Ce terme grec est employé par Aristote pour désigner le phénomène de « purgation des passions » par l’art et la littérature et plus largement par tout rituel culturel. Il a retrouvé un regain d’actualité avec la psychanalyse qui se l’est réapproprié depuis Freud. En critique littéraire, le mot catharsis est alors employé pour qualifier l’effet psychique libérateur produit par la consommation d’une œuvre d’art qui permet de vivre par sublimation inconsciente la transgression tabou imposé par le surmoi collectif. Pendant un bref instant, la représentation de comportements transgressifs par la fiction littéraire permet alors au lecteur ou à l’auditeur de s’identifier à eux, même si à la fin des récits ceux-ci sont généralement récupérés par la morale sociale dominante. Ce phénomène se rencontre particulièrement dans des sociétés très réglementées par de forts interdits sociaux comme le sont, entre autres, les sociétés africaines. La libération cathartique ainsi permise permet aux consommateurs de supporter plus facilement les contraintes du surmoi collectif.
Dans les littératures africaines, plusieurs chercheurs ont mis en évidence la fonction cathartique des contes, par exemple, qui instruisent généralement par l’exemple réprouvé de ce qu’il ne faut pas faire plutôt que par la représentation édifiante de ce qu’il conviendrait de faire. Ce n’est sans doute pas un hasard si ce genre est qualifié de « mensonge » dans plusieurs sociétés africaines ; pas un hasard non plus si, en principe, il ne peut se dire que la nuit, temps du fantasme par excellence et est interdit le jour, temps de la réalité positive.
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Bibliographie:
- CALAME-GRIAULE Geneviève, 1972, « Une affaire de famillle : réflexons sur quelques thèmes du ‘cannibalisme’ dans les contes africains », Nouvelle revue de psychanalyse 6, Paris, pp. 171-202.
- DERIVE Jean, 1987, Le fonctionnement sociologique de la littérature orale, Paris, institut d’ethnologie.
Jean Derive