Hamman Kine-Loope / Haman Nez-d’Argile

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Mots-clés

peul, fulfulde de l’Aadamaawa (Cameroun et États voisins) — oralité, conte, taalol — chien, chat, arbre-véhicule

Production du corpus

Conteuse: Zaraou, âgée d’environ 35 ans. Elle est née à Bogo. Veuve. Elle a quatre enfants.

Contexte de production

Bogo [Ɓogo ] (Cameroun, région de l’Extrême Nord), 19/04/2012. Le conte a été enregistré dans la matinée, en plein air, suite à un rendez-vous pris avec la conteuse.

Descriptif

Haman Nez-d’Argile demande à son chien de l’accompagner en voyage et le transporte dans un arbre quand il est fatigué. Il lui procure tout ce qu’il faut pour manger. De retour au village, le chien invite le chat à le suivre en voyage et finit par le manger.

Collecte et édition

Collecté sous la direction de: Hadidja Konaï

Image et son: Henry Tourneux

Transcription et traduction: Boubakary Abdoulaye et Henry Tourneux

Annotation: Henry Tourneux

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Mhm Mhm
Hamman Kine-Loope oo, Hamman Nez-en-Terre,
Mhm Mhm
o ɗon dilla jahaangal  ; il part en voyage.
Ooho ! Ooho[1] !
Mo[2] ɗon dilla jahaangal. Il part en voyage.
Ooho ! Ooho !
O wii rawaandu yoo : Il dit au Chien :
Mhm Mhm
« Rawaandu, ɗoftam ! « Chien, accompagne-moi !
Mhm ! Mhm !
To a somi, mbi’aa yam ! Quand tu seras fatigué, dis-le-moi !
Mhm ! Mhm !
To a doli, mbi’aa yam ! Quand tu auras faim, dis-le-moi !
Mhm ! Mhm !
To a ɗomɗi, mbi’aa yam ! » Quand tu auras soif, dis-le-moi ! »
Mhm ! Mhm !
Rawaandu wii : « Wooɗi ! » Le Chien dit : « Bien ! »
Mhm ! Mhm !
Ɓe ɗon ndilla, ɓe ɗon ndilla, ɓe ɗon ndilla, ɓe ɗon ndilla. Ils marchent, ils marchent, ils marchent, ils marchent.
Jahaangal daayake. Le voyage est long.
Mhm ! Mhm !
Rawaandu goo wi’ata yoo : Le Chien dit :
Mhm ! Mhm !
« Mi somi. « Je suis fatigué.
Mhm ! Mhm !
Mi somi. » Je suis fatigué. »
Mhm Mhm
O wii : « To a somi, dara ! » Il [Hamman] dit : « Si tu es fatigué, arrête-toi ! »
Mhm ! Mhm !
O darii. Il s’arrêta.
O wii, umm, o wii : « Wa’’a lekki. » Il dit, hum, il dit : « Monte dans l’arbre. »
Mhm ! Mhm !
Rawaandu wa’’ii lekki ; Le Chien monta dans l’arbre.
Kanko boo o wa’’ii lekki. Lui aussi, il monta dans l’arbre.
Mhm ! Mhm !
Ɓe ɗon ndilla, Il vont[3]
O wii lekki : « Yaa ! » [Hamman] dit à l’arbre : « Avance ! »
Mhm ! Mhm !
Lekki ɗon yaha, ɗon yaara ɓe, ɗon laa-, ɗon yaara ɓe, L’arbre s’en va, il les emporte, il les -, il les emporte,
ɗon yaara ɓe haa o[4] somti. il les emporte jusqu’à ce que [le Chien] soit reposé.
Rawaandu goo haa somti. Le Chien, jusqu’à ce qu’il soit reposé.
Mhm ! Mhm !
O wii : « – Mi somti. Il [Chien] dit : « – Je suis reposé.
– A somti ? – Tu es reposé ?
– Mi somti ! » – Je suis reposé ! »
Mhm ! Mhm !
O wii : « Jippa ! » Il lui dit : « Descends ! »
Rawaandu goo jippii. Le Chien est descendu.
Ɓe puɗɗiti yaago bee kosɗe. Ils reprennent leur marche à pied.
Mhm ! Mhm !
Ɓe ɗon njaha, ɓe ɗon njaha, ɓe ɗon njaha, bee kosɗe. Ils marchent, ils marchent, ils marchent, à pied.
Mhm ! Mhm !
Suy o wi’ata yoo : « – Mi doli ! Puis [le Chien] dit : « – J’ai faim !
Mhm ! Mhm !
– A doli ? – Tu as faim ?
– Ooho! Mi doli. – Oui ! J’ai faim.
– Yoo ! Wa’’a lekki kadi boo ! » – Bon ! Remonte dans l’arbre ! »
O wa’’ii lekki. Il monta dans l’arbre.
« Yoo ! Ɗoof liiliwol haako ! » « Bon ! Arrache une feuille du feuillage ! »
O ɗoofi liiliwol haako, Il arracha une feuille du feuillage,
nyaamdu wangi nii. et de la nourriture apparut comme ça[5].
Mhm ! Mhm !
Rawaandu nyaami, nyaami, nyaami haa haari, Le Chien mangea, mangea, mangea à satiété,
Mhm ! Mhm !
wii : « – Mi haari ! et dit : « – Je n’ai plus faim !
– Yoo ! Noy a ɗomɗaay na ? » – Bon ! Tu n’as pas soif ? »
O wii : « – Mi ɗomɗi. Il dit : « – J’ai soif.
– Ɗoof liiliwol ! » – Arrache une feuille ! »
O ɗoofi liiliwol. Il arracha une feuille.
Ndiyam wurtii jur tummude. Il en est sorti plein d’eau, une calebasse.
Mhm ! Mhm !
Rawaandu yari, yari, yari haa ɗomɗiti. Le Chien but, but, but jusqu’à ce qu’il n’eût plus soif.
Mhm ! Mhm !
Suy, ɓe njippii. Puis, ils sont descendus.
Ɓe ɗon ndilla, ɓe ɗon ndilla, ɓe ɗon ndilla, ɓe ɗon ndilla. Ils marchent, ils marchent, ils marchent, ils marchent.
Ɓe ngari ɓe tawi maayo maapinndiiwo ngo ɗon heewi. Ils sont allés trouver un très grand[6] fleuve qui était plein.
Mhm ! Mhm !
Ngo ɗon heewi ndiyam. Il était plein d’eau.
Mhm ! Mhm !
Suy, o wi’ata rawaandu yoo : Puis, [Hamman] dit au Chien :
Mhm ! Mhm !
« Yar nee ndiyam to a ɗomɗuɗo ! » « Bois donc de l’eau si tu as soif ! »
Rawaandu yari, yari, yari, yari, haa ɗomɗiti. Le Chien a bu, bu, bu, bu, jusqu’à ce qu’il n’eût plus soif.
Mhm ! Mhm !
Kanko goo, o yari go’o, ɗiɗi noon, maayo ɓeeɓi ; Quant à lui [Hamman], il a bu une fois ; à la deuxième, le fleuve est à sec ;
Koo ko lutti, ndiyam luttaay haa maayo, koo tis. Il ne reste rien, il ne reste pas d’eau dans le fleuve, rien du tout.
Mhm ! Mhm !
Sey liɗɗi ɗon pija nder maayo. Il n’y a que les poissons qui jouent dans le fleuve.
Mhm ! Mhm !
Liɗɗi ɗon pija, ɗon pija, ɗon pija. Les poissons jouent, jouent, jouent.
Mhm ! Mhm !
Suy, o wi’ata rawaandu : « Ƴakku liɗɗi ɗoo haa to a safti ! » Puis, [Hamman] dit au Chien : « Mange ces poissons jusqu’à ce que tu en aies eu suffisamment ! »
Mhm ! Mhm !
Rawaandu ƴakki, ƴakki, ƴakki, waawaay timmingo liɗɗi goo. Le Chien en a mangé, mangé, mangé, il n’a pas pu les manger tous.
Mhm ! Mhm !
O ƴakki gootel noon, liɗɗi man pat timmi. Dès que [Hamman] en a mangé un seul, tous les poissons sont finis.
Mhm Mhm
Suy, jonta kam, ɓe tayti gaɗa maayo. Puis, à ce moment, ils ont traversé le fleuve.
Mhm ! Mhm !
Ɓe tayti gaɗa maayo goo, Quand ils ont eu traversé le fleuve,
o wii rawaandu goo : « Jonta kam, huucu kadi ! [Hamman] dit au Chien : « Maintenant, rentre donc chez toi !
Mi warti. » Je suis rentré[7]. »
Mhm ! Mhm !
Rawaandu lorti, warti, kanyum boo, haa wuro ba naane. Le Chien fit demi-tour, rentra, lui aussi au village, comme avant.
Mhm ! Mhm !
Rawaandu jooɗii, jooɗii wi’ata : « Paatuuru ? » Le Chien est demeuré, est demeuré [là] et il dit : « Chat ? »
Paatuuru nooti. La Chat répondit à l’appel.
« Ɗoftam lee ! « Accompagne-moi !
To a somi, mbi’aa yam ! Quand tu seras fatigué, dis-le-moi !
To a ɗomɗi, mbi’aa yam ! Quand tu auras soif, dis-le-moi !
To a doli, mbi’aa yam ! » Quand tu auras faim, dis-le-moi ! »
Mhm ! Mhm !
Suy, paatuuru goo wii : « Iyo ! » Puis la Chat dit : « D’accord ! »
Ɓe ɗon ndilla, ɓe ɗon ndilla, ɓe ɗon ndilla. Ils marchent, ils marchent, ils marchent.
Mhm ! Mhm !
Suy, paatu goo wii rawaandu : « Na mi somi. » Puis le Chat dit au Chien : « Je suis vraiment fatigué. »
Rawaandu wii : « Wa’’a lekki ! » Le Chien dit : « Monte dans l’arbre ! »
Paatu wa’’ii lekki ; Le Chat monta dans l’arbre.
« Lekki yaa ! » « Arbre, avance ! »
Lekki ɗon darii. L’arbre reste sur place.
« Lekki yaa ! » « Arbre, avance ! »
Lekki ɗon darii. L’arbre reste sur place.
Mhm ! Mhm !
O wii yoo « Paatu na rawaandu na lekki sali yaago. [Le Chien] dit : « Chat, le Chien[8], l’arbre refuse carrément de marcher !
Yoo, jippa kadi ! » Bon, descends, alors ! »
Mhm ! Mhm !
Suy paatu jippii. Alors le Chat est descendu.
Ɓe ɗon ndilla. Ils s’en vont.
Paatu wii : « Na mi doli ». Le Chat dit : « J’ai vraiment faim ».
Mhm ! Mhm !
O wii : « Wa’’a lekki kadi boo ! » [Le Chien] dit : « Remonte dans l’arbre ! »
Paatu wa’’ii. Le Chat y est remonté.
« Ɗoof ! » « Arrache ! »
Paatu haɓdi haa ɗoofa liiliwol, sali. Le Chat fit tout pour arracher une feuille, mais ça n’a pas marché.
Mhm ! Mhm !
O wii : « Paatu am, jippa noon, ndillen kadi walaa ko keɓɗen ». Il dit : « Cher Chat, descends donc, continuons notre marche, nous n’avons rien eu ».
Mhm ! Mhm !
Ɓe ɗon ndilla, ɓe ɗon ndilla, ɓe ɗon ndilla, ɓe njottii maayo goo, Ils marchent, ils marchent, ils marchent, ils atteignirent le fleuve en question,
Mhm ! Mhm !
maayo ɗon heewi. le fleuve était plein.
Mhm ! Mhm !
Suy o wii yoo « Aan kam, yar haa ɗomɗita, paatu !, Puis [le Chien] dit : « Toi, bois pour étancher ta soif, Chat !,
ngam to mi yari ni, ndiyam man timman ». car, dès que j’aurai bu, il n’y aura plus d’eau ».
Mhm ! Mhm !
Paatu yari, yari, yari, ɗomɗiti ; La Chat a bu, bu, bu, et a étanché sa soif.
Rawaandu goo yari, yari, yari, ndiyam goo timmaay. Le Chien aussi a bu, bu, bu, [mais] l’eau n’a pas fini.
Mhm ! Mhm !
Suy, nii noon, ɓe naasti nder maayo goo, Puis, comme ça, ils sont entrés dans le fleuve,
ɓe ɗon nginoo, ɓe ɗon nginoo. et ils nagent, ils nagent.
Ɓe keɓi liik-, liikon taton nii. Ils ont eu des p-, trois petits poissons seulement.
Mhm ! Mhm !
Rawaandu goo wurtini haa daande maayo nii, Le Chien les a sortis sur la rive du fleuve,
wii paatu : « Ƴakku haa to a safti. et il dit au Chat : « Mange jusqu’à ce que tu en aies suffisamment !
Mhm ! Mhm !
To a safti ni, miin boo mi ƴakka. » Quand tu en auras eu suffisamment, moi aussi j’en mangerai. »
Mhm ! Mhm !
Paatu ƴakki go’o, ɗiɗi noon. Le Chat en mangea une fois, deux fois seulement.
O wii : « Aan, a timminan ɗi na ? » [Le Chien] dit : « Toi, tu vas les manger tous ? »
O hippi paatuuru. Il sauta sur le Chat.
Suy, o ƴakki paatuuru kanko ; Puis, il mangea le Chat, lui ;
(Rire) (Rire)
O ƴakki paatuuru kam. Il a mangé le Chat !
Takala mulus ! Takala mulus !
Takkaande bojel ! Takkaande bojel [9] !
Suy timmi, ɗoo kam ! Bon, ce [conte] est fini !
Mhm ! Mhm !

Corpus inédit, © Copyright Henry Tourneux

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Notes:

[1] Oui !

[2] En principe, ce pronom est un pronom objet, mais dans cette partie du Diamaré, à l’ouest de Maroua, on l’entend couramment utilisé comme sujet du verbe par les locuteurs natifs. A des correspondants en mbo dans des parlers occidentaux (Peter Gottschligg, communication personnelle, décembre 2015).

[3] La conteuse anticipe sur la suite.

[4] On devrait avoir ici le pronom de reprise ndu, correspondant au Chien.

[5] Ici la conteuse fait un geste pour indiquer une grande quantité.

[6] Le mot signifie simplement « grand », mais l’intonation emphatique de la conteuse fait comprendre qu’il s’agit d’un fleuve énorme.

[7] Hamman dit au Chien que lui, il est déjà arrivé chez lui.

[8] Lapsus de la conteuse, qui se reprend.

[9] Formule de clôture du conte.