Da zabo da bunsuru da kare / La pintade, le bouc et le chien

 

 

Mots-clés:  haoussa, Niger, Nigeria — oralité, néo-oralité ; tatsuniya conte — pintade, bouc, chien, hyène ; chasse ; ruse ; négligence, erreur, sanction.

L’auteure:  Fatimane Moussa-Aghali est née à Bonkoukou au Niger. Elle vit actuellement en France. Après avoir étudié à l’INALCO le touareg, le peul et le haoussa, elle soutient, à l’Université de Paris III, une thèse de doctorat sur cette dernière langue, à laquelle elle a consacré un ouvrage et plusieurs articles. Elle a publié un récit de vie, Yarintata [Mon enfance]. Elle écrit également des contes en haoussa à l’intention du public scolaire.

Production du corpus:  Le présent conte est un auto-enregistrement sur cassette audio réalisé en 1984. Il fait partie d’un ensemble de textes produits dans le cadre d’études haoussa à l’INALCO, en vue de la constitution d’un corpus de textes sous la direction du Professeur Claude Gouffé (1926-2013).

Édition du corpus:  Conte transcrit et traduit par Fatimane Moussa-Aghali. La bande son initiale n’ayant pas été conservée, le conte a été oralisé par l’auteure pour la présente édition, à partir de la transcription qu’elle en avait faite. Une adaptation du conte en français a été publiée en 20051 (cf. références).

Références:

    • MOUSSA-AGHALI, Fatimane, 2005, Yarintata [Mon enfance], Lagny-sur-Marne (France), Ellaf Éditions, 2021, 76 p. [première édition, revue Binndi e jannde, 1982-1983]. http://ellaf.huma-num.fr/yarintata/
    • MOUSSA-AGHALI, Fatimane, 2005, Contes des dunes et des sables, Roissy-en-Brie (France), Éditions Cultures croisées, 126 p.
    • MOUSSA-AGHALI, Fatimane, 1999, Lexique des néologismes en hawsa du Niger, Supplemento n. 90 agli Annali, vol. 59, fasc. 1-4, Naples, Istituto Universitario Orientale, xviii + 91 p.
    • AGHALI, Fatimane, 1984, « Recueil de contes en haoussa suivi de notes linguistiques ». Mémoire de D.R.E.A. sous la direction du Professeur Claude Gouffé, Université de Paris-III / Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), multicopié, 119 p.

Résumé:  La pintade, le bouc et le chien partent à la chasse. Ils aperçoivent les repaires des hyènes. En cours de route ils ont trouvé la tête d’une hyène morte. Le chien porte la tête autour du cou, il se met à répéter : « Aujourd’hui, nous sommes morts !».  Le bouc la lui reprend : ce n’est pas comme cela qu’il faut faire. Il la met autour du cou et se met à répéter : « J’ai mangé neuf têtes d’hyènes, en voici la dixième ! »

Ils avancent jusqu’à arriver chez les hyènes. Ils demandent de l’eau à boire. Les hyènes ont peur. Le père hyène demande à l’un de ses enfants d’aller chercher de l’eau pour les visiteurs et il conseille à l’enfant d’en profiter pour fuir. L’enfant tarde à revenir. On demande à un autre, qui tarde à revenir. La mère hyène va, elle tarde à revenir, le père va.

Les visiteurs sont seuls. Ils occupent les lieux. Ils trouvent trois greniers, l’un de mil, l’autre de souchets2, le troisième de viande. Le chien veut le grenier de viande, la pintade le grenier de souchets et le bouc, le grenier de mil.

Le chien entre dans son grenier, il se rassasie de viande, il laisse dépasser sa queue hors du grenier. Les hyènes pensent que les visiteurs sont partis. Elles reviennent. Un enfant hyène voit la queue du chien et dit à son père : « Eh, papa, regarde ! Ils ont même oublié leur petit bâton. ». La pintade et le bouc ayant entendu cela prennent la fuite. Les hyènes se saisissent du chien. Elles le frappent à mort.

 

 

 

 


 

Da zabo da bunsuru da kare / La pintade, le bouc et le chien

 

 

 

 

 

 

 

Kun ji kun ji ?…

Voici l’histoire, voici l’histoire3 !…

 

 

Wanga da zabo, da bunsuru, da kare suka tahi hwarauta.

C’était une pintade, un bouc et un chien qui partirent à la chasse.

 

 

Suna ta tahiya, suna ta tahiya, suna ta tahiya cikin daji, sai da suka zo tsakad daji, sai suka tsinkayi gidajen kuraye.

Ils marchaient, ils marchaient, ils marchaient dans la brousse quand ils arrivèrent en plein milieu de la brousse, ils aperçurent les repaires des hyènes.

 

 

To, a kan hanya, sai suka iske kan kura matacce.

Or en cours de route, ils trouvèrent la tête d’une hyène morte.

0:31

5

Sai suka ɗauki kan kuran nan, suka ce : « To yanzu, mi zamu yi, mu ba su tsoro ? »

Ils ramassèrent la tête de l’hyène et ils dirent : « À présent, comment ferons-nous pour leur faire peur ? »

 

 

Sai aka ce : « To, wa zai rataya kan kura ? »

Ils dirent : « Qui va accrocher à son cou la tête de l’hyène ? »

 

 

Sai kare yac ce, shi, shi, shi, shi !…

Le chien dit que c’est lui, c’est lui, c’est lui !…

 

 

Sai aka ba shi, aka ce mishi : « To, mi zaka cewa ? »

On lui donna [la tête] et on lui dit : « Qu’est-ce que tu vas dire ? »

 

 

Sai kare yah hwara cewa :

Le chien commença :

0:59

10

Yau mun mutu !

Aujourd’hui, nous sommes morts !

 

 

Yau mun mutu !

Aujourd’hui, nous sommes morts !

 

 

Yau mun mutu !

Aujourd’hui, nous sommes morts !

 

 

Yau mun mutu !

Aujourd’hui, nous sommes morts !

 

 

Yau mun mutu !…

Aujourd’hui, nous sommes morts !…

1:06

15

Sai bunsuru ya amshe kan gare shi, yac ce mishi : « Kai tahi ! ba haka nan za ka cewa ba. »

Alors, le bouc lui reprit la tête [de l’hyène] et il lui dit : « Va-t’en ! ce n’est pas ça qu’il faut dire. »

 

 

Sai shi, ya amsa, ya rataya.

Alors, il prit la tête et l’accrocha à son cou.

 

 

Yah hwara cewa :

Il commença :

 

 

Kan kura tara na ci, ga na goma !

J’ai mangé neuf têtes d’hyènes, en voici la dixième !

 

 

Kan kura tara na ci, ga na goma !

J’ai mangé neuf têtes d’hyènes, en voici la dixième !

1:26

20

Kan kura tara na ci, ga na goma !

J’ai mangé neuf têtes d’hyènes, en voici la dixième !

 

 

Kan kura tara na ci, ga na goma !…

J’ai mangé neuf têtes d’hyènes, en voici la dixième !…

 

 

Haka nan, haka nan, sai da suka isa wurin gidajen kuraye.

C’était ainsi, c’était ainsi, jusqu’à ce qu’ils soient arrivés chez les hyènes.

 

 

Shi ke nan, suka zo suka sallama wani gida.

Bon, ils s’annoncèrent chez l’une d’elles.

 

 

Sun iske uwa da uba da ɗiyansu suna zazzaune.

Ils trouvèrent la mère, le père et les enfants tous assis.

1:49

25

Suka sallama, suka ce a ba su ruwa su sha.

Ils saluèrent et demandèrent de l’eau à boire.

 

 

Kuraye su ko, sun ji tsoro.

Les hyènes, quant à elles, elles avaient peur.

 

 

Sun ji a na :

Elles avaient entendu [les visiteurs] qui disaient :

 

 

Kan kura tara na ci, ga na goma !

J’ai mangé neuf têtes d’hyènes, en voici la dixième !

 

 

Kan kura tara na ci, ga na goma !…

J’ai mangé neuf têtes d’hyènes, en voici la dixième !…

2:05

30

Dukansu, sun ji tsoro !

Toutes, elles avaient peur !

 

 

Shi ke nan, suka zo suka tambaya a ba su ruwa.

Bon, [les visiteurs] demandèrent qu’on leur donne de l’eau à boire.

 

 

Sai uban yac ce ma yaro guda, ya tahi can cikin ɗaki, ya ɗebo ruwa.

Le père de famille dit à l’un des enfants d’aller chercher de l’eau dans la maison.

 

 

Sai yac ce mishi : « Daga nan, sai ka gudu ka tahiyakka. »

Il lui dit : « À partir de là, tu vas t’enfuir, tu t’en vas4. »

 

 

Yaron yat tahi neman ruwa.

L’enfant partit chercher l’eau.

2:32

35

Suna nan, suna jira, yanzu, yanzu yaro zai kawo ruwa, yanzu, yanzu yaro zai kawo ruwa…

Ils étaient là en train d’attendre [pensant] que l’enfant apporterait sans tarder de l’eau, que l’enfant apporterait sans tarder de l’eau…

 

 

Kai ! saida suka daɗe, bai kawo ruwa ba.

Kai!5 ils attendirent un long moment, l’enfant n’apportait [toujours] pas l’eau.

 

 

Sai uban yac ce : « Shin, mi yat tahi yi can, har yanzu bai zo ba ? »

Alors le père dit : « Lui, qu’est-ce qu’il est parti faire là-bas, jusqu’à présent il n’est pas de retour ? »

 

 

Sai yac ce ma guda kuma : « Tahi ka gani abin da ya ke yi, ko ka kawo ruwa, mutanenga su sha. »

Alors il dit à un autre [de ses enfants] : « Va voir ce qu’il est en train de faire et apporte de l’eau pour que ces gens-là boivent. »

 

 

Shi ma aka ce mishi : « Da ka tahi, ka yi gudu, ka tahiyakka. »

À lui également on dit : « Lorsque tu seras parti, tu vas t’enfuir, tu t’en vas. »

3:13

40

Yat tahi, shi ma yay yi zamanshi, bai komo ba.

Il partit, lui également s’en alla de son côté6, il ne revint pas.

 

 

Sai uwat tac ce : « Kai ! yaranga mi suka tahi yi ?

La mère dit : « Kai ! qu’est-ce que ces enfants sont partis faire ?

 

 

Tun daɗewa da aka aike su ɗibar ruwa, har yanzu ba su komo ba ! »

On les a envoyés chercher de l’eau depuis un long moment et jusqu’à présent, ils ne sont pas revenus ! »

 

 

Shi ke nan, sai tat tashi, tac ce : « Bari in tahi, ni da kaina. »

Puis elle se leva et dit : « Attends que j’y aille moi-même. »

 

 

Tat tahi, ita ma daga can, ba ta komo ba.

Elle partit, elle non plus ne revint pas.

3:48

45

Sai sauran uban, shi kaɗai.

Il ne resta plus que le père.

 

 

Shi ke nan, yaj jima yana zaune, bai ga ruwa ba.

Ainsi donc, [le père] resta un bon moment assis, toujours sans voir l’eau.

 

 

Sai yac ce : « Kai, mi wai suke nan ga yi, cikin ɗaki ?

Il dit : « Kai ! Qu’est-ce qu’ils sont en train de faire dans la maison ?

 

 

Tun daɗewa da aka aike su su kawo ruwa, har yanzu ba su koma ba ! »

Depuis le temps qu’on les a envoyés pour chercher de l’eau, ils ne sont pas revenus jusqu’à présent.

 

 

Yac ce : « Bari in tashi, in gani da kaina. »

Il dit : « I1 faut que j’aille moi-même voir. »

4:22

50

Yat tahi, shi ma daga can, yag gudu bai komo ba.

Il partit, lui aussi s’en alla, de là il prit la fuite et il ne revint pas.

 

 

Shi ke nan, kare da bunsuru da zabo sun samu wuri, suka shige cikin gidan kuraye.

Alors le chien, le bouc et la pintade n’avaient rien qui s’opposaient à eux7, ils continuèrent plus loin et entrèrent dans les maisons des hyènes.

 

 

Sun kori kurayen, sun gudu, sun tahiyassu.

Ils chassèrent les hyènes, celles-ci s’enfuirent et s’en allèrent.

 

 

Suka zo suka zauna cikin garin kuraye.

Ils s’installèrent dans le village des hyènes.

 

 

To, sun zo, sun iske, rumbu ukku : rumbun hatsi, da rumbun aya, da rumbun nama.

Bon, ils vinrent, ils trouvèrent trois greniers : un grenier de mil, un grenier de souchets8 et un grenier [plein] de viande.

5:02

55

Shi ke nan, sai kare yac ce shi dai, rumbun nama yake so ;

Bon, le chien dit qu’il voulait le grenier de viande ;

 

 

zabo yac ce shi, rumbun aya yake so ;

la pintade dit qu’elle voulait le grenier de souchets ;

 

 

shi kuma bunsuru yac ce, rumbun hatsi yake so.

quant au bouc, il dit qu’il voulait le grenier de mil.

 

 

Kowa yash shiga rumbunshi.

Chacun entra dans son grenier.

 

 

Suka zo suka yi zamansu, suna ta cin kayansu.

Ils s’installèrent et mangèrent leurs réserves.

5:28

60

Suna nan, suna nan, suna nan, suna nan, suna nan, saida suka yi kwanakki, sai kuraye suka ce :

Ils étaient là, ils étaient là, ils étaient là, ils étaient là, ils étaient là, ils passèrent ainsi plusieurs jours, alors les hyènes dirent :

 

 

« To, yanzu, halan mutanen nan, sun tahi.

« Bien, maintenant, [si on se fie à] leurs habitudes, ils sont partis.

 

 

Mu tahi mu gano gidajemmu. »

Allons-y, allons voir nos maisons. »

 

 

Kuraye suka zo, ba su san ba da suna nan cikin rubuna.

Les hyènes vinrent, elle ne savaient pas qu’ils étaient dans le grenier.

 

 

Kai kare, ka zo ka ci nama, ka ƙoshi, ka hiddo wustiya waje !

Quant à toi, le chien, tu es venu, tu as mangé de la viande, tu es rassasié, tu fais sortir ta queue dehors !

6:07

65

Shi ke nan, kurayen suka zo suna ta dibin gidajensu, suna ta larwai, sai da suka zo inda kare yake, sai ɗan kurayen guda yac ce :

Bon, les hyènes vinrent, elles se mirent à visiter leurs maisons, à effectuer des contrôles, jusqu’à ce qu’elles arrivent là où se trouvait le chien.

 

 

« Ee ! baba diba !… Had da ƴas sanda-sandassu suka baro ! »

L’un des enfants des hyènes dix : « Eh, papa, regarde ! Ils ont même oublié leur petit bâton. »

 

 

Sai aka jayo kare.

Alors on fit sortir le chien en le tirant [par la queue].

 

 

Zabo da bunsuru, koda suka ji haka nan, su, sai suka samu suka hita, suka gudu da ransu.

La pintade et le bouc, dès qu’ils entendirent cela, sortirent, s’enfuirent et sauvèrent leur vie9.

 

 

Aka kama kare, aka yi ta ba shi kashi, aka yi ta ba shi kashi, aka yi ta ba shi kashi !… sai da aka kashe shi.

On saisit le chien, on le roua de coups, on le roua de coups, on le roua de coups !… jusqu’à le tuer.

6:54

70

Shi ke nan, sauran su, sun gudu, sun tahiyassu, sun tsira.

Bon, quant aux autres, ils s’enfuirent, ils s’en allèrent, ils furent sauvés.

 

 

Kurayen suka canye karen, suka zo suka yi zamansu cikin gidajensu.

Alors les hyènes dévorèrent le chien, et elles s’installèrent dans leurs maisons.

 

 

Shi ke nan, ƙanƙaran kan kusu.

Bon, le conte s’arrête là10 !

Fatimane Moussa-Aghali

 


 

Notes:

1  Pour une adaptation en français du conte, cf. Fatimane Moussa-Aghali 2005: 97-101.

2  Synonymes :  « noix tigrée » ou « amande de terre » ; nom scientifique : Cyperus esculentus.

3  Traduction de la formule de début de conte Kun ji kun ji ?… mot à mot : « Avez-vous entendu, avez-vous entendu ?… »

4  « tu  t’en vas » : traduction de ka tahiyakka, mot à mot, « tu pars ton départ ».

5  Interjection marquant, un excès, un avertissement, un refus, etc.

6  « s’en alla de son côté » : traduction de yay yi zamanshi, mot à mot, « il partit, il fit son action de rester ».

7  « n’avaient rien qui s’opposaient à eux » traduction de sun samu wuri « ils eurent de la place ».

8  Voir note 2

9  « s’enfuirent et sauvèrent leur vie » : traduction de suka gudu da ransu, mot à mot « ils fuirent avec leur âme ; ils fuirent étant vivants ».

10  « le conte s’arrête là » : traduction de la formule de fin de conte ƙanƙaran kan kusu ; mot à mot : « petite tête de souris ».