Debbo, gorko mum bee ɓikkon maako / La femme, son mari et ses enfants

 

 

Mots-clés

peul, fulfulde de l’Aadamaawa (Cameroun et États voisins) — oralité, histoire, kiistawol — vieux mari, jugement de Salomon, marabout, mort simulée

Production du corpus

Conteuse:  Saoudatou Yougouda; environ 35 ans. Elle est née à Bogo. Divorcée, elle a des enfants. Elle vit seule dans sa maison. Son père est décédé.

Contexte de production

Wouro Issa (Bogo) 17/02/2012

L’histoire a été enregistrée dans une case, dans la matinée, suite à un rendez-vous pris avec la conteuse.

Descriptif

Une femme a trois enfants. Son mari est un vieux marabout (mallumjo). Le vieux mari ne sort jamais, les enfants s’en vont quémander leur nourriture. Une vieille femme rend visite à la femme. La vieille dit à la femme qu’il y a un jeune homme amoureux d’elle, il ne faut pas qu’elle perde son temps avec le vieux mari. Comment faire ? demande la femme à la vieille. La vieille lui dit de mentir et de prétendre qu’elle a mal à la tête et de faire la morte. Après son enterrement, la vieille la récupérera et elle épousera le jeune homme. Chose dite, chose faite. Le vieux mari déménage dans un autre village. Le village est justement celui où sa femme vit, mariée au jeune homme.

Un jour, un des enfants va quémander de la nourriture chez sa mère mariée au jeune homme. La mère donne pour eux une bonne boule de mil accompagnée de sauce. L’enfant va dire à son père qu’il a vu sa mère. Le père ne le croit pas, il bat l’enfant et lui met une amulette au cou pour le guérir de la folie: comment pourrait-il voir des morts ? Le deuxième enfant subit le même sort. Le troisième convainc le père.

Le vieux mari va chez le roi et explique ce qui se passe. On appelle le jeune homme et sa femme. La femme nie les faits. Le roi demande à tout le monde de revenir le lendemain. Le roi achète des béliers. Tout le monde est là.

Le roi demande d’égorger les enfants, la femme accepte le verdict. On attrape un premier enfant, on l’emmène dans la case, on égorge un bélier à la place de l’enfant. On sort le couteau taché de sang. On attrape le deuxième enfant, pour lui faire subir le même sort, la femme se met à pleurer. Elle reconnaît ses enfants et son vieux mari. La femme relate ce qui s’est passé dès le début.

On demande à la femme de rejoindre son vieux mari et ses enfants, on enferme le jeune homme et la vieille femme en prison pour dix ans.

Collecte et édition

Collecté sous la direction de: Hadidja Konaï

Image et son: Henry Tourneux

Transcription et traduction: Boubakary Abdoulaye et Henry Tourneux

Annotation: Henry Tourneux

 

 

 

 

 

Ɗoo boo, Cette [histoire] ci,
Mhm ! Mhm !
Ii ! Debbo euh ! Une femme
Mhm ! Mhm !
bee ɓiɓɓe maako tato. avec ses trois enfants.
Gorko maako ɗoo, ndottiijo mallumjo, Son mari, c’est un vieux marabout,
Mhm ! Mhm !
ndottiijo mallumjo. un vieux marabout.
Ndottiijo ɗoo wurtataako Le vieux ne sort pas
ndottiijo kam wurtataako sam, ɗon haa nder suudu. le vieux ne sort jamais, il est à l’intérieur de la maison.
Ɓikkon maako ɗoo njaha ndookoyoo nyiiri, Ses enfants vont mendier [leur] nourriture
Mhm ! Mhm !
ngarta. et reviennent.
Kanko man boo, o ɗon defa. Quant à elle [la femme du marabout], elle fait la cuisine.
Yowwaa ! Suy, jonta kam, puldebbo goo Bon ! A ce moment-là, la vieille en question[1]
Mhm ! Mhm !
ɗon haa fattude, ɗon yilloo mo, habite dans le quartier et lui rend visite,
ii ! ɗon yilloo mo, ɗon yilloo mo. euh… lui rend visite, lui rend visite.
Suy, puldebbo goo wara wi’a mo yoo : Puis, la vieille vient lui dire :
« – Kay ! Suka yiɗ ma haa yaasi too, « – Tu n’es pas au courant ? Il y a un jeune gars qui t’aime, dehors,
a ɗon jooɗii bee ndottiijo oo, tu vis avec ce vieux,
Mhm ! Mhm !
ɗaɓɓitit suka na ? mieux vaut chercher le jeune homme, non ?
– Ayyee ? – Ah bon ?
– Ooho ! – Oui !
– E noy ngaɗten ? » – Et comment allons-nous faire ? »
O wii mo : « Aan kam, Elle lui dit : « Toi,
mbi’aa hoore naawi ma ni, dis seulement que tu as mal à la tête,
suy maayaa ! puis tu meurs !
To a maayi ni, Dès que tu seras mort,
Mhm ! Mhm !
to ɓe uwi ma ni, dès qu’on t’aura enterré,
mi yaha mi uftoye, j’irai te déterrer,
mi fiɗɗa mi laɓɓina tal je t’essuierai et je te nettoierai impecca­ble­ment
mi hoora haa am, et je te ramènerai chez moi
suka ɓaŋe ! pour que le jeune homme t’épouse !
Mhm ! Mhm !
– Booɗɗum ! » – Bien ! »
Mhm ! Mhm !
Jam, ɓiira kam, Puis, ɓiira,
ii, gork-, ii ii debbo kam, euh… gork-, euh… euh… la femme,
suy waalii wii hoore ɗon naawa ɗum. se coucha alors et dit qu’elle avait mal à la tête.
Yoo ndottiijo boo haa wuro man ɗoo, Bon ! Le vieux, quant à lui, dans ce village,
Mhm ! Mhm !
walaa mo anndi il ne connaît personne,
sonaa puldebbo garanɗo yilloo goo. sauf la vieille qui vient [leur] rendre visite.
Suy o wii ɓikkon maako goo yoo : Alors, il dit à ses enfants :
« Njehee ƴeewnee puldebbo garanɗo haa daada mon ɗoo « Allez appeler la vieille qui vient chez votre mère
wara jooɗoo bee daada mon. pour qu’elle vienne rester avec votre mère.
Daada mon nyawɗo Votre mère est malade
(Maayi) (est morte[2])
A’’a, maayaay tawon ! Non ! Elle n’est pas encore morte !
Jam, ɓikkon goo njehi mbii yoo : Puis, les enfants sont allés lui dire :
« Ngaree, war nee, daada, daada amin nyawɗo. « Venez[3], viens donc, mère… notre mère est malade.
Baaba amin wii ngaraa. » Notre père te dit de venir. »
Wooɗi ! Wooɗi ! O ɗon jooɗii Bon ! Bon ! Elle est assise.
Jam, o ummii o wari e ndottiijo goo : Puis, elle se leva et se rendit chez le vieux :
« – Kay ! Sey ngaataa fii maa e Alla ! « – Ah ! Il faut que tu remettes tes affaires entre [les mains de] Dieu !
Na timmi ! Timmi ! [Elle] est vraiment morte[4] ! [Elle] est morte !
Sey ngaataa… Il faut que tu remettes…
– Yoo ! No ngaɗanmi ? » – Bon ! Qu’est-ce que je peux [y] faire ? »
Jam, jonta kam, a anndi kanko oon heeddi e debbo. Bon, maintenant, tu[5] sais que c’est elle [la vieille] qui est le plus proche de la femme [morte].
Mhm ! Mhm !
O huuwi debbo kam. Elle fit la toilette mortuaire[6] de la femme.
Kaw, ɓe… ɓe ɓorni ɗum ko ɓe ɓornata ɗum, En toute hâte, on… on… ils l’ont vêtue de ce dont l’on doit vêtir [un mort],
ɓe njehi ɓe uwi ɗum haa gidammutu. ils sont allés l’enterrer au cimetière.
Mhm ! Mhm !
Jam, o jooɗii, Puis, [la vieille] est restée [à la place mortuaire[7]]
waɗi, ɓe ɓe njooɗii jooɗaago maɓɓe. elle a fait…, ils… ils sont restés le temps nécessaire.
Na a yii jemma kam o huucan o waaloya haa suudu maako, Tu[8] vois, la nuit elle [la vieille] rentre dormir chez elle,
o taaroyi bee suka. elle a fait un détour avec le jeune homme.
Ɓe uftoyi debbo, ɓe piɗɗi ɗum, Ils ont déterré la femme et l’ont essuyée
ɓe laɓɓini ɗum tal, ɓe ngiiwii ɗum. ils l’ont complètement nettoyée et l’ont lavée.
Mhm ! Mhm !
Ɓe… o hoori ɗum e suka. Ils… elle l’a ramenée chez le jeune homme.
A faami ? Tu comprends[9] ?
Ɗum ɗon jooɗii. Un peu plus tard
Ii ! Ɓikkon goo, ii, ndottiijo goo eggi wuro goo, euh… les enfants, euh… le vieux quitta le village
(huuci ego) (s’installa ailleurs[10])
hoɗoyi her wuro wonngo feere, et descendit dans un autre village,
Mhm ! Mhm !
acci wuro ngoo kam. il laissa le village [précédent].
Asee, haa ndottiijo hoɗoyi goo, Alors, là où est descendu le vieux,
toon, debbo daada ɓikkon goo, là-bas, la femme [qui est la] mère de ses enfants,
bee… puldebbo yaari ɗum haa suka. avec… la vieille l’emmena chez le jeune homme.
Mhm ! Mhm !
Wooɗi walaa ayibe ! Bien, il n’y a pas de problème !
Ɓikkon ɗon ngiiloo alalaaro. Les enfants se promènent en mendiant.
« Daada, baaba defan na ? » La mère[11]… le père fait-il la cuisine ?
Ɗon ngiiloo, ngaɗa alaaro ngartira nyaama bee daa, Ils se promènent en mendiant et reviennent manger avec leur mè-,
nyaama bee baaba muuɗum’en. manger avec leur père.
Ooho ! C’est ça[12] !
Ɓinngel goo, ngel yehi, ngel wangitii : L’enfant, il est allé, il est réapparu :
« Alaaro ! » « Alaaro[13] ! »
Daada wurtoyake. La mère est sortie.
Ɓiɗɗo ɗon laara daada, L’enfant regarde la mère,
daada ɗon laara ɓinngel. la mère regarde l’enfant.
Jonta kam, nde o faamiti ɗum ɓiyiiko’en goo, Alors, quand elle a bien compris qu’il s’agit de ses enfants,
o rotta dottal manngal, o fiiltina haako. elle prélève[14] un gros morceau de pâte dans la marmite, et met de la sauce tout autour.
Mhm ! Mhm !
To ɓinngel waɗi alaaro na, Dès que l’enfant fait alaaro !,
o hoo’a o hokka ɗum. elle prend ça[15] et le leur donne.
Ɓinngel warti wii : L’enfant est rentré dire :
« Baaba ! Daada am kam ɗon ! » « Papa ! Ma mère est vivante[16] ! »
Baaba nanngi ɓocci ɓinngel, ɓocci ɓinngel, ɓocci ɓinngel Le père a attrapé l’enfant et l’a fouetté, il a fouetté l’enfant, il a fouetté l’enfant.
Suy waɗi layaaru haa daande, Puis, il lui a mis une amulette au cou
Mhm ! Mhm !
wii taa ɓinngel mum waɗa ginnawol. et a dit que c’est pour que son enfant ne devienne pas fou.
Daada maayɗo oon lortotoo na ? Une mère qui est morte, peut-elle revenir ?
Waɗi layaaru haa daande ɓinngel goo. Il a mis une amulette au cou de l’enfant.
Mhm ! Mhm !
Suy, kadboo, ɓinngel piyaangel goo wi’ata Hamma mum yoo : Puis, de nouveau, l’enfant qui avait été fouetté a dit à son grand frère :
« War ndillen ! « Viens, on y va !
Baaba kam fiyi yam meere noon, ɗum daada men. Papa m’a fouetté sans raison, c’est notre mère.
Puldebbo garanɗo haa men oo, La vieille qui vient chez nous,
Mhm ! Mhm !
kanko senndi en bee daada men. c’est elle qui nous a séparés de notre mère.
War ndillen ! » Vien, on y va ! »
Ɓe ndilli : « Alaaro ! » Ils y sont allés : « Alaaro ! »
Daada wurtoyi ɓiira bee dottal fiiltu[17] haako. La mère est sortie, ɓiira, avec une grosse portion de pâte entourée de sauce.
Ɓikkon kam ɗon ndaara. Les enfants regardent.
Ɓinngel goo warti wii baaba : Un [autre] enfant est retourné dire à son père :
« Ɗum daada amin ! » « C’est notre mère ! »
Oon boo, o tokkii o duufi ɗum. Celui-ci aussi, il l’a battu comme plâtre.
Oon boo, o waɗi layaaru haa daande muuɗum. A celui-ci aussi, il lui a mis une amulette au cou.
Ɓe koo’i tataɓel goo boo, ɓe njaari. Ils [les enfants] ont pris le troisième et l’ont emmené.
Mhm ! Mhm !
« Alaaro ! » « Alaaro ! »
Dottal fiiltu haako o wari o hokki. Une portion de pâte entourée de sauce, elle est venue la leur donner.
Mhm ! Mhm !
Ɓinngel gaajiyel goo wari wii baaba : Le cadet en question est allé dire à son père :
« To a fiyan min, « Tu peux nous frapper,
to a waran min, tu peux nous tuer,
to a accan fuu, ɗuum daada amin ! tu peux aussi nous laisser, ça, c’est notre mère !
Mhm ! Mhm !
War ndillen ! Viens, on y va !
Bee hoore maa ndaaraa ! » C’est par toi-même que tu le constateras ! »
Ɓe koo’i baaba, Ils ont pris leur père
ɓe njehi : « Alaaro ! » et sont allés : « Alaaro ! »
Daada lukkitoyɗaa ngurtiiɗaa kap ! kap ! La mère, tu t’es habillée avec élégance et tu es sortie kap[18] ! kap !
ɓiira, dottal fiiltu haako, ɓiira, la portion de pâte entourée de sauce,
ngarɗaa ngaylitiiɗaa a yi’aay baaba, tu es venue, tu es retournée sans voir le père,
A yi’aay ɓiɓɓe ! sans voir les enfants !
Ngaylitiiɗaa ma e lukkitooɗaa njaahaa njooɗoyɗaa ! Tu t’en es retournée élégamment et tu es allée t’asseoir[19] !
Ndottiijo warti. Le vieux est retourné [chez lui].
Ko huuwata ? Que faire ?
Sey waɗgo e laamɗo. Il n’y a qu’à porter [l’affaire] chez le chef.
(Rire) (Rire)
O wii laamɗo : Il dit au chef :
« – Miin kam, ndaa, ndaa, ndaa, ndaa, ndaa haala ! « – Moi, voici, voici, voici, voici, voici[20] l’affaire !
– Ayyee ? – Ah bon ?
– Ooho ! – Oui !
– Walaa ayibe ! » – Ce n’est pas grave ! »
Ɓe ɗaɓɓotoyi suka bee debbo. Ils sont allés chercher le jeune homme et la femme.
Debbo wari wii : La femme est venue et a dit :
« – A’’a ! Ndeen kam, « – Comment ! Pourtant,
yimɓe na ɗon nannda, Barka maa ! il y a des gens qui se ressemblent, Majesté !
Mhm ! Mhm ! Mhm ! Mhm !
Miin na, mi anndaa mo fuu ! Moi, je ne le connais absolument pas !
– Ɓikkon, ɗuum moy ? – Les enfants, c’est qui ? [demande le chef].
– Ɗuum daada amin. – C’est notre mère !
– E aan debbo, ɗum ɓikkon maa ? » – Et toi, femme, ce sont tes enfants ? »
O wii : « – Kay ! Mi danyaay ɓe. Elle dit : «– Pas du tout ! Je ne les ai pas mis au monde.
Mi anndaa ɓe fuu. Je ne les connais absolument pas.
Miin, mi anndaa ɓe. Moi, je ne les connais pas.
Mi meeɗaay yiigo ndotti. Je n’ai jamais vu le vieux.
Miin, wuro ngoo zaata ma, Moi, ce village-là même,
mi anndaa ngo, miin. je ne le connais pas, moi.
Mhm ! Mhm !
– E, aan suka, ɗum debbo maa na ? » – Et toi, jeune homme, c’est ta femme ? »
O wii : « – Ɗuum debbo am, ɗuum ɓii daada am ! Il dit : « – C’est ma femme, c’est la fille de ma mère[21] !
– Ayyee ? – Ah bon ?
– Ooho ! – Oui !
– E aan, ndottiijo, ɗuum moy maa ? » – Et toi, le vieux, elle est qui pour toi ? »
O wii : « – Ɗum debbo am, Il dit : « C’est ma femme,
miin hoowi mo. c’est moi qui ai été son premier mari.
Mi mawɗo ninnoon koowmoomi. J’étais déjà vieux comme ça quand je suis devenu son mari.
Min keɓi ɓikkon koon Nous avons eu ces enfants.
– A’’aa ! Mi anndaa ma. – Mais non ! Je ne le connais pas [dit la femme].
– E jonta kam, noy kiita wa’i ? – Et maintenant, quel est le jugement ? [demande le chef].
Too, bisimilla ! Bon, bisimilla !
Njehee, janngo lorooɗon ! » Allez, vous reviendrez demain ! »
Mhm ! Mhm !
Ɓe kuuci. Ils sont rentrés.
Laamɗo soodi jawɗi maapinndiiji, maapinndiiji tati, Le chef a acheté des très gros béliers, trois très gros béliers,
haɓɓi haa cuuɗi feere nii, maɓɓi. il les a attachés dans des cases différentes et les a enfermés.
Mhm ! Mhm !
Ndottiijo ɗon jooɗii bee… bee ɓikkon mum taton. Le vieux est assis avec… avec ses trois enfants.
Mhm ! Mhm ! Mhm ! Mhm !
Ii ! Debbo ɗon jooɗii bee gorko mum. Euh… La femme est assise avec son mari.
Ɓe ɗaɓɓitoyi puldebbo goo boo, wari ɗon jooɗii. Ils sont allés chercher la vieille femme également, elle est venue et est assise.
A faami ? Tu comprends[22] ?
Jam, ɓiira, saraakiijo laamɗo wurtii Puis, ɓiira, le notable du chef est sorti.
« E aan kam debbo ? « Et toi, la femme ?
Fakat, naa ɗum ɓikkon maa kam na ? » Vraiment, ce ne sont pas tes enfants ? »
O wii : « – Ooho ! Elle dit : « – Non !
– E to mi wari ɓe ɓe pat maɓɓe – Et si je les tue tous,
Mi ta’ani on kiita na ɓuran ? » et que je vous tranche le jugement, n’est-ce pas mieux ? »
O wii : « Wallaahi ! War ɓe ɓe pat maɓɓe. Elle dit : « Par Dieu ! Tue-les tous.
Kiita ta’a ! Que le jugement se tranche !
– E aan ndottiijo, – Et toi, le vieux,
to mi wari ɓikkon maa ɗoo, si je tue tes enfants,
a nuɗɗinan na ? » tu vas reconnaître que c’est juste ? »
O wii : « – Mi nuɗɗinan. Il dit : « – Je vais le reconnaître.
Mhm ! Mhm !
– Too ! wooɗi, walaa ayibe ! » – Bien, pas de problème ! »
Ɓiira, o nanngi ɓinngel kam. Ɓiira, il [le notable] attrapa un enfant.
Ɓinngel ɗon fooɗoo, ɗon wooka, ɗon fooɗoo. L’enfant résiste, il crie, il résiste.
Ɓiira, o naastini ɗum haa suudu goo Ɓiira, il le fait entrer dans la case
O wii ɗum : « Maɓɓu hunnduko maa kip ! et il lui dit : « Arrête de crier[23] !
Ndaa jooɗaa haa ɗoo… Tiens ! Assieds-toi là…
Mhm ! Mhm !
(haa min keɓtanee daada maa) (pour que nous te retrouvions ta mère[24])
Ooho ! Haa min keɓtana on daada mon. Oui ! Pour que nous vous retrouvions votre mère.
Ndaa jooɗaa ɗoo. » Tiens ! Assieds-toi là. »
Ɓiira, o nanngi njawdi goo, o wallini, ɓiira, o hirsi. Ɓiira, il saisit le bélier il le coucha [par terre], ɓiira, et il l’égorgea.
Ɓiira, laɓi ɗon siimta ƴiiƴam, ɓiira o wurtoyii, Ɓiira, le couteau dégouline de sans, ɓiira, il est sorti,
o nanngi gootel boo. et en a pris un autre.
Haa o nanngi gootel goo noon, Dès qu’il a pris l’autre,
ɓiira, debbo, ɓiira : « Wayyam hey ! ɓiira, la femme, ɓiira : « Oh mon Dieu[25] !
Ɗalanam, ɗum ɓikkon am ! Laisse-les-moi, ce sont mes enfants !
Wayyam hey ! Ɗum ɓikkon am ! Oh mon Dieu ! Ce sont mes enfants !
Mi tuubi ! Je demande pardon !
Wayyam hey ! Ɗum ɓikkon am ! Oh mon Dieu ! Ce sont mes enfants !
Ɓii waɗɗereejo ! Saleté de femme[26] !
Wayyam hey ! Ɗum gorko am ! Oh mon Dieu ! C’est mon mari !
Ɗum baaba ɓikkon am ! C’est le père de mes enfants !
Accanee yam ɗiɗon koon kam ! Laissez-moi ces deux-là !
Wayyam hey ! Accanam kon ! » O mon Dieu ! Laissez-les-moi ! »
Ɓe mbii mo yoo : « Ɓiira haa tokkanooɗaa suka, Ilslui dirent : « Ɓiira, tu veux suivre un jeune homme,
cenndiraa bee ɓikkon maaɗa, et tu te sépares de tes enfants,
naa ɗum ɓikkon maa ! » ce ne sont [donc] pas tes enfants ! »
Ɓiira, o fooɗa, gorko ɗoo fooɗa. Ɓiira, elle tire, l’homme [notable] tire [de son côté].
O fooɗa, gorko ɗoo fooɗa. Elle tire, l’homme tire.
Ɓiira, o naasti nder suudu goo, Ɓiira, il est entré dans la case,
o wii ɓinngel goo boo : « Jeeɗa ! » et a dit à l’enfant : « Tais-toi ! »
Ɓinngel goo jeeɗii ! L’enfant s’est tu !
Ɓiira o hirsi… Ɓiira, il a égorgé…
(mbaala goo) (un mouton[27])
mbaala kadboo ! un mouton à nouveau !
Mhm ! Mhm !
Ɓiira, o wurtodii kam. Ɓiira, il est sorti avec [le couteau].
Ɓiira kam, ɓiira, debbo kam, Ɓiira, ɓiira, la femme,
ɓiira, wari harlii ɓinngel ɗoo, ɗon fooɗa… ɓiira, est venue enlacer l’enfant, et elle tire…
(luttungel goo) (celui qui reste)
Ooho ! Luttungel goo. Oui ! Celui qui reste.
« Wayyam hey ! Mi laari bone am ! « Oh mon Dieu ! Un malheur m’est arrivé !
Wallaahi boo ɗum ɓinngel am ! » Je le jure, c’est mon enfant ! »
Jam, laamɗo itti telɓaango jo’’ini. Puis, le chef a poussé un cri puissant[28].
Jam, o de’’iti. Puis, elle s’est calmée.
O wii mo : « – Ɗum ɓikkon maa ? Il lui dit : « – Ce sont tes enfants ?
– Ooho ! » – Oui ! »
O wii mo : « – E to tawɗaa suka ? Il lui dit : « – Et où as-tu trouvé [ce] jeune homme ?
– Ndaa puldebbo mo Alla naali, – C’est cette vieille femme que Dieu a maudite,
(Rire) (Rire)
mo Alla itti barka, à qui Dieu a retiré sa grâce.
wari wi’immi sey mi maaya Elle est venue me dire de mourir
haa hawtammi bee suka oo. pour qu’elle m’unisse à ce jeune homme.
Hawtimmi, maaymi. Elle m’a unie et je suis morte.
Ɓe… o… o feewnimmi On, elle, elle a fait ma toilette mortuaire.
ɓe njehi ɓe uwimmi. On est allé m’enterrer.
O iirtimmi, o fiɗɗimmi, o yiiwimmi. Elle m’a déterrée, elle m’a essuyée, elle m’a lavé.
O yehi o yaari yam haa suudu suka. Elle m’a emmenée dans la case du jeune homme.
Jonta cenndirmi bee ɓikkon am ! Maintenant, je suis séparée de mes enfants !
– Too, hooƴ ɓikkon maa. – Bon, prends tes enfants !
Ndaa ɓikkon maa kam, walaa ko waɗi ɗum. Voici tes enfants, il ne leur est rien arrivé.
Hooƴ ɓikkon maa, Prends tes enfants,
tokka gorko maa huucu ! » suis ton mari et rentre à la maison ! »
Suka boo, ɓe… ɓe naastini ɗum danngay duuɓi sappo Le jeune homme, on, on l’a mis en prison pour dix ans
bee puldebbo goo fuu. en même temps que la vieille.
Takala mulus ! Takala mulus !
(Rires) (Rire)

Corpus inédit, © Copyright Henry Tourneux

 


 

Notes:

[1] En fait, « la vieille en question » n’est pas encore apparue dans le récit. On comprendra un peu plus loin de qui il s’agit.

[2] Une personne de l’assistance souffle à la conteuse que la femme est morte, mais la conteuse la contredit et poursuit son récit.

[3] Erreur de la conteuse. Elle rectifie aussitôt en employant un impératif singulier.

[4] La conteuse utilise ici le verbe timmugo « finir », qui est un euphémisme pour « mourir ».

[5] La conteuse s’adresse directement à une personne de l’auditoire pour lui expliquer la situation. La vieille est la seule femme qui reste, c’est donc à elle que revient de faire la toilette funèbre de la fausse morte.

[6] Litt. : « elle travailla ».

[7] Après l’enterrement, on reste à la maison du défunt pour recevoir les personnes qui viendront présenter leurs condoléances.

[8] Un fois de plus, la conteuse s’adresse à une personne de l’auditoire.

[9] Idem. Voir note précédente.

[10] Quelqu’un de l’auditoire souffle la suite à la conteuse.

[11] Erreur de la conteuse, qui se reprend. Elle pose une question rhétorique, pour dire que les enfants, en l’absence de leur mère, en sont réduits à la mendicité car leur père ne peut pas faire la cuisine : ce n’est pas dans les attributions de l’homme.

[12] Intervention de quelqu’un dans l’auditoire.

[13] Cri que pousse l’élève de l’école coranique quand il mendie.

[14] Avec un morceau de calebasse taillé spécialement pour ça, la femme prélève dans la marmite à « boule » une grosse portion de pâte et la dispose sur un plateau. Elle verse ensuite autour la sauce dans laquelle les enfants tremperont leurs bouchées.

[15] La mère prend le plateau de nourriture qu’elle a préparé et le remet à l’enfant.

[16] Litt. : « est là ».

[17] Forme réduite pour : bee dottal ngal fiiltu haako.

[18]. Idéophone.

[19] La conteuse s’adresse directement à son personnage. Elle lui reproche de continuer à se comporter comme si de rien n’était, sans même chercher à savoir où résident ses enfants, bien qu’elle les nourrisse.

[20] En répétant « voici », la conteuse résume toutes les péripéties de l’histoire et se dispense de les répéter.

[21] C’est-à-dire : « C’est ma sœur utérine ». Le jeune homme ne veut pas dire que sa femme est vraiment sa sœur, mais il signifie la proximité affective qu’il entretient avec elle depuis très longtemps.

[22] Question de la conteuse à une personne de l’auditoire.

[23] Litt. : « Ferme te bouche complètement ! »

[24] Une personne de l’auditoire aide la conteuse à compléter sa phrase.

[25] Le nom de Dieu ne figure pas dans l’exclamation en langue originale. Elle exprime une grande détresse.

[26] La conteuse insulte le personnage de la mère infidèle. Littéralement, elle lui dit « Fille de merde ! »

[27] Une personne de l’auditoire souffle la suite à la conteuse qui a eu une hésitation.

[28] Litt. : « Il a enlevé un cri puissant et l’a déposé ».