Girliŋ Kaba / La fille sans mains

 

Mots-clés

peul, fulfulde de l’Aadamaawa (Cameroun et États voisins) — oralité, conte, chantefable, taalol — fille sans mains, coépouses, tamarinier

Production du corpus

Conteuse: Djénabou (surnommée Kilélé). Djénabou a 55 ans. Elle est née à Hodandé [Hoɗannde] Dargala. Elle a appris à conter auprès de sa grand-mère.

Contexte de production

Hodandé [Hoɗannde] (Dargala) 06/03/2011

Le conte a été enregistré dans une case suite à un rendez-vous pris avec la conteuse.

Descriptif

Le roi s’en va chercher femme. Il s’en va avec ses esclaves. Deux jeunes amies sont sur un tamarinier. Le roi se repose avec ses courtisans sous le tamarinier. L’une des jeunes fait tomber des tamarins à moitié mûrs sur le roi. Il fait tomber des tamarins à moitié mûrs sur les courtisans [la conteuse a interverti les choses]. Les courtisans constatent qu’il y a des gens sur le tamarinier. Le roi nie d’abord. Il fait tuer les courtisans. Le roi finit par constater que c’est vrai.

On fait descendre les jeunes filles de l’arbre. Un courtisan épouse la jeune fille valide. Le roi décide d’épouser la fille sans mains. La cour rentre au village. Les autres femmes du roi constatent que le roi a épousé une femme sans mains. En pleine nuit, l’amie de la fille sans mains transporte cette dernière dans le creux d’un arbre. Elles fabriquent des mains à la femme du roi.

Le septième jour du mariage, la nouvelle femme du roi doit se montrer en public. Les coépouses jurent qu’elle est infirme et, si elle ne l’est pas, qu’elles se transforment en marmite, en foyer, en esclave pour la nouvelle femme du roi ! Le roi réunit sa cour. La nouvelle femme du roi sort de sa chambre. Une chanson rythme sa démarche. Les coépouses sont punies.

Conte très lacunaire.

Collecte et édition

Collecté sous la direction de: Hadidja Konaï

Image et son: Henry Tourneux

Transcription et traduction: Boubakary Abdoulaye et Henry Tourneux

Annotation: Henry Tourneux

 

 

 

 

 

 

 

Girliŋ kaɓa. Girliŋ kaɓa.
Yoo, ɗoo boo debbo laamɗo. Bon, ici aussi, c’est une femme de chef.
Ooho ! Ooho !
Laamɗo yiɗi muuygo debbo. Le chef a envie d’aller courtiser une femme.
Mhm ! Mhm !
Ɗon dilla Il s’en va
(rire) (rire)
bee maccuɓe muuɗum. avec ses serviteurs.
Mhm ! Mhm !
Ɓe njaali derke’en ɗiɗo, Ils passent à côté de deux jeunes filles 1 ,
Mhm ! Mhm !
ɗon mba’’ii jaɓɓi. qui sont montées dans un tamarinier.
Mhm ! Mhm !
Laamɗo siiwtake bee wiirɓe mum. Le chef se repose avec ses notables.
Mhm ! Mhm !
Yoo ! Mm, gooto teɓa burkumje soltina dow laamɗo. Bon ! Euh… l’une cueille des tamarins à moitié mûrs et les fait tomber sur le chef.
(dow wiirɓe) (sur les notables 2 )
Mhm ! Mhm !
Ɓennduɗe soltina dow wiirɓe, Les mûrs, elle les fait tomber sur les notables,
Mhm ! Mhm !
burkumje boo dow laamɗo. les non mûrs sur le chef.
Mhm ! Mhm !
Suy, ɓe mbii : « Alla am ! Colli ɗiye ni ƴoyɗi ɗii ? » Alors, ils disent : « Nom de nom ! Quels sont ces oiseaux si malins ? »
Mhm ! Mhm !
Gooto, biiro gooto tijjii nii wii : L’un, un notable tourna la tête vers le haut et dit :
« Barka maaɗa, « Majesté,
Mhm ! Mhm !
naa ɗum colli, ɗum neɗɗo ! » ce ne sont pas des oiseaux, c’est quelqu’un ! »
Mhm ! Mhm !
O wi’i : « Kaay! Neɗɗo waɗataa bannii. Il dit : « Voyons ! Personne ne ferait ça !
Mhm ! Mhm !
Codee mo daande. » Coupez-lui la tête 3 . »
Mhm ! Mhm !
Ɗum fuɗɗiti. Ça recommence.
Oya goo wi’i mo yoo : Un autre [notable] lui dit :
Mhm ! Mhm !
« Barka maaɗa, « Majesté,
Mhm ! Mhm !
koo a waɗatam bana ko ngaɗɗaa mo ɗoo, même si tu me fais comme tu as fait à [l’autre],
Mhm ! Mhm !
ɗum neɗɗo. » [je t’assure que] c’est une personne. »
Mhm ! Mhm !
Laamɗo goo tijjii nii tawi ɗum neɗɗo. Le chef tourna la tête vers le haut et constata que c’était une personne.
Mhm ! Mhm !
« Njippinee ɓe ! » « Faites-les descendre ! »
Na’am ! Na’am !
Ɓe njippake, Elles sont descendues,
Mhm ! Mhm !
ɓe njooɗake. et se sont assises.
Mhm ! Mhm !
Laamɗo goo, Le chef
Mhm ! Mhm !
e jo’’ini derke’en goo. fait asseoir les jeunes filles.
Biiro ɓaŋi marɗo juuɗe. Un notable épouse celle qui a des mains.
Laamɗo goo boo wi’i : « Miin kam, guddo 4  ngiɗmi ! Le chef dit : « Moi, c’est celle qui n’a pas de mains que je veux !
Mhm ! Mhm !
Na’am ! Na’am !
Miin kam, guddo ngiɗmi ! » Moi, c’est celle qui n’a pas de mains que je veux ! »
Mhm ! Mhm !
Yoo ! Ɓe ɓaŋi. Yoo ! Ils [le chef et son notable] se sont mariés.
Mhm ! Mhm !
Ɓe njahanno muuygo goo na, laamɗo na ɓe ɓaŋi ɓee fuu. Ils étaient allés faire la cour, et ils se sont tous mariés.
Ooho ! Ooho !
Yoo, ɓe kuuci, ɓe tawti nawloraaɓe, nawliraaɓe : Bon, ils rentrent chez eux et retrouvent les coépouses :
Mhm ! Mhm !
« – Hii, debbo laamɗo na guddo. « – Eh ! La [nouvelle] femme du chef est manchote !
– Ayyee ! Laamɗo ni wurtanoo ɓaŋgal, – Ah bon ? Le chef était sorti en vue d’un mariage,
dilli ɓaŋoygo nii ɓaŋa guddo. » il est parti se marier et a épousé une manchote. »
Mhm ! Mhm !
Nawliraaɓe njooɗii ɓiira moy fuu haɓɓitoo bee kuule mum. Les coépouses décident, ɓiira ! que chacune revête ses plus beaux pagnes.
Mhm ! Mhm !
Sappa maako goo, Son amie,
Mhm ! Mhm !
caka jemma hooci waawi mo. au milieu de la nuit prit sur son dos [la manchote].
Ooho ! Ooho !
Ɓe ndilli, Elles s’en sont allées,
ɓe njehi haa loogo lekki. elles sont allée dans le creux d’un arbre.
Ɓe njehi ɓe mahoyi kooli har guddo goo, Elles sont allées fabriquer des doigts pour la manchote,
Mhm ! Mhm !
ɓe ngartiri. et elles sont revenues.
Mhm ! Mhm !
Yoo, nde ɓe ngarti, Bon, une fois de retour,
Mhm ! Mhm !
yoo, jam, ɓe ngarti goo, bon, quand elles furent revenues,
yoo, debbo laamɗo, janngo o wurtotoo. bon, la femme du chef, c’est demain qu’elle doit sortir.
Mhm ! Mhm !
Na waɗa jeeɗiɗiire ɗoo koowaaɗo wurtotoo na? C’est le septième jour que la nouvelle mariée doit sortir, n’est-ce pas ?
Ooho ! Ooho !
Yoo, janngo o wurtotoo. Bon, c’est demain qu’elle doit sortir.
Goɗɗo, nawliraawo oo wi’i : Quelqu’un, telle coépouse dit :
« Miin kam, to naa o guddo, « Moi, si elle n’est pas manchote,
Mhm ! Mhm !
Alla mi lattoo kaatinɗe maako. » par Dieu, que je me transforme en foyer pour elle ! »
Mhm ! Mhm !
Oo boo wi’i : « – To naa o guddo, Une autre dit : « – Si elle n’est pas manchote,
Alla mi lattoo fayannde maako. » Que Dieu me transforme en marmite pour elle ! »
Mhm ! Mhm !
– To naa o guɗɗo, Alla mi horɗanoo mo. – Si elle n’est pas manchote, par Dieu, que je devienne son esclave !
Mi ɗon huuwana mo tum noon bana booy goo. Je travaillerai définitivement pour elle comme une domestique.
Mhm ! Mhm !
– Yoo, to naa o guddo, Alla mi teenana mo leɗɗe. » – Bon, si elle n’est pas manchote, par Dieu, que je ramasse du bois mort pour elle ! »
Yoo, debbo losake wurtake Bien, la femme s’extrait [de la case] et sort
Mhm ! Mhm !
ba leelewal. comme un clair de lune.
Mhm ! Mhm !
Wurtake ! Elle sort !
Laamɗo waɗi faada mum. Le chef a réuni sa cour.
Mhm ! Mhm !
Debbo ɗon wurtoo. Debbo yaadu mum. La femme sort. La femme, sa démarche…
Debbo wi’i sonaa ɓe mbe’’itana ɗum tappi haa tappi haa jokkoo haa laamɗo woni, La femme dit qu’elle n’avancera pas à moins qu’on lui étale des tapis 5  jusqu’où se trouve le chef,
Mhm ! Mhm !
haa yolnde laamɗo woni ! jusqu’au seuil [de la maison] du chef !
Mhm ! Mhm !
Ɓe mbii : « Hala ! Ngam guddo oo oon na ? Elles disent : « Comment ! pour une manchote comme ça ?
(Rire) (Rire)
Guddo oon tappi haa tappi na ? Pour cette manchote, tapis sur tapis ?
(Rire) (Rire)
Hala ! Oo oon na ? » Voyons ! Pour celle-là ? »
Mhm ! Mhm !
Debbo wurtake. La femme sort.
Mhm ! Mhm !
Too, ɓiira ɗon yaha ! Bien, ɓiira, elle marche !
Tap, Girliŋ kaɓa ! Tap, girliŋ kaɓa 6  !
Taɓɓa mo to o do’’ore. Retiens-la 7  de peur qu’elle ne te tombe dans les mains.
To o do’’ake, en ngiidan ! Si elle tombe, tu vas voir ce que je vais te faire !
Mhm ! Mhm !
Tap, girliŋ kaɓa ! Tap, girliŋ kaɓa !
Taɓɓa mo to o do’’ore. Retiens-la de peur qu’elle ne te tombe dans les mains.
To o do’’ake, en ngiidan ! Si elle tombe, tu vas voir ce que je vais te faire 8  !
Mhm ! Mhm !
Tap, girliŋ kaɓa ! Tap, girliŋ kaɓa !
Ɗoo kam yaadu maako. Telle est sa démarche.
Mhm ! Mhm !
Ɓe ɗon mbakki mo; Ils marchent à ses côtés,
Maccuɓe ɗon mbakkii mo. les serviteurs marchent à ses côtés.
Yaadu maako ɗoo, Sa démarche…
Mhm ! Mhm !
maccuɓe ɗon mbakkii. les serviteurs marchent à côté.
Ooho! Ooho!
Tap, girliŋ kaɓa ! Tap, girliŋ kaɓa !
Taɓɓa mo taa o do’’ore, Retiens-la de peur qu’elle ne te tombe dans les mains.
To o do’’ake, en ngiidan ! Si elle tombe, tu vas voir ce que je vais te faire !
Mhm ! Mhm !
Laamɗo wi’a : « To o do’’ake, en ngiidan » ! Le chef dit : « Si elle tombe, tu verras ce que je vais te faire » !
(Rire) (Rire)
Nii, takala mulus ! Comme ça, c’est fini !

Corpus inédit, © Copyright Henry Tourneux

 


 

Notes:

1  C’est plus loin seulement qu’on comprend qu’il s’agit ici de jeunes filles et non de jeunes gens, ce que le fulfulde (derke’en) ne précise pas.

2  Jam-Duudu tente de corriger la conteuse, qui ne se rend pas compte de son erreur.

3  Le chef fait décapiter le notable qui lui a donné cette information à laquelle il ne croit pas.

4  Manchot, personne estropiée d’un membre supérieur (main, doigt, bras).

5  Litt. : « La femme dit sauf si on lui étale des tapis pour que les tapis rejoignent là où est le chef ».

6  Ces trois mots ont valeur idéophonique ; ils décrivent la démarche altière de l’ancienne manchote. Les lignes suivantes, très rythmées en fulfulde, évoquent un accompagnement de tambour.

7  C’est le chef qui dit cela par manière de menace à l’endroit de la personne qui accompagne sa nouvelle femme.

8  Litt. : « nous allons nous voir ».