuit. En découvrant le tatouage du henné le lendemain, son éducateur (le Taleb) le punit puisqu’il considère que cet acte est contraire à la dignité masculine. Sous l’égide du Taleb, Hemmou capture Tanirt qui, face à cette situation, accepte de l’épouser sous condition que Hemmou lui construise une demeure impénétrable. Un jour, l’intrusion de la mère d’Unamir dans ce lieu intime précipite le départ de Tanirt pour regagner les cieux. Hemmou entreprend alors, pendant de longues années, un voyage difficile pour la retrouver.  Un voyage qui exige de lui des sacrifices, y compris celui de son propre corps.

Arrivé au septième ciel, il est confronté à une ultime condition pour rester auprès de son épouse. A ce moment,  uni à son amoureuse surnaturelle, il reçoit d’elle une mise en garde : ne jamais ouvrir une porte menant au monde terrestre, sous peine de les séparer à jamais. Malgré cet avertissement, Hemmou, poussé par la curiosité, observe un jour la vie terrestre à travers l’interdit. Il y voit sa mère engagée dans des rituels familiaux, tandis que son défunt père est évoqué dans le contexte du sacrifice. Ne pouvant résister à l’appel de ses racines, Unamir transgresse la règle et effectue le sacrifice rituel du mouton. Cet acte de piété et de respect envers les traditions lui vaut la bénédiction de ses parents et enfin son retour à ses origines.

Descriptif

Hemmou U-Namir et Tanirt est un manuscrit qui fait partie la collection Poésies populaires berbères en tachelhit recueillies et annotées par Si Othman Ben Bachir et Si Brahim. Ce manuscrit berbère, inspiré du chant « Histoire de Hammou Unamir », se présente sous forme de texte versifié en berbère avec une calligraphie arabe. Il s’agit d’un long poème qui appartient à la catégorie des poèmes populaires berbères et qui se compose de dix-sept feuillets dont le premier feuillet est rédigé en langue et calligraphie arabes. Il est copié dans dix-neuf folios qui mesurent 200mm x 150mm. Le poème est composé de quatre-vingt-dix-sept (97) vers, écrits en calligraphie maghribî mabsout et caractérisée par ses tracés soignés et réguliers. L’écriture est tracée en utilisant deux encres : une encre noire pour l’écriture et une encre rouge de stylo pour les signes vocaliques (harakät Al-Tachkil). L’auteur a également eu recours à des lettres adaptées (des signes diacritiques) dans le processus de rédaction du texte.

L’absence de colophon dans ce manuscrit limite l’accès à des informations détaillées telles que l’identité du copiste ou la date exacte de réalisation, ce qui complique la détermination précise de la période de rédaction. Toutefois, la datation du manuscrit est absente. Selon quelques témoignages, ce manuscrit aurait été rédigé à l’époque moderne : « Concernant le mythe de Hammou Unamir, il n’a pas été, à mon sens, mis en écrit jusqu’à l’époque moderne et intègre ainsi l’évolution de l’écriture et les domaines qu’elle couvrent suite aux transformations survenues après les pressions européennes. Il est transmis oralement en prose ou en vers ; il est certes célèbre mais il est difficile de se prononcer, faute d’études de terrain poussés et l’analyse de ses séquences narratives avec les pratiques sociales, sur les raisons de sa diffusion élargie et son importance » (Aboulkacem, El Khatir, 2020).

Le récit ounamirien constitue une adaptation berbère qui résulte de la fusion entre des mythes d’Orphée et d’Œdipe. Ce récit ne se limite pas à être une simple histoire fictive inspirée d’événements réels mais il s’élève au statut de mythe avec une résonance importante au sein de la culture berbère (amazighe). Plutôt que de se limiter à la narration des épreuves d’un héros mythique amoureux qui se sépare de sa mère pour poursuivre un ange, il détient une portée symbolique qui expose des valeurs culturelles et identitaires considérables pour la communauté berbère du Maroc. L’histoire d’Unamir et Tanirt possède environ vingt versions différentes au sein de la tradition orale. Elle se trouve répartie à travers diverses régions du Maroc, en particulier dans la région de Tata, et plus précisément dans le village de Tagoujgalt, également nommé le « Royaume d’Ounamir ». Elle est également présente dans d’autres pays maghrébins, tels que l’Algérie et la Tunisie.

Bibliographie

      • NERCI, Najate, 2009, « Le Mythe d’Ounamir », In : Asinag, 3, Rabat, p. 169-194.
      • ABOULKACEM, El Khatir, 2020, Entretien enregistré et retranscrit.

 


 

Fac-similé 1

Hemmou U-Namir et Tanirt, Feuillet n° 1,

[in] Poésies populaires berbères en tachelhit

 

 

 


 

Fac-similé 2

Hemmou U-Namir et Tanirt, Feuillet n° 2,

[in] Poésies populaires berbères en tachelhit

Début du texte

 

 

 


 

Feuillet 2 – Translittération et traduction

 

 

 

Translittération

Traduction

 

Bismi llāhi arraḥmāni arraḥīm

Au nom d’Allah, le clément et le miséricordieux

 

Ḥammu n unamir

« Hmmou N Unamir »

 

Almuḥibbt niḫṣ mqurn ur ttbalant

L’amour du grand os s’use

 

Almuḥibbt zndṭiṭ llʿin attgālant

L’amour est tel une source d’eau

5

Assannd ur tjarat uggug idrasnd waman

Le jour où tu ne surveilles pas le barrage, l’eau diminue.

 

ʿawd ayyimi tbdrd ag tilli zrinin

Ô ma bouche, raconte les aventures passées.

 

Iwadur tḫyyirt, ġwawal kullu addbiynn

Improvise et tout va s’élucider.

 

Gayt iwawal mklli kul gan ardifuġ

N’altérez pas les propos, laissez-les naturellement sortir tels qu’ils sont.

 

Mskin attasa ittḥnnan tagā yins ugann

Pauvre foie qui s’attendrit, tu leur fus comme celle de

10

Tin ḥammu nunamir ibrrann ġlwalidīn nnus

L’ingrat Hammou N Ounamir qui avait délaissé ses parents

 

Ittabʿa anṣḥāb nnus slḫaṭr ʾizug fllās

Pour suivre volontairement son amoureuse (ange)  et s’émigrer.

 

Iġfli signwan ġlin ids iġigz akal

S’il a monté au septième ciel, il l’y a accompagnée; s’il est descendu sur terre

 

 


 

Fac-similé 3

Hemmou U-Namir et Tanirt, Feuillet n° 16,

[in] Poésies populaires berbères en tachelhit

Avant-dernier feuillet

 

 

 


 

Avant-dernier feuillet – Translittération et traduction

 

 

 

Translittération

Translittération

 

Lfayda tiwitalli ḥammu ġdntta tdd sas

Le bénéfice fut tiré par elle ; quant à Hammou, il fut enfermé.

 

Tamḍas afus ayynk zund lwaldin nns

Elle lui tint la main pour qu’il se mît debout comme ses parents.

 

Aras tagṭwajn llġlm duwdi d watay

Elle lui servait des tajines d’agneau, du beurre rance et du thé : 

 

Yān lbab irẓm sddu nra ibʿdd rgisnt

Ne t’approche pas de cette porte ouverte sur la vie

5

Lbabadd a ḥmmu iġttr ẓmmt allayhnnik

Si tu l’ouvres, Hammou, on se séparera à jamais

 

Yan wass nnan lʿolama iɡa ass ljumuʿ

Un jour, les savants disaient qu’il était précisément un vendredi,

 

Iɡa lʿidadd mqqurn kiwah yiwirrja srs

Le jour sacré sur lequel chacun compte pour répondre à ses attentes,

 

Immas ġatklla babas mskīn iɡɡiz akal

Sa mère passait le grand jour à l’extérieur ; son père, le pauvre, fut enterré.

 

Tumẓ aḥul mayṣn iqrṣn albari blakiy

Elle saisit un mouton. Que Dieu seul l’égorgerait.

10

Yaggad unamir ari tmnid kiɡan dawal

Unamir épia, de la porte interdite, ce monde étrange 

 

Iḍraḍ fuḥuli iġra ṣas yazut iʿdlt akko

D’un seul coup, il descendit, saigna le mouton, l’écorcha et accomplit la tâche jusqu’au bout.

 

Yawirrḍa llwalidayn sul ijjnjm awal

Il reçut alors la bénédiction de ses parents ; il fut sauvé.

 

 


 

Fac-similé 4

Hemmou U-Namir et Tanirt, Feuillet n° 16,

[in] Poésies populaires berbères en tachelhit

Dernier feuillet

 

 

 


 

Dernier feuillet – Translittération et traduction

 

 

 

Translittération

Translittération

 

Samḥ inniḍim amulana iġizu yd awal

Pardonnez le poète s’il s’est trompé en ajoutant des propos.

 

Ikmml uṣṭa yantn ibn yiwi rjlt nns

L’histoire est finie. Le tissage est achevé et celui qui coupe cette action aurait le courage.

 

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