Fín mí kósɔn súrugu yé síran kànganan nyέn / Pourquoi Hyène a peur de Varan d’eau

 

Mots-clés

mandingue, dioula, Kong, Côte d’Ivoire — oralité, conte, kúman, tàlen — hyène, varan d’eau ; lutte entre animaux

Production du corpus

ConteurBarro Babouakari, 50 ans. Maître d’école coranique à Kong.

Contexte de production

Date et lieu d’enregistrement:

Novembre 2011, Kong (Côte d’Ivoire).

Contexte:

La performance est sollicitée et se déroule en situation quasi habituelle. Le conteur est informé une dizaine de jours avant les enregistrements. Le public, les assistants ou les intervenants sont assis à attendre leur tour de contage. Les enfants qui font partie du public sont éloignés afin de ne pas perturber les enregistrements.

Descriptif

Quand Hyène arrive au bord de l’eau, il1 s’en asperge. Le conteur explique qu’« il agit ainsi à cause de Varan d’eau ».

En effet, des animaux se sont battus ; Varan d’eau les a terrassés tous ; il ne reste qu’Hyène. Celui-ci demande à Varan d’eau s’il croit pouvoir se mesurer à lui. La lutte commence. En présence de tous les animaux, Varan d’eau terrasse Hyène et plonge dans l’eau. Le conteur conclut : « C’est la raison pour laquelle, jusqu’à aujourd’hui, Hyène agit ainsi en s’approchant de l’eau ».

Ce conte a une structure inhabituelle: dès le début, le conteur énonce la raison d’un comportement étonnant. Par la suite et sous forme de rétrospective, il explique les facteurs qui aboutissent au résultat constaté.

 

 

 

 

 

 

 

2. Fín mí kósɔn súrugu yé síran kànganan nyέn     2. Pourquoi Hyène a peur de Varan d’eau

 

 

Ń tá yé ń tá yé,

Voilà mon conte. Voilà mon conte.

É ká à yé súrugu ká sé jié dára é bára ká jíε kἑ :

Tu vois ! Quand Hyène arrive au bord de l’eau, il commence par toucher l’eau puis, il s’en asperge :

Pácapaca.

Floc, floc !

Mí súrugu ká sé jié dára é jié kἑ :

Une fois au bord de l’eau, Hyène s’asperge d’eau : il s’en asperge abondamment.

Cágacagacaga Cágacagacaga !

Floc, floc, floc !

Kɔ́rɔ lé túgun bἑ à rá, kánganan lé kósɔn. Lá dɔ́ ári ká sògori bɔ́ kó ári yé bóndori kἑ. Ní mí ká mí bɛ̀n ò yé ò kἑ :

Et il fait ça uniquement à cause de Varan d’eau. Un jour, les animaux se rassemblèrent pour se battre. Lorsque l’un des animaux en terrassait un autre, il le faisait dans un vacarme assourdissant.

Bírinw !

Boum !

Káganan ní ári bíyε ká bóndori kἑ kélen kélen ári sí mán sé à rá. À nànan tó súrugu, ko :

Varan d’eau se battit contre tous les animaux, les uns après les autres. Et aucun d’entre eux ne réussit à le vaincre. Si bien qu’à la fin il ne restait que’Hyène. Varan d’eau lui dit alors :

─ Súrugu yá nàn.

─ Allez Hyène, approche-toi !

Súrugu ká tó :

Hyène lui répondit avec mépris :

─ Curuuw, ɔ̀hɔh ! Ń bóndori kἑ nyɔ̀ngɔn dɔ́ lé bἑ éle yé wá ?

─ Hehehe, hahaha ! Mais tu crois vraiment que tu peux rivaliser avec moi ?

Ári fínginnan à ní kánganan ká nɔ́rɔ nyɔ̀ngɔn nàn, à ká à kúwonin kἑ ká súrugu mínimini ká à bíla cἑ rá ká à sɔ̀nni já ká tága à sɔ̀nni dòn súrugu bòda rá. Súrugu kó :

Et la lutte commença. Hyène et Varan s’empoignèrent. Varan manœuvra avec sa petite queue pour pouvoir l’enrouler autour de Hyène et il réussit à l’immobiliser avec sa queue. Il sortit ensuite ses griffes et les enfonça dans les fesses d’Hyène. Hyène se mit alors à crier :

─ À bἑ ń sɔ̀gɔra ! À bἑ ń sɔ̀gɔra ! À bἑ ń léngelengenira ! À bἑ ń léngelengenira !

─ Mais tu me piques ! Tu me piques ! Mais, tu me chatouilles, tu me chatouilles !

Ká tága bἑn tá wóngow. Ári kó :

Il s’effondra alors sur le sol avec fracas. Les autres animaux se mirent à crier :

─ À ká à bὲn, à ká à bὲn.

─ Il l’a vaincue ! Il l’a vaincue !

Kángana ká pábawu ká tága bíla jié rá, óle kósɔn ní súrugu ká à fɔ́ é tága jié mí dúga rá àli bí ní à ká sé jié dá rá é bára ká jié kἑ :

Varan d’eau plongea alors à toute allure dans l’eau. C’est la raison pour laquelle, jusqu’à aujourd’hui, lorsqu’Hyène s’approche de l’eau et se prépare à boire, il s’en asperge d’abord à toute vitesse:

Ságasagasagasaga.

Plouf, plouf !

Ní kánganan tἑ yí ní à mán mágankan míεn sísan é sɔ̀rɔ ká jíe mí ká tága. Àle jɔ̀nan kánganan rá. Òle kósɔn kó mɔ̀gɔ dɔ́ ká nàn jɔ̀n dɔ́ lé rá.

Il s’assure ainsi que Varan d’eau ne passe pas par là. Une fois que tout est calme, elle boit et puis s’en va. Autrefois, il ne prêtait pas plus d’attention que cela à Varan d’eau. Et personne ne devrait négliger quiconque.

Tàlen ń kí tá dúga mína ń kí bíla.

Conte, je te laisse là où je t’ai pris.

Barro Babouakari 50. Kong, novembre 2011.

Barro Babouakari, 50 ans. Kong, novembre 2011.

Corpus inédit, © Copyright Awa Traoré

 


 

Notes:

1  Súrugu « hyène » en dioula est un zoonyme mâle. Les substantifs n’ayant pas en dioula de genre grammaticalement marqué, le mot súrugu peut aussi bien désigner indifféremment un référent masculin ou féminin. Dans les contes, il revoie toujours a priori au mâle et quand on veut spécifier un référent féminin, on parle toujours de la femme de Hyène (Súrugu mùso).