Hemmu Unamir et Tanirt

 

Mots-clés

Berbère, tachelhit, chleuh – poésie ; Aajmi, graphie arabe – poésie religieuse, légende pieuse, poésie populaire

Édition scientifique du texte

Édition scientifique du texte par Si Othman Ben Bachir et Si Brahim (recueil et annotation)– Texte collecté en XXème siècle, Région de Souss (Maroc), et intégrés au volume Textes en tachelhit. Poésies populaires berbères en tachelhit (v. e-Médiatheque – SHS).

Référence du corpus

Textes en tachelhit. Poésies populaires berbères en tachelhit, Archives d’Arsène Roux, Médiathèque MMSH (Aix-en-Provence), Cote : FR_MMSH_IREMAM_AR_ARC_028_01_05_02 .

Traduction des extraits

Daoud Knioui et Sabrina Mazigh.

Résumé du texte

Hemmou Unamir est un jeune garçon élevé dans le giron familial. Depuis son plus jeune âge, Il a été inscrit dans une école coranique pour y acquérir une éducation purement religieuse. Un jour, sa beauté physique attire l’attention d’une entité céleste : nommée « Tanirt », décrite comme un ange ou une fée, qui lui applique secrètement du henné à la main pendant son sommeil la nuit. En découvrant le tatouage du henné le lendemain, son éducateur (le Taleb) le punit puisqu’il considère que cet acte est contraire à la dignité masculine. Sous l’égide du Taleb, Hemmou capture Tanirt qui, face à cette situation, accepte de l’épouser sous condition que Hemmou lui construise une demeure impénétrable. Un jour, l’intrusion de la mère d’Unamir dans ce lieu intime précipite le départ de Tanirt pour regagner les cieux. Hemmou entreprend alors, pendant de longues années, un voyage difficile pour la retrouver.  Un voyage qui exige de lui des sacrifices, y compris celui de son propre corps.

Arrivé au septième ciel, il est confronté à une ultime condition pour rester auprès de son épouse. A ce moment,  uni à son amoureuse surnaturelle, il reçoit d’elle une mise en garde : ne jamais ouvrir une porte menant au monde terrestre, sous peine de les séparer à jamais. Malgré cet avertissement, Hemmou, poussé par la curiosité, observe un jour la vie terrestre à travers l’interdit. Il y voit sa mère engagée dans des rituels familiaux, tandis que son défunt père est évoqué dans le contexte du sacrifice. Ne pouvant résister à l’appel de ses racines, Unamir transgresse la règle et effectue le sacrifice rituel du mouton. Cet acte de piété et de respect envers les traditions lui vaut la bénédiction de ses parents et enfin son retour à ses origines.

Descriptif

Hemmou U-Namir et Tanirt est un manuscrit qui fait partie la collection Poésies populaires berbères en tachelhit recueillies et annotées par Si Othman Ben Bachir et Si Brahim. Ce manuscrit berbère, inspiré du chant « Histoire de Hammou Unamir », se présente sous forme de texte versifié en berbère avec une calligraphie arabe. Il s’agit d’un long poème qui appartient à la catégorie des poèmes populaires berbères et qui se compose de dix-sept feuillets dont le premier feuillet est rédigé en langue et calligraphie arabes. Il est copié dans dix-neuf folios qui mesurent 200mm x 150mm. Le poème est composé de quatre-vingt-dix-sept (97) vers, écrits en calligraphie maghribî mabsout et caractérisée par ses tracés soignés et réguliers. L’écriture est tracée en utilisant deux encres : une encre noire pour l’écriture et une encre rouge de stylo pour les signes vocaliques (harakät Al-Tachkil). L’auteur a également eu recours à des lettres adaptées (des signes diacritiques) dans le processus de rédaction du texte.

L’absence de colophon dans ce manuscrit limite l’accès à des informations détaillées telles que l’identité du copiste ou la date exacte de réalisation, ce qui complique la détermination précise de la période de rédaction. Toutefois, la datation du manuscrit est absente. Selon quelques témoignages, ce manuscrit aurait été rédigé à l’époque moderne : « Concernant le mythe de Hammou Unamir, il n’a pas été, à mon sens, mis en écrit jusqu’à l’époque moderne et intègre ainsi l’évolution de l’écriture et les domaines qu’elle couvrent suite aux transformations survenues après les pressions européennes. Il est transmis oralement en prose ou en vers ; il est certes célèbre mais il est difficile de se prononcer, faute d’études de terrain poussés et l’analyse de ses séquences narratives avec les pratiques sociales, sur les raisons de sa diffusion élargie et son importance » (Aboulkacem, El Khatir, 2020).

Le récit ounamirien constitue une adaptation berbère qui résulte de la fusion entre des mythes d’Orphée et d’Œdipe. Ce récit ne se limite pas à être une simple histoire fictive inspirée d’événements réels mais il s’élève au statut de mythe avec une résonance importante au sein de la culture berbère (amazighe). Plutôt que de se limiter à la narration des épreuves d’un héros mythique amoureux qui se sépare de sa mère pour poursuivre un ange, il détient une portée symbolique qui expose des valeurs culturelles et identitaires considérables pour la communauté berbère du Maroc. L’histoire d’Unamir et Tanirt possède environ vingt versions différentes au sein de la tradition orale. Elle se trouve répartie à travers diverses régions du Maroc, en particulier dans la région de Tata, et plus précisément dans le village de Tagoujgalt, également nommé le « Royaume d’Ounamir ». Elle est également présente dans d’autres pays maghrébins, tels que l’Algérie et la Tunisie.

Bibliographie

      • NERCI, Najate, 2009, « Le Mythe d’Ounamir », In : Asinag, 3, Rabat, p. 169-194.
      • ABOULKACEM, El Khatir, 2020, Entretien enregistré et retranscrit.

 


 

Fac-similé 1

Hemmou U-Namir et Tanirt, Feuillet n° 1,

[in] Poésies populaires berbères en tachelhit

 

 

 


 

Fac-similé 2

Hemmou U-Namir et Tanirt, Feuillet n° 2,

[in] Poésies populaires berbères en tachelhit

Début du texte

 

 

 


 

Feuillet 2 – Translittération et traduction

 

 

 

Translittération

Traduction

 

Bismi llāhi arraḥmāni arraḥīm

Au nom d’Allah, le clément et le miséricordieux

 

Ḥammu n unamir

« Hmmou N Unamir »

 

Almuḥibbt niḫṣ mqurn ur ttbalant

L’amour du grand os s’use

 

Almuḥibbt zndṭiṭ llʿin attgālant

L’amour est tel une source d’eau

5

Assannd ur tjarat uggug idrasnd waman

Le jour où tu ne surveilles pas le barrage, l’eau diminue.

 

ʿawd ayyimi tbdrd ag tilli zrinin

Ô ma bouche, raconte les aventures passées.

 

Iwadur tḫyyirt, ġwawal kullu addbiynn

Improvise et tout va s’élucider.

 

Gayt iwawal mklli kul gan ardifuġ

N’altérez pas les propos, laissez-les naturellement sortir tels qu’ils sont.

 

Mskin attasa ittḥnnan tagā yins ugann

Pauvre foie qui s’attendrit, tu leur fus comme celle de

10

Tin ḥammu nunamir ibrrann ġlwalidīn nnus

L’ingrat Hammou N Ounamir qui avait délaissé ses parents

 

Ittabʿa anṣḥāb nnus slḫaṭr ʾizug fllās

Pour suivre volontairement son amoureuse (ange)  et s’émigrer.

 

Iġfli signwan ġlin ids iġigz akal

S’il a monté au septième ciel, il l’y a accompagnée; s’il est descendu sur terre

 

 


 

Fac-similé 3

Hemmou U-Namir et Tanirt, Feuillet n° 16,

[in] Poésies populaires berbères en tachelhit

Avant-dernier feuillet

 

 

 


 

Avant-dernier feuillet – Translittération et traduction

 

 

 

Translittération

Translittération

 

Lfayda tiwitalli ḥammu ġdntta tdd sas

Le bénéfice fut tiré par elle ; quant à Hammou, il fut enfermé.

 

Tamḍas afus ayynk zund lwaldin nns

Elle lui tint la main pour qu’il se mît debout comme ses parents.

 

Aras tagṭwajn llġlm duwdi d watay

Elle lui servait des tajines d’agneau, du beurre rance et du thé : 

 

Yān lbab irẓm sddu nra ibʿdd rgisnt

Ne t’approche pas de cette porte ouverte sur la vie

5

Lbabadd a ḥmmu iġttr ẓmmt allayhnnik

Si tu l’ouvres, Hammou, on se séparera à jamais

 

Yan wass nnan lʿolama iɡa ass ljumuʿ

Un jour, les savants disaient qu’il était précisément un vendredi,

 

Iɡa lʿidadd mqqurn kiwah yiwirrja srs

Le jour sacré sur lequel chacun compte pour répondre à ses attentes,

 

Immas ġatklla babas mskīn iɡɡiz akal

Sa mère passait le grand jour à l’extérieur ; son père, le pauvre, fut enterré.

 

Tumẓ aḥul mayṣn iqrṣn albari blakiy

Elle saisit un mouton. Que Dieu seul l’égorgerait.

10

Yaggad unamir ari tmnid kiɡan dawal

Unamir épia, de la porte interdite, ce monde étrange 

 

Iḍraḍ fuḥuli iġra ṣas yazut iʿdlt akko

D’un seul coup, il descendit, saigna le mouton, l’écorcha et accomplit la tâche jusqu’au bout.

 

Yawirrḍa llwalidayn sul ijjnjm awal

Il reçut alors la bénédiction de ses parents ; il fut sauvé.

 

 


 

Fac-similé 4

Hemmou U-Namir et Tanirt, Feuillet n° 16,

[in] Poésies populaires berbères en tachelhit

Dernier feuillet

 

 

 


 

Dernier feuillet – Translittération et traduction

 

 

 

Translittération

Translittération

 

Samḥ inniḍim amulana iġizu yd awal

Pardonnez le poète s’il s’est trompé en ajoutant des propos.

 

Ikmml uṣṭa yantn ibn yiwi rjlt nns

L’histoire est finie. Le tissage est achevé et celui qui coupe cette action aurait le courage.

 

Recueil de contes bwa du Mali. Parents et enfants, quelle histoire !

 

Recueil de contes bwa du Mali.
Parents et enfants, quelle histoire !

 

 

Mots clés

bomu, Mali, Burkina Faso – oralité, textes narratifs, contes – parentalité, enfants, Bwa (Mali)

Éditeurs scientifiques

Cécile Leguy, Pierre Diarra, Zufo Alexis Dembélé et Joseph Tanden Diarra

Production du corpus

Ce volume rassemble des contes de cinq conteurs, dont les trois premiers sont musiciens-conteurs qui s’accompagnent d’un cordophone (harpe-luth) et chantent en contant : Douba Diarra ; Macirè Paul Coulibaly ; Da’a Coulibaly ; Tan’ian Dembélé ; Alexandre Coulibaly.

Édition du corpus

Collecte

Contes enregistrés dans les villages des conteurs par les animateurs de Radio Parana entre 1994 et 2010.

Transcription

Les transcriptions ont été assurées par Alexis Dembélé et Joseph Tanden Diarra, revues et corrigées par Cécile Leguy et Pierre Diarra.

Traduction

À partir d’une première traduction proposée par Alexis Dembélé et Joseph Tanden Diarra, la traduction finale a été élaborée par Cécile Leguy et Pierre Diarra, d’après une traduction mot-à-mot (accessible sur l’archive Pangloss).

Référence de l’ouvrage

Cécile Leguy, Pierre Diarra, Zufo Alexis Dembélé et Joseph Tanden Diarra (traducteurs et éditeurs), 2023, Recueil de contes bwa du Mali. Parents et enfants, quelle histoire ! Paris, Karthala, 244 p. (ISBN : 978-2-38409-109-6).

 

Présentation

Les contes rassemblés dans ce recueil bilingue ont tous été enregistrés entre 1994 et 2010 par les animateurs de Radio Parana, dans la région de San au Mali. Ces quinze histoires proviennent d’une recherche collective sur les dynamiques parentales en milieu rural. Elles concernent donc les relations entre enfants et parents.

On y rencontre des mères possessives et des pères jaloux, des parents déficients et d’autres plus attentionnés. Une constante semble se dégager à la lecture de cet ensemble : si les relations entre parents et enfants ne sont pas toujours paisibles, les difficultés sont le plus souvent imputables aux adultes eux-mêmes, qu’ils gâtent excessivement les enfants ou qu’ils les martyrisent.

En introduction sont présentés les archives radiophoniques concernées, les conteurs et conteuses intervenant à la radio, puis la thématique des relations entre parents et enfants telles qu’elles sont envisagées à partir d’un corpus de trente-neuf contes. Le recueil lui-même, rassemblant un choix de quinze récits, est classé par conteurs, au nombre de cinq, dont trois sont des musiciens-conteurs chantant leurs histoires en s’accompagnant d’un cordophone. Chaque conteur a un style propre et le répertoire choisi de chacun fait l’objet d’une petite introduction. Les contes sont présentés en miroir, le texte transcrit en bomu figurant à gauche et la traduction française à droite. L’unité de souffle a été retenue pour passer d’une ligne à l’autre, celle-ci étant la plupart du temps marquée par l’intervention d’un répondant. Quand ce dernier fait plus qu’acquiescer, ses propos ont été notés. L’enregistrement de chaque conte est disponible sur la plateforme Pangloss, accompagné du texte et de sa traduction mot-à-mot

(https://pangloss.cnrs.fr/corpus/Boomu?mode=pro).

Parmi les quinze contes retenus, on trouve une version très imagée du conte de « L’Enfant terrible », des récits dramatiques concernant des orphelin(e)s maltraité(e)s ou des enfants trop gâtés, une « Fille séquestrée » par ses parents qui veulent la garder pour eux, une « Fille difficile » obligée par les siens à épouser un lépreux, une version épique du conte des « Enfants chez l’ogre[sse] » ou encore des enfants né d’un rônier renvoyés à leur origine non-humaine parce que leur mère n’a pas su garder le secret de leur conception.

Bibliographie

Leguy Cécile, 2001, Le proverbe chez les Bwa du Mali. Parole africaine en situation d’énonciation, Paris, Karthala, 323 p.

Leguy Cécile, 2019, Façonner la parole en Afrique de l’Ouest, Londres/Singapour, Balestier Press (collection Hearing Others’ Voices/Entendre la Voix des Autres, dirigée par Ruth Finnegan), 132 p.

Leguy Cécile (dir.), 2019, L’expression de la parentalité dans les arts de la parole en Afrique, Paris, Karthala, 250 p.

 

 


 

Masira, l’enfant maltraitée par sa marâtre

 

Conte no12,

dit et chanté par Alexandre Coulibaly,

enregistré en 1994.

Début du conte, p.178-181.

 

Ponctuation du texte bomu : chaque unité de souffle est indiquée par un retour à la ligne (le plus souvent marquée à l’oral par un acquiescement du répondant, qui n’est pas transcrit). La ponctuation n’est mise que quand elle correspond à une pause sans intervention du répondant.

 

 

 

awa, to ho ɲan a lo ba-nuu niʼere

Voilà, il s’agit encore d’un homme,

 

a yirema oa mi han nii-ɲun

qui épousa deux femmes.

 

to lo oa mi han nii-ɲun

Il épousa donc deux femmes

 

to nuu-pɛɛ li yu zo yoʼere

et chacune donna naissance à un[e] petit[e] [fille].

5

to lo han-ɲiʼa zo, ho we yenu Masira

L’enfant de la femme détestée s’appelait Massira.

 

to bun wo-so, wozoʼere, mu vɛ a mu ɓwe

Arriva un jour, voilà ce qui s’est passé,

 

a lo han-ɲiʼa li huru, to lo zo ma i mi lo han-bara se

la femme détestée mourut et son enfant se retrouva chez la femme préférée.

 

to ba we yo didi ba bia

[Les deux fillettes] avaient l’habitude d’aller faire paître les animaux.

 

to wozoʼere, ba cun-dira a ani

Un jour, alors que les gens qui revenaient du marché passaient,

10

to ba lo ba hanyira nii-ɲun nɛ yɛ

ils dirent [en observant] ces deux enfants,

 

lo lo han-ɲiʼa zo se po lo han-bara zo

que la fillette de la femme détestée était plus belle que celle de la femme préférée.

 

to bun ɓɛɛ hini u

Alors cela n’était plus supportable !

 

mu ze a mɛ Alexandre yirɛ a ani bin, mu yi a bun, to un zun mu ma bara le ?

Ce jour-là, moi Alexandre, je passais justement par là. Sinon, comment pourrais-je en parler ?

 

hee, a lo hanyirezo dɛri vian mi ɲuun

Eh bien, l’enfant se mit aussitôt à pleurer.

15

ba Bwa ɓɛɛ we hɛ li a mi wawe le ?

Les Bwa ne le disent-ils pas dans un proverbe :

 

lo o yi lo o ɓɛɛ ɲin sabe wia, a lo ɓɛɛ ɓwe a lo wɛ

« Si tu ne veux pas entendre les pleurs du menteur, qu’il n’arrive pas en pleurant » ?

 

to lo hanyirezo dɛri vian mi ɲuun

L’enfant se mit [donc] aussitôt à pleurer

 

to lo hanyirezo wia wo lenu

et ses pleurs se transformèrent en chant.

 

a lo hanyirezo lo :

Lʼenfant disait :

 

(Chanté)

(Chanté)

20

aa naa-yoo, yo, yo, yo, a ba lo Masira se po mɛ (Bis)

« Ah ! Maman ! Maman ! Maman ! On dit que Massira est plus belle que moi (Bis)

 

a ba lo Masira hara dimiɲan

On dit que Massira est la plus belle du monde.

 

a ba lo Niivo Masira se po mɛ, a Masira se po mɛ

On dit que Niivo1 [lʼorpheline] Massira est plus belle que moi ! Que Massira est plus belle que moi ! »

 

a ba naa zo lo han

La mère sʼexclama :

 

lo a bun ba cun-dira yirema yo bara le ? (Rires)

« Est-ce bien ce qu’ont dit les gens qui revenaient du marché ? » (Rires)

25

o zan be wa le ?

Si tu avais vu cela !

 

a ba na dɛri hua i lu lo hanyirezo do

Aussitôt, la mère se leva et donna un coup de poing qui fit tomber Massira.

 

a fona lo, a fona lo, a yirema so mi zio bo lo bwa wa

Elle la rossa proprement, mit son pied sur le bras de l’enfant

 

a iara kaba !

et le cassa… Crac !

 

a lo ba-nuu vɛ lo mana

Quand l’homme revint,

30

a lo a lo hee, mi han na

il manifesta son étonnement et demanda à sa femme :

 

lo ta a we yo wo mibe zo ba bia didire ?

« Qu’est-il arrivé à ma fille là où elle faisait paître le troupeau ? »

 

a lo han-nuu dɛri sansanran, a bina i sansanran

La femme était gênée et cherchait ses mots :

 

lo ta lo we vɛ ba bia didire, lo ɛsi mi finʼan wa le ?

« Lorsqu’elle va au pâturage, reste-t-elle bien tranquille ? »

 

a ba lo bon, lo a to lo pan vɛ ba bia didire ma mu

Les parents décidèrent qu’elle irait tout de même faire paître le troupeau [le lendemain], malgré son état.

35

a bun mu to wa ue

C’est ainsi que les choses se passèrent.

Cécile Leguy

 

 


 

Note:

1    Elle lui attribue ce prénom de Niivo (« Les gens sont finis »), signifiant qu’elle n’a plus personne, qui sous-entend son statut d’orpheline.

Collecte et édition de textes de littérature orale : Questions de méthodologie

 

par

Hanitra Sylvia ANDRIAMAMPIANINA

Professeure de littérature comparée, université de Toliara (Madagascar)

 

 

Mots-clés:

Madagascar, région d’Extrême Sud, Androy ; malgache, malagasy, parler ntandroy – oralité, conte – collecte de littérature orale ; édition de littérature orale

Résumé:

Cette étude analyse l’un des problèmes auxquels est confrontée la littérature orale : la collecte et l’édition des textes oraux. En rappelant les exigences méthodologiques, elle illustre certaines questions à travers l’exemple d’un recueil dédié à la littérature orale ntandroy dans l’Extrême Sud de Madagascar.

L’ouvrage illustre l’importance primordiale de la documentation reposant sur la collecte, la traduction et l’édition scientifique qui restent souvent lacunaires. Cette situation est plus complexe lorsque la langue utilisée par la littérature orale en question n’est pas une langue officielle et plutôt minoritaire.

 

Introduction

La documentation de la littérature orale est un défi permanent qui pose de très nombreuses questions de méthodologie. Une interrogation centrale concerne la collecte, car celle-ci est la condition incontournable pour l’établissement de corpus accessibles, édités et consultables pour l’analyse. En effet, à la différence des textes littéraires publiés et « prêts à être analysés », en littérature orale, la constitution du corpus est , – idéalement pourrait-on souhaiter –, partie intégrante de la recherche. L’établissement des textes ne se limite pas à la « simple documentation initiale », au contraire, c’est une opération complexe qui a des incidences sur les textes collectés et publiés. Pour cette raison, elle doit être intégrée dans la recherche car elle suppose de nombreuses qualifications spécifiques. Par ailleurs, elle participe à la représentation de la littérature orale construite par son édition.

À titre d’exemple, nous interrogeons un recueil de textes de littérature orale de l’extrême Sud de Madagascar. Il s’agit d’une littérature orale peu documentée, en l’occurrence les Korojy i Ndroike (Discours de valeur de l’Androy), textes collectés dans l’Androy dans les années 80 par François BENOLO et édité en 1989. Nous ne prenons en considération ici que la méthodologie de la collecte et la visée de cette dernière. Le deuxième volet de la recherche, à savoir la transcription, la traduction et l’édition des textes, ne sera pas abordé ici.

 

  1. La collecte, questions de méthodologie générale

Un premier niveau souvent abordé porte sur la technique d’enregistrement : support audio ou audiovisuel ; incidences de la présence d’une caméra sur les énonciateurs ; qualité et fiabilité du matériel ; collecte en équipe ou individuellement ? Un niveau plus général : comment documenter les littératures orales du passé qui n’ont pas été enregistrées sur des supports audio et / ou audiovisuels ?

Depuis une vingtaine d’années, une question est intégrée de manière pertinente et incontournable dans la collecte, à savoir celle de la propriété intellectuelle des textes produits en oralité, édités et publiés sous le nom du / des chercheur/s, impliqué/s ou non dans la collecte.

Les réponses à ces questions techniques participent de la méthodologie de la collecte. Celle-ci est souvent exploratoire, révélant le résultat au moment de la collecte, et fondée sur des observations complétées occasionnellement par des entretiens. Outre les méthodes inspirées de l’anthropologie et de l’enquête de terrain, comme l’immersion, l’observation participante et l’entretien, la collecte de la littérature orale prendra en considération les conditions dans lesquelles celle-ci est produite : en performance dans des circonstances cérémonielles ou rituelles, ou au contraire dans des contextes bien définis mais peu formalisés. Par ailleurs, la collecte précisera si elle est réalisée en contexte « naturel » et en performance, ou si au contraire, l’énonciation est sollicitée ou encore produite en contexte de néo-oralité1. Un troisième critère définitoire concerne l’objectif et la réalisation de la collecte : est-elle « extensive » pour obtenir une compréhension globale d’une littérature orale donnée, est-elle plutôt « intensive » en focalisant l’attention sur un genre oral, un groupe d’énonciateurs voire des thématiques, ou bien est-elle « ciblée » pour rechercher un thème voire un motif spécifiques ?

Selon quels objectifs, à quelle période et par qui les collectes sont-elles effectuées? Les questions porteront ici sur l’identité des collecteurs, les objectifs explicités ou non ; les moyens ; l’étendue de la collecte et sa durée ; la période et le contexte ; l’appartenance du collecteur à la culture sur laquelle porte la collecte ; le niveau de connaissance de la langue du collecteur ; la représentation qu’il a de la littérature orale et sa perception de ses énonciateurs.  Un recueil a-t-il recours à l’anonymat, une conception qui situe la littérature plutôt au niveau de la transmission. En revanche, l’idée que les énonciateurs sont « auteurs » de leur création individuelle s’exprime en général en mentionnant leurs noms, comme c’est le cas par exemple de la publication de Véronique Corinus (2021), à la suite des ouvrages de référence d’Ursula Baumgardt (2000) et de Veronika Görög-Karady (1991), de même que les publications de Dominique Noye (1982, 1983) et les thèses de Marlène Milébou (2016) et de Martine Mariotti (1988), pour ne citer que ces travaux.

 

  1. Questions de méthodologie : un exemple

Il s’agit ici, de l’ouvrage de François Benolo, Korojy i Ndroike [Discours de valeur de l’Androy2, qui comprend quelques informations sur la collecte. Cependant, seule l’étude du contexte permettra de comprendre par déduction la visée de l’ouvrage.

2.1.  La collecte

L’auteur présente la démarche qu’il a suivie pour obtenir les contes, passant des auditions individuelles à l’organisation de séances de contage. Il y rapporte également les contraintes de l’enregistrement audio, et, chose plutôt rare, l’obligation parfois de se faire envoyer des contes par écrit. Les questions soulevées sont bien connues en méthodologie de la littérature orale : la collecte, la transcription et la traduction.

Nous nous intéresserons d’avantage à la présentation de l’ouvrage et au contexte dans lequel la collecte s’est effectuée. En effet, la présentation physique de l’ouvrage lui-même soulève la problématique de l’édition des textes oraux.

2.2.  L’ouvrage

Le premier volet est une note introductive de quatre pages datée du 20 janvier 1989. Le second volet est un recueil monolingue de cinquante contes collectés entre janvier 1979 et février 1989. Le troisième volet est une esquisse de la grammaire ntandroy. L’auteur écrit que le ntandroy appartient à la langue malagasy bien qu’il ait ses différences, et qu’il procède de la même grammaire et des mêmes racines. Le quatrième volet intitulé « Kaikaike » ou « Cris » réunit six poèmes écrits par François BENOLO lui-même, et un discours de bénédiction (tata) prononcé par son père lorsque l’auteur, après son ordination en tant que diacre, part pour la France pour ses études de théologie. Le cinquième et dernier volet est consacré à la présentation de quelques faits culturels ntandroy, tels la dénomination des jours et des mois, les noms de naissance relatifs aux signes du zodiaque, et les termes de respect utilisés à l’endroit des adultes et des autorités sociales.

L’ouvrage s’inscrit dans la tradition éditoriale de certains travaux sur les langues africaines, réunissant dans un même ouvrage une esquisse de la grammaire et quelques textes d’illustration, avec une prédilection pour les contes. Cependant, ici la quantité des textes est importante. On peut penser que les notes sur la langue sont complémentaires aux textes.

 

  1. Le contexte

Certes, l’auteur ne se présente pas d’emblée comme originaire de l’Androy. Toutefois, dans le Taroñe [note introductive], dans la section 2 et sous-section a, où il présente la méthodologie qu’il a adoptée pour transcrire les données collectées, son appartenance à la culture s’exprime en guise de justification de la méthode. En effet, après avoir procédé à la comparaison de certains textes à ceux qu’il a maintes fois entendus, voire contés, et les avoir analysés pour en identifier les passages arrangés ou modifiés par suppression de passages originaux, il reconnaît avoir réordonné les textes au niveau des répétitions qui relèvent, non des effets de contage, mais d’« erreurs », et que le conteur lui-même rattrape dans la suite. Il a donc choisi de supprimer ces passages d’erreurs rectifiés à l’oral. C’est pour justifier cette intervention que François Benolo écrit à la fin de la section que si c’était un chercheur étranger à la culture qui avait fait la collecte, celui-ci aurait tout retranscrit par respect de ce qu’on entend par « authenticité du récit ». Ce à quoi Benolo prend le risque de renoncer en procédant au « nettoyage » nécessaire car, écrit-il, tsy ndaty o aho fa tompo’e,  [je ne suis pas un étranger, je suis propriétaire]. On pourrait dire que la performance est ici sacrifiée au texte transcrit. Mais nous n’allons pas nous étendre sur la question car ce qui nous intéresse, c’est le fait qu’en oralité, les renseignements personnels sur les chercheurs peuvent avoir une certaine importance, ne serait-ce que par rapport à la connaissance des langues concernées. Ceci est d’autant plus vrai qu’en littérature orale et à la différence de l’écriture littéraire, les langues concernées ont parfois le statut de langues minorées, non enseignées et moins bien connues.

Or, selon les exigences actuelles de la discipline, il n’est pas / plus envisageable de réaliser une collecte de textes de littérature orale sans connaître la langue. En effet, la collecte n’est pas un simple enregistrement mécanique ; elle est fondée sur une rencontre entre les chercheurs, les énonciateurs et les publics, rencontre qui ne peut se concevoir qu’à travers une communication directe.

3.1.  L’auteur

Dans le cas de François Benolo, l’auteur a à son avantage les faits, non seulement d’être un natif de la région Androy, mais également d’être un traditionaliste. Chercheur  et éditeur scientifique, il affirme son appartenance culturelle en publiant un recueil monolingue en ntandroy, en tant que locuteur de cette langue / de ce parler, minoré/e, non enseigné/e à Madagascar3. Ainsi, il apporte en plus une preuve indirecte de sa qualification scientifique ; celle-ci est à son tour étayée par sa maîtrise de l’écriture, illustrée dans le quatrième volet, les poèmes écrits en ntandroy par François Benolo. L’implication personnelle est ainsi attestée.

D’autres informations, plus explicites, concernent l’auteur. En effet, Il est prêtre lazariste et également professeur en anthropologie religieuse. Sa thèse de doctorat en Sciences des religions soutenue sous la direction de Michel Meslin en 1992 à l’université de Paris 4 en partenariat avec Institut catholique de Paris, est intitulée « Le Lolo, où le problème de la reviviscence des morts dans l’Androy (l’extrême-sud de Madagascar) : essai anthropologique pour une contribution à la théologie de la Résurrection ».

La portée de la thèse (1992) est présentée ainsi :

L’intérêt du sujet est double. Dans le domaine de l’anthropologie, nous connaîtrons le fondement de cette croyance discriminatoire envers ceux à qui est imputée la reviviscence. Quant au théologique, dans le sillage de l’inculturation, nous saurons l’incidence de cette croyance sur la foi en la résurrection. Pour ce faire, nous avons étudié deux clans : les Anatsosa et les Ntantotobato. Puis, comme l’évangélisation est à sa première phase dans l’Androy, nous avons pris connaissance de la manière dont les premiers chrétiens, selon le témoignage du nouveau testament, ont proclamé et élaboré leur foi en la résurrection. Et cette recherche nous a amené à suggérer quelques propositions pratiques pour la pastorale catéchétique et liturgique dans l’Androy.

Dans une perspective comparable, son document de synthèse soumis pour l’obtention de l’HDR, présenté en 2017 à l’école doctorale La CADDETHIQUE de l’Université de Toamasina (Madagascar) sous la direction de Eugène Régis Mangalaza, porte le titre « Vivants et morts chez les Ntandroy : pour quelle anthropologie théologique ?».

Par ailleurs, l’auteur poursuit sa réflexion en 2018 par l’essai de 140 pages paru aux éditions Croix du Salut, Comment évangéliser les funérailles à Madagascar ? Inculturation de la Foi à travers les funérailles. Il évoque l’objectif de son travail en ces termes :

Nous voudrions proposer une manière de se prendre à cette évangélisation qui impliquera nécessairement l’intervention de Jésus-Christ donnant une nouvelle vision de la relation avec le Créateur déjà acceptée par les ancêtres et perpétuée par les descendants. Sans oublier qu’on sera toujours en contexte d’inculturation, c’est-à-dire ce ne sera pas une évangélisation imposée comme il était de la colonisation, mais bien plutôt une évangélisation par dialogue.

Cette publication s’inscrit de manière indirecte dans la continuité des travaux effectués par les missionnaires du 19ème siècle en vue d’évangéliser les populations de Madagascar. L’intérêt pour la langue locale, ici le ntandroy, est soutenu pour cet objectif.

3.2.  La visée

Les textes publiés dans l’ouvrage sont collectés pendant les recherches doctorales de l’auteur.

Le titre Korojy i Ndroike, Discours de valeur de l’Androy, est fondé sur une métaphore. En effet, le korojy est une grande calebasse dans laquelle on conserve de l’eau, des aliments ou des objets précieux. Le terme désigne également une catégorie de la littérature orale de Madagascar,  « discours de valeur ». Dans le sous-titre Talily – Hilala ntandroy, deux genres oraux relevant de cette catégorie sont mentionnés : talily « contes » et hilala « savoir, connaissance, sagesse ». Quant au deuxième terme du titre, Ndroike, c’est le diminutif affectueux du nom de la région Androy4. La publication participe de la valorisation culturelle. Elle témoigne de l’authenticité du texte et de la sincérité du chercheur qui met à la disposition du public une bénédiction qui lui est dédiée.

Nous citons et analysons ci-dessous la présentation de l’un des textes du recueil, à savoir la bénédiction (tata) qui est adressée à l’auteur par son père.

 

  1. L’exemple d’un genre oral, la bénédiction

La bénédiction fait partie des genres de la littérature orale, au même titre que son contraire la malédiction, mais également les prières. L’exemple cité ci-dessous présente plusieurs traits définitoires généraux. En effet, la bénédiction s’adresse spécifiquement à une personne, ou à un groupe. Elle est prononcée par une personne incarnant une autorité, représentée ici par le père. L’exemple cité est un discours qui a une structure clairement perceptible : il développe un argument organisé autour de la relation entre la tradition et l’innovation culturelles. L’argument est structuré comme suit :

      • invocation d’un Ancien (le père de la personne qui prononce la bénédiction) ;
      • démarche innovante du fils ;
      • maintien de la tradition malgré l’innovation ;
      • adhésion des Anciens au projet nouveau ;
      • éloignement du fils de la culture originelle ;
      • bénédiction du fils selon les cérémonies ancestrales ;
      • préservation de l’unité culturelle.

La question de cette relation se pose dans la famille à laquelle appartiennent la personne qui prononce la bénédiction et la personne qui reçoit cette dernière. Dans cette constellation, le père a un rôle central : il bénit son fils au nom des Anciens (son père à lui). Située dans l’histoire de la famille, la démarche innovante du fils par rapport aux Anciens est légitimée par le père.

L’innovation s’inscrit dans un cadre culturel auparavant inaccessible à la communauté : le monde des « Blancs », et plus particulièrement les études qui amènent le fils à devenir prêtre. Dans cette situation, la bénédiction prône le maintien de la tradition et rappelle l’adhésion des Anciens au projet nouveau. La fonction de la bénédiction est de concilier les Anciens et le jeune homme qui suit un chemin nouveau. Elle acquiert ainsi une portée sociale importante, celle d’éviter tout conflit générationnel et de préserver l’unité culturelle. Comme le veut la coutume : ne pas réserver un rituel de bénédiction à un seul individu ; par conséquent, la bénédiction du premier, le futur prêtre, entraîne celle du groupe des jeunes de sa génération qui vont rester au pays.

 

 


 

Texte de la bénédiction

 

Discours de bénédiction, tata, prononcé par son père pour l’auteur de l’ouvrage (pp. 163-164)5

 

La bénédiction est prononcée à l’occasion du départ de l’auteur en France pour les études de théologie, après son ordination en tant que diacre.

 

 

 

Korojy i Ndroike
(Talily – hilala ntandroy)

Discours de valeur de l’Androy
(Contes – Connaissances ntandroy)

 

Invocation d’un Ancien

 

1

TATA

Ingo aba o ana’o o, o zafe’o o, atalily azo fa… Raha natao’o aze ty fianarañe toy, fa tsy raha nataoko an-kery io, tsy nataoko añ’ozatse. Fa katao manao aze ie, raha nierañe ama’o, raha nalaha’o. A lehe vaho omba ty omba’e ty fianarañe toy fa… raha tsy natao ty razañe ty hamampoera, raha tsy natao ty razagne ty mandeha ama ty vazaha añe zao, lehe atao ama ty ihenane toy, fa io ty ombà ty maha-roandria, manohy haroandria’o io, manohy ty hampanjaka’o.

BÉNÉDICTION

Voilà, père6, ton fils, ton petit-fils, on t’informe que… Les études, c’est quelque chose que tu as rendu possible pour lui, je ne l’y ai pas obligé, je n’ai pas utilisé la force. Car s’il les a faites, c’est qu’il t’en a demandé la permission, et tu l’y as autorisé. Et les études vont leur chemin, car… être prêtre est quelque chose que les ancêtres n’ont pas fait, aller chez les Blancs c’est quelque chose que les ancêtres n’ont pas fait, mais on le fait maintenant, car c’est la route que prend le notable, il poursuit ta route de notable, il poursuit ta route de roi.

 

Démarche innovante du fils

 

2

A naho vaho atao o foko’o o eto, i raha tsy nataon-droae’o y, tsy nataon-droaza’o y, azo atalily azo hitahia’o aze, azo atalily azo hitahia’o ahy. Tahio aba fa… hanao ty raha tsy nifatao’areo re navaho hatao’e.

Ce que font les gens ici, ce que tes pères n’ont pas fait, ce que tes ancêtres n’ont pas fait, on peut t’en parler pour que tu le bénisses, on peut t’en parler pour que tu me bénisses. Bénis-le, père, car… il va faire ce que vous n’avez pas fait.

 

Maintien de la tradition

 

3

Tsy nihazomanga’areo zao, fa nihazomanga ty vazaha añe zao, naho ie ka ty ho hazomanga’e. Itahio’areo aze hitahian’Andrianañahare aze : hahasoa aze, tsy hahavereñe aze, tsy hahavereñe ty sai’e, tsy hahavereñe ty havelo’e fa… raha ho an-tana’o eto io.

 

Ce n’est pas votre hazomanga7, c’est le hazomanga des Blancs là-bas, et ce n’est pas non plus son hazomanga. Bénissez-le pour cela, afin que Dieu le bénisse : que cela lui apporte le bien, que cela ne le perde pas, qu’il n’en perde pas l’esprit, qu’il n’en perde pas la vie car… il sera chez toi, ici.

 

Adhésion des Anciens au projet nouveau

 

4

Fa toe izao i natao’o y ty hoe : “Ho vazaha koahe o ajaja reo o vao?” Ho vazaha, hoa raho, f’ie tsy vaho ihe ro ho tra’e, katao ndra izaho misabo amin’Andrianañahare. Fa io ho vazaha. A ho avy am’iareo ihenane o, fa ho vazaha, ho am-boho’e. Ampahatraro ahy ty havazaha’e, ampahatraro ahy, e izao, ty hasoa’e aba fa… ihe ro fa nilosotse, fa tsy nitra’e. F’izaho angataho amin’Andrianañahare hahatrara’e ahe. Ho ela veloñe am’iareo, hahatratse ty hasoa’e, ho tra ty hasoa’e, ho soa raho, ho babeiareo an-karonkafotse.

Car toi-même [l’Ancien] tu avais dit : « Les enfants vont devenir des Blancs ? » Ils vont devenir des Blancs, avais-je répondu, seulement, tu ne verras pas cela, même moi, je prie Dieu pour pouvoir voir cela. C’est certain, ils deviendront des Blancs. Et voilà  que cela va leur arriver maintenant, ils deviendront des Blancs, ils vont au-delà. Fais en sorte que je voie cela, que je voie cela, et oui, le bien qui leur arrive, père, car… c’est toi qui es parti et n’auras pas pu voir cela. Mais moi, intercède auprès de Dieu pour que je vois cela. Que je vive longtemps parmi eux, pour voir le bien qui leur arrive, que leur bien me surprenne, que je sois bien, qu’ils me portent dans du panier en hafotse8.

 

Éloignement de la culture originelle

 

5

Izao aba ty angataheñe ama’o, amin’Andrianañahare, hahasoa aze, hahatsara aze.

Hihinañe ty raha tsy nikamae ty razañe io, hihinañe ty raha tsy ni… e izao, tsy nikamae ty razañe añe ela, haehae. A lehe vaho eto ho kamae’e aby zay, ama ty vazaha añe, tsy ho tahi’e, tsy ho hakeo’e, fa hahasoa ty havelo’e, hahasoa ty fiaiña’e.

C’est cela que nous te demandons, père, que nous demandons à Dieu, pour qu’il soit doublement bien.

Il va manger ce que les ancêtres n’ont pas mangé, il va manger ce que ne … et oui, ce que les ancêtres de tous les temps n’ont pas mangé, du plus loin que portent les connaissances. Mais maintenant, il va manger tout cela, chez les Blancs, que cela ne soit pas pour lui une source de blâme ni de tort, mais que cela soit bon pour son bien-être, pour sa vie.

 

Bénédiction selon les cérémonies ancestrales

 

6

Izao ty angataheñe am’o vositse aman-tamanañe o aba ; angataheñe am’o vositse aman-tamanañe o Andrianañahare. Fa ihe Andrianañahare ty namboatse ty havelo ty olombelo. A fa raha namboara’o aze ty fivavaham-po tsy raha foroñeko. Namboara ty razañe ama ty rae ty añombe ama ty toake, io ty nifitahia ty razañe ama ty rae.

Voici ce que nous demandons avec ce zébu castré et ce zébu femelle, père ; ce que nous demandons avec ce zébu castré et ce zébu femelle, Dieu9. Car c’est toi Dieu qui a créé la vie des humains. Tu les as créés pour la prière, ce n’est pas moi qui invente cela. Les ancêtres et les pères ont fait les zébus et le rhum, ceux-ci leur ont servi pour faire les bénédictions.

7

Izao ro angatahañe aze am’io. Tsy hisy mahadiso, tsy hisy mahaota, tsy hisy hampitrekotreko ty havelo’e. Izao ty angatahañe aze aba, izao ty angatahañe aze ene. Hahasoa aze, hahatsara aze.

[Antety kahe (ailiñe an-doha i tataeñe y ao i toake y)].

Voici ce qui est demandé pour lui avec [ces zébus]. Que rien ne le mette  dans ses torts,  que rien ne le souille, que rien ne perturbe son bien-être. Voilà ce qui est demandé, pères, voilà ce qui est demandé, mères10. Pour qu’il soit doublement bien.

[Verse sur sa tête11 (le rhum est versé sur la tête de celui pour lequel la bénédiction est demandée)].

 

 

Préservation de l’unité culturelle

 

8

7/Io ro tso-drano aze. Toake ! … Hañonjone ty havelo’e toy ! Ampañonjono ty raha tea’e, hirie’e. Ko asalasala iareo, tsy hifanakalo holitse iareo. Na i mianatse atimo, na i mianatse avaratse, na i mianatse ahandrefa, tsy hisy hifanakalo holitse. Tsy vaho o fa eto o, fa ndra ty tsy eto, le sambe hahazo ze raha irie’e, hahazo ze raha hosambore’e, hahazo ze raha ilae’e.

Nous le bénissons avec cela. Du rhum !… Que ceci augmente son bien-être ! Fais que ceci apporte ce qu’il aime, ce qu’il désire. Fais qu’on ne lui manifeste pas de la réserve, qu’ils ne s’échangent pas la peau12. Qu’il étudie dans le Sud, qu’il étudie dans le Nord, qu’il étudie dans l’Ouest, que personne ne s’échange la peau. Non seulement ceux qui sont présents ici, mais également les absents, que tous ils obtiennent tout ce qu’ils désirent, qu’ils attrapent ce après quoi ils courent, qu’ils trouvent ce qu’ils cherchent.

9

Hanao izay ka o eto o : miarak’añombe eto, miara-tsarake eto, miava eto. Tsy hisy hifañiry, tsy hisy hifanakalo holitse fa… Ho ongongo moly aby, tsiriry miampane, kiakiake hivere, toboly am-pase, toboke manañ’arivo, mandeha manan-jato, midiam-bolafotsy, mie-bolamena. Tsy hitsara raha tsy volamena, tsy hitsara raha tsy volafotsy. Tohizo aba ty haveloñe toy, tohizo amin’Andrianañahare, zakao handro, zakao hale.

Il en sera de même pour ceux qui restent : ceux qui gardent les zébus ici, ceux qui gardent les veaux ici, ceux qui travaillent la terre ici. Qu’ils ne soient pas envieux les uns des autres, qu’ils ne s’échangent pas la peau… Qu’ils soient comme les oiseaux ongongo qui rentrent en groupe, tels les oiseaux tsiriry qui volent partout mais qui reviennent tôt ou tard ;  tombant sur du sable quand besoin de s’asseoir ; assis, possédant des milles ; marchant, possédant des cents ; portant une ceinture en argent, mais aspirant à l’or. Ne parlant pas de ce qui n’est pas en or, ne parlant pas de ce qui n’est pas en argent. Poursuis, père, ce qui nous apporte tant de bien-être, poursuis auprès de Dieu, parles-en le jour, parles-en la nuit.

 

TSIFOMBOA

Solapa 30/12/1982

TSIFOMBOA

Solapa 30/12/1982

 

Conclusion

Dans la mesure où il réunit les deux modalités de communication, l’oralité et l’écriture littéraire, l‘ouvrage de François Benolo est inhabituel dans le domaine de la littérature orale. Cette association s’explique certainement par un souci d’authenticité et d’attestation sur sa connaissance de la langue. Par ailleurs, l’écriture des poèmes par l’auteur témoigne du potentiel d’une langue minoritaire et non étudiée d’ « accéder » à l’écriture.

L’une des questions qui se pose à travers cet ouvrage : comment rendre compte de toutes les littératures orales, en l’occurrence de celles attestées à Madagascar. Quel qu’en soit le cas, la méthodologie de la collecte a des incidences sur les textes. L’état de l’art d’une littérature orale donnée doit comprendre une revue critique des méthodes de collecte et d’édition mises en œuvre. François Benolo inscrit son travail dans la tradition des missionnaires. Un cadre différent, favorisant la recherche scientifique et l’édition de la littérature orale, peut-il être construit ? Dans quelle mesure la recherche universitaire peut-elle s’investir dans ce domaine ?

 

 


 

Références bibliographiques

ANDRIAMAMPIANINA, Hanitra Sylvia (2024), Littératures de Madagascar : oralité et scripturalité, Moroni, KomEDIT, 191 p.

BAUMGARDT, Ursula (2000), Une conteuse peule et son répertoire Goggo Adddi de Graoua, Cameroun, Paris, Karthala, 548 p.

BAUMGARDT, Ursula & DERIVE, Jean (dir.), (2008), Littératures orales africaines : perspectives théoriques et méthodologiques, Paris, Karthala, 439 p.

BENOLO, François (1989), Korojy i Ndroike (Talily – Hilala ntandroy), Saint Lazare Paris VIe, 169p.

CORINUS, Véronique (2021), Le répertoire du conteur Félix Modock Petit Planteur antillais (1885 – 1942), Paris, Karthala, 492 p.

GÖRÖG-KARADY, Veronika (1991), Contes d’un Tsigane hongrois. Janos Berki raconte…, Paris et Budapest, Éditions du CNRS et Maison de l’Académie des Sciences d’Hongrie, 253 p.

MARIOTTI Martine (1988), Marie Nicolas, une conteuse en Champsaur, Thèse de 3ème cycle, Université de Provence, 2 tomes, 422 p.

MILÉBOU NDJAVÉ, Marlène Kelly (2016), Performances de Brice Senah Ambenga, un conteur orungu du Gabon, en situation d’oralité première et de néo-oralité, Thèse, INALCO, Paris, volume 1 : Analyse, 334 p. ; Volume 2, Corpus, 193 p.

NOYE Dominique ((1982), Contes peuls de Bâba Zandou, Paris, CILF, 176 p.

NOYE Dominique (1083), Bâba Zandou raconte. Contes peuls du Cameroun, Paris, CILF, 153 p.

RAKOTOZAFINDRASAMBO Paul Jean-Samuel (2022), « Madagascar : histoire et défis d’avenir du système éducatif malgache », Revue internationale d’éducation de Sèvres, N°89, pp. 24-30.

SOLOFOMIARANA RAPANOËL Allain Bruno (2008), « Les problèmes de la langue d’enseignement à Madagascar : les dysfonctionnements de la loi 94-033 », Kabaro, revue internationale des Sciences de l’Homme et des Sociétés, Interethnicité et Interculturalité à l’île Maurice, IV (4-5), pp. 153-171.

 

 


 

Notes:

1  Voir pour les questions de méthodologie générale, Ursula Baumgardt et Jean Derive, 2008.

2  BENOLO, François, 1989, Korojy i Ndroike (Talily – Hilala ntandroy), Saint-Lazare Paris VIe, 169 p.

3 Depuis 1975, avec la Charte de la révolution socialiste, la malgachisation de l’enseignement est prônée, et le malagasy ou malgache devient également langue d’enseignement. Pour approfondir la question au sujet de la problématique des langues d’enseignement à Madagascar, lire Paul Jean-Samuel Rakotozafindrasambo, 2022, « Madagascar : histoire et défis d’avenir du système éducatif malgache ». Lire également Allain Bruno Solofomiarana Rapanoël, 2008, « Les problèmes de la langue d’enseignement à Madagascar : les dysfonctionnements de la loi 94-033 ».

4  Voir pour plus d’informations sur la littérature orale ntandroy, Hanitra Sylvia ANDRIAMAMPIANINA, 2024.

5  Traduction de Hanitra Sylvia ANDRIAMAMPIANINA

6  Le terme « aba » traduit « père » renvoie ici à un parent disparu, devenu ancêtre, et auquel on demande la bénédiction pour le fils de la famille.

7  Détenteur du poteau sacrificiel, et donc du pouvoir sacré. Celui qui n’est ni le hazomanga des ancêtres, ni celui pour lequel la bénédiction est demandé est Jésus, considéré ici comme le hazomanga des Blancs, et que le futur prêtre va prendre comme nouveau hazomanga.

8  Hafotse : écorce de baobab.

9  Le zébu castré et le zébu femelle sont ici les animaux apportés en offrande pour la demande de bénédiction.

10  « Pères » et « mères », mots ici utilisés pour s’adresser à l’assistance.

11  L’orateur officiant s’adresse à un servant.

12  Qu’ils s’apprécient.

Ampasakambana

 

 

 

Poésie composée par RaMano, habitant d’Ampasakambana en hommage à son village.
Cette poésie est déclamée par son auteur et enregistrée par Louise Ouvrard le 13 août 2003 dans le village même d’Ampasakambana

 



 

 

Ampasakambana

 

Ampasakambaña tsy mba hadino

Ampasakambana inoubliable

Atao tononkira ho tsara tadidy

En faire un poème chanté pour bien s’en souvenir

Ambarako anao ko indro banjino

Que je te présente et contemple la attentivement

Ataovy ao an-tsaina satria sarobidy

Mets-la dans ton esprit car elle est précieuse

Tanàna marevaka sady bikaina

Village de belle apparence et en plus de belle allure

Tarafin’ny tanamasoandro maraina

Reflétée par les rayons du soleil du matin

Tsy dia mahagaga raha mahatamàna

Il n’est pas étonnant qu’on s’y plaise beaucoup

Tsy hay hadinona fa mamin’ny saina

On ne peut l’oublier car on lui est attaché

Oadray ka haren’ny mponin-drehetra

Oh ! La richesse de tous les villageois

Omby mahery sy tena malaza

Des zébus forts et très renommés

Otronin’ny ondry e sy ny vorona etsetra

Entourés des moutons et des oiseaux et cetera

Oadray falifaly hatramin’ny zaza

Oh ! la joie qui atteint même les enfants

Miasa ny mponina ao fa mpamboly

Les villageois ici travaillent car ils sont cultivateurs

Mangahazo vomanga ary vary

De manioc, de patates douces et de riz

Mihevo mamadika ny tanimboly

Retournent la terre du jardin

Miezaka mafy mandresy mosary

S’efforçant ardemment pour vaincre la famine

Raha ny bikan’ny tanànantsika

Si l’on parle de la beauté de notre village

Tadidiko tsara io ts’isy mipika

Je m’en souviens très bien sans faille

Ary ny làlana miditra koa

Et les routes qui y mènent aussi

Dia lany tsianjery avokoa

On les connaît toutes par cœur

 

Mythes et contes de Madagascar (Tañala de l’Ikongo)

 

Mythes et contes de Madagascar

(Tañala de l’Ikongo)  L’empreinte du rêve

de

Philippe Beaujard

 

 

 

Mots-clés: Madagascar – oralité, contes, mythes, Tañala, Ikongo – rêves et angoisses

Éditeur scientifique: Textes collectés, traduits et commentés par Philippe Beaujard.

 

Descriptif:

Cet ouvrage est un recueil de vingt mythes et contes de 765 pages que Philippe Beaujard, historien, ethnologue et spécialiste de la littérature malgache, a collectés personnellement entre 1971 et 1976 et pendant des missions annuelles entre 1983 et 1995 chez les Tañala, dans la région d’Ikongo, à Madagascar.

Ce recueil comporte de nombreuses annotations ethnographiques et linguistiques. Comme le dit l’auteur : « [Les mythes et contes présentés] sont d’abord une exploration des rêves, des désirs et des angoisses de l’homme et de la société qui transmet ces récits, une exploration de tous les possibles » (p. 11).

L’intérêt majeur de cet ouvrage est double. D’une part, il donne accès à des contes oraux en parler tañala, une variante du malgache standard, très peu documenté. D’autre part, l’auteur donne une analyse interne et comparative de tous les récits selon le modèle de « l’école ethnolinguistique » de Geneviève Calame-Griaule.

L’ouvrage fournit également une documentation inédite sur la langue, telle qu’elle était pratiquée dans l’Ikongo, une région très enclavée et oubliée par les tenants du pouvoir. Tous ces mythes et contes tañala témoignent de la richesse du patrimoine oral malgache. L’auteur nous annonce, par ailleurs, la parution prochaine d’un troisième livre intitulé : Des ogres et des hommes. Contes du sud-est de Madagascar.

Cet ouvrage commence par un prélude suivi de deux grandes parties : la première consiste en la présentation des vingt récits ; la deuxième partie en neuf chapitres, interprète les récits. Suit un épilogue, puis une liste des cartes et une liste de figures.

Référence de l’ouvrage:

BEAUJARD, Philippe, Mythes et contes de Madagascar. (Tañala de l’Ikongo). L’empreinte du rêve, Paris, Maisonneuve et Larose, Nouvelles éditions / Hémisphères éditions, 2021, 765 p.

Bibliographie:

    • BEAUJARD, Philippe, Rituel et société à Madagascar : les Antemoro de la côte sud-est, Paris, Hémisphères éditions Maisonneuve et Larose, 2020, 913p.
    • BEAUJARD, Philippe., Dictionnaire malgache-français. Dialecte tañala, Sud-est de Madagascar. Avec recherches étymologiques, Paris, L’Harmattan, 1998, 891p.
    • BEAUJARD, Philippe, Mythe et société à Madagascar (Tanala de l’Ikongo). Le chasseur d’oiseaux et la princesse du ciel, Paris, L’Harmattan, 1991, 611p.

 


 

 

(Conte n°10 —Recueilli auprès d’un homme d’Anivorano, Manambondro, en 1976)

Ny niandohan’ny ampanzaka — L’origine des rois (pp. 60-65)

 

Extrait

 

 

1

Ny olona tato taloha hoe dia … Ity tany ity moa dia fandrambato, hoe taloha, tsisy an’io tany io, na dia raike. Ary ny olombelo, hoe, dia novelomin’I Zañahary tsotra izao. Kanefa itsika izao dia nivelomany fany, mbola navonany, hoe, namboly. Ka I Zañahary, mbola tambane, mbola nisy tohatra niakatra tañe, hoe.

Les hommes qui vivaient autrefois, dit-on, …ce qui est aujourd’hui la terre, en vérité, n’était jadis que rochers, dit-on, il n’y avait pas la moindre terre. Et les êtres humains, Dieu les faisait vivre simplement comme cela. Dieu nous faisait vivre, mais il cachait encore aux hommes [ce qu’était] l’agriculture1 Dieu se trouvait encore [dans le monde d’] en bas2, il y avait encore en ce temps-là une échelle qui permettait de monter [chez Dieu].

2

Dia hoy I Zañahary : « Ampitso anareo, hoy izy, sotoy nifoha dia aminahe etoy, fa iaho tsy ho eto. » Dia nandraiña ny andro, parapasy ny olo. Ao ka lihano, natory ; tsy tsaroany ny nandehanan’io olo io. Avy tañy moa dia nomen’I Zañahary aby ny fiveloma. Nody lahatañe. Avy ny olo, zahàna : « Kay ka anao ka mbola matory! – Ha! hoy I Iihano. – Ha, ahay dia avy lahatany Zañahary, tsisy raha koa fa dia tonganay aby ny zavatra rehetra añe. – Ha, dia handeha mandy aho », hoy i Iihano.

Dieu dit [un jour] : « Demain, vous autres, dès votre réveil, vous monterez me voir, car moi, je ne serai [plus] ici [avec vous]. »3 Le matin venu, les hommes partirent [chez Dieu]. L’un d’eux [pourtant], dormait [encore] ; il ne remarqua pas le départ de ses [compagnons]. Lorsqu’ils arrivèrent là-bas, ma foi, Dieu leur donna toutes les choses qui font vivre. Ils revinrent, et en arrivant, trouvèrent là [notre dormeur] : « Pas possible ! Toi, tu dors encore ! Oh s’écria notre ami– ah, nous, nous sommes allés chez Dieu, il n’y a plus rien [pour toi] là-bas, nous avons reçu tout ce qu’il y avait là-bas. – Ah, je vais tout de même me rendre là-bas », répondit notre ami.

3

Niakatra Iihano, avy ao. « Ino? Hoy ny Zañahary, Taia ianao? – Natory iaho. – Ha! Ny zaka nataoko omaly iñy hoe « Mandehana atoy anareo hampitso mandraiña ka dia tsy nanananao eritreritra? Ha, diasy hihazakazahako hoy ny Zañahary, ao mbola misy tavela. »

 Kay ka moa kay ka ny fiveloma azon’ny olo, tavela ny tany. Ka tsisy hafa an’io tabàka hosohy io moa izy io, hoe, io tany io. « Itoy, hoy izy, nifonosiko itoy, tsy azon’ny zalahy fa, ô, nahatratra ianao. Izao, mifanaraha anareo laha avy ambany añy, mierà, fa tsy ho velo ny raha nindaony añy iñy raha tsy itoy tany itoy. – Ie », hoy Iihano.

Notre ami monta et arriva [chez Dieu]. « Qu’y a-t-il ? demanda Dieu. Où étais-tu, toi ? – Je dormais. – Quoi ! Alors, la parole que j’ai prononcée hier disant ‘Venez me voir demain matin’, tu ne t’en es pas soucié ? Bon, attends, je vais voir un peu, dit Dieu, il reste encore (un petit) quelque chose. »

Voilà en effet que si les gens avaient emporté les choses qui font vivre, ils avaient oublié la terre. Cette terre, ma foi, était tout à fait semblable à du tabac en poudre, à ce qu’il paraît. « Voici, dit-il, ce que j’ai enveloppé là-dedans, tes compagnons n’en ont pas eu, tu vois, tu as de la chance, tu as obtenu une grande chose. Mais entendez-vous entre vous, lorsque tu arriveras en bas, consultez-vous, car les choses qu’ils ont emportées ne pourront vivre sans cette terre. – Bien », répondit notre ami.

4

Dia nizotso, avy atoy.

« Dia akory ny tañe, hoy ny tañe.

– E, he, tañe, hoy izy, ka dia, tonganareo aby ny raha fiveloma fany, itoy ny tavela, hoy izy, ka itoy mahavelo ny raha toy iñy dia akambantsia.

– Ho, tsy mba haiko, hoy ny sarane. Izy samaky ny tory, ka iaho…? En en, adalain’ny raha fahatany eroy, bonibony raha eroy !

Ka dia hoy ny sarane :

– Ha, inoako izay. »

Natoitra am-pandrambato eo ilay tany io, dia naradradraraka eñy ny raha fiveloma iñe, raha vary, raha ino, dia nody an-draño moa.

Il redescendit, et arriva [sur la pierre].

« Eh bien, comment cela s’est-il passé, là-bas ? demandèrent-ils.

– Eh bien, je suis allé là-bas, dit-il, vous avez emporté toutes les choses qui font vivre, mais vous avez laissé ceci, dit-il, or c’est ceci qui fait vivre les [autres] choses, alors mettons cela en commun.

– Oh, il n’en est pas question, répliquèrent certains. Lui qui était resté plongé dans son sommeil, et moi… ? Non, on ne va pas se laisser embobiner par cette chose sans valeur, cette petite poussière-là !

Mais d’autres dirent :

– Ah, je crois à ce qu’il a dit. »

Il déposa la terre sur la pierre, et ils répandirent les choses qui font vivre, le riz et toutes les autres choses, puis ils rentrèrent chez eux.

5

Dia nitombo ary ilay tany iñe, dia naniry ilay vokatre. Itoy moa an’ny sarane, nararaka am-pandrambato iñe dia may eo, fa tsisy tany moa ka, may (izay ny aminazy). Farany dia nipody dia teñe moa, dia nilaina ny vokatre, dia nitombo, dia nitombo. Dia raha ela ny ela moa, dia nitombo ilay tany moa ; dia nandinika ary ny hatao an’ilay zalahy be tory : « Ahoana ny hatao amy ilay be tory? – Ha, hazay izy, fa raha io ny viñitre, sahira itsika. Hazay izy. » Dia nihaoña kômity : « Ino ny hataontsiana azy? – Ha, dia mba hataontsia mba manzaka ao, dia eñy izy dia… – En, tsy ampiasainantsia. – Toy izao… – Ha, vita. »

La terre, alors, s’étendit, et les choses qu’ils avaient semées poussèrent. Pour les autres, qui avaient semé les leurs sur la pierre, tout avait grillé, bien sûr, il n’y avait pas de terre (voilà ce qu’il en est). À la fin, ils s’en revinrent, et ils restèrent là [sans rien faire]. [Les autres récoltèrent] ce qu’ils avaient semé, et [la terre] s’étendit, s’étendit, le temps passa, et la terre, ma foi, s’étendit. Alors ils réfléchirent sur l’attitude à adopter envers notre ami le dormeur. « Comment faire avec le ‘Le Dormeur’? –  Ah, nous devons le respecter, car s’il se mettait en colère contre nous, nous serions bien en peine, nous devons le respecter. » Ils se réunirent en assemblée : « Qu’allons-nous faire de lui ? – Ah, faisons de lui notre roi, c’est lui là-bas, qui… – Oui, nous ne le ferons pas travailler. – Comme cela. – Bon, nous sommes d’accord. »

6

Dia nangeha moa izy : « Anao dia nangeha fa anao tsy nanahira antsika, satria ahay dia mihitrikitrike fa hoe nahazo ny fiveloma. Kay ka ny tena fiveloma ka nivela tafara. Raha tsy nipody tañy ianao, dia olo sahira ahay, raha lasa tamin’ny tany nombany ilay Zañahary. Ka raha avy eto, anao dia ambela andraño, dia mba nikômandy anay ny hataonao, ary dia anao izao niankinanay : raha nitrahananao dia tsisy zavatra vita ahay hivelomanay.

– Ha, marina, hoy izy, raha marina aminareo, hoy izy, ka dia tsy mañahy aho. »

Alors ils le firent venir : « Nous t’avons fait venir, car tu ne nous as pas causé d’embarras, nous, nous nous vantions en disant ‘Nous avons obtenu les choses qui font vivre’, et pourtant il est apparu que la chose la plus indispensable à la vie, nous l’avions laissée. Si tu n’étais pas revenu là-bas, ah, nous aurions été dans la peine, maintenant que Dieu nous a quitté.4 Puisque tu es ici, [sans travailler], tu n’auras qu’à nous commander, c’est sur toi que nous nous appuyons désormais ; si tu t’étais opposé [à nous], nous n’aurions rien récolté pour nous nourrir.

– Oui, c’est vrai, répondit-il, si cela vous paraît juste, je n’y vois pas d’inconvénient. »

7

Dia iza, hoe, niandohan’ny ampanzaka. Ka dia tadidio tsara e, aniova 5 ny andro dia izao : taloha, mpanzaka, ka tsy mba niady tany izy, tsy mba miady tany, satria raha tezitra izy, ha, sahira ilay iviñirane amy tany, ka dia tombo ny andro izao, dia na mpanzaka na ino, dia iadian’olo amy tany. Satria tsy mba tahaka hoe tany nome anazy, tsy izao no mahatonga hoe « tanin’ampanzaka, ha, mba ampanzaka, ampanzaka ny tompon-tany. » Tsy tany tolofan’olombelo, fa tolofan’i Zañahary, hoe, tamin’ny andro taloha niboahan’itoy tany itoy, fa fandrambato ny tato.

Voilà, dit-on, l’origine des rois rappelez-vous bien ceci, les choses ont changé, car jadis, les rois, ils n’avaient pas à disputer [leur] terre, on ne leur disputait pas la terre, car s’ils étaient courroucés, ah, ceux qui étaient l’objet de leur courroux étaient dans la peine, mais les jours ont passé, [et aujourd’hui], rois ou pas, on leur dispute la terre. En fait, on ne peut pas dire qu’on leur a donné la terre, ce n’est pas pour cette raison que l’on dit : « C’est une terre de roi, ah, le roi, ma foi, le roi est le maître de la terre. » 6 Ce n’est pas les hommes qui lui ont offert la terre, mais c’est Dieu qui la lui a donnée, dit-on, dans les temps anciens où la terre apparut, car auparavant, tout n’était ici que rocs.

Linah Ravonjiarisoa

Inalco/Plidam

 


 

Notes:

1  Phrase peu claire. On entendrait fambolena plutôt que mamboly

2  Dieu n’habitait pas encore le ciel, mais « en bas » (ambany), sur ce qui deviendra la terre dans une demeure élevée, toutefois, puisqu’il est question d’ « échelle » pour monter jusqu’à lui.

3  Dieu annonce son intention (le récit ne dit pas pourquoi) de quitter le monde d’en bas.

4  Litt. : Dieu est parti sur son chemin.

5  Aniova : forme non comprise ; peut-être pour laha niova.

6  La réalité du royaume tañala était plus complexe, puisque les autochtones étaient dits « maîtres de la terre. ». Le roi mpanzaka et l’anakandria, chef autochtone, répartissaient la terre, jadis abondante. Si des conflits de terrain entre des autochtones et le roi apparaissaient difficiles à envisager, en revanche, il pouvait y avoir des conflits entre nobles, et bien sûr des luttes entre royaumes rivaux.

Hare duulaaɗe / La bataille des lézards

 

 

 

texte traduit par

Oumar Mounirou Déme et Aliou Mohamadou

 

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Mots-clés: peul, pulaar ; Gambie, Sénégal, Mauritanie, Ouest du Mali — écriture littéraire ; tinndol, conte, fable — chien, cheval, coq, bélier, taureau ; enchaînement des causes, solidarité.

Contexte de production: Écrit en 1986 d’après une version dite par Ibrahima Lih ; oralisé par l’association Timtimol en mars 2012. Présentation du recueil.

Voix: Maïmouna Thiam.

Réalisation: Pierre Amiand et Bénédicte Chaine-Sidibé.

RésuméDeux lézards sont en train de se battre. Le chien demande au cheval de les séparer. Il refuse. Cela ne le concerne pas. Le chien va, tour à tour, trouver le coq, le bélier et le taureau à qui il demande d’aller séparer les lézards, ceux-ci le renvoient. Le chien avertit : « Le mal secoue la queue1. »

Les lézards tombent dans la corbeille d’une vieille femme, leur queue emporte du coton, ils tombent dans le feu, ils grimpent sur la case, la case de la vieille femme prend feu, elle meurt dans l’incendie.

On selle le cheval pour annoncer le décès à la ronde. Le cheval passe la journée à galoper, il meurt d’épuisement, il est jeté, le chien le mange. Les gens viennent pour les funérailles. On tue le coq pour leur déjeuner ; le soir, on tue le bélier ; le lendemain, on tue le taureau pour le déjeuner. Les os sont jetés au chien.

Référence: Baylaa Kulibali, Tinndi [contes]. Édition spéciale accompagnée de lexique peul-français par Aliou Mohamadou, Paris, Binndi e jannde, 1996, p. 20.

 

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Hare duulaaɗe / La bataille des lézards

 

 

 

Wonnoo ɗoo ko rawaandu.

Ndu tawi duulaaɗe — walla mbatiiji ɗiɗi — ina kaɓa. Ndu ari e puccu, ndu wii : « Puccu, duulaaɗe ɗiɗi nena kaɓa, a yaataa ceerndaa ɗe ? » Puccu wii : « Miɗa jiimi e gammbal am miɗa nyaama, yo mi yah hare duulaaɗe ? Ko wondii kam e ɗuum ? » Rawaandu wii : « Bone dey ficcan laaci !… »

Rawaandu ɓenni, ari e ngori, ina wiɗoo. Ndu wii : « Ngori, duulaaɗe ɗiɗi nena kaɓa, a yaataa ceerndaa ɗe ? » Ngori wii : « Hol miin e yaade hare duulaaɗe ? Ɗuum dey wonaa haaju am ! » Rawaandu wii : « Bone dey ficcan laaci !… »

Rawaandu ɓenni, ari e njawdi. Ndu wii : « Njawdi, duulaaɗe ɗiɗi nena kaɓa. A yaataa ceerndaa ɗe ? » Njawdi wii : « Miɗa nyaama gooƴe am, yo mi yah hare duulaaɗe ? Yo ɗe mbarndir ! » Rawaandu wii : « Bone dey ficcan laaci !… »

Rawaandu ɓenni, ari e ngaari. Ndu wii : « Ngaari, duulaaɗe ɗiɗi nena kaɓa. A yaataa ceerndaa ɗe ? » Ngaari wii : « Miɗa nyaama nyaayko am, yo mi seerndoy hare duulaaɗe ? Ummo ɗoon dey ! » Rawaandu wii : « Bone dey ficcan laaci !… »

Duulaaɗe cippiri haa njani e jige debbo nayeejo. Jige oo ina waɗi wiro. Laaceeje ɗee nawori wiro. Ɗe njani e jaaynge, ɗe ŋabbi e suudu. Suudu debbo nayeejo wonnoo nduu sumi. Debbo oo maayi. Gullaali ngulli, yimɓe mbii : « Kaɓɓee puccu nguu, ƴeewon cukalel wulloyoo banndiraaɓe. » Puccu seŋaa labungal. Rawaandu ari e puccu, ndu wii : « Puccu, mi wiyiino ma bone ficcan laaci. Hannde so ɓe ceertii e maa, so a maayaani ne, a tampan. » Puccu nyalli dogneede e gure, arti tan maayi, daasaa werlaa caggal wuro. Rawaandu nyaami.

Hoɓɓe ngari janayse. Yimɓe mbii : « Ƴeewanee hoɓɓe ɓee ko nyaami. » Ɓe mbii : « Mbaree ngori oo ». Tan sukaaɓe mbiyaa yoo paɗɗu ngori. Ɓe ƴeɓti cabbi, ɓe ndewi e ngori. Ngori ina doga, ina naata e cuuɗi e ndallaaji. Rawaandu wii : « Ngori, mi wiyiino ma bone ficcan laaci. Oo bone luutataa ma. » Ngori waraa nyaamaa, ƴiye mum mberlaa rawaandu.

Hiiri. Yimɓe mbii : « Ƴeewanee hoɓɓe ko kiirtii. » Ɓe mbii : « Mbaree njawdi ndii. » Njawdi nanngaa ina waree. Rawaandu ari e njawdi. Ndu wii : « Mi wiyiino ma bone ficcan laaci. Aan kam a daɗataa. » Njawdi waraa nyaamaa, ƴiye mum mberlaa. Rawaandu nyaami.

Nyawli. Ɓe mbii : « Ƴeewanee hoɓɓe ko ngottii. » Yimɓe mbii : « Mbaree ngaari ndii. » Ngaari jaggaa, haɓɓaa ina waree. Rawaandu ari wii : « Ngaari, mi wiyiino ma bone ficcan laaci. Oo bone luutaani ma. » Ngaari waraa nyaamaa, ƴiye mum mberlaa rawaandu.

 

 

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Hare duulaaɗe

La bataille des lézards

 

Wonnoo ɗoo ko rawaandu.

Était ici un chien.

 

Ndu tawi duulaaɗe — walla mbatiiji ɗiɗi — ina kaɓa.

Il trouva deux lézards mâles2 en tain de se battre.

 

Ndu ari e puccu, ndu wii :

Il alla chez le cheval, il dit :

 

« Puccu, duulaaɗe ɗiɗi ne na kaɓa, a yaataa ceerndaa ɗe ? »

« Cheval, deux lézards sont en train de se battre, tu ne vas pas les séparer ? »

5

Puccu wii :

Le cheval dit :

 

« Miɗa jiimi e gammbal am miɗa nyaama, yo mi yah hare duulaaɗe ?

« Je suis devant mon auge en train de manger, [et tu veux] que j’aille à la bataille des lézards ?

 

Ko wondii kam e ɗuum ? »

En quoi cela me concerne-t-il ?3 »

 

Rawaandu wii :

Le chien dit :

 

« Bone dey ficcan laaci !… »

« Le mal, certes, secoue la queue !… »

10

Rawaandu ɓenni, ari e ngori, ina wiɗoo.

Le chien continua son chemin, vint chez le coq qui était en train de gratter le sol.

 

Ndu wii :

Il dit :

 

« Ngori, duulaaɗe ɗiɗi ne na kaɓa, a yaataa ceerndaa ɗe ? »

« Coq, deux lézards sont en train de se battre, tu ne vas pas les séparer ? »

 

Ngori wii :

Le coq dit :

 

« Hol miin e yaade hare duulaaɗe ?

« Qui suis-je pour aller à la bataille des lézards ? 

15

Ɗuum dey wonaa haaju am ! »

Ça, vraiment, ce n’est pas mon affaire ! »

 

Rawaandu wii :

Le chien dit :

 

« Bone dey ficcan laaci !… »

« Le mal, certes, secoue la queue !… »

 

Rawaandu ɓenni, ari e njawdi.

Le chien continua [son chemin], vint chez le bélier.

 

Ndu wii :

Il dit :

20

« Njawdi, duulaaɗe ɗiɗi ne na kaɓa.

« Bélier, deux lézards sont en train de se battre.

 

A yaataa ceerndaa ɗe ? »

Tu ne vas pas les séparer ? »

 

Njawdi wii :

Le bélier dit :

 

« Miɗa nyaama gooƴe am, yo mi yah hare duulaaɗe ?

« Je suis en train de manger mon foin, [et tu veux] que j’aille à la bataille des lézards ?

 

Yo ɗe mbarndir ! »

Qu’ils s’entretuent ! »

25

Rawaandu wii :

Le chien dit :

 

« Bone dey ficcan laaci !… »

« Le mal, certes, secoue la queue !… »

 

Rawaandu ɓenni, ari e ngaari.

Le chien continua [son chemin], vint chez le taureau.

 

Ndu wii :

Il dit :

 

« Ngaari, duulaaɗe ɗiɗi ne na kaɓa.

« Taureau, deux lézards sont en train de se battre,

30

A yaataa ceerndaa ɗe ? »

Tu ne vas pas les séparer ? »

 

Ngaari wii :

Le taureau dit :

 

« Miɗa nyaama nyaayko am, yo mi seerndoy hare duulaaɗe ?

« Je suis en train de manger mes tiges de mil, [et tu veux] que j’aille m’interposer dans la bataille des lézards ?

 

Ummo ɗoon dey ! »

Dégage de là ! »

 

Rawaandu wii :

Le chien dit :

35

« Bone dey ficcan laaci !… »

« Le mal, certes, secoue la queue !… »

 

Duulaaɗe cippiri haa njani e jige debbo nayeejo.

Les lézards luttèrent jusqu’à tomber dans la corbeille d’une vieille femme.

 

Jige oo ina waɗi wiro.

La corbeille contenait du coton.

 

Laaceeje ɗee nawori wiro.

Leurs queues emportèrent du coton.

 

Ɗe njani e jaynge, ɗe ŋabbi e suudu.

Ils tombèrent sur du feu, ils montèrent sur la case.

40

Suudu debbo nayeejo wonnoo nduu sumi.

La case où était la vieille femme brûla.

 

Debbo oo maayi.

La femme mourut

 

Gullaali ngulli, yimɓe mbii :

Les cris fusèrent4, les gens dirent :

 

« Kaɓɓee puccu nguu, ƴeewon cukalel wulloyoo banndiraaɓe. »

« Sellez le cheval, cherchez un jeune pour qu’il aille annoncer le décès aux proches.

 

Puccu seŋaa labungal.

On mit le mors au cheval.

45

Rawaandu ari e puccu, ndu wii :

Le chien vint chez le cheval, il dit :

 

« Puccu, mi wiyiino ma bone ficcan laaci.

« Cheval, je t’avais dit que le mal, certes, secoue la queue.

 

Hannde so ɓe ceertii e maa, so a maayaani ne, a tampan. »

Aujourd’hui, quand ils auront fini avec toi, si tu n’es pas mort, tu seras épuisé. »

 

Puccu nyalli dogneede e gure, arti tan maayi, daasaa werlaa caggal wuro.

Le cheval passa la journée à se faire galoper entre les villages, il revint et mourut, il fut traîné et jeté derrière le village.

 

Rawaandu nyaami.

Le chien [le] mangea.

50

Hoɓɓe ngari janayse.

Des étrangers vinrent pour les funérailles.

 

Yimɓe mbii :

Les gens dirent :

 

« Ƴeewanee hoɓɓe ɓee ko nyaami. »

« Cherchez de quoi manger pour les étrangers. »

 

Ɓe mbii :

On dit :

 

« Mbaree ngori oo ».

« Tuez le coq. »

55

Tan sukaaɓe mbiyaa yoo paɗɗu ngori.

Alors on dit aux enfants d’assommer le coq.

 

Ɓe ƴeɓti cabbi, ɓe ndewi e ngori.

Ils prirent des bâtons, et poursuivirent le coq.

 

Ngori ina doga, ina naata e cuuɗi e ndallaaji.

Le coq courait, entrait dans les cases et les espaces sous les greniers5.

 

Rawaandu wii :

Le chien dit :

 

« Ngori, mi wiyiino ma bone ficcan laaci.

« Coq, je t’avais dit que le mal, certes, secoue la queue.

60

Oo bone luutataa ma. »

Ce mal ne va pas te rater.

 

Ngori waraa nyaamaa, ƴiye mum mberlaa rawaandu.

Le coq fut tué et mangé, ses os furent jetés au chien.

 

Hiiri.

Il fit nuit.

 

Yimɓe mbii :

Les gens dirent :

 

« Ƴeewanee hoɓɓe ko kiirtii. »

« Cherchez de quoi dîner pour les étrangers. »

65

Ɓe mbii :

Ils dirent :

 

« Mbaree njawdi ndii. »

« Tuez le bélier. »

 

Njawdi nanngaa ina waree.

Le bélier fut attrapé pour être tué.

 

Rawaandu ari e njawdi.

Le chien vint chez le bélier.

 

Ndu wii :

Il dit :

70

« Mi wiyiino ma bone ficcan laaci.

« Je t’avais dit que le mal, certes, secoue la queue.

 

Aan kam a daɗataa. »

Toi, en tout cas, tu n’échapperas pas. »

 

Njawdi waraa nyaamaa, ƴiye mum mberlaa.

Le bélier fut tué et mangé, ses os furent jetés.

 

Rawaandu nyaami.

Le chien mangea.

 

Nyawli.

[Le lendemain,] il se fit tard dans la matinée.

75

Ɓe mbii :

On dit :

 

« Ƴeewanee hoɓɓe ko ngottii. »

« Cherchez de quoi déjeuner pour les étrangers. »

 

Yimɓe mbii :

Les gens dirent :

 

« Mbaree ngaari ndii. »

« Tuez le taureau. »

 

Ngaari jaggaa, haɓɓaa ina waree.

Le taureau fut attrapé et ligoté pour être tué.

80

Rawaandu ari wii :

Le chien vint et dit :

 

« Ngaari, mi wiyiino ma bone ficcan laaci.

« Taureau, je t’avais dit que le mal, certes, secoue la queue.

 

Oo bone luutaani ma. »

Ce mal ne t’a pas raté. »

 

Ngaari waraa nyaamaa, ƴiye mum mberlaa rawaandu.

Le taureau fut tué et mangé, ses os furent jetés au chien.

 


 

Notes:

1  C’est-à-dire que le mal secoue sa queue pour propager le mal autour lui.

2  L’auteur ajoute un synonyme, mbatiiji.

3  Mot à mot : Ko wondii kam e ɗuum ? « Qu’est-ce qui m’associe avec cela ? »

4  Mot à mot : gulaali ngulli « les cris crièrent ».

5  Traduction de ndalla (ka).

© Copyright ADELLAF 2021

Bojel e nyiiwa e mbaroodi e caamaaba / Le lièvre, l’éléphant, le lion et le python

 

 

 

texte traduit par

Oumar Mounirou Déme et Aliou Mohamadou

 

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Mots-clés: peul, pulaar ; Gambie, Sénégal, Mauritanie, Ouest du Mali — écriture littéraire ; tinndol, conte, fable — lièvre, éléphant, lion, python ; ruse, supercherie, naïveté.

Contexte de production: Écrit en 1986 d’après une version dite par Alassane Thiam ; oralisé par l’association Timtimol en mars 2012. Présentation du recueil.

Voix: Ibrahima Dia.

Réalisation: Pierre Amiand et Bénédicte Chaine-Sidibé.

Résumé

L’éléphant, le lion et le python accordent, chacun, un crédit d’un bœuf au lièvre. Le délai pour rembourser la dette est atteint. Le lièvre demande à chacun des animaux de lui donner une corde pour qu’il lui rembourse son bœuf. Il prend les cordes et les attache à un grand arbre. Il donne à chacun un bout de corde en lui demandant de tirer son bœuf. Les trois animaux passent la journée à tirer vainement sur la corde. Ils découvrent la supercherie et promettent de tuer le lièvre.

La gazelle vient pour boire. Le python lui fait part de leur décision. La gazelle en informe le lièvre.

Le lièvre se couvre de la peau d’un chat sauvage mort et en putréfaction et il va trouver l’un après l’autre ses créanciers. Ceux-ci lui demandent, en le prenant pour un chat sauvage, ce qui lui est ainsi arrivé. Le « chat sauvage » leur explique que c’est la malédiction de lièvre : lui, le « chat sauvage », a fait crédit d’un bœuf au lièvre ; quand il a réclamé sa dette au lièvre, celui-ci a refusé de le payer et il l’a maudit.

Chacun des créanciers renonce à sa dette.

Référence: Baylaa Kulibali, Tinndi [contes]. Édition spéciale accompagnée de lexique peul-français par Aliou Mohamadou, Paris, Binndi e jannde, 1996, p. 17.

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Bojel e nyiiwa e mbaroodi e caamaaba / Le lièvre, l’éléphant, le lion et le python

 

 

 

Wonnoo ɗoo ko bojel.

Ngel yehi to nyiiwa, ngel wii : « Nyiiwa, nyamlam ngaari haa nyande altine mi yoɓ-maa. » Nyiiwa nyamli ngel ngaari. Bojel yehi to mbaroodi, ngel wii : « Mbaroodi, nyamlam ngaari haa nyande altine mi yoɓ-maa. » Mbaroodi nyamli ngel ngaari. Bojel yehi to caamaaba, ngel wii : « Caamaaba, nyamlam ngaari haa nyande altine, mi yoɓ-maa ngaari maa. » Caamaaba nyamli ngel ngaari.

Ngel waɗdi e maɓɓe lajal. Nde lajal ngal timmi, bojel yehi to nyiiwa. Ngel wii : « Nyiiwa, addu ɓoggol mi yoɓ-maa ngaari maa. » Nyiiwa hokki ngel ɓoggol. Bojel yehi to mbaroodi, ngel wii : « Mbaroodi, addu ɓoggol mi yoɓ-maa ngaari maa. » Mbaroodi hokki ngel ɓoggol. Bojel yehi to Caamaaba, ngel wii : « Caamaaba, addu ɓoggol mi yoɓ-maa ngaari maa. » Caamaaba hokki ngel ɓoggol.

Bojel ƴeɓti ɓoggi ɗii, ngel haɓɓi e lekki mawki. Bojel yehi to nyiiwa, ngel totti nyiiwa ɓoggol, ngel wii : « Nyiiwa, fooɗ ngaari maa ! » Bojel yehi to mbaroodi, ngel wii : « Mbaroodi, ndaa ɓoggol fooɗ ngaari maa ! » Bojel yehi to caamaaba, ngel totti caamaaba ɓoggol, ngel wii : « Fooɗ ngaari maa ! » Bojel wii gooto fof yoo fooɗ ngaari mum. Ɓe nyalli fooɗde ha ɓe tampi, hay huunde araani. Moni fof rewi e ɓoggol mum, ha ɓe njettii lekki.

Nyiiwa wii : « Waɗi en nii ko Bojel. Kono ɗo njii-moo-mi fof, ko mi baroowo mo ! » Mbaroodi wii : « Ladde ndee mi jaggii ɗum : ɗo njiimi Bojel fof, ko mi baroowo ɗum ! » Caamaaba wii : « Ndiyam, mi jaggii ɗum : nde ngel tellii e ndiyam fof, mi waran ngel ! »

Lella ari yarde. Caamaaba wii : « Ɗum ko Bojel ne ? » Lella wii : « Alaa. Ko miin lella ari yarde. » Caamaaba wii : « So a yiyii Bojel, mbiyaa mo, miin e Nyiiwa e Mbaroodi, ɗo min njii mo fof, ko min warooɓe mo ! »

Lella yehi. Ba yii bojel, ba wii : « Bojel, Nyiiwa e Mbaroodi e Caamaaba mbii ɗo njii-maa fof, ko ɓe warooɓe ma ! Ɗuum noon, a wontaa yar ndiyam, ladde ndee, on kejjataa heen ! »

Bojel ari tawi koturu ina maayi ha ndu nyoli, handu ɓuny-ɓunyca gilɗi. Tan bojel suddii nguru oo, gilɗi ina caama. Bojel ari e sara maayo, tan caamaaba wii : « Hii jam, Koturu, holko waɗ-maa nii ? » Bojel wii : « Waɗi mi nii, ko kuɗdi Bojel. Mi nyamlii ngel ngaari, mbiimi yo ngel yoɓam, ngel salii yoɓde mi, ngel huɗi mi : kuɗdi maggel waɗi mi nii. » Caamaaba wii : « So a yiyii Bojel, miɗa rewannoo mo ngaari, mi yaafi-moo-mo. »

Bojel yehi to nyiiwa. Nyiiwa wii : « Koturu, holko waɗ-maa nii ? » Bojel wii : « Waɗi mi nii ko kuɗdi Bojel. Mi nyamlii ngel ngaari, ngel salii yoɓde mi, ngel huɗi mi : kuɗdi maggel waɗi mi nii. » Nyiiwa wii : « So a yiyii Bojel, mbiyaa mo mi yaafi-moo-mo ngaari ndewanno-moo-mi ndii. »

Bojel yehi to mbaroodi. Mbaroodi wii : « Koturu, holko waɗ-maa nii ? » Ngel wii : « Waɗi mi nii ko kuɗdi Bojel. Mi rewii ngel ngaari, lajal amen timmi, Bojel salii yoɓde mi, huɗi mi : kuɗdi maggel waɗi mi nii. » Mbaroodi wii : « So a yiyii Bojel, mbiyaa mo ngaari ndewanno-moo-mi ndii, mi yaafi-moo-mo ndi.

Tan bojel itti nguru werlii. Ngel yehi to caamaaba. Caamaaba wii : « Ɗum ko Bojel ne ? » Bojel wii : « Yaa Allaahu, yaa Allaahu !… » Caamaaba wii : « Alaa, mi yaafino-maa-ma ngaari am. Ɓam, wata huɗam ! »

Bojel yehi to nyiiwa. Nyiiwa wii : « Ɗum ko Bojel ne ? » Bojel wii : « Yaa Allaahu, yaa Allaahu !… » Nyiiwa wii : « Alaa, alaa ! Wata huɗam, mi yaafino-maa-ma ngaari am ! »

Bojel yehi to mbaroodi. Mbaroodi wii : « Ɗum ko Bojel ne ? » Bojel wii : « Yaa Allaahu, yaa Allaahu !… » Mbaroodi wii : « Alaa, alaa ! Mi yaafi-maa-ma ngaari am ndii, ɓooyii ! »

Ɗoo bojel fanndini nyamaale, nyamaale njoolii !

 

.

.


.

 

 

 


 

 

 

 

 

Bojel e nyiiwa e mbaroodi e caamaaba

Le lièvre, l’éléphant, le lion et le python

 

Wonnoo ɗoo ko bojel.

Était ici un lièvre.

 

Ngel yehi to nyiiwa, ngel wii :

Il alla chez l’éléphant, il dit :

 

« Nyiiwa, nyamlam ngaari haa nyande altine mi yoɓ-maa. »

« Éléphant, donne-moi un bœuf à crédit jusqu’au jour de lundi, je te rembourse. »

 

Nyiiwa nyamli ngel ngaari.

L’éléphant lui donna un bœuf à crédit.

5

Bojel yehi to mbaroodi, ngel wii :

Le lièvre alla chez le lion, il dit :

 

« Mbaroodi, nyamlam ngaari haa nyande altine mi yoɓ-maa. »

« Lion, donne-moi un bœuf à crédit jusqu’au jour de lundi, je te rembourse. »

 

Mbaroodi nyamli ngel ngaari.

Le lion lui donna un bœuf à crédit.

 

Bojel yehi to caamaaba, ngel wii :

Le lièvre alla chez le python, il dit :

 

« Caamaaba, nyamlam ngaari haa nyande altine, mi yoɓ-maa ngaari maa. »

« Python, donne-moi un bœuf à crédit jusqu’au jour de lundi, je te rembourse ton bœuf. »

10

Caamaaba nyamli ngel ngaari.

Le python lui donna un bœuf à crédit.

 

Ngel waɗdi e maɓɓe lajal.

Il convint avec eux d’un délai [de paiement].

 

Nde lajal ngal timmi, bojel yehi to nyiiwa.

Lorsque le délai fut atteint, le lièvre alla chez l’éléphant.

 

Ngel wii :

Il dit :

 

« Nyiiwa, addu ɓoggol mi yoɓ-maa ngaari maa. »

« Éléphant, donne-moi une corde pour que je te rembourse ton bœuf. »

15

Nyiiwa hokki ngel ɓoggol.

L’éléphant lui donna une corde.

 

Bojel yehi to mbaroodi, ngel wii :

Le lièvre alla chez le lion, il dit :

 

« Mbaroodi, addu ɓoggol mi yoɓ-maa ngaari maa. »

« Lion, donne-moi une corde, pour que je te rembourse ton bœuf. »

 

Mbaroodi hokki ngel ɓoggol.

Le lion lui donna une corde.

 

Bojel yehi to Caamaaba, ngel wii :

Le lièvre alla chez le python, il dit :

20

« Caamaaba, addu ɓoggol mi yoɓ-maa ngaari maa. »

« Python, donne-moi une corde, pour que je te rembourse ton bœuf. »

 

Caamaaba hokki ngel ɓoggol.

Le python lui donna une corde.

 

Bojel ƴeɓti ɓoggi ɗii, ngel haɓɓi e lekki mawki.

Le lièvre prit les cordes, il les attacha à un grand arbre.

 

Bojel yehi to nyiiwa, ngel totti nyiiwa ɓoggol, ngel wii :

Le lièvre alla chez l’éléphant, il donna [l’une des] cordes à l’éléphant, il dit :

 

« Nyiiwa, fooɗ ngaari maa ! »

« Éléphant, tire ton bœuf ! »

25

Bojel yehi to mbaroodi, ngel wii :

Le lièvre alla chez le lion, il dit :

 

« Mbaroodi, ndaa ɓoggol fooɗ ngaari maa ! »

« Lion, tiens la corde, tire ton bœuf ! »

 

Bojel yehi to caamaaba, ngel totti caamaaba ɓoggol, ngel wii :

Le lièvre alla chez le python, il donna [l’une des] cordes au python, il dit :

 

« Fooɗ ngaari maa ! »

« Tire ton bœuf ! »

 

Bojel wii gooto fof yoo fooɗ ngaari mum.

Le lièvre dit à chacun de tirer son bœuf.

30

Ɓe nyalli fooɗde ha ɓe tampi, hay huunde araani.

Ils passèrent la journée à tirer jusqu’à ce qu’ils soient épuisés, rien ne vint.

 

Moni fof rewi e ɓoggol mum, ha ɓe njettii lekki.

Chacun suivit sa corde, jusqu’à arriver à l’arbre.

 

Nyiiwa wii :

L’éléphant dit :

 

« Waɗi en nii ko Bojel.

« C’est Lièvre qui nous a fait ça.

 

Kono ɗo njii-moo-mi fof, ko mi baroowo mo ! »

Mais où que je le voie, je le tuerai1 ! »

35

Mbaroodi wii :

Le lion dit :

 

« Ladde ndee mi jaggii ɗum :

« La brousse, je la tiens :

 

ɗo njiimi Bojel fof, ko mi baroowo ɗum ! »

où que je voie Lièvre, je le tuerai ! »

 

Caamaaba wii :

Le python dit :

 

« Ndiyam, mi jaggii ɗum :

« L’eau, je la tiens :

40

nde ngel tellii e ndiyam fof, mi waran ngel ! »

à tout moment où il descendra dans l’eau, je le tuerai ! »

 

Lella ari yarde.

La gazelle vint boire.

 

Caamaaba wii :

Le python dit :

 

« Ɗum ko Bojel ne ? »

« Ça, c’est Lièvre ? »

 

Lella wii :

La gazelle dit :

45

« Alaa.

« Non.

 

Ko miin lella ari yarde. »

C’est moi Gazelle qui suis venue boire. »

 

Caamaaba wii :

Le python dit :

 

« So a yiyii Bojel, mbiyaa mo, miin e Nyiiwa e Mbaroodi, ɗo min njii mo fof, ko min warooɓe mo ! »

« Si tu vois Lièvre, dis-lui que moi, Éléphant et Lion, où que nous le voyions, nous le tuerons ! »

 

Lella yehi.

La gazelle s’en alla.

50

Ba yii bojel, ba wii :

Elle vit le lièvre, elle [lui] dit :

 

« Bojel, Nyiiwa e Mbaroodi e Caamaaba mbii ɗo njii-maa fof, ko ɓe warooɓe ma !

« Lièvre, Éléphant, Lion et Python ont dit que, où qu’ils te voient, ils te tueront !

 

Ɗuum noon, a wontaa yar ndiyam, ladde ndee, on kejjataa heen ! »

Alors, tu ne vas plus jamais boire de l’eau, [et dans] la brousse, vous ne tiendrez pas ensemble2 ! »

 

Bojel ari tawi koturu ina maayi ha ndu nyoli, handu ɓuny-ɓunyca gilɗi.

Le lièvre vint trouver un chat sauvage mort et en putréfaction, grouillant de vers.

 

Tan bojel suddii nguru oo, gilɗi ina caama.

Et le lièvre se couvrit de la peau, les vers étaient en train de tomber par terre.

55

Bojel ari e sara maayo, tan caamaaba wii :

Le lièvre arriva au bord du fleuve, le python [en le voyant] dit :

 

« Hii jam, Koturu, hol ko waɗ-maa nii ? »

« Bon Dieu, Chat Sauvage, qu’est-ce qui t’a fait ça ? »

 

Bojel wii :

Le lièvre dit :

 

« Waɗi mi nii, ko kuɗdi Bojel.

« C’est la malédiction de Lièvre qui m’a fait ça.

 

Mi nyamlii ngel ngaari, mbiimi yo ngel yoɓam, ngel salii yoɓde mi, ngel huɗi mi :

Je lui ai donné un bœuf à crédit, je lui ai dit de me payer, il a refusé de me payer, et il m’a maudit :

60

kuɗdi maggel waɗi mi nii. »

c’est sa malédiction qui m’a fait ça. »

 

Caamaaba wii :

Le python dit :

 

« So a yiyii Bojel, miɗa rewannoo mo ngaari, mi yaafimoo mo. »

« Si tu vois Lièvre, il me devait un bœuf, [dis-lui que] je renonce à ma dette3. »

 

Bojel yehi to nyiiwa.

Le lièvre alla chez l’éléphant.

 

Nyiiwa wii :

L’éléphant dit :

65

« Koturu, hol ko waɗ-maa nii ? »

« Chat Sauvage, qu’est-ce qui t’a fait ça ? »

 

Bojel wii :

Le lièvre dit :

 

« Waɗi mi nii ko kuɗdi Bojel.

« C’est la malédiction de Lièvre qui m’a fait ça.

 

Mi nyamlii ngel ngaari, ngel salii yoɓde mi, ngel huɗi mi :

Je lui ai donné un bœuf à crédit, il a refusé de me payer, et il m’a maudit :

 

kuɗdi maggel waɗi mi nii. »

c’est sa malédiction qui m’a fait ça. »

70

Nyiiwa wii :

L’éléphant dit :

 

« So a yiyii Bojel, mbiyaa mo mi yaafimoo mo ngaari ndewanno-moo-mi ndii. »

« Si tu vois Lièvre, tu lui diras que je renonce au bœuf qu’il me devait. »

 

Bojel yehi to mbaroodi.

Le lièvre alla chez le lion.

 

Mbaroodi wii :

Le lion dit :

 

« Koturu, hol ko waɗ-maa nii ? »

« Chat Sauvage, qu’est-ce qui t’a fait ça ? »

75

Ngel wii :

Il dit :

 

« Waɗi mi nii ko kuɗdi Bojel.

« C’est la malédiction de Lièvre qui m’a fait ça.

 

Mi rewii ngel ngaari, lajal amen timmi, Bojel salii yoɓde mi, huɗi mi :

Il me devait un bœuf, le délai fut atteint, Lièvre a refusé de me payer et m’a maudit :

 

kuɗdi maggel waɗi mi nii. »

c’est sa malédiction qui m’a fait ça. »

 

Mbaroodi wii :

Le lion dit :

80

« So a yiyii Bojel, mbiyaa mo ngaari ndewanno-moo-mi ndii, mi yaafimoo mo ndi.

« Si tu vois Lièvre, tu lui diras que le bœuf qu’il me devait, j’y ai renoncé. »

 

Tan bojel itti nguru werlii.

Alors, le lièvre ôta la peau et la jeta.

 

Ngel yehi to caamaaba.

Il alla chez le python.

 

Caamaaba wii :

Le python dit :

 

« Ɗum ko Bojel ne ? »

« Ça, c’est Lièvre ? »

85

Bojel wii :

Le lièvre dit :

 

« Yaa Allaahu, yaa Allaahu !… »

« Yaa Allaahu, yaa Allaahu !… »

 

Caamaaba wii :

Le python dit :

 

« Alaa, mi yaafinomaa ma ngaari am.

« Non, j’avais renoncé au bœuf que tu me devais.

 

Ɓam, wata huɗam ! »

Va avec, ne me maudis pas ! »

90

Bojel yehi to nyiiwa.

Il alla chez l’éléphant.

 

Nyiiwa wii :

L’éléphant dit :

 

« Ɗum ko Bojel ne ? »

« Ça, c’est Lièvre ? »

 

Bojel wii :

Le lièvre dit :

 

« Yaa Allaahu, yaa Allaahu !… »

« Yaa Allaahu, yaa Allaahu !… »

95

Nyiiwa wii :

L’éléphant dit :

 

« Alaa, alaa !

« Non, non !

 

Wata huɗam, mi yaafinomaa ma ngaari am ! »

Ne me maudis pas, j’avais renoncé au bœuf que tu me devais  ! »

 

Bojel yehi to mbaroodi.

Le lièvre alla chez le lion.

 

Mbaroodi wii :

Le lion dit :

100

« Ɗum ko Bojel ne ? »

« Ça, c’est Lièvre ? »

 

Bojel wii :

Le lièvre dit :

 

« Yaa Allaahu, yaa Allaahu !… »

« Yaa Allaahu, yaa Allaahu !… »

 

Mbaroodi wii :

Le lion dit :

 

« Alaa, alaa !

« Non, non !

105

Mi yaafimaa ma ngaari am ndii, ɓooyii ! »

J’ai renoncé au bœuf que tu me devais depuis longtemps ! »

 

Ɗoo bojel fanndini nyamaale, nyamaale njoolii !

[C’est] là [que] le lièvre s’appropria définitivement les dettes, et les dettes se noyèrent !

 


 

Notes:

1  Mot à mot : ko mi baroowo mo « je suis celui qui le tue ».

2  Mot à mot : on kejjataa heen (de heƴ- /suffire/ + dérivatif -d‑ /ensemble/) « vous ne pouvez pas être contenus ensemble dedans ».

3  Mot à mot : mi yaafimoo mo [nyamaande ndee] « je lui ai pardonné [la dette] ».

© Copyright ADELLAF 2021

Fowru e debbo e cukalel mum / L’hyène, la femme et son enfant

 

 

 

texte traduit par

Oumar Mounirou Déme et Aliou Mohamadou

 

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Mots-clés: peul, pulaar ; Gambie, Sénégal, Mauritanie, Ouest du Mali — écriture littéraire ; tinndol, conte, fable — hyène ; enfant, mère, ruse, naïveté.

Contexte de production: Écrit en 1986 d’après une version dite par Alassane Thiam ; oralisé par l’association Timtimol en mars 2012. Présentation du recueil.

Voix: Mamadou Abdoul Sek.

Réalisation: Pierre Amiand et Bénédicte Chaine-Sidibé.

Résumé:  L’hyène est restée trois jours sans manger. Elle trouve un bébé couché au pied d’un tamarinier. Elle regarde dans l’arbre, elle voit la mère de l’enfant qui est en train de cueillir des feuilles du tamarinier. L’hyène se réjouit : de l’enfant, elle va faire son déjeuner, et de la mère, son dîner.

L’enfant se met à pleurer. « Pourquoi Déjeuner pleure-t-il ? » demande l’hyène à la mère. La femme explique qu’il pleure parce qu’il a l’habitude de déjeuner du foie d’hyène ; son père est parti chasser les hyènes, « Il m’a dit de monter dans l’arbre, si je vois une hyène, que je le lui dise. »

L’hyène a peur. Elle cherche à se faire passer pour un hippotrague. Elle finit par détaler, elle s’enfonce dans la brousse.

Référence: Baylaa Kulibali, Tinndi [contes]. Édition spéciale accompagnée de lexique peul-français par Aliou Mohamadou, Paris, Binndi e jannde, 1996, p. 16.

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Fowru e debbo e cukalel mum / L’hyène, la femme et son enfant

 

 

 

Wonnoo ɗoo ko fowru.

Ndu raddi balɗe tati, ndu danyaani ko ndu nyaami. Ndu nyalli yaade, handu tampi. Ndu ari les lekki handu leha, handu ɗeɓa maayde heege. Ndu yii cukalel ina lelnaa e les lekki jammi. Ndu wii : « Ɗum kam, maa taw ko koyɗol, walla ko gite am ɗee ngoni ɗe mbelaani no feewi ? »

Ndu toknyii, ndu feerti gite, ndu ndaari cukalel ngel, ndu hooynii dow, ndu yii debbo ina woosa yatilo. Tan ndu moosi. Ndu geewii, ndu yirlii seeɗa, ndu arti sara cukalel ngel. Tan ndu wii : « Ɗum kam wonataa : miɗa jooɗii balɗe tati mi nyaamaani !… Cukalel ngel, ko bottaari mbaɗanmi ngel. Yummo oo, ko hiraande mbaɗan-moo-mi. »

Tan cukalel ngel woni e woyde. Ndu hooynii dow lekki, ndu wii debbo oo : « Hiraande, holko Bottaari woyata ? » Debbo oo wii : « Kanko dey, o woyata, ko o goowɗo wottaade keenye pobbi ; hannde noon, gila subaka baaba makko ina waanya pobbi, hay wooturu yiyaani. Ɗuum woni ko o woyata. Baaba makko nena e nder jeeje, gila subaka heɓaani hay batte. O wii kam, yo mi ŋabbu dow lekki, so mi sooyniima fowru, mi haalana mo. Ɗuum woni ko ŋabbini mi dow lekki. » Ndu wii : « Ɗuum dey, yoo ngaari kooba dunkilo yah. » Debbo oo wii : « Ngaari kooba ndi alaa gallaaɗi ? » Ndu furƴini, ndu wii : « Hii, wonaa ko nguumuuji deedaaɗi tan njahata e ladde hee ? » Debbo oo wii : « Ngaari kooba ina yaha, ina jooɗtoo ? » Ndu wii : « Ndii ko kelnoondi ina jokki. »

Tan ndu ruŋtii, ndu woni e nyoƴƴude koyɗe handu doga !… Debbo oo wii : « Aan a wonaa kooba, ko a fowru ! Ooy baaba makko, ar ! Fowru ne nii. » Tan fowru renndini, punndi ruuki. Fowru dogi naati e nder ladde, ina nanta teppe mum, ɓeydii marnyaade e koose. Ɗoo debbo seerti e fowru. O tellii. O ƴeɓti ɓiyiiko. O faati wuro.

Gila ndeen, ina haɗaa ɗalde baasnumel tan e nder ladde, walla e nder ngesa, walla to baɗtoowo e mum hakkille ɗoo alaa…

Diwaa ɗoo, ɗakkaa ɗoo…

 

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Fowru e debbo e cukalel mum

L’hyène, la femme et son enfant

 

Wonnoo ɗoo ko fowru.

Était ici une hyène.

 

Ndu raddi balɗe tati, ndu danyaani ko ndu nyaami.

Elle chassa pendant trois jours, elle ne trouva rien à manger.

 

Ndu nyalli yaade ha ndu tampi.

Elle passa la journée à marcher jusqu’à épuisement1.

 

Ndu ari les lekki handu leha, handu ɗeɓa maayde heege.

Elle arriva sous un arbre, elle haletait, elle était sur le point de mourir de faim.

5

Ndu yii cukalel ina lelnaa e les lekki jammi.

Elle vit un enfant qu’on avait couché sous un arbre, un tamarinier.

 

Ndu wii :

Elle dit :

 

« Ɗum kam, maa taw ko koyɗol, walla ko gite am ɗee ngoni ɗe mbelaani no feewi ? »

« Ça, c’est sans doute un rêve, ou alors ce sont mes yeux qui ne voient pas bien ? »

 

Ndu toknyii, ndu feerti gite, ndu ndaari cukalel ngel, ndu hooynii dow, ndu yii debbo ina woosa yatilo.

Elle se frotta les yeux, elle ouvrit bien les yeux, elle regarda l’enfant, elle regarda en haut, elle vit une femme qui cueillait des feuilles de tamarinier.

 

Tan ndu moosi.

Elle sourit.

10

Ndu geewii, ndu yirlii seeɗa, ndu arti sara cukalel ngel.

Elle dansa, elle tournoya un instant, elle revint à côté de l’enfant.

 

Tan ndu wii :

Elle dit :

 

« Ɗum kam wonataa :

« Ça, c’est pas possible :

 

miɗa jooɗii balɗe tati mi nyaamaani !…

je suis restée trois jours sans manger !…

 

Cukalel ngel, ko bottaari mbaɗanmi ngel.

L’enfant, j’en ferai le déjeuner.

15

Yumma oo, ko hiraande mbaɗan-moo-mi. »

La maman, j’en ferai le dîner. »

 

Tan cukalel ngel woni e woyde.

Et l’enfant se mit à pleurer.

 

Ndu hooynii dow lekki, ndu wii debbo oo :

Elle regarda en haut de l’arbre, elle dit à la femme :

 

« Hiraande, hol ko Bottaari woyata ? »

« Dîner, pourquoi Déjeuner pleure-t-il ? »

 

Debbo oo wii :

La femme dit :

20

« Kanko dey, o woyata, ko o goowɗo wottaade keenye pobbi ;

« Lui, en fait, il pleure parce qu’il avait l’habitude de déjeuner de foie d’hyène ;

 

hannde noon, gila subaka baaba makko ina waanya pobbi, hay wooturu yiyaani.

or aujourd’hui, depuis le matin, son père est en train de chasser les hyènes, et il n’en a vu aucune.

 

Ɗuum woni ko o woyata.

C’est pour cela qu’il pleure.

 

Baaba makko nena e nder jeejee, gila subaka heɓaani hay batte.

Son père est dans une cache, depuis ce matin, il n’a rien obtenu.

 

O wii kam yo mi ŋabbu dow lekki, so mi sooyniima fowru, mi haalana mo.

Il m’a dit de monter dans l’arbre, si je vois une hyène, que je [le] lui dise.

25

Ɗuum woni ko ŋabbini mi dow lekki. »

C’est ce qui m’a amenée à monter dans l’arbre. »

 

Ndu wii :

Elle [l’hyène] dit :

 

« Ɗuum dey, yoo ngaari kooba dunkilo yaha. »

« Dans ce cas, que le grand mâle des hippotragues s’en aille de son pas lourd2. »

 

Debbo oo wii :

La femme dit :

 

« Ngaari kooba ndi alaa gallaaɗi ? »

« Un grand mâle des hippotragues qui n’a pas de cornes ? »

30

Ndu furƴini, ndu wii :

Elle [l’hyène] fit une moue bruyante, elle dit :

 

« Hii, wonaa ko nguumuuji deedaaɗi tan njahata e ladde hee ? »

« Hii, n’est-ce pas qu’il n’y a que des bâtards sans cornes qui marchent dans cette brousse ? »

 

Debbo oo wii :

La femme dit :

 

« Ngaari kooba ina yaha, ina jooɗtoo ? »

« Un grand mâle des hippotragues qui marche en boitillant ? »

 

Ndu wii :

Elle [l’hyène] dit :

35

« Ndii ko kelnoondi ina jokki. »

« Celui-ci avait eu une fracture qui est guérie. »

 

Tan ndu ruŋtii, ndu woni e nyoƴƴude koyɗe handu doga !…

Et elle tourna les talons, se mit à accélérer le pas et à courir !…

 

Debbo oo wii :

La femme dit :

 

« Aan a wonaa kooba, ko a fowru !

« Toi, tu n’es pas un hippotrague, tu es une hyène ! 

 

Ooy baaba makko, ar !

Hé, père de l’enfant, viens !

40

Fowru ne nii. »

Voici une hyène ! »

 

Tan fowru renndini, punndi ruuki.

Alors, l’hyène détala3, la poussière se souleva.

 

Fowru dogi naati e nder ladde, ina nanta teppe mum, ɓeydii marnyaade e koose.

L’hyène s’enfuit, pénétra dans la brousse [et], entendant le bruit de ses propres pas, s’enfonça davantage dans les épineux

 

Ɗoo debbo seerti e fowru.

[C’est] là que la femme se débarrassa de l’hyène.

 

O tellii.

Elle descendit.

45

O ƴeɓti ɓiyiiko.

Elle prit son enfant.

 

O faati wuro.

Elle retourna au village.

 

Gila ndeen, ina haɗaa ɗalde baasnumel tan e nder ladde, walla e nder ngesa, walla to baɗtoowo e mum hakkille ɗoo alaa…

Depuis lors, il est interdit de laisser un petit enfant seul dans la brousse, ou dans un champ, ou bien là où il n’y a personne qui fasse attention à lui…

 

Diwaa ɗoo, ɗakkaa ɗoo…

Bondi ici, collé ici4

 


 

Notes:

1  Mot à mot : ha ndu tampi « jusqu’à ce qu’elle fût épuisée”.

2  Mot à mot : yoo ngaari kooba dunkilo yaha « que le grand mâle hippotrague marche d’un pas lourd et qu’il s’en aille ».

3  Traduction de renndini : accompli relatif de renndinde « rassembler ; réunir » ; renvoie ici à l’idée de « détaler ».

4  Traduction littérale de diwaa ɗoo, ɗakkaa ɗoo « a été réalisé un bond ici, a été collé ici » ; formule finale des contes en pulaar.

© Copyright ADELLAF 2021

Nyiiwa e mbaroodi e cewngu e fowru / L’éléphant, le lion, le léopard et l’hyène

 

 

 

texte traduit par

Oumar Mounirou Déme et Aliou Mohamadou

 

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Mots-clés: peul, pulaar ; Gambie, Sénégal, Mauritanie, Ouest du Mali — écriture littéraire ; tinndol, conte, fable — éléphant, lion, léopard, hyène, lièvre ; force, ruse.

Contexte de production: Écrit en 1986 d’après une version dite par Alassane Thiam ; oralisé par l’association Timtimol en mars 2012. Présentation du recueil.

Voix: Oumar Ndiaye.

Réalisation: Pierre Amiand et Bénédicte Chaine-Sidibé.

Résumé:

L’éléphant, le lion, le léopard et l’hyène construisent une case au bord de l’eau, ils la nomment « La Case des Forts ». La gazelle apprend la nouvelle, elle se plaint auprès du lièvre : la brousse est devenue mauvaise, on ne pourra plus boire. Le lièvre promet de faire éclater la case.

Il se procure une vieille marmite, un coquillage, une outre qu’il remplit d’eau, un fusil à poudre et des munitions. Les Forts partent à la chasse. Le lièvre descend chez eux en leur absence. Il se couche à la place de l’éléphant.

L’éléphant est le premier à être de retour. Il cède sa place au lièvre et il se couche à la place du lion, qui à son tour se couche à la place du léopard, qui se couche à la place de l’hyène, qui se couche devant la porte. L’hyène avertit les autres animaux : un étranger qui se couche à la place de l’éléphant doit être quelqu’un de puissant.

La nuit, le lièvre demande à l’éléphant la permission de se gratter. Il se met à râcler la marmite avec le coquillage. L’hyène s’affole. L’éléphant la calme en lui expliquant que c’est leur hôte qui se gratte. Un peu plus tard dans la nuit, le lièvre demande la permission de se soulager. Il défait l’outre, l’eau dévale dans la case. Plus tard encore, il demande la permission de péter. Il tire un coup de fusil. Les animaux, effrayés, se précipitent dans toutes les directions, emportant chacun un pan de la case. Depuis ce moment-là, ils ne se sont pas retrouvés.

Référence: Baylaa Kulibali, Tinndi [contes]. Édition spéciale accompagnée de lexique peul-français par Aliou Mohamadou, Paris, Binndi e jannde, 1996, p. 14.

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Nyiiwa e mbaroodi e cewngu e fowru / L’éléphant, le lion, le léopard et l’hyène

 

 

 

Wonnoo ɗoo ko nyiiwa e mbaroodi e cewngu e fowru. Ɓe mbii haɓe mbaɗa suudu joom-doole’en.

Ɓe mbaɗi suudu e sara ndiyam. Ɓe nginniri ndu « Suudu Joom-Doole’en ».

Lella nani ɗum wii : « Ladde bonii ! Joom-doole’en mbaɗii suudu sara ndiyam, mbii ndu Suudu Joom-Doole’en. Hay gooto yarataa hankadi ! » Ba wii : « Bojel, ladde bonii, joom-doole’en mbaɗii suudu sara ndiyam, ɓe mbii ko Suudu Joom-Doole’en. Ɗuum en mbooraama ! » Bojel wii : « Holi ɓeen ? » Lella wii : « Nyiiwa e mbaroodi e cewngu e fowru. » Bojel wii : « Ma mi sar suudu maɓɓe nduu, ɓe ngontaa renndu e Aduna ha ɓe maaya ! »

Ndeen ɓe peewni suudu nduu. Ɓe pecci lelɗe ɗee : lelnde nyiiwa, lelnde mbaroodi, lelnde cewngu, lelnde fowru. Ɓe mbii hay gooto wata toony goɗɗo oon. Ɓe kawri e oon shari’a.

Bojel ƴeewi barme kiiɗɗo e wujo e hudusuru. Bojel loowi hudusuru ndiyam haa heewi. Ƴeewi fetel, loowi heen peɗeeli nay conndi. Bojel seŋi heen kapsin boɗeejo coy. Taw nyiiwa e mbaroodi e cewngu e fowru ndaddoyii. Ngel ari, ngel naati suudu, ngel heɓi lelnde nyiiwa, ngel lelii.

Hiiri. Nyiiwa adii arde, tawi bojel ina lelii e lelnde mum. Nyiiwa wii : « Hol oo ? » Bojel wii : « Miin dey ko mi koɗo. Mi arii ɗoo, taw hiirii, mi yiyaani ɗoo hay gooto, mbiimi mi leloo ɗoo haa janngo mi dawa. » Nyiiwa wii : « Suudu nduu ko Suudu Joom-Doole’en, ko miin adii joftude, heddiiɓe ɓee nena ngara. Kono haadi ko a koɗo, waal ɗoo haa janngo. Bisimilla maa ! » Nyiiwa heɓi lelnde mbaroodi lelii. Mbaroodi arti wii : « Hay yontinaani, toonyannge ina fuɗɗoo ?

Nyiiwa wii : « Alaa, ko en danyɓe koɗo, haa subaka o yaha. Lelo e lelnde cewngu. » Mbaroodi wii : « Ɗum ina moƴƴi. » Mbaroodi lelii e lelnde cewngu.

Cewngu ari wii : « Hii jam ! Hay yontinaani, toonyannge ina fuɗɗoo ? » Mbaroodi wii : « Alaa, ko en danyɓe koɗo, lelii e lelnde nyiiwa. Lelo e lelnde fowru haa janngo tan moni fof heɓa lelnde mum. » Cewngu wii : « Ɗum ina moƴƴi. » Cewngu lelii e lelnde fowru.

Fowru arti wii : « Hee hee, hay yontinaani tawo, toonyannge ina fuɗɗoo ? » Cewngu wii : « Alaa, ko en danyɓe koɗo, lelii lelnde nyiiwa, nyiiwa lelii lelnde mbaroodi, mbaroodi lelii lelnde am, miin, leliimi lelnde maa. Haa janngo tan, moni fof heɓa lelnde mum. » Fowru wii : « Hee hee, koɗo lelotooɗo lelnde nyiiwa ? Oo koɗo koy, ko o joom doole koy ! Nduu suudu dey, so o waalii e men hannde ndu fusaani, ngannden ndu wontaa bon ! » Fowru lelii e damal…

Nde yehi haa jenngi, bojel wii : « Nyiiwa, suudu mon nduu ina ŋaanyee ne ? » Nyiiwa wii : « Handu ŋaanyee kay. flaanyo ! » Bojel ƴeɓti wujo tan waɗi e barme koos !… koos !… Fowru fini wii : « Hii jam ! Ko ɗum woni ? » Nyiiwa wii : « Famɗin dille : ko koɗo men ŋaanyotoo. » Fowru wii : « Ɗum ko segene ? Nduu suudu, so ndu weetii e men ndu fusaani e men, ngannden ndu wontaa fus !… »

Yehi haa ɓooyi, bojel wii : « Nyiiwa, suudu mon nduu ina soofee ne ? » Nyiiwa wii : « Handu soofee. Minen fof ko ɗoo min coofata. Soof ! » Tan bojel haɓɓiti hudusuru, ndiyam deeli e leydi, wayi no waraango nii ! Ndiyam ɗam tawi fowru e damal. Fowru wii : « Hii jam ! Ko ngoo waraango woni ? » Nyiiwa wii : « Famɗin dille maa : ko koɗo men soofata. » Fowru wii : « Ɗum ko coofe ? Hii, ha mi yiya oo jamma weeta ! »

Yehi haa ndaari weetde, bojel wii : « Nyiiwa, suudu mon nduu ina puttee ne ? » Nyiiwa wii : « Ina puttee. Minen fof ko ɗoo min puttata. Puttu ! » Bojel ƴeɓti fetel, fooɗi ngelooba, nanngi e rawaandu, kapsinaaji petti, fiyannde waɗi tuy !… Tan nyiiwa roondii bannge e suudu, mbaroodi bannge e suudu, cewngu roondii bannge e suudu, fowru roondii bannge e suudu. Tan suudu dajjitii. Moni e maɓɓe fof rewi tiinde mum.

Fowru wii : « Miin kay, mi haaliino : koɗo lelotooɗo e lelnde nyiiwa, oon koɗo kay, to waali fof, jam waalataa ɗoon ! »

Gila ndeen, ɓe kawraani.

 

.

.


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Nyiiwa e mbaroodi e cewngu e fowru

L’éléphant, le lion, le léopard et l’hyène

 

Wonnoo ɗoo ko nyiiwa e mbaroodi e cewngu e fowru.

Étaient ici un éléphant, un lion, un léopard et une hyène.

 

Ɓe mbii haɓe mbaɗa suudu jom-doole’en.

Ils décidèrent de construire la case des forts.

 

Ɓe mbaɗi suudu e sara ndiyam.

Ils construisirent une case au bord de l’eau.

 

Ɓe nginniri ndu « Suudu Jom-Doole’en ».

Ils l’appelèrent « La Case des Forts ».

5

Lella nani ɗum wii :

La gazelle apprit cela et dit :

 

« Ladde bonii !

« La brousse est devenue mauvaise !

 

Jom-Doole’en mbaɗii suudu sara ndiyam, mbii ndu Suudu Jom-Doole’en.

Les forts ont construit une case au bord de l’eau et l’ont baptisée « La Case des Forts ».

 

Hay gooto yarataa hankadi ! »

Personne ne pourra boire désormais ! »

 

Ba wii :

Elle dit :

10

« Bojel, ladde bonii, joom-doole’en mbaɗii suudu sara ndiyam, ɓe mbii ko Suudu Jom-Doole’en.

« Lièvre, la brousse est devenue mauvaise, les forts ont construit une case au bord de l’eau et l’ont baptisée « La Case des Forts ».

 

Ɗuum, en mbooraama ! »

Ça, c’est un malheur qui nous arrive ! »

 

Bojel wii :

Le lièvre dit :

 

« Holi ɓeen ? »

« Qui sont-ils ?

 

Lella wii :

La gazelle dit :

15

« Nyiiwa e mbaroodi e cewngu e fowru. »

« L’éléphant, le lion, le léopard et l’hyène. »

 

Bojel wii :

Le lièvre dit :

 

« Ma mi sar suudu maɓɓe nduu, ɓe ngontaa renndu e aduna ha ɓe maaya ! »

« Je vais les disperser1, ils ne vont plus jamais se réunir ici-bas jusqu’à leur mort ! »

 

Ndeen ɓe peewnii suudu nduu,

Lorsqu’ils eurent construit la case,

 

ɓe pecci lelɗe ɗee :

ils attribuèrent les couches :

20

lelnde nyiiwa, lelnde mbaroodi, lelnde cewngu, lelnde fowru.

la couche de l’éléphant, la couche du lion, la couche du léopard, la couche de l’hyène.

 

Ɓe mbii hay gooto wata toony goɗɗo oon.

Ils dirent que personne ne fasse du tort à l’autre.

 

Ɓe kawri e oon shari’a.

Ils s’accordèrent sur cette loi.

 

Bojel ƴeewi barme kiiɗɗo e wujo e hudusuru.

Le lièvre se procura une vieille marmite, un coquillage et une outre.

 

Bojel loowi hudusuru ndiyam haa heewi.

Le lièvre remplit une outre d’eau2.

25

Ƴeewi fetel, loowi heen peɗeeli nay conndi.

Il se procura un fusil, le chargea de quatre doigts de poudre.

 

Bojel seŋi heen kapsin boɗeejo coy !

Le lièvre y « accrocha » une capsule toute rouge !

 

Taw nyiiwa e mbaroodi e cewngu e fowru ndaddoyii.

Pendant ce temps, l’éléphant, le lion, le léopard et l’hyène étaient partis à la chasse.

 

Ngel ari, ngel naati suudu, ngel heɓi lelnde nyiiwa, ngel lelii.

Il [le lièvre] vint, il entra dans la case, il se coucha à la place de l’éléphant.

 

Hiiri.

Le soir tomba.

30

Nyiiwa adii arde, tawi bojel ina lelii e lelnde mum.

L’éléphant fut le premier à venir, il trouva le lièvre couché à sa place.

 

Nyiiwa wii :

L’éléphant dit :

 

« Hol oo ? »

« Qui est celui-là ? »

 

Bojel wii :

Le lièvre dit :

 

« Miin dey ko mi koɗo.

« Moi, je suis un étranger.

35

Mi arii ɗoo, taw hiirii, mi yiyaani ɗoo hay gooto, mbiimi mi leloo ɗoo haa janngo mi dawa. »

Je suis arrivé ici alors qu’il faisait nuit, je n’ai vu personne ici, je me suis dit que j’allais me coucher ici jusqu’à demain, je repartirai le matin. »

 

Nyiiwa wii :

L’éléphant dit :

 

« Suudu nduu ko Suudu Jom-Doole’en, ko miin adii joftude, heddiiɓe ɓee ne na ngara.

« La case est La Case des Forts, c’est moi qui suis le premier à revenir, les autres vont bientôt arriver.

 

Kono haadi ko a koɗo, waal ɗoo haa janngo.

Mais puisque tu es un étranger, passe la nuit ici jusqu’à demain.

 

Bisimilla maa ! »

Tu es le bienvenu ! »

40

Nyiiwa heɓi lelnde mbaroodi lelii.

L’éléphant se mit à la place du lion et se coucha.

 

Mbaroodi arti wii :

Le lion revint et dit :

 

« Hay yontinaani, toonyannge ina fuɗɗoo ?

« Il ne s’est même pas passé une semaine et les provocations commencent [déjà] ? »

 

Nyiiwa wii :

L’éléphant dit :

 

« Alaa, ko en danyɓe koɗo, haa subaka o yaha.

« Non, on a un étranger, demain matin, il partira.

45

Lelo e lelnde cewngu. »

Couche-toi à la place du léopard. »

 

Mbaroodi wii :

Le lion dit :

 

« Ɗum ina moƴƴi. »

« C’est bien. »

 

Mbaroodi lelii e lelnde cewngu.

Le lion se coucha à la place du léopard. 

 

Cewngu ari wii :

Le léopard arriva et dit :

50

« Hii jam !

« Bon sang !

 

Hay yontinaani, toonyannge ina fuɗɗoo ? »

« Il ne s’est même pas passé une semaine et les provocations commencent [déjà] ?

 

Mbaroodi wii :

Le lion dit :

 

« Alaa, ko en danyɓe koɗo, lelii e lelnde nyiiwa.

« Non, nous avons un étranger qui s’est couché à la place de l’éléphant.

 

Lelo e lelnde fowru haa janngo tan moni fof heɓa lelnde mum. »

Couche-toi à la place de l’hyène jusqu’à demain seulement, chacun va reprendre sa couche. »

55

Cewngu wii :

Le léopard dit :

 

« Ɗum ina moƴƴi. »

« C’est bien. »

 

Cewngu lelii e lelnde fowru.

Le léopard se coucha à la place de l’hyène.

 

Fowru arti wii :

L’hyène revint et dit :

 

« Hee hee, hay yontinaani tawo, toonyannge ina fuɗɗoo ? »

« Hee hee ! Il ne s’est même pas encore passé une semaine et les provocations commencent [déjà] ?

60

Cewngu wii :

Le léopard dit :

 

« Alaa, ko en danyɓe koɗo, lelii lelnde nyiiwa, nyiiwa lelii lelnde mbaroodi, mbaroodi lelii lelnde am, miin, leliimi lelnde maa.

« Non, nous avons un étranger qui s’est couché à la place de l’éléphant, l’éléphant s’est couché à la place du lion, le lion s’est couché à ma place, moi je me suis couché à ta place.

 

Haa janngo tan, moni fof heɓa lelnde mum. »

Jusqu’à demain seulement, chacun va reprendre sa place. »

 

Fowru wii :

L’hyène dit :

 

« Hee hee, koɗo lelotooɗo lelnde nyiiwa ?

« Hee hee, un étranger qui se couche à la place de l’éléphant ?

65

Oo koɗo koy, ko o jom-doole koy !

Cet étranger-là est vraiment fort !

 

Nduu suudu dey, so o waalii e men hannde ndu fusaani, ngannden ndu wontaa bon ! »

Cette case, à coup sûr, s’il passe la nuit avec nous et qu’elle ne s’est pas effondrée, alors elle ne sera jamais détruite ! »

 

Fowru lelii e damal…

L’hyène se coucha à l’entrée…

 

Nde yehi haa jenngi, bojel wii :

Lorsqu’il se fit tard dans la nuit, le lièvre dit :

 

« Nyiiwa, suudu mon nduu ina ŋaanyee ne ? »

« Éléphant, votre case-là, est-ce qu’on s’y gratte ? »

70

Nyiiwa wii :

L’éléphant dit :

 

« Handu ŋaanyee kay.

« Si, on s’y gratte.

 

Ŋaanyo ! »

Gratte-toi ! »

 

Bojel ƴeɓti wujo tan waɗi e barme koos !…

Le lièvre prit le coquillage et fit sur la marmite koos !…

 

koos !…

koos !…

75

Fowru fini wii :

L’hyène se réveilla et dit :

 

« Hii jam !

« Bon sang !

 

Ko ɗum woni ? »

Qu’est-ce que c’est que ça ?

 

Nyiiwa wii :

L’éléphant dit :

 

« Famɗin dille :

« Fais moins de bruit :

80

ko koɗo men ŋaanyotoo. »

c’est notre hôte qui se gratte. »

 

Fowru wii :

L’hyène dit :

 

« Ɗum ko segene ?

« Ça c’est des ongles ? 

 

Nduu suudu, so ndu weetii e men ndu fusaani e men, ngannden ndu wontaa fus !… »

Cette case, si elle tient jusqu’au lever du jour3 et qu’elle ne s’est pas effondrée sur nous, alors elle ne va jamais s’effondrer ! »

 

Yehi haa ɓooyi, bojel wii :

Quelque temps après, le lièvre dit :

85

« Nyiiwa, suudu mon nduu ina soofee ne ? »

« Éléphant, votre case-là, est-ce qu’on y urine ? »

 

Nyiiwa wii :

L’éléphant dit :

 

« Handu soofee.

« On y urine.

 

Minen fof ko ɗoo min coofata.

Nous tous, c’est ici que nous urinons.

 

Soof ! »

Urine ! »

90

Tan bojel haɓɓiti hudusuru, ndiyam deeli e leydi, wayi no waraango nii !

Alors le lièvre dénoua l’outre, l’eau se répandit sur le sol, tel un torrent !

 

Ndiyam ɗam tawi fowru e damal.

L’eau trouva l’hyène à la porte.

 

Fowru wii :

L’hyène dit :

 

« Hii jam !

« Bon sang !

 

Ko ngoo waraango woni ? »

Qu’est-ce que c’est que ce torrent ?

95

Nyiiwa wii :

L’éléphant dit :

 

« Famɗin dille maa :

« Fais moins de bruit :

 

ko koɗo men soofata. »

c’est notre hôte qui urine. »

 

Fowru wii :

L’hyène dit :

 

« Ɗum ko coofe ?

« Ça c’est des urines ? 

100

Hii, ha mi yiya oo jamma weeta ! »

Hii4, on verra bien comment cette nuit va finir5 ! »

 

Yehi haa ndaari weetde, bojel wii :

Le temps passa jusqu’à ce qu’il fasse presque jour, le lièvre dit :

 

« Nyiiwa, suudu mon nduu ina puttee ne ? »

« Éléphant, votre case-là, est-ce qu’on y pète ? »

 

Nyiiwa wii :

L’éléphant dit :

 

« Ina puttee.

« On y pète.

105

Minen fof ko ɗoo min puttata.

Nous tous, c’est ici que nous pétons.

 

Puttu ! »

Pète ! »

 

Bojel ƴeɓti fetel, fooɗi ngelooba, nanngi e rawaandu, kapsinaaji petti, fiyannde waɗi tuy !…

Le lièvre prit le fusil, tira le bassinet, appuya sur la détente, les capsules éclatèrent, la détonation fit tuy !…

 

Tan nyiiwa roondii bannge e suudu, mbaroodi bannge e suudu, cewngu roondii bannge e suudu, fowru roondii bannge e suudu.

Alors, l’éléphant fonça sur un pan de la case, le lion sur un pan de la case, le léopard fonça sur un pan de la case, l’hyène fonça sur un pan de la case.

 

Tan suudu dajjitii.

Alors, la case explosa.

110

Moni e maɓɓe fof rewi tiinde mum.

Chacun d’eux partit dans sa direction6.

 

Fowru wii :

L’hyène dit :

 

« Miin kay, mi haaliino :

« Moi, en tout cas, j’avais parlé :

 

koɗo lelotooɗo e lelnde nyiiwa, oon koɗo kay, to waali fof, jam waalataa ɗoon ! »

un hôte qui se couche à la place de l’éléphant, cet hôte-là, en tout cas, partout où passe la nuit, la paix ne passera pas la nuit à cet endroit-là ! »

 

Gila ndeen, ɓe kawraani.

Depuis ce moment-là, ils ne se sont pas rencontrés.

 


 

Notes:

1  Mot à mot : ma mi sar suudu maɓɓe nduu « je vais disperser leur case ».

2  Mot à mot : loowi hudusuru ndiyam haa heewi « mit de l’eau dans une outre jusqu’à ce qu’elle fût pleine ».

3  Mot à mot : so ndu weetii e men « si elle est arrivée au matin avec nous »

4  Interjection marquant, ici, la résignation ou le scepticisme.

5  Mot à mot : ha mi yiya oo jamma weeta « que je vois cette nuit faire jour ».

6  Mot à mot : rewi tiinde mum « suivit son front ».

© Copyright ADELLAF 2021

Fowru e bojel e rawaandu / L’hyène, le lièvre et le chien

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texte traduit par

Oumar Mounirou Déme et Aliou Mohamadou

 

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Mots-cléspeul, pulaar ; Gambie, Sénégal, Mauritanie, Ouest du Mali — écriture littéraire ; tinndol, conte, fable — hyène, lièvre, chien ; naîveté, méfiance.

Contexte de production: Écrit en 1986 d’après une version dite par Alassane Thiam ; oralisé par l’association Timtimol en mars 2012. Présentation du recueil.

Voix: Ibrahima Dia.

Réalisation: Pierre Amiand et Bénédicte Chaine-Sidibé.

Résumé:  Le chien va trouver l’hyène et le lièvre dans la brousse. Il leur parle des bons plats qu’on trouve au village. Il leur décrit le « koddé1 ». La nuit tombée, l’hyène va au village ingurgiter de la cendre. Elle revient dire au lièvre qu’elle a mangé du « koddé ». Le lièvre ne la croit pas. Ils se renseignent auprès du chien, celui-ci dit qu’il ne s’agit pas de « koddé » ; lorsque l’hyène parviendra à l’endroit où se trouve le « koddé », tous les animaux le sauront. Il lui décrit l’emplacement où l’on garde habituellement le « koddé ».

La nuit, l’hyène va au village, elle entre dans une case, elle se dirige vers l’emplacement où se trouve habituellement le « koddé ». Elle reçoit un coup de gourdin sur la truffe, elle prend la fuite, le visage ensanglanté. Le lièvre, en la voyant, dit : « Oncle Hyène2, même si tu n’as pas mangé du « koddé », tu es arrivé là où il se trouve ! »

Référence: Baylaa Kulibali, Tinndi [contes]. Édition spéciale accompagnée de lexique peul-français par Aliou Mohamadou, Paris, Binndi e jannde, 1996, p. 13.

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Fowru e bojel e rawaandu / L’hyène, le lièvre et le chien

 

 

Wonnoo ɗoo ko fowru e bojel e rawaandu.

Fowru e bojel ina ladde, rawaandu tawi ɓe toon. Rawaandu woni e yeewtande ɓe nyaameele wuro belɗe. Fowru e bojel mbii : « Holko weli toon ? » Rawaandu wii : « Nyaamde ina toon, ina wiyee kodde. » Fowru wii : « Holno kodde mbayi ? » Rawaandu wii : « Kodde ndakketee ko subaka, kono heewi nyaameede ko kikiiɗe. » Fowru wii : « Sifono mi no kodde mbayi. » Rawaandu wii : « Kodde ina rawni, ko gawri sottetee haa laaɓa, saanyo koo ittee, unee haa ɗaata, waɗee ɓooɗe-ɓooɗe. » Ngool laawol, rawaandu haalanaani fowru ɗo kodde mooftetee.

Hiiri. Fowru ari e wuro, tawi jinnde ndoondi, sikki ko kodde. Fowru muuɗi haa reedu heewi ndoondi, tan fowru arti wii : « Bojel, mi muuɗii kodde hanki jamma ! » Bojel wii : « Eehee ! Haa Rawaandu ara, mi naamnoo ɗum taw ko kodde muuɗɗaa. »

Weeti. Rawaandu ari. Bojel wii : « Rawaandu, Fowru dey wii muuɗii kodde hanki ! » Rawaandu wii : « Fowru, holto tawɗaa kodde ɗee ? » Fowru wii : « Tawmi kodde ɗee ko sara caggal wuro, ina weɗɗaa e jinnde, muuɗmi heen haa kaarmi. » Rawaandu wii : « Alaa. Ɗuum wonaa kodde, ko ndoondi. Hay gooto yiɗaa. To kodde ngonata too, so a yehii toon, so a artii, kulle fof nganndan a nyaamii kodde, walla a yettiima ɗo ɗe ngoni. »

Fowru wii : « Holto kodde ngoni ? »

Rawaandu wii : « So a naatii e galle, njahataa ko nder suudu, kooynoɗaa dow, ma a yii ɗaggal — walla kaggu — ma a yii koron ɗiɗon : ngel ina waɗi kosam, ngela ina waɗi kodde ; ma a yii heen nyeɗdude : njowtaa korel kosam ngel, e korel kodde ngel, e nyeɗdude ndee ; ƴeɓtaa kosam ɗam, mbaylaa e kodde hee, nirkiraa nyeɗdude ndee haa ɗaata, tan njaraa haa kaaraa. Ɗuum woni kodde. »

Tan fowru acci haa futuro juulaa, yehi wuro. Fowru ari naati galle, fayi nder suudu, yettii, yii ɗaggal, ndu hooynii ɗaggal ngal. Ndeke joom kodde ɗee ina nder suudu : o yii fowru nduu. O ƴeɓtii ɓannde… O yii fowru naatii suudu. Fowru tinaani. Fowru ƴeeŋii ina yowta koron kon, tan korel kosam ngel rufi e hoore fowru ! Joom kodde ɗee addi ɓannde fiyi kine fowru pat ! Tan hinere fowru fusi, ƴiiƴam werlii, nyiiƴe ɗee keli, tan cosorɗi ƴiiƴam mberlii, tan fowru dogi faati to bojel, hoore mum ina moddi kosam, hunuko mum ina silsilta ƴiiƴam !

Fowru yettii bojel. Bojel ndaari fowru, hoore ndee ina moddi kosam, hinere ndee ina feesii, ƴiiƴam ina siimta. Bojel wii : « Heehee ! Kaawu fowru, hay so a yaraani kodde dey, a yettiima ɗo kodde ngoni ɗoo ! »

.

.


.

 

 

 


 

 

 

Fowru e bojel e rawaandu

L’hyène, le lièvre et le chien

 

Wonnoo ɗoo ko fowru e bojel e rawaandu.

Étaient ici une hyène, un lièvre et un chien.

 

Fowru e bojel ina ladde, rawaandu tawi ɓe toon.

L’hyène et le lièvre étaient en brousse, le chien les y trouva.

 

Rawaandu woni e yeewtande ɓe nyameele wuro belɗe.

Le chien se mit à leur parler des bons plats qu’on trouve au village.

 

Fowru e bojel mbii :

L’hyène et le lièvre dirent :

5

«Hol ko weli toon ? »

« Qu’est-ce qui est bon là-bas ? »

 

Rawaandu wii :

Le chien dit :

 

« Nyaamde ina toon, ina wiyee kodde. »

« Il y a là-bas une nourriture appelée “koddé”. »

 

Fowru wii :

L’hyène dit :

 

« Hol no kodde mbayi ? »

« Comment est le “koddé” ? »

10

Rawaandu wii :

Le chien dit :

 

« Kodde ndakketee ko subaka, kono heewi nyaameede ko kikiiɗe. »

« Le “koddé”se prépare le matin, mais se mange d’habitude l’après-midi. »

 

Fowru wii :

L’hyène dit :

 

« Sifono mi no kodde mbayi. »

« Décris-moi comment est le “koddé”. »

 

Rawaandu wii :

Le chien dit :

15

« Kodde ina rawni, ko gawri sottetee haa laaɓa, saanyo koo ittee, unee haa ɗaata, waɗee ɓooɗe-ɓooɗe. »

« Le “koddé”est blanc, c’est du mil que l’on pile pour le débarrasser complètement du son, on enlève le son, on le pile pour obtenir une farine fine, on [en] fait des boulettes. »

 

Ngool laawol, rawaandu haalanaani fowru ɗo kodde mooftetee.

Cette fois-là, le chien n’a pas dit à l’hyène où l’on garde le « koddé ».

 

Hiiri.

Il fit nuit.

 

Fowru ari e wuro, tawi jinnde ndoondi, sikki ko kodde.

L’hyène se rendit dans un village, trouva un amas de cendre et crut que c’était du « koddé ».

 

Fowru muuɗi haa reedu heewi ndoondi, tan fowru arti wii :

L’hyène ingurgita de la cendre et se remplit le ventre, et l’hyène revint et dit :

20

« Bojel, mi muuɗii kodde hanki jamma ! »

« Lièvre, j’ai ingurgité du “koddé” hier nuit ! »

 

Bojel wii :

Le lièvre dit :

 

« Eehee !

« Eehee !

 

Haa Rawaandu ara, mi naamnoo ɗum taw ko kodde muuɗɗaa. »

[J’attends] que Chien arrive, je lui demande si c’est bien du “koddé”que tu as mangé. »

 

Weeti.

Il fit jour.

25

Rawaandu ari.

Le chien vint.

 

Bojel wii :

Le lièvre dit :

 

« Rawaandu, Fowru dey wii muuɗii kodde hanki ! »

« Chien, voilà Hyène qui dit qu’elle a ingurgité du “koddé”, hier ! »

 

Rawaandu wii :

Le chien dit :

 

« Fowru, hol to tawɗaa kodde ɗee ? »

« Hyène, où as-tu trouvé le “koddé” en question ? »

30

Fowru wii :

L’hyène dit :

 

« Tawmi kodde ɗee ko sara caggal wuro, ina weɗɗaa3 e jinnde, muuɗmi heen haa kaarmi. »

« J’ai trouvé le “koddé” aux alentours du village, jeté  dans les ordures, j’en ai ingurgité à satiété. »

 

Rawaandu wii :

Le chien dit :

 

« Alaa.

« Non.

 

Ɗuum wonaa kodde, ko ndoondi.

Cela n’est pas du “koddé”, c’est de la cendre.

35

Hay gooto yiɗaa.

Personne n’en veut.

 

To kodde ngonata too, so a yehii toon, so a artii, kulle fof nganndan a nyaamii kodde, walla a yettiima ɗo ɗe ngoni. »

Là où se trouve habituellement le “koddé”, si tu vas là-bas, à ton retour4, tous les animaux sauront que tu as mangé du “koddé”, ou que tu es arrivée là où il se trouve. »

 

Fowru wii :

L’hyène dit :

 

« Hol to kodde ngoni ? »

« Où se trouve le “koddé” ?

 

Rawaandu wii :

Le chien dit :

40

« So a naatii e galle, njahataa ko nder suudu, kooynoɗaa dow, ma a yii ɗaggal — walla kaggu — ma a yii koron ɗiɗon :

« Si tu entres dans une maison, tu dois aller dans une case, tu regardes en haut, tu verras bien une étagère suspendue [appelée] ɗaggal — ou kaggu —, tu verras bien deux petites calebasses :

 

ngel ina waɗi kosam, ngela ina waɗi kodde ;

l’une contient du lait, l’autre contient le “koddé” ;

 

ma a yii heen nyeɗdude :

tu y verras bien une louche :

 

njowtaa korel kosam ngel, e korel kodde ngel, e nyeɗdude ndee ;

Tu descends la calebasse de lait, la calebasse de “koddé” et la louche ;

 

ƴeɓtaa kosam ɗam, mbaylaa e kodde hee, nirkiraa nyeɗdude ndee haa ɗaata, tan njaraa haa kaaraa.

Tu prends le lait, tu le verses sur le “koddé” que tu mélanges avec la louche jusqu’à ce que ça soit onctueux, alors tu manges5 et tu t’en régales.

45

Ɗuum woni kodde. »

C’est ça le “koddé”. »

 

Tan fowru acci haa futuro juulaa, yehi wuro.

Alors, l’hyène attendit que la prière du crépuscule ait été faite, et elle alla au village.

 

Fowru ari naati galle, fayi nder suudu, yettii, yii ɗaggal, ndu hooynii ɗaggal ngal.

L’hyène arriva, elle entra dans la maison, elle se dirigea vers l’intérieur d’une case, elle arriva [à l’intérieur de la case], elle vit l’étagère, elle leva les yeux vers l’étagère.

 

Ndeke jom kodde ɗee ina nder suudu :

Or, le propriétaire du « koddé » était dans la case.

 

o yii fowru nduu.

Il vit l’hyène.

50

O ƴeɓtii ɓannde…

Il s’empara d’un gourdin…

 

O yii fowru naatii suudu.

Il vit que l’hyène était entrée dans la case.

 

Fowru tinaani.

L’hyène ne s’était rendu compte de rien.

 

Fowru ƴeŋii ina yowta koron kon, tan korel kosam ngel rufi e hoore fowru !

L’hyène se hissa sur la pointe des pieds pour descendre les calebasses quand la calebasse de lait se renversa sur la tête de l’hyène !

 

Jom kodde ɗee addi ɓannde fiyi [e] kine fowru pat !

Le propriétaire du « koddé » asséna un coup de gourdin sur le nez de l’hyène pat !

55

Tan hinere fowru fusi, ƴiiƴam werlii, nyiiƴe ɗee keli, tan cosorɗi ƴiiƴam mberlii, tan fowru dogi faati to bojel, hoore mum ina moddi kosam, hunuko mum ina silsilta ƴiiƴam !

Et la truffe de l’hyène éclata, le sang gicla, les dents se cassèrent, le sang gicla par jets, et l’hyène s’enfuit, elle rejoignit le lièvre, la tête  barbouillée de lait, la bouche dégoulinant de sang !

 

Fowru yettii bojel.

L’hyène arriva chez le lièvre.

 

Bojel ndaari fowru, hoore ndee ina moddi kosam, hinere ndee ina feesii, ƴiiƴam ina siimta.

Le lièvre regarda l’hyène, la tête barbouillée de lait, la truffe fendue, le sang suintant.

 

Bojel wii :

Le lièvre dit :

 

« Heehee !

« Heehee !

 

Kaawu fowru, hay so a yaraani kodde dey, a yettiima ɗo kodde ngoni ɗoo ! »

Oncle Hyène, même si tu n’as pas mangé du “koddé”, tu es arrivé là où il se trouve ! »

 

 


 

 

Notes:

1  kodde : plat fait de minuscules boulettes de farine de mil cuites à la vapeur, que l’on consomme avec du lait caillé.

2 Dans les contes peuls, l’hyène est un personnage masculin.

3 Il s’agit plutôt de weddeede « jeter » et non weɗɗeede « débarrasser le mil du son en utilisant un van ».

4  Mot à mot : so a artii « si tu es revenue ».

5  Le peul emploie njaraa « que tu boives ».

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