Debbo bee waaye’en mum / La femme et ses amants

 

Mots-clés

peul, fulfulde de l’Aadamaawa (Cameroun et États voisins) — oralité, histoire, kiistawol — amants, adultère, pet

Production du corpus

Conteuse: Saoudatou Yougouda; environ 35 ans. Elle est née à Bogo. Divorcée, elle a des enfants. Elle vit seule dans sa maison. Son père est décédé.

Contexte de production

Wouro Issa (Bogo) 17/02/2012

L’histoire a été enregistrée dans une case, dans la matinée, suite à un rendez-vous pris avec la conteuse.

Descriptif

Une femme demande à ses amants de venir chez elle. Elle cache les trois amants sous son lit. Le mari de la femme revient. Le mari aiguise son couteau. Le mari désire piquer son couteau sur la tête de trois jeunes garçons. L’un des amants sous le lit émet un pet. Le mari demande à celui qui a pété de sortir de sa cachette et de s’en aller. Tous prétendent avoir pété. Les trois amants s’en vont.

Collecte et édition

Collecté sous la direction de: Hadidja Konaï

Image et son: Henry Tourneux

Transcription et traduction: Boubakary Abdoulaye et Henry Tourneux

Annotation: Henry Tourneux

 

 

 

 

 

 

Too, ɗoo boo, ii… Bon, ça aussi, euh…
Ɗoo boo, suka’en, ɓee… Ça aussi, des jeunes gens, ils…
Aa ! Debbo bee ajabaaru muuɗum. Non ! Une femme et sa maison de « femme libre ».
Mhm ! Mhm !
O ɗon jooɗii haa suudu maako. Elle est dans sa maison.
Worɓe ɗon ngara haa maako. Il y a des hommes qui viennent chez elle.
Too, nde worɓe ɗon ngara haa maako, Bon ! Comme les hommes viennent chez elle,
worɓe ɓee, ɓe tato. ces hommes, ils sont trois.
Waaye’en boo, o walaa waaye ngooto noon. [Ce sont] des amants, elle n’a pas un amant unique.
Mhm ! Mhm !
Koo moy fuu waran noon. N’importe qui peut venir.
Jonta kam, oo wari, o ɗon jooɗii yeewta bee muuɗum noon. Maintenant, l’un est venu, elle s’assoit à bavarder avec lui.
Oo boo silminii. Un autre s’est annoncé[1].
O wii ɗum naasta nder… les leeso Elle lui[2] dit d’entrer dans… sous le lit.
Mhm ! Mhm !
Naasti les leeso. Il est entré sous le lit.
Oo boo, o ɗon yeewta bee muuɗum noon, L’autre, elle est en train de bavarder avec lui,
goɗɗo boo silminii. [quand] un autre [encore] s’annonce.
O wii, oon boo : « Yolla les leeso noon ! » Elle dit aussi au précédent : « Fourre-toi donc sous le lit ! »
Kadboo, oo boo, o ɗon jooɗii yeewta bee mum. De nouveau, lui aussi, elle reste à bavarder avec lui.
Mhm ! Mhm !
Goɗɗo boo silminii. Quelqu’un d’autre s’annonce.
Oon boo, o wii ɗum : « Yolla les leeso toon ! » Lui aussi, elle lui dit : « Fourre-toi là-bas sous le lit ! »
Jam, gorko kaɓɓanɗoo mo. Puis, l’homme qui a versé pour elle la dot…
A yii, asee boo, bee teegal maako boo, baaltawal[3]. Tu vois, alors qu’elle est mariée[4] (sans toutefois cohabiter avec son mari) !
Mhm ! Mhm !
Kaɓɓannooɗo mo baaltawal goo boo wari. Celui qui l’a dotée, mais qui habite ailleurs, est arrivé lui aussi.
Wari silminii. Il est venu et s’est annoncé.
Jam, wari jooɗii les, ii… nder… dow leeso. Puis, il est venu se mettre sous, euh… dans… sur le lit.
Kap ! Jooɗii dow leeso. D’un coup ! Il se met sur le lit.
Mhm ! Mhm !
Suy, ɓiira, wurtinoyi laɓi. Puis, ɓiira, il sort un couteau.
Mhm ! Mhm !
Suy, ɗon waɗa ki nii. Puis, il fait comme ça[5] avec.
Suy : « Ehe[6] ! Ayyee ! No laɓi maa kii jalbitirta ! » Puis : « Hein[7] ! Dis donc ! Comme ton couteau là brille ! »
Mhm ! Mhm !
O wii : « – Kaay ! E ko ki haandi ? Il dit : « – Pas seulement ! Et qu’est-ce qui lui convient ?
– Ehe ! Wallaahi kusel, nii ngel foti nii ! – Hein ! De la viande, bien sûr, une grande quantité[8] qu’il lui en faut !
Wallaahi tagu ta’a ! » Que quelqu’un en coupe, bien sûr ! »
O wii : « Kaay ! A heɓtaay ! » Il dit : « Pas du tout ! Tu ne saisis pas ! »
(Rire) (Rire)
O wii : « Kii ɗoo dey ! Laar ki ! Il dit : « Lui [ce couteau] ! Regarde-le !
A giiɗoo no mbeldi maaki ɗoo wooɗiri ? Tu as vu comme il est bien aiguisé ?
Noy ki haandi ? » Qu’est-ce qui lui convient ? »
Mhm ! Mhm !
O wii : « Ehe[9] ! Ceelol nii wallaahi, tagu wula ni, ƴakka. » Elle dit : « Hein[10] ! Une lanière de viande, qu’on la grille, qu’on la mange. »
O wii : « Kaay ! A heɓtaay ! » Il dit : « Pas du tout ! Tu ne saisis pas ! »
(Rire) (Rire)
O wii : « Yoo, laɓi am kii kam ! » Il dit : « Bon ! Ce couteau que j’ai… ! »
O wii : « Cap[11] ! cap ! cap ! cap ! dow ko’e suka’en tato. » Il dit : « Tchap[12] ! tchap ! tchap ! tchap ! sur la tête des trois garçons ! »
Suy, ɓiira, gooto fuuti parrr ! Puis, ɓiira, l’un [d’entre eux] péta, parrr !
(Rire) (Rire)
Suy, gooto fuuti goo, Puis, comme l’un [d’entre eux] avait pété,
Mhm ! Mhm !
gorko goo wii : le mari dit :
« – Puutɗo fuu wara wurtoo ! « – Que celui qui a pété sorte !
– Miin fuuti nde ! – C’est moi qui ai lâché celui-ci !
– Alaa ! Heey ! Miin fuuti nde ! Heey ! – Comment ! Heey ! C’est moi qui l’ai lâché ! Heey !
Ngam mi laafuɗo ɗum, kalitooɗon[13] yam fuutere na ? C’est parce que je suis pauvre que vous vous attribuez la propriété de mon pet ?
(Rire) (Rire)
Ngam mi laafuɗo ɗum, kalitooɗon yam fuutere na ? C’est parce que je suis pauvre que vous vous attribuez la propriété de mon pet ?
(Rire) (Rire)
– Puutɗo fuu wara wurtoo mbiimi. – Que celui qui a pété sorte, ai-je dit !
Mo futaay boo, wurtataako. Quant à celui qui n’a pas pété, qu’il ne sorte pas !
– Wallaahi miin fuuti nde ! – Au nom de Dieu ! C’est moi qui l’ai lâché !
– Wallaahi Alla ! – Au nom de Dieu, vraiment !
Ngam mi ɓii laafuɗo ɗum, njaɓton yam fuutere na ? C’est parce que je suis pauvre que vous vous emparez de mon pet !
– Miin na mi ɓii lawan ! – Moi, je suis un fils de lawan !
Miin, walaa goɗɗo jaɓtata yam fuutere ! Moi, il n’y a personne qui puisse s’emparer de mon pet !
Miin fuuti nde ! C’est moi qui l’ai lâché !
Na wakkati o wiino ka noon, C’est au moment où il a dit ça
ngaɗmi nde parrr na. que je l’ai lâché, parrr !
E aan boo, noy ngaɗɗaa ? Et toi, comment l’as-tu lâché ?
– Purrr ! Purrr !
– E aan ? – Et toi ?
– Barrr[14] ! Barrr[15] !
Ɓiira, suy ! Ɓiira, c’est tout !
(Rire) (Rire)
(Wallaahi Sawda kam !) (Vraiment, toi, Sawda !)
Jam, ɓiira, suy ɓe pat maɓɓe, Puis, ɓiira, puis eux tous,
ɓe nanngi laawol maɓɓe, ɓe ngurtii. ils ont pris la route, ils sont sortis.
Takala mulus ! Takala mulus[16] !

Corpus inédit, © Copyright Henry Tourneux

 


 

Notes:

[1] En prononçant la salutation d’usage : Assalaam aleekum !

[2] L’amant arrivé en premier.

[3] « Baaltawal : mariage sans cohabitation. Chacun des deux époux reste habituellement dans son propre saré, le mari venant seulement retrouver sa femme de temps en temps. Cela se produit surtout s’il y a déjà des enfants de part et d’autre » (D. Noye, 1989, Dictionnaire foulfouldé-français, Paris, Geuthner, p. 367).

[4] Commentaire de la conteuse elle-même.

[5] Geste de la conteuse qui mime le mari qui dresse son couteau et en fait miroiter les deux faces.

[6] Prononcé d’une voix nasillarde.

[7] Prononcé d’une voix nasillarde et d’un air niais.

[8] Geste de la conteuse qui indique la quantité.

[9] Prononcé d’une voix nasillarde.

[10] Prononcé d’une voix nasillarde et d’un air niais.

[11] Adverbe descriptif : coup donné de haut en bas avec un couteau.

[12] Adverbe descriptif, accompagné d’un geste de la conteuse : geste de poignarder de haut en bas.

[13] Halitaago : « s’attribuer la propriété de ». Absent de Noye 1989.

[14] Prononcé d’une voix très grave, qui contraste énormément avec le purr précédent.

[15] Prononcé d’une voix très grave, qui contraste énormément avec le purr précédent.

[16] Formule de clôture. Convient aussi bien au conte taalol qu’à l’histoire kiistawol.