Fowru e fayannde teewu e mbaroodi ɓesndi / L’hyène, la marmite de viande et une lionne mère

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texte traduit par

Oumar Mounirou Déme et Aliou Mohamadou

 

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Mots-clés:  peul, pulaar ; Gambie, Sénégal, Mauritanie, Ouest du Mali — écriture littéraire ; tinndol, conte, fable — hyène, lionne ; égoïsme, dépit.

Contexte de production: Écrit en 1986 d’après une version dite par Alassane Thiam ; oralisé par l’association Timtimol en mars 2012. Présentation du recueil.

Voix: Haby Zacharia Konté.

Réalisation: Pierre Amiand et Bénédicte Chaine-Sidibé.

Résumé:  L’hyène trouve sur son chemin une marmite de viande. Elle lève les yeux : le soleil est en train de la regarder. Elle ne lui en donnera pas, elle décide de manger la viande là où le soleil ne la verra pas. Elle transporte la marmite et se met à l’abri sous un câprier1.

Or une lionne a mis bas sous le câprier. Elle n’est pas sortie chasser depuis une semaine. L’hyène ouvre la marmite pour manger. Son regard croise celui de la lionne, elle lui dit : « Tante Lionne, en fait, moi, j’ai appris que tu as accouché, alors je t’ai apporté une marmite de viande. »

La lionne lui ordonne de déposer la marmite et de s’en aller.

Référence: Baylaa Kulibali, Tinndi [contes]. Édition spéciale accompagnée de lexique peul-français par Aliou Mohamadou, Paris, Binndi e jannde, 1996, p. 10.

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Fowru e fayannde teewu e mbaroodi ɓesndi

L’hyène, la marmite de viande et une lionne mère

 

Wonnoo ɗoo ko fowru.

Handu yaha ha ndu tawi fayannde teewu ene jooɗii. Ndu huufi fayannde ndee. Ndu hooynii dow, ndu yii naange. Ndu wii naange ngee : « A nyaamataa heen dey. » Ndu wii : « Nyaamanmi fayannde teewu ndee, ko to a yiyataa kam. »

Ndu roondii fayannde ndee. Ndu ari e lekki cukkuki. Ndu hooynii dow, ndu yii sereendu naange. Ndu wii : « Ɗoo, hange yiya mi… Ma mi yah ɗo a yiyataa kam. »

Ndu ɓenni, ha ndu ari e guumi cukkuki. Ndu rootii fayannde ndee. Ndu hooynii dow, ndu yiyaani naange. Ndu wii : « Ɗoo dey, nge yiyataa kam… Aɗa futtini gital maa tan, ɗo njaami fof, ndewaa e am ! Ko a tenkoowo no feewi. A nyaamataa heen dey ! »

Ndeke mbaroodi ɓesndi ene nder guumi hee. Yontere, yaltaani, nyaamaani. Ene fadi haa ɓikkon mum ngutta, yalta raddoya. Ndu hippiti fayannde ndee tan, haa gite mayru e gite mayri mbaɗdi renku ! Ndu wii : « Yumpaany Mbaroodi, miin kay, mi nanno a ɓesnii, ngaddan-maa-mi fayannde teewu. » Mbaroodi wii : « Joƴƴin ɗoon, yah. A jaaraama ! »

Tan ɓoosaaji mbaroodi njiimi e fayannde ene nyaama kette teewu, ene pijira. Fowru darii ene morsindoo, suusaa haalde, suusaa haɗde. Mbaroodi wii : « Fowru, ko padɗaa ? » Fowru wii : « Hay batte, Yumpaany Mbaroodi, mi yehii. »

Fowru ene yaha, ene saɓɓitoo.

 

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Fowru e fayannde teewu e mbaroodi ɓesndi

L’hyène, la marmite de viande et une lionne mère

 

Wonnoo ɗoo ko fowru.

Était ici une hyène.

 

Handu yaha ha ndu tawi fayannde teewu ene jooɗii.

Elle était en train de marcher quand elle trouva une marmite de viande posée [par terre].

 

Ndu huufi fayannde ndee.

Elle mit la marmite devant elle.

 

Ndu hooynii dow, ndu yii naange.

Elle regarda en haut, elle vit le soleil.

5

Ndu wii naange ngee :

Elle dit au soleil :

 

« A nyaamataa heen dey. »

« Tu n’en mangeras pas du tout. »

 

Ndu wii :

Elle dit :

 

« Nyaamanmi fayannde teewu ndee, ko to a yiyataa kam. »

« Je mangerai cette marmite de viande là où tu ne me verras pas. »

 

Ndu roondii fayannde ndee.

Elle porta la marmite sur la tête.

10

Ndu ari e lekki cukkuki.

Elle arriva sous un arbre touffu.

 

Ndu hooynii dow, ndu yii sereendu naange.

Elle regarda en haut, elle vit un rai de soleil.

 

Ndu wii :

Elle dit :

 

« Ɗoo, hange yiya mi…

« Ici, il me voit…

 

Ma mi yah ɗo a yiyataa kam. »

J’irai bien là où tu ne me verras pas. »

15

Ndu ɓenni, ha ndu ari e guumi cukkuki.

Elle continua jusqu’à arriver sous un câprier touffu.

 

Ndu rootii fayannde ndee.

Elle se déchargea de la marmite.

 

Ndu hooynii dow, ndu yiyaani naange.

Elle regarda en haut, elle ne vit pas le soleil.

 

Ndu wii :

Elle dit :

 

« Ɗoo dey, nge yiyataa kam…

« Là, c’est sûr, il ne me voit pas…

20

Aɗa futtini gital maa tan, ɗo njaami fof, ndewaa e am !

Tu ne fais qu’écarquiller ton œil énorme, [et] partout où je vais, tu me suis !

 

Ko a tenkoowo no feewi.

Tu es un grand écornifleur !

 

A nyaamataa heen dey ! »

Tu n’en mangeras pas du tout ! »

 

Ndeke mbaroodi ɓesndi ene nder guumi hee.

Or une lionne qui venait d’accoucher était sous le câprier.

 

Yontere, yaltaani, nyaamaani.

Depuis une semaine, elle n’était pas sortie, elle n’avait pas mangé.

25

Ene fadi haa ɓikkon mum ngutta, yalta raddoya.

Elle attendait que ses petits prennent des forces pour sortir chasser.

 

Ndu hippiti fayannde ndee tan, haa gite mayru e gite mayri mbaɗdi renku !

Elle [l’hyène] ouvrit la marmite, quand soudain son regard et celui de la lionne firent renku2 !

 

Ndu wii :

Elle dit :

 

« Yumpaany Mbaroodi, miin kay, mi nanno a ɓesnii, ngaddan-maa-mi fayannde teewu. »

« Tante Lionne, en fait, moi, j’ai appris que tu as accouché, alors je t’ai apporté une marmite de viande. »

 

Mbaroodi wii :

La lionne dit :

30

« Joƴƴin ɗoon, yah !

« Dépose[-la] là-bas, et va-t-en.

 

A jaaraama ! »

Merci ! »

 

Tan ɓoosaaji mbaroodi njiimi e fayannde ene nyaama kette teewu, ene pijira.

Et les lionceaux entourèrent la marmite, mageant les morceaux de viande et jouant avec.

 

Fowru darii ene morsindoo, suusaa haalde, suusaa haɗde.

L’hyène resta immobile, ravalant sa salive, elle n’osait pas parler, elle n’osait pas [les] empêcher [de manger].

 

Mbaroodi wii :

La lionne dit :

35

« Fowru, ko padɗaa ? »

« Hyène, qu’est-ce que tu attends ? »

 

Fowru wii :

L’hyène dit :

 

« Hay batte, Yumpaany Mbaroodi, mi yehii. »

« Rien, Tante Lionne, je m’en vais. »

 

Fowru ene yaha, ene saɓɓitoo.

L’hyène marchait en claquant la langue de dépit.

 


 

Notes:

1  Arbuste sahélien, branchu, avec des ramifications compactes (Capparis decidua — Kerharo J., Adam J.G., « Plantes médicinales et toxiques des Peul et des Toucouleur du Sénégal ». In: Journal d’agriculture tropicale et de botanique appliquée, vol. 11, n°10-11, Octobre-novembre 1964, pp. 384-444 ; sur le « câprier », voir p. 418 de l’article.

2  Idéophone évoquant une rencontre impromptue.

© Copyright ADELLAF 2021

Birinya da raƙumi / La guenon et le chameau

 

 

Mots-clés:  haoussa, Niger, Nigeria — oralité, néo-oralité ; tatsuniya conte — chameau, guenon, fourmi ; bienfait mal récompensé, litige, jugement ; roi

L’auteure:  Fatimane Moussa-Aghali est née à Bonkoukou au Niger. Elle vit actuellement en France. Après avoir étudié à l’INALCO le touareg, le peul et le haoussa, elle soutient, à l’Université de Paris III, une thèse de doctorat sur cette dernière langue, à laquelle elle a consacré un ouvrage et plusieurs articles. Elle a publié un récit de vie, Yarintata [Mon enfance]. Elle écrit également des contes en haoussa à l’intention du public scolaire.

Production du corpus:  Le présent conte est un auto-enregistrement sur cassette audio réalisé en 1984. Il fait partie d’un ensemble de textes produits dans le cadre d’études haoussa à l’INALCO, en vue de la constitution d’un corpus de textes sous la direction du Professeur Claude Gouffé (1926-2013).

Édition du corpus:  Conte transcrit et traduit par Fatimane Moussa-Aghali. La bande son initiale n’ayant pas été conservée, le conte a été oralisé par l’auteure pour la présente édition, à partir de la transcription qu’elle en avait faite. Une adaptation du conte en français a été publiée en 20051 (cf. références).

Références:

    • MOUSSA-AGHALI, Fatimane, 2005, Yarintata [Mon enfance], Lagny-sur-Marne (France), Ellaf Éditions, 2021, 76 p. [première édition, revue Binndi e jannde, 1982-1983]. http://ellaf.huma-num.fr/yarintata/
    • MOUSSA-AGHALI, Fatimane, 2005, Contes des dunes et des sables, Roissy-en-Brie (France), Éditions Cultures croisées, 126 p.
    • MOUSSA-AGHALI, Fatimane, 1999, Lexique des néologismes en hawsa du Niger, Supplemento n. 90 agli Annali, vol. 59, fasc. 1-4, Naples, Istituto Universitario Orientale, xviii + 91 p.
    • AGHALI, Fatimane, 1984, « Recueil de contes en haoussa suivi de notes linguistiques ». Mémoire de D.R.E.A. sous la direction du Professeur Claude Gouffé, Université de Paris-III / Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), multicopié, 119 p.

Résumé:  Un chameau trouve une guenon qui est sur un figuier. Il demande à la guenon de lui donner des figues à manger. Elle lui dit que les figues sont véreuses. Il les veut quand même. La guenon les lui met dans la gueule, il les mange, il en redemande, il en mange à satiété.

Le chameau se moque ensuite de la guenon et de son espèce à queue. La guenon bondit sur le cou du chameau. Elle le serre très fort et refuse de le relâcher : il faut qu’ils aillent devant le roi pour que celui-ci leur rende justice. En route, ils croisent une fourmi rouge. Elle demande à la guenon ce qui s’est passé. La guenon le lui explique. La fourmi ne peut pas juger l’affaire, ils doivent aller devant le roi. Ils croisent une fourmi noire. Elle leur donne le même conseil.

Ils arrivent chez le roi. Les conseillers s’informent sur l’affaire. Ils en rendent compte au roi. Le roi donne tort au chameau. Il demande à la guenon ce que le chameau doit lui donner pour qu’elle accepte de le relâcher : le chameau doit lui apporter cinq bottes de mil. Le chameau part à la recherche des cinq bottes de mil. La guenon attend toujours le retour du chameau…

 

 

 


 

Birinya da raƙumi / La guenon et le chameau

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Kunji kun ji ?…

Voici l’histoire, voici l’histoire2 !…

 

 

Wanga dai raƙumi ne.

C’était un chameau.

 

 

Yaz zo ya iske birinya bisa uwaɓ ɓaure, yac ce mata : « Ke ta birinya, ba ni ɓaure in sha. »

Il alla trouver une guenon [qui était] sur un figuier, il lui dit : « Oh toi guenon, donne-moi des figues à manger. »

 

 

Sai birinya tac ce mishi : « Babu ɓaure, sai ruɓaɓɓi-ruɓaɓɓi. »

La guenon lui dit : « Il n’y a pas de figues, il n’y en a que des véreuses. »

0:26

5

Yac ce mata : « Ba ni haka nan, ina so. »

Le chameau lui dit : « Donne-les moi quand même, je les veux. »

 

 

Sai birinya tak kirto ɓaure, ta aza ma raƙumi ga baki.

La guenon cueillit les figues et les mit dans la gueule du chameau.

 

 

Raƙumi yay yi galum ! galum ! yac canye.

Le chameau fit galum ! galum ! et les avala.

 

 

Yak kuma ce a ƙaro mishi.

De nouveau, il dit qu’on lui en donne d’autres.

 

 

Birinya tay yarɓo kuma, ta aza mai ga baki.

La guenon cueillit à nouveau des figues et les lui mit dans la gueule.

0:56

10

Yay yi galum ! galum ! yac canye.

Le chameau fit galum ! galum ! et les avala.

 

 

Yak kuma ce a ƙaro.

De nouveau, il dit qu’on [lui] en donne d’autres.

 

 

Haka nan, haka nan, haka nan, sai da yaƙ ƙoshi.

Ainsi de suite, ainsi de suite, ainsi de suite jusqu’à ce qu’il soit rassasié.

 

 

Sai yac ce ma birinya : « Shegiya !… Irinku masu ƴaw wutsiya. »

Puis il dit à la guenon : « Bâtarde !… Espèce de créature à queue ! »

 

 

Sai birinya tad diro daga bisa, sai kan wuyan raƙumi, tam maƙure shi.

La guenon bondit du haut [de l’arbre] et s’agrippa au cou du chameau, en le lui maintenant fortement serré.

1:24

15

Tac ce : « Amali, ka ga dogon banza !

Elle dit : « Chameau, géant de vaurien !

 

 

Amali, tsutsuketa ! »

Chameau, ferme-la ! »

 

 

Sai ta tsutsuke shi.

La guenon lui serra [le cou].

 

 

Raƙumi yay yi, yay yi birinya ta sake shi, taƙ ƙiya, tac ce mishi sai sun tahi gidan sarki, a yi musu shari’a.

Le chameau essaya, essaya [de faire en sorte que] la guenon le relâche, elle refusa, elle lui dit qu’ils devaient aller chez le roi pour que justice leur soit faite.

 

 

Suka tahi.

Ils partirent.

1:48

20

Suna tahe, suna tahe, sai da suka gamu da majijjiya, tac ce : « Ke ta birinya, ke ta birinya, mi yam miki ? »

Ils marchèrent, ils marchèrent jusqu’à ce qu’ils croisent une fourmi rouge, elle leur dit : « Oh toi guenon, oh toi guenon, qu’est-ce que le chameau t’a fait ? »

 

 

Birinya tac ce :

La guenon dit :

 

 

Raƙumi, raƙumi, ya ishe ni bisa,

Chameau, chameau m’a trouvé là-haut,

 

 

Yac ce mini in bashi ɓauren cina,

Il m’a dit de lui donner des figues à manger,

 

 

Nac ce mishi babu ɓauren cina,

Je lui ai dit qu’il n’y a pas de figues à manger,

2:14

25

Nac ce mishi sai ruɓaɓɓi-ruɓaɓɓi,

Je lui ai dit qu’il n’y en a que des véreuses,

 

 

Nak kirto na aza mai baka,

Je les ai cueillies et je les lui ai mises dans la gueule

 

 

Galum ! galum ! lumka dalam !

[Il fit] Galum ! galum ! lumka dalam !

 

 

Sai yac ce mini :

Puis il m’a dit :

 

 

“Irinku masu ƴaw wutsiya”,

“Espèce de créature à queue !”

2:28

30

Sai nac ce mishi :

Puis je lui ai dit :

 

 

“Amali, ka ga dogon banza !

“Chameau, géant de vaurien !

 

 

Amali, tsutsuketa !”

Chameau, ferme-la !”

 

 

Sai majajjiya tac ce : « Wanga sai ku isa gidan sarki. »

Alors, la fourmi rouge dit : « Là, il faut que vous alliez chez le roi. »

 

 

Birinya taƙ ƙara tsutsuke wuyan raƙumi, suka yi gaba.

La guenon serra davantage le cou du chameau, ils continuèrent leur chemin.

2:47

35

Suna tahe, suna tahe, suna tahe, sai da suka gamu da tururuwa.

Ils marchèrent, ils marchèrent jusqu’à ce qu’ils croisent une grosse fourmi noire.

 

 

Tururuwa tac ce : « Ke ta birinya, ke ta birinya, mi raƙumi ya yi miki ? »

La grosse fourmi noire dit : « Guenon, guenon, qu’est-ce que le chameau t’a fait ? »

 

 

Tac ce :

Elle dit :

 

 

Raƙumi, raƙumi, ya ishe ni bisa,

Chameau, chameau m’a trouvé là-haut,

 

 

Yac ce mini in bashi ɓauren cina,

Il m’a dit de lui donner des figues à manger,

3:11

40

Nac ce mishi babu ɓauren cina,

Je lui ai dit qu’il n’y a pas de figues à manger,

 

 

Nac ce mishi sai ruɓaɓɓi-ruɓaɓɓi,

Je lui ai dit qu’il n’y en a que des véreuses,

 

 

Nak kirto na aza mai baka,

Je les ai cueillies et je les lui ai mises dans la gueule

 

 

Galum ! galum ! lumka dalam !

[Il fit] Galum ! galum ! lumka dalam !

 

 

Sai yac ce mini :

Puis il m’a dit :

3:26

45

“Irinku masu ƴaw wutsiya”,

“Espèce de créature à queue !”

 

 

Sai nac ce mishi :

Puis je lui ai dit :

 

 

“Amali, ka ga dogon banza !

“Chameau, géant de vaurien !

 

 

Amali, tsutsuketa !”

Chameau, ferme-la !”

 

 

Sai tururuwa tac ce : « Sai ku isa gidan sarki, ni ba ni iya raba ku. »

La grosse fourmi noire dit : « Là, il faut que vous alliez chez le roi, moi je ne peux pas vous séparer. »

3:42

50

Birinya taƙ ƙara tsutsuke wuyan raƙumi, suka yi gaba.

La guenon serra davantage le cou du chameau, ils continuèrent leur chemin.

 

 

Suna tahe, suna tahe, suna tahe, sai da suka isa gidan sarki.

Ils marchèrent, ils marchèrent jusqu’à ce qu’ils arrivent chez le roi.

 

 

Koda sarki yats tsinkaye su, sai yat tura hwadawanshi, su tahi su ga abin da yah hwaru.

Quand le roi les aperçut, il dépêcha ses conseillers pour qu’ils se renseignent sur ce qui s’était passé.

 

 

Hwadawa suka zo, suka ce ma birinya : « Ke ta birinya, ke ta birinya, mi yam miki ? »

Les conseillers vinrent, ils dirent à la guenon : « Oh toi guenon, oh toi guenon, qu’est-ce que [le chameau] t’a fait ? »

 

 

Tac ce :

Elle dit :

4:18

55

Raƙumi, raƙumi, ya ishe ni bisa,

Chameau, chameau m’a trouvé là-haut,

 

 

Yac ce mini in bashi ɓauren cina,

Il m’a dit de lui donner des figues à manger,

 

 

Nac ce mishi babu ɓauren cina,

Je lui ai dit qu’il n’y a pas de figues à manger,

 

 

Nac ce mishi sai ruɓaɓɓi-ruɓaɓɓi,

Je lui ai dit qu’il n’y en a que des véreuses,

 

 

Nak kirto na aza mai baka,

Je les ai cueillies et je les lui ai mises dans la gueule

4:36

60

Galum ! galum ! lumka dalam !

[Il fit] Galum ! galum ! lumka dalam !

 

 

Sai yac ce mini :

Puis il m’a dit :

 

 

“Irinku masu ƴaw wutsiya”,

“Espèce de créature à queue !”

 

 

Sai nac ce mishi :

Puis je lui ai dit :

 

 

“Amali, ka ga dogon banza !

“Chameau, géant de vaurien !

4:45

65

Amali, tsutsuketa !”

Chameau, ferme-la !”

 

 

Sai hwadawa suka ce : « Mu ba mu iya shariya, sai ku isa wurin sarki. »

Les conseillers dirent : « Nous, nous ne pouvons pas juger [cette histoire], il faut que vous alliez auprès du roi. »

 

 

Birinya taƙ ƙara tsutsuke wuyan raƙumi, suka bi hwadawa sai wurin sarki.

La guenon serra davantage le cou du chameau, ils suivirent les conseillers jusqu’auprès du roi.

 

 

Aka shaida ma sarki abin da a tsakanin birinya da raƙumi.

On rapporta au roi ce qui s’était passé entre la guenon et le chameau.

 

 

Sai sarki yac ce ma birinya ta sabko, a yi musu shawara.

Le roi dit à la guenon de descendre pour qu’on leur donne un conseil.

5:17

70

Birinya tas sabko.

La guenon descendit.

 

 

Sai sarki yac ce : « Kai raƙumi, ba ka da gaskiya.

Le roi dit : « Toi, chameau, tu as tort.

 

 

Ƙaƙa birinya za ta ba ka ɓaure, ka ci har ka ƙoshi, sa’annan ka zage ta ? »

Comment se fait-il que la guenon te donne des figues à manger, que tu en aies mangé jusqu’à ce que tu sois rassasié et qu’en retour tu l’insultes ? »

 

 

Sai aka ce ma birinya : « To, ta birinya, mi kike so raƙumi ya ba ki ? »

On dit à la guenon : « Eh bien, guenon, que veux-tu que le chameau te donne [en compensation] ? »

 

 

Birinya tac ce ba ta rayda ba sai raƙumi ya kawo mata dame biyar na hatsi, sa’annan ta bar shi.

La guenon dit qu’elle n’accepterait [de relâcher le chameau] que si le chameau lui rapportait cinq bottes de mil, à ce moment-là elle le lâcherait.

5:54

75

Shi ke nan, sai sarki yac ce : « To, yanzu, sai ki zamna.

Le roi dit : « Eh bien, à présent, tu vas rester [ici].

 

 

Kai raƙumi, sai ka tahi ka nemo mata dammanta biyar na hatsi. »

Quant à toi, chameau, il faut que tu ailles chercher les cinq bottes de mil. »

 

 

Birinya tay yarda bisa wannan.

La guenon accepta la proposition.

 

 

Raƙumi yat tahi neman damma.

Le chameau partit à la recherche des bottes.

 

 

Daga can, yag gudu yas tsira, bai komo ba.

De là, il prit la fuite, il échappa [à la guenon] et il ne revint plus.

6:26

80

Yab bar birinya nan zaune, tana jira ya kawo mata dammanta biyar…

Il laissa là la guenon assise, en train d’attendre qu’il lui rapporte ses cinq bottes de mil…

 

 

Ƙanƙaran kan kuusuu !

Le conte s’arrête là3 !

Fatimane Moussa-Aghali

 


 

Notes:

1  Pour une adaptation en français du conte, cf. Fatimane Moussa-Aghali 2005: 107-112.

2  Traduction de la formule de début de conte Kun ji kun ji ? … mot à mot : « Avez-vous entendu, avez-vous entendu ?… »

3  Traduction de la formule de fin de conte Ƙanƙaran kan kusu ; mot à mot : « Petite tête de souris ».

Da zabo da bunsuru da kare / La pintade, le bouc et le chien

 

 

Mots-clés:  haoussa, Niger, Nigeria — oralité, néo-oralité ; tatsuniya conte — pintade, bouc, chien, hyène ; chasse ; ruse ; négligence, erreur, sanction.

L’auteure:  Fatimane Moussa-Aghali est née à Bonkoukou au Niger. Elle vit actuellement en France. Après avoir étudié à l’INALCO le touareg, le peul et le haoussa, elle soutient, à l’Université de Paris III, une thèse de doctorat sur cette dernière langue, à laquelle elle a consacré un ouvrage et plusieurs articles. Elle a publié un récit de vie, Yarintata [Mon enfance]. Elle écrit également des contes en haoussa à l’intention du public scolaire.

Production du corpus:  Le présent conte est un auto-enregistrement sur cassette audio réalisé en 1984. Il fait partie d’un ensemble de textes produits dans le cadre d’études haoussa à l’INALCO, en vue de la constitution d’un corpus de textes sous la direction du Professeur Claude Gouffé (1926-2013).

Édition du corpus:  Conte transcrit et traduit par Fatimane Moussa-Aghali. La bande son initiale n’ayant pas été conservée, le conte a été oralisé par l’auteure pour la présente édition, à partir de la transcription qu’elle en avait faite. Une adaptation du conte en français a été publiée en 20051 (cf. références).

Références:

    • MOUSSA-AGHALI, Fatimane, 2005, Yarintata [Mon enfance], Lagny-sur-Marne (France), Ellaf Éditions, 2021, 76 p. [première édition, revue Binndi e jannde, 1982-1983]. http://ellaf.huma-num.fr/yarintata/
    • MOUSSA-AGHALI, Fatimane, 2005, Contes des dunes et des sables, Roissy-en-Brie (France), Éditions Cultures croisées, 126 p.
    • MOUSSA-AGHALI, Fatimane, 1999, Lexique des néologismes en hawsa du Niger, Supplemento n. 90 agli Annali, vol. 59, fasc. 1-4, Naples, Istituto Universitario Orientale, xviii + 91 p.
    • AGHALI, Fatimane, 1984, « Recueil de contes en haoussa suivi de notes linguistiques ». Mémoire de D.R.E.A. sous la direction du Professeur Claude Gouffé, Université de Paris-III / Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), multicopié, 119 p.

Résumé:  La pintade, le bouc et le chien partent à la chasse. Ils aperçoivent les repaires des hyènes. En cours de route ils ont trouvé la tête d’une hyène morte. Le chien porte la tête autour du cou, il se met à répéter : « Aujourd’hui, nous sommes morts !».  Le bouc la lui reprend : ce n’est pas comme cela qu’il faut faire. Il la met autour du cou et se met à répéter : « J’ai mangé neuf têtes d’hyènes, en voici la dixième ! »

Ils avancent jusqu’à arriver chez les hyènes. Ils demandent de l’eau à boire. Les hyènes ont peur. Le père hyène demande à l’un de ses enfants d’aller chercher de l’eau pour les visiteurs et il conseille à l’enfant d’en profiter pour fuir. L’enfant tarde à revenir. On demande à un autre, qui tarde à revenir. La mère hyène va, elle tarde à revenir, le père va.

Les visiteurs sont seuls. Ils occupent les lieux. Ils trouvent trois greniers, l’un de mil, l’autre de souchets2, le troisième de viande. Le chien veut le grenier de viande, la pintade le grenier de souchets et le bouc, le grenier de mil.

Le chien entre dans son grenier, il se rassasie de viande, il laisse dépasser sa queue hors du grenier. Les hyènes pensent que les visiteurs sont partis. Elles reviennent. Un enfant hyène voit la queue du chien et dit à son père : « Eh, papa, regarde ! Ils ont même oublié leur petit bâton. ». La pintade et le bouc ayant entendu cela prennent la fuite. Les hyènes se saisissent du chien. Elles le frappent à mort.

 

 

 

 


 

Da zabo da bunsuru da kare / La pintade, le bouc et le chien

 

 

 

 

 

 

 

Kun ji kun ji ?…

Voici l’histoire, voici l’histoire3 !…

 

 

Wanga da zabo, da bunsuru, da kare suka tahi hwarauta.

C’était une pintade, un bouc et un chien qui partirent à la chasse.

 

 

Suna ta tahiya, suna ta tahiya, suna ta tahiya cikin daji, sai da suka zo tsakad daji, sai suka tsinkayi gidajen kuraye.

Ils marchaient, ils marchaient, ils marchaient dans la brousse quand ils arrivèrent en plein milieu de la brousse, ils aperçurent les repaires des hyènes.

 

 

To, a kan hanya, sai suka iske kan kura matacce.

Or en cours de route, ils trouvèrent la tête d’une hyène morte.

0:31

5

Sai suka ɗauki kan kuran nan, suka ce : « To yanzu, mi zamu yi, mu ba su tsoro ? »

Ils ramassèrent la tête de l’hyène et ils dirent : « À présent, comment ferons-nous pour leur faire peur ? »

 

 

Sai aka ce : « To, wa zai rataya kan kura ? »

Ils dirent : « Qui va accrocher à son cou la tête de l’hyène ? »

 

 

Sai kare yac ce, shi, shi, shi, shi !…

Le chien dit que c’est lui, c’est lui, c’est lui !…

 

 

Sai aka ba shi, aka ce mishi : « To, mi zaka cewa ? »

On lui donna [la tête] et on lui dit : « Qu’est-ce que tu vas dire ? »

 

 

Sai kare yah hwara cewa :

Le chien commença :

0:59

10

Yau mun mutu !

Aujourd’hui, nous sommes morts !

 

 

Yau mun mutu !

Aujourd’hui, nous sommes morts !

 

 

Yau mun mutu !

Aujourd’hui, nous sommes morts !

 

 

Yau mun mutu !

Aujourd’hui, nous sommes morts !

 

 

Yau mun mutu !…

Aujourd’hui, nous sommes morts !…

1:06

15

Sai bunsuru ya amshe kan gare shi, yac ce mishi : « Kai tahi ! ba haka nan za ka cewa ba. »

Alors, le bouc lui reprit la tête [de l’hyène] et il lui dit : « Va-t’en ! ce n’est pas ça qu’il faut dire. »

 

 

Sai shi, ya amsa, ya rataya.

Alors, il prit la tête et l’accrocha à son cou.

 

 

Yah hwara cewa :

Il commença :

 

 

Kan kura tara na ci, ga na goma !

J’ai mangé neuf têtes d’hyènes, en voici la dixième !

 

 

Kan kura tara na ci, ga na goma !

J’ai mangé neuf têtes d’hyènes, en voici la dixième !

1:26

20

Kan kura tara na ci, ga na goma !

J’ai mangé neuf têtes d’hyènes, en voici la dixième !

 

 

Kan kura tara na ci, ga na goma !…

J’ai mangé neuf têtes d’hyènes, en voici la dixième !…

 

 

Haka nan, haka nan, sai da suka isa wurin gidajen kuraye.

C’était ainsi, c’était ainsi, jusqu’à ce qu’ils soient arrivés chez les hyènes.

 

 

Shi ke nan, suka zo suka sallama wani gida.

Bon, ils s’annoncèrent chez l’une d’elles.

 

 

Sun iske uwa da uba da ɗiyansu suna zazzaune.

Ils trouvèrent la mère, le père et les enfants tous assis.

1:49

25

Suka sallama, suka ce a ba su ruwa su sha.

Ils saluèrent et demandèrent de l’eau à boire.

 

 

Kuraye su ko, sun ji tsoro.

Les hyènes, quant à elles, elles avaient peur.

 

 

Sun ji a na :

Elles avaient entendu [les visiteurs] qui disaient :

 

 

Kan kura tara na ci, ga na goma !

J’ai mangé neuf têtes d’hyènes, en voici la dixième !

 

 

Kan kura tara na ci, ga na goma !…

J’ai mangé neuf têtes d’hyènes, en voici la dixième !…

2:05

30

Dukansu, sun ji tsoro !

Toutes, elles avaient peur !

 

 

Shi ke nan, suka zo suka tambaya a ba su ruwa.

Bon, [les visiteurs] demandèrent qu’on leur donne de l’eau à boire.

 

 

Sai uban yac ce ma yaro guda, ya tahi can cikin ɗaki, ya ɗebo ruwa.

Le père de famille dit à l’un des enfants d’aller chercher de l’eau dans la maison.

 

 

Sai yac ce mishi : « Daga nan, sai ka gudu ka tahiyakka. »

Il lui dit : « À partir de là, tu vas t’enfuir, tu t’en vas4. »

 

 

Yaron yat tahi neman ruwa.

L’enfant partit chercher l’eau.

2:32

35

Suna nan, suna jira, yanzu, yanzu yaro zai kawo ruwa, yanzu, yanzu yaro zai kawo ruwa…

Ils étaient là en train d’attendre [pensant] que l’enfant apporterait sans tarder de l’eau, que l’enfant apporterait sans tarder de l’eau…

 

 

Kai ! saida suka daɗe, bai kawo ruwa ba.

Kai!5 ils attendirent un long moment, l’enfant n’apportait [toujours] pas l’eau.

 

 

Sai uban yac ce : « Shin, mi yat tahi yi can, har yanzu bai zo ba ? »

Alors le père dit : « Lui, qu’est-ce qu’il est parti faire là-bas, jusqu’à présent il n’est pas de retour ? »

 

 

Sai yac ce ma guda kuma : « Tahi ka gani abin da ya ke yi, ko ka kawo ruwa, mutanenga su sha. »

Alors il dit à un autre [de ses enfants] : « Va voir ce qu’il est en train de faire et apporte de l’eau pour que ces gens-là boivent. »

 

 

Shi ma aka ce mishi : « Da ka tahi, ka yi gudu, ka tahiyakka. »

À lui également on dit : « Lorsque tu seras parti, tu vas t’enfuir, tu t’en vas. »

3:13

40

Yat tahi, shi ma yay yi zamanshi, bai komo ba.

Il partit, lui également s’en alla de son côté6, il ne revint pas.

 

 

Sai uwat tac ce : « Kai ! yaranga mi suka tahi yi ?

La mère dit : « Kai ! qu’est-ce que ces enfants sont partis faire ?

 

 

Tun daɗewa da aka aike su ɗibar ruwa, har yanzu ba su komo ba ! »

On les a envoyés chercher de l’eau depuis un long moment et jusqu’à présent, ils ne sont pas revenus ! »

 

 

Shi ke nan, sai tat tashi, tac ce : « Bari in tahi, ni da kaina. »

Puis elle se leva et dit : « Attends que j’y aille moi-même. »

 

 

Tat tahi, ita ma daga can, ba ta komo ba.

Elle partit, elle non plus ne revint pas.

3:48

45

Sai sauran uban, shi kaɗai.

Il ne resta plus que le père.

 

 

Shi ke nan, yaj jima yana zaune, bai ga ruwa ba.

Ainsi donc, [le père] resta un bon moment assis, toujours sans voir l’eau.

 

 

Sai yac ce : « Kai, mi wai suke nan ga yi, cikin ɗaki ?

Il dit : « Kai ! Qu’est-ce qu’ils sont en train de faire dans la maison ?

 

 

Tun daɗewa da aka aike su su kawo ruwa, har yanzu ba su koma ba ! »

Depuis le temps qu’on les a envoyés pour chercher de l’eau, ils ne sont pas revenus jusqu’à présent.

 

 

Yac ce : « Bari in tashi, in gani da kaina. »

Il dit : « I1 faut que j’aille moi-même voir. »

4:22

50

Yat tahi, shi ma daga can, yag gudu bai komo ba.

Il partit, lui aussi s’en alla, de là il prit la fuite et il ne revint pas.

 

 

Shi ke nan, kare da bunsuru da zabo sun samu wuri, suka shige cikin gidan kuraye.

Alors le chien, le bouc et la pintade n’avaient rien qui s’opposaient à eux7, ils continuèrent plus loin et entrèrent dans les maisons des hyènes.

 

 

Sun kori kurayen, sun gudu, sun tahiyassu.

Ils chassèrent les hyènes, celles-ci s’enfuirent et s’en allèrent.

 

 

Suka zo suka zauna cikin garin kuraye.

Ils s’installèrent dans le village des hyènes.

 

 

To, sun zo, sun iske, rumbu ukku : rumbun hatsi, da rumbun aya, da rumbun nama.

Bon, ils vinrent, ils trouvèrent trois greniers : un grenier de mil, un grenier de souchets8 et un grenier [plein] de viande.

5:02

55

Shi ke nan, sai kare yac ce shi dai, rumbun nama yake so ;

Bon, le chien dit qu’il voulait le grenier de viande ;

 

 

zabo yac ce shi, rumbun aya yake so ;

la pintade dit qu’elle voulait le grenier de souchets ;

 

 

shi kuma bunsuru yac ce, rumbun hatsi yake so.

quant au bouc, il dit qu’il voulait le grenier de mil.

 

 

Kowa yash shiga rumbunshi.

Chacun entra dans son grenier.

 

 

Suka zo suka yi zamansu, suna ta cin kayansu.

Ils s’installèrent et mangèrent leurs réserves.

5:28

60

Suna nan, suna nan, suna nan, suna nan, suna nan, saida suka yi kwanakki, sai kuraye suka ce :

Ils étaient là, ils étaient là, ils étaient là, ils étaient là, ils étaient là, ils passèrent ainsi plusieurs jours, alors les hyènes dirent :

 

 

« To, yanzu, halan mutanen nan, sun tahi.

« Bien, maintenant, [si on se fie à] leurs habitudes, ils sont partis.

 

 

Mu tahi mu gano gidajemmu. »

Allons-y, allons voir nos maisons. »

 

 

Kuraye suka zo, ba su san ba da suna nan cikin rubuna.

Les hyènes vinrent, elle ne savaient pas qu’ils étaient dans le grenier.

 

 

Kai kare, ka zo ka ci nama, ka ƙoshi, ka hiddo wustiya waje !

Quant à toi, le chien, tu es venu, tu as mangé de la viande, tu es rassasié, tu fais sortir ta queue dehors !

6:07

65

Shi ke nan, kurayen suka zo suna ta dibin gidajensu, suna ta larwai, sai da suka zo inda kare yake, sai ɗan kurayen guda yac ce :

Bon, les hyènes vinrent, elles se mirent à visiter leurs maisons, à effectuer des contrôles, jusqu’à ce qu’elles arrivent là où se trouvait le chien.

 

 

« Ee ! baba diba !… Had da ƴas sanda-sandassu suka baro ! »

L’un des enfants des hyènes dix : « Eh, papa, regarde ! Ils ont même oublié leur petit bâton. »

 

 

Sai aka jayo kare.

Alors on fit sortir le chien en le tirant [par la queue].

 

 

Zabo da bunsuru, koda suka ji haka nan, su, sai suka samu suka hita, suka gudu da ransu.

La pintade et le bouc, dès qu’ils entendirent cela, sortirent, s’enfuirent et sauvèrent leur vie9.

 

 

Aka kama kare, aka yi ta ba shi kashi, aka yi ta ba shi kashi, aka yi ta ba shi kashi !… sai da aka kashe shi.

On saisit le chien, on le roua de coups, on le roua de coups, on le roua de coups !… jusqu’à le tuer.

6:54

70

Shi ke nan, sauran su, sun gudu, sun tahiyassu, sun tsira.

Bon, quant aux autres, ils s’enfuirent, ils s’en allèrent, ils furent sauvés.

 

 

Kurayen suka canye karen, suka zo suka yi zamansu cikin gidajensu.

Alors les hyènes dévorèrent le chien, et elles s’installèrent dans leurs maisons.

 

 

Shi ke nan, ƙanƙaran kan kusu.

Bon, le conte s’arrête là10 !

Fatimane Moussa-Aghali

 


 

Notes:

1  Pour une adaptation en français du conte, cf. Fatimane Moussa-Aghali 2005: 97-101.

2  Synonymes :  « noix tigrée » ou « amande de terre » ; nom scientifique : Cyperus esculentus.

3  Traduction de la formule de début de conte Kun ji kun ji ?… mot à mot : « Avez-vous entendu, avez-vous entendu ?… »

4  « tu  t’en vas » : traduction de ka tahiyakka, mot à mot, « tu pars ton départ ».

5  Interjection marquant, un excès, un avertissement, un refus, etc.

6  « s’en alla de son côté » : traduction de yay yi zamanshi, mot à mot, « il partit, il fit son action de rester ».

7  « n’avaient rien qui s’opposaient à eux » traduction de sun samu wuri « ils eurent de la place ».

8  Voir note 2

9  « s’enfuirent et sauvèrent leur vie » : traduction de suka gudu da ransu, mot à mot « ils fuirent avec leur âme ; ils fuirent étant vivants ».

10  « le conte s’arrête là » : traduction de la formule de fin de conte ƙanƙaran kan kusu ; mot à mot : « petite tête de souris ».

Haru da Zoriya Zamzam / Harou et Zoriya Zamzam

 

 

Mots-clés:  haoussa, Niger, Nigeria — oralité, néo-oralité ; tatsuniya conte — deux coépouses ; deux frères, mort de l’une des coépouses ; orphelin de mère, héritage ; marâtre, infanticide, mort de la mère assassine.

L’auteure:  Fatimane Moussa-Aghali est née à Bonkoukou au Niger. Elle vit actuellement en France. Après avoir étudié à l’INALCO le touareg, le peul et le haoussa, elle soutient, à l’Université de Paris III, une thèse de doctorat sur cette dernière langue, à laquelle elle a consacré un ouvrage et plusieurs articles. Elle a publié un récit de vie, Yarintata [Mon enfance]. Elle écrit également des contes en haoussa à l’intention du public scolaire.

Production du corpus:  Le présent conte est un auto-enregistrement sur cassette audio réalisé en 1984. Il fait partie d’un ensemble de textes produits dans le cadre d’études haoussa à l’INALCO, en vue de la constitution d’un corpus de textes sous la direction du Professeur Claude Gouffé (1926-2013).

Édition du corpus:  Conte transcrit et traduit par Fatimane Moussa-Aghali. La bande son initiale n’ayant pas été conservée, le conte a été oralisé par l’auteure pour la présente édition, à partir de la transcription qu’elle en avait faite. Une adaptation du conte en français a été publiée en 20051 (cf. références).

Références:

    • MOUSSA-AGHALI, Fatimane, 2005, Yarintata [Mon enfance], Lagny-sur-Marne (France), Ellaf Éditions, 2021, 76 p. [première édition, revue Binndi e jannde, 1982-1983]. http://ellaf.huma-num.fr/yarintata/
    • MOUSSA-AGHALI, Fatimane, 2005, Contes des dunes et des sables, Roissy-en-Brie (France), Éditions Cultures croisées, 126 p.
    • MOUSSA-AGHALI, Fatimane, 1999, Lexique des néologismes en hawsa du Niger, Supplemento n. 90 agli Annali, vol. 59, fasc. 1-4, Naples, Istituto Universitario Orientale, xviii + 91 p.
    • AGHALI, Fatimane, 1984, « Recueil de contes en haoussa suivi de notes linguistiques ». Mémoire de D.R.E.A. sous la direction du Professeur Claude Gouffé, Université de Paris-III / Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), multicopié, 119 p.

Résumé:  Deux coépouses ont chacune un fils, Harou et Zoriya Zamzam. La mère de Zoriya Zamzam est riche. Elle décède. Sa coépouse ne veut pas que Zoriya Zamzam hérite des biens laissés par sa mère. Elle cherche à le tuer.

Chaque jour, Zoriya Zamzam mène les animaux au pâturage. À son retour, il va sur la tombe de sa mère, il dit : « Tchos !… tchos !… » et sa mère lui chante une chanson ; dans la chanson, elle le prévient des dangers qui le menacent et lui dit comment les éviter. Il rentre à la maison.

La coépouse cherche à empoisonner Zoriya Zamzam, il échappe ; elle cherche à le faire tomber dans une trappe, il échappe. Elle est en colère. Elle a une idée : elle va creuser un trou derrière le lit dans lequel ils dorment tous, elle y entretiendra un feu, elle placera Zoriya Zamzam du côté du trou ; lorsque tout le monde se sera endormi, elle le poussera dans le trou.

Zoriya Zamzam est averti par sa mère. Il se met à la place de Harou, le fils de la coépouse. La coépouse précipite Harou dans le trou croyant que c’est Zoriya Zamzam. Elle se réveille le lendemain et découvre qu’elle a tué son enfant ; elle meurt. Zoriya Zamzam reste avec les biens laissés par sa mère.

 

 

 

 


 

Haru da Zoriya Zamzam / Harou et Zoriya Zamzam

 

 

 

 

 

 

Kun ji kun ji ?…

Voici l’histoire, voici l’histoire2 !…

 

 

Wanga da kishiya da kishiya ne.

C’était entre une coépouse et sa coépouse.

 

 

Kowace, tana da ɗanta namiji.

Chacune avait un fils.

 

 

Guda tana da ɗanta Haru, guda kuma tana da ɗanta Zoriya Zamzam.

L’une avait un fils [appelé] Harou, et l’autre un fils [appelé] Zoriya Zamzam.

0:14

5

Sai ciwon ajali yak kama uwaz Zoriya Zamzam.

La mère de Zoriya Zamzam tomba malade d’une maladie fatale.

 

 

Sai tar rasu.

Elle mourut.

 

 

Ita kuma, ga ta dukiya ke gare ta.

Or elle avait beaucoup de biens.

 

 

Shanu ke gare ta da yawa !

Des vaches, elle en avait beaucoup3 !

 

 

Shi ke nan, sai ta mutu, tab baro ma yaron nan dukiya.

Donc elle mourut et laissa les biens à l’enfant en question.

0:34

10

To, kishiyatta, abun nan bai mata daɗi ba ko kaɗan.

Cela ne plaisait pas du tout à sa coépouse.

 

 

Bat ta son ma yaron dukiyan nan, ko kaɗan.

Elle ne voulait pas que ces biens aillent à l’enfant, même un tout petit peu.

 

 

Sai tay yi komi da komi, ta kashe shi.

Et elle faisait tout pour le tuer.

 

 

Kullum neman magani take, ta kashe shi.

Elle cherchait tout le temps un moyen pour le tuer.

 

 

Shi ko, da ya zo ma, sai shi tahi wurin kabarin uwashshi, shi zo, shi ce : « Cos cos ! »

Quant à lui [Zoriya Zamzam], dès qu’il revenait du pâturage, il allait sur la tombe de sa mère, il y allait et il disait : « Tchos tchos ! »

1:01

15

In dakwai wani abu lala, sai ta gaya mishi.

S’il y avait quelque chose de mauvais, elle le lui disait.

 

 

Sai ran nan, ya tahi kiwo.

Un jour, il était allé au pâturage.

 

 

Da yak komo ma, ta gina rame, ta sa wuta ciki,

Lorsqu’il revint, elle avait creusé un trou, elle y avait mis du feu,

 

 

ta kawo tabarma ta shinhwiɗa, ta kawo bargo tas sa bisa,

elle avait étalé une natte [au-dessus du trou] et avait mis une couverture [par-dessus]

 

 

don in ya zo ta ce mishi ya zamna.

pour que, lorsqu’il reviendrait, qu’elle lui dise de s’y asseoir.

 

20

In ya zamna, ya hwaɗa cikin ramen nan ya toye.

En s’y asseyant, il tomberait dans le trou et brûlerait.

 

 

Shi ke nan, shi kuma da ya zo ma, sai ya tahi wurin kabarin uwashshi, ya zo, ya yi : « Cos cos ! »

Ainsi donc, lorsqu’il revint, il alla directement sur la tombe de sa mère, il fit : « Tchos tchos ! »

 

 

Sai ta ce mishi :

Sa mère lui dit :

 

 

Zoriya Zamzam,

Zoriya Zamzam,

 

 

Kada ka zamna, Zoriya Zamzam.

Ne t’assieds pas, Zoriya Zamzam,

1:45

25

Haru shi zamna, Zoriya Zamzam.

Que Harou s’asseye, Zoriya Zamzam,

 

 

Yannan ka zamna, Zoriya Zamzam.

Ensuite tu t’assiéras, Zoriya Zamzam.

 

 

Sai yat tahi.

Et il s’en alla.

 

 

Da yaz zo ma, sai maccen tac ce mishi : « Zoriya Zamzam, ga wuri can, ka tahi ka zauna. »

Lorsqu’il arriva, la femme lui dit : « Zoriya Zamzam, tiens, il y a une place là-bas, va t’asseoir. »

 

 

Sai yac ce mata : « A’a, ni ban saba zama bisa tabarma ba,

Il lui dit : « Non, moi, je n’ai pas l’habitude de m’asseoir sur une natte,

2:10

30

ba yau ba zan zamna bisa tabarma ba.

et ce n’est pas aujourd’hui que je vais m’asseoir sur une natte.

 

 

Na tahi dai, in zamna ga ƙasa. »

Je vais m’asseoir à même le sol. »

 

 

Sai yat tahi, yaj jaye can ƙalƙashi icce, yay yi zamanshi.

Alors il s’en alla, il se retira loin sous un arbre, il s’y assit.

 

 

Sai taz zo ta hwara : « Shege, ɗan kare !

Elle vint, elle commença : « Bâtard, fils de chien !

 

 

Yanzu don ubanka ya zo ya iske ka nan wurin, ya ce ko kula ka ba ni yi ko ? »

C’est pour que ton père vienne te trouver là et qu’il dise que je ne m’occupe même pas de toi, n’est-ce pas ? »

2:34

35

Taz zo tay yi ta zagin shi, tay yi ta zagin shi.

Elle vint, elle se mit à l’insulter, elle se mit à l’insulter.

 

 

Shi dai bai ce komi ba, bai kula mata ba, yaƙ ƙyale ta.

Mais [le garçon], lui, n’y prêtait pas attention et il la laissa faire.

 

 

Abin yac cika ta.

Elle était furieuse4.

 

 

Ba ta san ba dai yadda za ta yi yanzu ta kashe shi.

Elle ne savait plus quoi faire pour le tuer.

 

 

Sai ran nan, tat tahi tag ga wani boka, ta amshi maganin da za ta kashe shi.

Un jour, elle alla voir un tradipraticien, elle se procura du poison pour tuer le garçon.

3:00

40

Taz zo tas sa mishi ga hura.

Elle vint mettre le poison dans du « foura »5.

 

 

Yaron yaz zo, ya hito da wurin kiwo, sai yag gudu, yat tahi wurin kabarin uwashshi.

À son retour du pâturage, l’enfant alla en courant sur la tombe de sa mère.

 

 

Shi ke nan, sai yaz zo yac ce : « Cos cos ! »

Une fois arrivé là, il dit : « Tchos tchos ! »

 

 

Tac ce mishi :

Elle lui dit :

 

 

Zoriya Zamzam, hura da tunya6,

Zoriya Zamzam, il y a du poison dans le « foura »,

3:23

45

Zoriya Zamzam.

Zoriya Zamzam.

 

 

Kada ka sha ta, Zoriya Zamzam.

N’en mange pas, Zoriya Zamzam.

 

 

Haru shi sha ta, Zoriya Zamzam.

Que Harou en mange, Zoriya Zamzam.

 

 

Yannan ka sha ta, Zoriya Zamzam.

Ensuite tu en mangeras, Zoriya Zamzam.

 

 

Sai yak koma gida.

Il rentra chez lui.

3:38

50

Maccen taɗ ɗauko hura, tak kai mishi, tac ce ya sha.

La femme prit le « foura », le lui porta et lui dit d’en manger.

 

 

Sai yac ce mata, wallahi shi ba ya jin yunwa ba, bay ya so.

Il lui dit que par Dieu, il n’avait pas faim et qu’il n’en voulait pas.

 

 

Sai ta hwara zagin shi : « Shege, ɗan kare !

Elle se mit à l’insulter : « Bâtard, fils de chien !

 

 

Dan ubanka ya zo ya ce yanzu ko abinci ma, ba ni ba ka ko ?

C’est pour que maintenant ton père vienne dire que je ne te donne même pas à manger, n’est-ce pas ?

 

 

Na bar ka da nyunwa ko ? »

[Qu’il dise] que je t’ai laissé affamé, n’est-ce pas ? »

4:03

55

Taz zo tay yi ta zagin shi, tay yi ta zagin shi.

Elle se mit à l’insulter, elle se mit à l’insulter.

 

 

Shi dai bai ce komi ba, yaƙ ƙyale ta.

Mais [le garçon], lui, ne dit rien, il la laissa faire.

 

 

Abin yac cika ta.

Elle était furieuse7.

 

 

Ba ta san ba dai, yadda za ta yi yanzu kai.

Elle ne savait plus quoi faire maintenant.

 

 

Sai shi ke nan, sai ran nan, tas samu wata dabara da za ta yi.

Alors, un jour, elle eut une idée8.

4:25

60

Sai tag gina rame can bayan gado, tak kawo tabarma da bargo tash shinhwiɗa bisa, tas sa wuta cikin rame.

Elle creusa un trou là-bas derrière le lit [où ils dormaient tous], elle apporta une natte et une couverture qu’elle étala dessus, elle mit du feu dans le trou.

 

 

To, in za su kwana ko, sai ta kawo ɗanta ta sa gaba, ta sa Zoriya Zamzam baya.

Bon, quand les [garçons] allaient se coucher, elle prenait son fils et le mettait devant, et elle mettait Zoriya Zamzam derrière.

 

 

To, ran nan, niyatta, in dare ya yi ƙwarai, suna kwana, ta tura yaron cikin ramen nan, mai wuta, ya toye.

Bon, ce jour-là, son intention était que, lorsque la nuit serait bien avancée et qu’ils seraient en train de dormir, de pousser Zoriya Zamzam dans le trou, où il y avait le feu, pour qu’il brûle.

 

 

Shi ke nan, shi ko, da ya zo ma, sai yag gudu, yat tahi wurin kabarin uwashshi, yac ce : « Cos cos ! »

Alors, quant à lui, [Zoriya Zamzam], à son retour, il alla en courant sur la tombe de sa mère et dit : « Tchos tchos ! »

 

 

Sai uwashshi tac ce mishi :

Sa mère lui dit :

5:13

65

Zoriya Zamzam,

Zoriya Zamzam,

 

 

Kada ka kwanta, Zoriya Zamzam.

Ne te couche pas, Zoriya Zamzam.

 

 

Haru ya kwanta, Zoriya Zamzam.

Que Harou se couche, Zoriya Zamzam.

 

 

Yannan ka kwanta, Zoriya Zamzam.

Ensuite tu te coucheras, Zoriya Zamzam.

 

 

Shi ke nan, yak koma gida.

Bon, il rentra à la maison.

5:30

70

Da dare yay yi, suka zo suka kwanta.

Le soir venu, ils allèrent dormir.

 

 

Taz zo tas sa ɗanta gaba gare ta, shi kuma, tas sa shi can baya.

Elle mit son fils devant elle, et quant à Zoriya Zamzam, elle le mit là-bas derrière.

 

 

Yab bari sai da dare ya yi, su duka sun yi kwana.

[Zoriya Zamzam] attendit que la nuit soit avancée et qu’ils soient tous en train de dormir.

 

 

Sai yat tashi sannu-sannu, yaɗ ɗawki Haru, yas sa shi ga wurinshi,

Il se leva doucement, il prit Harou, il le mit à sa place

 

 

yaz zo yak komo wurin Haru, yak kwanta.

et il regagna la place de Harou, il s’y coucha.

6:01

75

Suna nan — ba dai kwana ya ɗawke su ba ? — sai maccen ta hwara wani miƙa hakanga, tana wani birkiɗaɗɗoniya, sai da tat tura yaron cikin wuta.

Ils étaient là — n’est-ce pas qu’ils dormaient profondément ? — alors la femme commença à s’étirer et à se rouler jusqu’à pousser l’enfant dans le feu.

 

 

Ita ba ta san ba da yaronta ne tat tura cikin wuta, tana cewa Zoriya Zamzam ne.

Elle ne savait pas que c’était son propre fils qu’elle avait poussé dans le feu, elle croyait que c’était Zoriya Zamzam.

 

 

Yaronan ya hwara cewa : « Inna ni ne !… Inna ni ne !… »

L’enfant commença : « Maman, c’est moi !… Maman, c’est moi !… »

6:29

 

Taƙ ƙyale, tac ce : « Shege, sai ka mutu dai ciki ! »

Elle n’y prêta pas attention, elle dit : « Bâtard, tu vas mourir là-dedans ! »

 

 

Shi ke nan, da sahiya tay yi, da jijjibi9 tat tashi, tana shara, daɗi ya kashe ta, wai ta samu dukiya, tana cewa ta samu dukiya.

Alors, le lendemain matin, elle se leva de bonne heure, elle se mit à nettoyer la maison, elle mourait de joie, car elle était devenue riche, elle croyait qu’elle était devenue riche.

 

80

Ta share gidan nan duka, ta yi shi lai-lai-lai !

Elle nettoya toute la maison, bien proprement !

 

 

Shi ke nan, da taƙ ƙare ayukkan da take yi duka, sai taz zo, tat tadda yaron da kwana, ta aza ɗanta ne.

Alors, lorsqu’elle eut fini toutes les tâches qu’elle avait à faire, elle vint réveiller l’enfant qui dormait, croyant que c’était son fils.

7:07

 

Shi ko ya duƙunƙule cikin bargo, yaƙ ƙi gwadin huskashshi.

Lui, l’enfant, s’enroula dans la couverture, il refusa de montrer son visage.

 

 

Sai tana ce mishi : « Kai buɗe idonka !

Elle lui disait : « Eh toi, ouvre les yeux10 !

 

 

Buɗe idonka !…

Ouvre les yeux !…

7:18

85

Mun samu dukiyammu ! »

Nous sommes devenus riches11 

 

 

Tana ta ce mishi haka nan.

Elle s’adressait ainsi à lui continuellement.

 

 

Shi ke nan, yaron yaƙ ƙi buɗe idonshi.

Mais l’enfant refusait toujours d’ouvrir les yeux.

 

 

Sai taj jaye mishi bargo, tac ce : « Buɗe idonka ! »

Elle lui ôta la couverture, elle dit : « Ouvre les yeux12 ! »

 

 

Koda taj jaye bargon, tag ga huskar ba ɗanta ba ne, nan da nan wata kunya tak kama ta, sai ta hwaɗi tam mutu.

Lorsqu’elle ôta la couverture et qu’elle vit que le visage n’était pas celui de son fils, elle fut frappée de stupeur, elle tomba et mourut.

7:46

90

Shi ke nan, Zoriya Zamzam yaz zamna da dukiyashshi.

Et Zoriya-Zamzam resta avec ses biens.

 

 

Shi ke nan, gatana ta ƙare.

C’est tout, le conte s’arrête là13.

Fatimane Moussa-Aghali

 


 

Notes:

1  Pour une adaptation en français du conte, cf. Fatimane Moussa-Aghali 2005: 37-41.

2  Traduction de la formule de début de conte Kun ji kun ji ?… mot à mot : « Avez-vous entendu, avez-vous entendu ?… »

3  Traduction de shanu ke gare ta da yawa, mot à mot : « ce sont des vaches qui sont chez elle, nombreuses ».

4  Traduction de abin yac cika ta, mot à mot : « la chose en question la remplit ».

5  fura ou hura : boule consistante de la taille d’un beignet, à base de farine de mil cuite, qui se consomme malaxée dans du lait caillé.

6  tunya ou tinya : euphorbe connue sous le nom d’Euphorbia unispina et qui entre dans la préparation des poisons sagittaires (KERHARO, Jean, BOUQUET, Armand, 1950, Plantes médicinales et toxiques de la Côte d’Ivoire – Haute-Volta : mission d’étude de la pharmacopée indigène en A.O.F, Paris, Vigot, p 75).

7  Voir note 4.

8  « elle eut une idée » : traduction de tas samu dabara da za ta yi, mot à mot : « elle eut une ruse qu’elle allait faire ».

9  Variante : jìjjífíi, avec [f] au lieu de [b] (Bargery online — http://maguzawa.dyndns.ws/frame.html ).

10  Le haoussa dit : buɗe idonka, mot à mot « ouvre tes yeux » ; de même, à la ligne 87, on a : yaƙ ƙi buɗe idonshi « il refusa d’ouvrir ses yeux ».

11  Traduction de mun samu dukiyammu, mot à mot : « nous avons obtenu nos richesses ».

12  Voir note 12.

13  « le conte s’arrête là » : traduction de la formule finale gatana ta gare, mot à mot « la voilà [qui] est finie », « la » étant mis pour « histoire ».

Kishi / La jalousie

 

 

Mots-clés:  haoussa, Niger, Nigeria — oralité, néo-oralité ; tatsuniya conte — jalousie, mari jaloux, isolement, meurtre, résilience ; berger, Peul ; coiffeuse-tresseuse

L’auteure:  Fatimane Moussa-Aghali est née à Bonkoukou au Niger. Elle vit actuellement en France. Après avoir étudié à l’INALCO le touareg, le peul et le haoussa, elle soutient, à l’Université de Paris III, une thèse de doctorat sur cette dernière langue, à laquelle elle a consacré un ouvrage et plusieurs articles. Elle a publié un récit de vie, Yarintata [Mon enfance]. Elle écrit également des contes en haoussa à l’intention du public scolaire.

Production du corpus:  Le présent conte est un auto-enregistrement sur cassette audio réalisé en 1984. Il fait partie d’un ensemble de textes produits dans le cadre d’études haoussa à l’INALCO, en vue de la constitution d’un corpus de textes sous la direction du Professeur Claude Gouffé (1926-2013).

Édition du corpus:  Conte transcrit et traduit par Fatimane Moussa-Aghali. La bande son initiale n’ayant pas été conservée, le conte a été oralisé par l’auteure pour la présente édition, à partir de la transcription qu’elle en avait faite. Une adaptation du conte en français a été publiée en 20051 (cf. références).

Références:

    • MOUSSA-AGHALI, Fatimane, 2005, Yarintata [Mon enfance], Lagny-sur-Marne (France), Ellaf Éditions, 2021, 76 p. [première édition, revue Binndi e jannde, 1982-1983]. http://ellaf.huma-num.fr/yarintata/
    • MOUSSA-AGHALI, Fatimane, 2005, Contes des dunes et des sables, Roissy-en-Brie (France), Éditions Cultures croisées, 126 p.
    • MOUSSA-AGHALI, Fatimane, 1999, Lexique des néologismes en hawsa du Niger, Supplemento n. 90 agli Annali, vol. 59, fasc. 1-4, Naples, Istituto Universitario Orientale, xviii + 91 p.
    • AGHALI, Fatimane, 1984, « Recueil de contes en haoussa suivi de notes linguistiques ». Mémoire de D.R.E.A. sous la direction du Professeur Claude Gouffé, Université de Paris-III / Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), multicopié, 119 p.

Résumé:  Un homme est très jaloux. Il va s’installer seul dans la brousse avec sa femme. La femme excelle dans l’art de faire les tresses. Un jeune Peul entend parler de la femme. Il veut qu’elle lui fasse des tresses2. On avertit le jeune Peul : personne ne revient vivant de chez cette femme. Il persiste, il se rend chez la femme pour se faire tresser les cheveux. La femme refuse. Il insiste, elle accepte.

Le mari est berger. Il passe la journée à garder le troupeau. En revenant au crépuscule, de loin, il avertit sa femme de son retour en chantant, pour qu’elle se mette à piler le mil3.

Le jeune homme est en train de se faire tresser. Le mari va revenir. Il chante, le jeune homme chante à son tour en disant à la femme de continuer à lui tresser les cheveux. L’homme approche, il entre dans la maison, il s’approche de la femme et du jeune homme… À chaque fois, il chante et le jeune homme de son côté chante également, en disant à la femme de continuer à lui tresser les cheveux.

L’homme est fou de rage. Il tue le jeune homme, il lui tranche le cou. La tête continue à chanter. Il découpe la tête en menus morceaux. Les morceaux continuent à chanter. Il réduit les morceaux en cendre. La cendre continue à chanter.

L’homme, ne sachant quoi faire, demande à Dieu de ressusciter le jeune homme en un très bel homme. Ses vœux sont exaucés. Le mari jaloux offre au jeune homme des habits et bien des cadeaux, il lui donne congé.

L’homme n’est plus jaloux. Il retourne vivre au village.

 

 

 


 

Kishi / La jalousie

 

 

 

 

 

 

 

Kun ji kun ji ?…

Voici l’histoire, voici l’histoire4 !…

 

 

Wanga, wani mutun ne, mai ɗan karan kishi !

C’était un homme qui était extrêmement jaloux !

 

 

Sabadda kishi, sai yat tashi yaƙ ƙaura, yah hita cikin gari, yak koma daji, yay yi gidanshi can.

À cause de sa jalousie, il quitta le village pour vivre dans la brousse, il y construisit sa maison.

 

 

Shi kuma, ga shi makiyayi ne.

C’était un berger.

0:21

5

Kuma matashshi, macce ce da ta iya kitso hab ba iyaka.

Et sa femme, c’était une femme qui excellait dans l’art de faire des tresses, elle était sans pareille5.

 

 

Shi ke nan, in ya tahi kiwo, da magariba yake komowa.

Quand il allait garder le troupeau, il ne rentrait qu’au crépuscule.

 

 

To, lokacin da zai zuwa gida, daga can nesa yake mata waƙa, yac ce mata ta sa hatsi cikin turmi ta daka, dan sabadda bai son kowa ya san da akwai macce nan wurin, balle wai shi biyo.

Bon, lorsqu’il rentrait, c’était de loin qu’il s’adressait à elle en chantant, il lui disait de mettre du mil dans le mortier et de le piler, parce qu’il ne voulait pas qu’un seul homme sache qu’il y avait une femme là et à plus forte raison, qu’il y passe pour la voir6.

 

 

Shi ke nan, kullum haka nan, haka nan, haka nan, sai ran nan, wani sarmayi, ɗan Bahillace, yaj ji zancen macce nan da ta iya kitso.

Il en était alors ainsi tous les jours, il en était ainsi, il en était ainsi, quand un jeune homme, un Peul, apprit l’histoire de cette femme qui savait bien faire les tresses7.

 

 

To, akwai wani taro da za a yi, samari da ƴan mata duka su taru.

Bon, il y avait une fête qui devait avoir lieu, les jeunes gens et les jeunes filles devaient tous se rencontrer.

1:13

10

Sai yac ce, shi, babu wadda za tay yi mishi kitso in ba matam mutumin nan ba.

Alors [le jeune homme] dit que lui, aucune femme ne lui tresserait les cheveux si ce n’était la femme de cet homme.

 

 

Sai mutane suka ce mishi : « Hey wane ! maccen nan, kitsonta ba shi yiwa.

Les gens lui dirent : « Hé un tel ! cette femme-là, elle ne peut tresser personne.

 

 

Wanda duk yat tahi gidan nan, bai komowa da rai. »

Toute personne qui se rend chez eux ne revient pas vivant ! »

 

 

Sai yac ce, shi kai, babu wanda za shi yi mishi kitso in ba maccen nan ba.

Il dit que lui, en tout cas, personne d’autre ne lui tresserait les cheveux si ce n’était cette femme.

 

 

Yac ce sai ya tahi gidanta ta yi mishi kitso.

Il dit qu’il se rendrait bien chez elle pour qu’elle lui fasse des tresses.

1:51

15

Mutane suka yi ta lallashinshi, suka yi ta lallashinshi, yac ce shi dai, babu, sai dai maccen nan tay yi mishi kitso.

Les gens cherchèrent à l’en dissuader, ils cherchèrent à l’en dissuader, il leur dit non, que cette femme devait absolument lui faire des tresses.

 

 

Shi ke nan, sai yat tahi.

Alors, il se mit donc en route.

 

 

Da yat tahi, sai yaz zo ya iske ta da sahe.

Il se mit en route et il vint trouver la femme au matin.

 

 

Mijinta bai nan, ya tahi kiwo.

Son mari n’était pas là, il avait mené le troupeau au pâturage.

 

 

Sai yac ce mata : « Na zo kitso, na zo ki yi mini kitso, ko nawa yake, ina biya. »

Il dit à la femme : « Je suis venu pour des tresses, je suis venu pour que tu me fasses des tresses, quel qu’en soit le prix, je le paierai. »

2:23

20

Maccen tac ce mishi : « Ba yin kitso ba ke da wuya.

La femme lui répondit : « Ce n’est pas le fait de faire les tresses qui est difficile.

 

 

Ni tsoro nike, mijina ya komo yanzu, ya zo ya iske ka nan, ya kashe ka, in ɗauki alhakinka banza da yohi. »

Moi, je crains que mon mari ne revienne maintenant, qu’il te trouve ici, qu’il te tue, et que je porte le péché [d’avoir causé ta mort] pour rien. »

 

 

Yac ce : « Babu komi, na zo neman kitso, ban tahiya ko, sai kin kitse kan ga nawa. »

Il lui dit : « Ce n’est pas grave ; je suis venu pour que tu me tresses les cheveux et je ne partirai pas d’ici tant que tu ne m’auras pas tressé les cheveux8. »

 

 

Tac ce mishi : « Wallahi ! ina tsoro, ina tsoron mutuwakka. »

Elle lui dit : « Par Dieu ! je crains, je crains ta mort. »

 

 

Yac ce mata : « Ba komi, i mini kitsona dai haka nan.

Il lui dit : « Ce n’est pas grave, tresse-moi les cheveux malgré tout.

3:04

25

Na ɗauka bisa raina. »

Je l’accepte au prix de ma vie. »

 

 

Tac ce mishi : « To, shi ke nan. »

Elle lui répondit : « Bon, c’est d’accord. »

 

 

Suka zo, suka hwara kitso.

Ils s’y mirent, ils commencèrent les tresses.

 

 

Suna ta kitso, suna ta kitso, suna ta kitso sai da magariba tay yi.

Ils tressaient, ils tressaient, ils tressaient jusqu’au crépuscule.

 

 

Sun yi waje guda, sai can daga nesa, taj ji muriyar mijinta yana zauke.

Ils avaient tressé un côté, quand, au loin, elle entendit la voix de son mari en train de venir.

3:30

30

Yac ce :

Il dit :

 

 

Daka ! daka !… Dandaro daka.

Pile ! pile !… Dandaro, pile.

 

 

Dakan dare da magariyo, Dandaro daka !

Le pilage de la nuit et du crépuscule, Dandaro, pile !

 

 

Sai sarmayin yac ce mata :

Le jeune homme lui dit :

 

 

I mini kitsona,

Fais-moi mes tresses,

3:45

35

I mini kitsona,

Fais-moi mes tresses,

 

 

Ba ki jin kiran nan.

Tu n’entends pas cet appel.

 

 

Shi ke nan, suna nan, aka juma kuma, sai taj ji :

Bien. Ils en étaient là, après un moment, la femme entendit à nouveau :

 

 

Daka ! daka !… Dandaro daka.

Pile ! pile !… Dandaro, pile.

 

 

Dakan dare da magariyo, Dandaro daka !

Le pilage de la nuit et du crépuscule, Dandaro, pile !

4:05

40

Tac ce mishi : « Hey, ga shi nan zauke hwa ! »

Elle lui dit : « Hé ! attention, le voilà qui arrive ! »

 

 

Yac ce mata :

Il lui dit :

 

 

I mini kitsona,

Fais-moi mes tresses,

 

 

I mini kitsona,

Fais-moi mes tresses,

 

 

Ba ki jin kiran nan.

Tu n’entends pas cet appel.

4:16

45

Tay yi ta kisto.

Elle continua à faire les tresses.

 

 

Daga nesa kuma yac ce :

De loin, le mari répéta de nouveau :

 

 

Daka ! daka !… Dandaro daka.

Pile ! pile !… Dandaro, pile.

 

 

Dakan dare da magariyo, Dandaro daka !

Le pilage de la nuit et du crépuscule, Dandaro, pile !

 

 

Sarmayin nan yac ce mata kuma :

Le jeune homme lui dit de nouveau :

4:33

50

I mini kitsona,

Fais-moi mes tresses,

 

 

I mini kitsona,

Fais-moi mes tresses,

 

 

Ba ki jin kiran nan.

Tu n’entends pas cet appel.

 

 

Sai ga shi nan, ya yo kusa da gida, yac ce :

Et il était là, il était tout près de la maison, il dit :

 

 

Daka ! daka !… Dandaro daka.

Pile ! pile !… Dandaro, pile.

4:48

55

Dakan dare da magariyo, Dandaro daka !

Le pilage de la nuit et du crépuscule, Dandaro, pile !

 

 

Sarmayin yac ce kuma :

Le jeune homme dit de nouveau :

 

 

I mini kitsona,

Fais-moi mes tresses,

 

 

I mini kitsona,

Fais-moi mes tresses,

 

 

Ba ki jin kiran nan.

Tu n’entends pas cet appel.

4:59

60

Mutunen nan, ga shi nan, ya cika, ya cika, ya cika ! yay yo kusa da gida, yac ce :

L’homme était là, il était plein, plein, plein [de rage] ! il s’approcha de la maison et dit :

 

 

Daka ! daka !… Dandaro daka.

Pile ! pile !… Dandaro, pile.

 

 

Dakan dare da magariyo, Dandaro daka !

Le pilage de la nuit et du crépuscule, Dandaro, pile !

 

 

Sarmayin yak kuma ce :

Le jeune homme dit de nouveau :

 

 

I mini kitsona,

Fais-moi mes tresses,

5:21

65

I mini kitsona,

Fais-moi mes tresses,

 

 

Ba ki jin kiran nan.

Tu n’entends pas cet appel.

 

 

Sai ga shi bakin ƙohwa, yaz zo yay yi tsaye :

Et il était là devant la porte, il vint, il s’arrêta :

 

 

Daka ! daka !… Dandaro daka.

Pile ! pile !… Dandaro, pile.

 

 

Dakan dare da magariyo, Dandaro daka !

Le pilage de la nuit et du crépuscule, Dandaro, pile !

5:37

70

Sarmayin yac ce :

Le jeune homme dit :

 

 

I mini kitsona,

Fais-moi mes tresses,

 

 

I mini kitsona,

Fais-moi mes tresses,

 

 

Ba ki jin kiran nan.

Tu n’entends pas cet appel.

 

 

Sai ga shi ya shigo gida, yac ce :

Et voilà qu’il était entré dans la maison, il dit :

5:48

75

Daka ! daka !… Dandaro daka.

Pile ! pile !… Dandaro, pile.

 

 

Dakan dare da magariyo, Dandaro daka !

Le pilage de la nuit et du crépuscule, Dandaro, pile !

 

 

Sarmayin yac ce :

Le jeune homme dit :

 

 

I mini kitsona,

Fais-moi mes tresses,

 

 

I mini kitsona,

Fais-moi mes tresses,

6:00

80

Ba ki jin kiran nan.

Tu n’entends pas cet appel.

 

 

Yaz zo bisa kansu, yay yi tsaye, yac ce :

Il vint au-dessus de leur tête, il se tint debout, il dit :

 

 

Daka ! daka !… Dandaro daka.

Pile ! pile !… Dandaro, pile.

 

 

Dakan dare da magariyo, Dandaro daka !

Le pilage de la nuit et du crépuscule, Dandaro, pile !

 

 

Sarmayin nan yac ce :

Le jeune homme dit :

6:15

85

I mini kitsona,

Fais-moi mes tresses,

 

 

I mini kitsona,

Fais-moi mes tresses,

 

 

Ba ki jin kiran nan.

Tu n’entends pas cet appel.

 

 

Sai ko mutunenga yaz zago takobi, yac ce :

Et l’homme dégaina son épée et dit :

 

 

Daka ! daka !… Dandaro daka.

Pile ! pile !… Dandaro, pile.

6:30

90

Dakan dare da magariyo, Dandaro daka !

Le pilage de la nuit et du crépuscule, Dandaro, pile !

 

 

Sarmayin yac ce :

Le jeune homme dit :

 

 

I mini kitsona,

Fais-moi mes tresses,

 

 

I mini kitsona,

Fais-moi mes tresses,

 

 

Ba ki jin kiran nan.

Tu n’entends pas cet appel.

6:40

95

Yaɗ ɗauki takobin nan, yas sare kan sarmayin nan.

Il leva l’épée et il trancha la tête du jeune homme.

 

 

Ya tsaya can, yac ce :

Il se tint à l’écart, et il dit :

 

 

Daka ! daka !… Dandaro daka.

Pile ! pile !… Dandaro, pile.

 

 

Dakan dare da magariyo, Dandaro daka !

Le pilage de la nuit et du crépuscule, Dandaro, pile !

 

 

Kan nan, yac ce ma mutunen :

La tête [du jeune homme] lui dit à l’homme :

6:58

100

I mini kitsona,

Fais-moi mes tresses,

 

 

I mini kitsona,

Fais-moi mes tresses,

 

 

Ba ki jin kiran nan.

Tu n’entends pas cet appel.

 

 

Yas sassare shi, yay yi shi guntu-guntu-guntu-guntu, sa’annan ya tsaya can, yac ce :

Il découpa la tête en morceaux, en tout petits petits petits petits morceaux, puis il se tint à l’écart, et il dit :

 

 

Daka ! daka !… Dandaro daka.

Pile! pile !… Dandaro, pile.

7:15

105

Dakan dare da magariyo, Dandaro daka !

Le pilage de la nuit et du crépuscule, Dandaro, pile !

 

 

Guntayen nan suka amsa mishi, suka ce :

Les petits morceaux lui répondirent et dirent :

 

 

I mini kitsona,

Fais-moi mes tresses,

 

 

I mini kitsona,

Fais-moi mes tresses,

 

 

Ba ki jin kiran nan.

Tu n’entends pas cet appel.

7:28

110

Shi ke nan, ya ɗauki guntayen nan, yat tahi yat toye su, sai da suka toyu, suka zam toka.

Il prit les petits morceaux et alla les brûler jusqu’à ce qu’ils soient réduits en cendre, puis il revint auprès de sa femme et dit :

 

 

Yaz zo yay yi tsaye bisa matashshi, yac ce :

Il vint se tenir debout devant sa femme, il dit :

 

 

Daka ! daka !… Dandaro daka.

Pile ! pile !… Dandaro, pile.

 

 

Dakan dare da magariyo, Dandaro daka !

Le pilage de la nuit et du crépuscule, Dandaro, pile !

 

 

Tokan nan ta amsa mishi, tac ce :

La cendre lui répondit, elle dit :

7:53

115

I mini kitsona,

Fais-moi mes tresses,

 

 

I mini kitsona,

Fais-moi mes tresses,

 

 

Ba ki jin kiran nan.

Tu n’entends pas cet appel.

 

 

Sai ga shi nan dai, bai san ba abin da zai yi ba.

Il était là, il ne savait quoi faire.

 

 

Sai ya roƙi Allah, shi maido mishi yaron nan, shi yi shi sarmayi, mai ɗan karan kyawo.

Il pria Dieu de lui ressusciter ce garçon et qu’il en fasse un jeune homme d’une très grande beauté.

8:12

120

Allah yak karɓi tambayad da yay yi.

Dieu exauça la demande qu’il avait faite.

 

 

Sarmayin nan, Allah yay yo shi wani sarmayi mai ɗan karan kyawo !

Le jeune homme en question, Dieu en fit un jeune homme d’une très grande beauté !

 

 

Sarmayin yaz zamna, maccen nan, tas sa ini guda, tana mishi kitso.

Le jeune homme prit place, la femme mit une journée entière à lui faire des tresses.

 

 

Tay yi mishi kitso mai ɗan karan kyawo !

Elle lui fit de très belles tresses !

 

 

Mutunen yab ba shi tuhwa, yab ba shi komi da komi, yas sallame shi, yat tahi.

L’homme lui donna des habits et toutes sortes de biens, il lui donna congé et [le jeune homme] s’en alla.

8:44

125

Tun ran nan, mutunen nan, shi da kishi sun ƙare.

Depuis ce jour, l’homme cessa définitivement d’être jaloux9.

 

 

Kuma yaƙ ƙaura, yak koma cikin gari yaz zamna.

Et il déménagea, il retourna en ville et s’y installa.

 

 

Shi ke nan, gatana ta ƙare.

C’est tout, le conte s’arrête là10.

Fatimane Moussa-Aghali

 


 

Notes:

1  Pour une adaptation en français du conte, cf. Fatimane Moussa-Aghali 2005: 73-78.

2  Les jeunes Peuls nomades, particulièrement les Wodâbé, se tressent habituellement les cheveux.

3  Le pilage du mil, tâche effectuée par les femmes, se fait dans la journée, et à cette occasion, on entend de loin les coups de pilon dans le mortier. Pour ne pas révéler sa présence, la femme du berger, comme l’exige son mari, ne doit s’occuper du pilage que le soir, au moment où tout le monde est rentré au village et qu’il n’y a plus que le mari et sa femme dans la brousse.

4  Traduction de la formule de début de conte Kun ji kun ji ?… mot à mot : « Avez-vous entendu, avez-vous entendu ?… »

5  Traduction de ta iya kitso har ba iyala, mot à mot « elle sait faire des tresses au point qu’il n’y a pas de limite ».

6  Voir note 3.

7  Voir note 2.

8  Mot à mot « sauf si tu tresses la tête celle-ci à moi ».

9  Mot à mot : « l’homme, lui et la jalousie, ils sont finis ».

10  « le conte s’arrête là » : traduction de la formule finale gatana ta gare, mot à mot « la voilà [qui] est finie », « la » étant mis pour « histoire ».

Yarinyar da ta ke son awren wanta / La fille qui voulait épouser son frère

 

 

Mots-clés:  haoussa, Niger, Nigeria — oralité, néo-oralité ; tatsuniya conte ; conte à ordalie — amour interdit ; frère et sœur ; évitement du nom ; ordalie

L’auteure:  Fatimane Moussa-Aghali est née à Bonkoukou au Niger. Elle vit actuellement en France. Après avoir étudié à l’INALCO le touareg, le peul et le haoussa, elle soutient, à l’Université de Paris III, une thèse de doctorat sur cette dernière langue, à laquelle elle a consacré un ouvrage et plusieurs articles. Elle a publié un récit de vie, Yarintata [Mon enfance]. Elle écrit également des contes en haoussa à l’intention du public scolaire.

Production du corpus:  Le présent conte est un auto-enregistrement sur cassette audio réalisé en 1984. Il fait partie d’un ensemble de textes produits dans le cadre d’études haoussa à l’INALCO, en vue de la constitution d’un corpus de textes sous la direction du Professeur Claude Gouffé (1926-2013).

Édition du corpus:  Conte transcrit et traduit par Fatimane Moussa-Aghali. La bande son initiale n’ayant pas été conservée, le conte a été oralisé par l’auteure pour la présente édition, à partir de la transcription qu’elle en avait faite. Une adaptation du conte en français a été publiée en 20051 (cf. références).

Références:

    • MOUSSA-AGHALI, Fatimane, 2005, Yarintata [Mon enfance], Lagny-sur-Marne (France), Ellaf Éditions, 2021, 76 p. [première édition, revue Binndi e jannde, 1982-1983]. http://ellaf.huma-num.fr/yarintata/
    • MOUSSA-AGHALI, Fatimane, 2005, Contes des dunes et des sables, Roissy-en-Brie (France), Éditions Cultures croisées, 126 p.
    • MOUSSA-AGHALI, Fatimane, 1999, Lexique des néologismes en hawsa du Niger, Supplemento n. 90 agli Annali, vol. 59, fasc. 1-4, Naples, Istituto Universitario Orientale, xviii + 91 p.
    • AGHALI, Fatimane, 1984, « Recueil de contes en haoussa suivi de notes linguistiques ». Mémoire de D.R.E.A. sous la direction du Professeur Claude Gouffé, Université de Paris-III / Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), multicopié, 119 p.

Résumé:  Une jeune fille n’aime que son frère. Pour cette raison, elle refuse de prononcer son nom2. Cela ne plaît pas à Moussa — c’est le nom de son frère. Il ne sait comment faire pour amener sa sœur à prononcer son nom.

Un jour, la jeune fille va avec ses neuf amies se baigner au marigot. Il les suit. Elles déposent leurs vêtements au bord du marigot. Elles entrent dans l’eau pour se baigner. Pendant qu’elles se baignent, Moussa ramasse leurs pagnes et grimpe sur un arbre : il ne va rendre à chacune son pagne que si elle prononce son nom.

Chacune des jeunes filles vient supplier Moussa de lui rendre son pagne ; elle chante et interpelle Moussa par son nom. Celui-ci lui rend le pagne.

Arrive le tour de sa sœur. Elle le supplie de lui rendre ses habits. Elle ne l’interpelle pas par son nom et s’adresse à lui par wane « un tel ». Moussa refuse de lui rendre ses habits : pour les lui rendre, elle doit prononcer son nom.

La jeune fille est dans l’eau. Elle refuse de prononcer le nom de son frère, l’eau monte et lui arrive aux genoux. Elle supplie de nouveau son frère, en refusant toujours de prononcer son nom, l’eau monte et lui arrive au ventre. La scène se répète, l’eau monte et lui arrive à la poitrine, puis à la bouche. Elle se résout à prononcer le nom de son frère.

Il descend de l’arbre et lui rend son pagne. À partir de là, il n’a pas arrêter de la frapper jusqu’à ce qu’ils soient rentrés à la maison. C’est depuis ce jour que la jeune fille s’est mise à prononcer le nom de son frère.

 

 

 


 

Yarinyar da ta ke son awren wanta / La fille qui voulait épouser son frère

 

 

 

 

 

 

 

Kun ji kun ji ?…

Voici l’histoire, voici l’histoire3 !…

 

 

Wanga dai, wata yarinya ce da tac ce ita dai ba ta son kowa, in ba wanta ba.

C’était une jeune fille qui avait dit qu’elle n’aimait personne d’autre que son grand frère.

 

 

Wanta, sunanshi Musa.

Son grand frère, il s’appelait Moussa.

 

 

Sabadda son da take mishi, ba ta ma kiran sunanshi.

À cause de l’amour qu’elle avait pour lui, elle ne prononçait même pas son nom.

0:20

5

Suna nan haka nan, haka nan…

Ils étaient là ainsi, [ils étaient là] ainsi…

 

 

Wanta, abin nan ba yi mishi daɗi ba ko kaɗan, tunda bai kamata ba ya auri ƙanuwashi.

[Quant à] son grand frère, cela ne lui plaisait pas du tout, parce que ce n’était pas normal qu’il épouse sa propre sœur.

 

 

To, bai san ba dai abin da zai yi ƙanuwan nan ta kirayi sunanshi.

Il ne savait comment faire pour que sa sœur l’appelle par son nom.

 

 

Shi ke nan, sai wata rana, yab bari, saida tat tahi tabki wanka tare da abukkanta.

Alors, un jour, il attendit qu’elle soit allée se baigner au marigot avec ses amies.

 

 

Su ƴam mata goma, suka tahi wanka.

Elles étaient dix jeunes filles à aller se baigner.

0:54

10

Ba dai ya san da sun tahi wanka ba, sai yab bi su daga baya.

N’est-ce pas qu’il avait compris qu’elles étaient parties se baigner, alors il les suivit.

 

 

Yab bari saida suka aje tuhwahwinsu, suka shiga ruwa, suna ta wanka ; suna ta wanka, sai yaz zo, yak kwashe tuhwahwinsu, yag gudu yah haye icce.

Il attendit qu’elles aient posé leurs habits [au bord du marigot], qu’elles soient entrées dans l’eau et qu’elles soient en train de se baigner ; elles étaient en train de se baigner, il vint ramasser leurs habits et il courut grimper sur un arbre.

 

 

Lokacin da suka hito da cikin ruwa, kowace na neman tuhwanta, sai yac ce musu tuhwansu, ga su nan wurinshi, amma wadda duk ba ta kirayi sunanshi ba, bai ba ta tuhwanta.

Lorsqu’elles sortirent de l’eau, chacune chercha ses habits, et il leur dit que leurs habits, ils étaient entre ses mains, mais que celle qui ne l’appellerait pas par son nom, il ne lui rendrait pas ses habits.

 

 

Shi ke nan, sai ta hwarko taz zo, tac ce :

Alors, la première vint, elle dit :

 

 

Kai Musa ! kai Musa !

Oh Moussa ! oh Moussa !

1:40

15

Ɗan makaranta Musa,

Élève Moussa,

 

 

Ɗan malammai Musa,

Fils de marabouts, Moussa,

 

 

Ba ni zanena, Musa.

Donne-moi mon pagne, Moussa.

 

 

Shi ke nan, sai yab ba ta zanenta, taɗ ɗarma, tat tahi.

Et il lui donna son pagne, elle le noua autour des reins et s’en alla.

 

 

Sai ta biyu taz zo, sai tac ce : 

La deuxième vint et dit :

1:57

20

Kai Musa ! kai Musa !

Oh Moussa ! oh Moussa !

 

 

Ɗan makaranta Musa,

Élève Moussa,

 

 

Ɗan malammai Musa,

Fils de marabouts, Moussa,

 

 

Ba ni zanena, Musa.

Donne-moi mon pagne, Moussa.

 

 

Yab ba ta ita ma, tas sa tuhwanta, tat tahi.

Il le lui donna également, elle s’habilla et s’en alla.

2:10

25

Ta ukku taz zo tac ce :

La troisième vint, elle dit :

 

 

Kai Musa ! kai Musa !

Oh Moussa ! oh Moussa !

 

 

Ɗan makaranta Musa,

Élève Moussa,

 

 

Ɗan malammai Musa,

Fils de marabouts, Moussa,

 

 

Ba ni zanena, Musa.

Donne-moi mon pagne, Moussa.

2:20

30

Shi ke nan, yab ba ta ita ma, tat tahi.

Et il le lui donna à son tour, elle s’en alla.

 

 

Haka nan, haka nan, haka nan, haka nan, sai da yak kawo ga ƙanuwashi.

Il en était ainsi, il en était ainsi, il en était ainsi jusqu’à ce qu’arrive le tour de sa sœur.

 

 

Sai tac ce :

Elle dit :

 

 

Kai wane ! kai wane !

Oh un tel ! oh un tel !

 

 

Ɗan makaranta wane,

Élève un tel,

2:35

35

Ɗan malammai wane,

Fils de marabouts, un tel,

 

 

Ba ni zanena, wane,

Donne-moi mon pagne, un tel,

 

 

Ba ni zanena, wane.

Donne-moi mon pagne, un tel.

 

 

Yac ce mata :

Il lui dit :

 

 

Ba ni ba ki, ba ni ba ki,

Je ne te le donnerai pas, je ne te le donnerai pas

2:45

40

Sai kin ce :

Tant que tu ne diras pas :

 

 

« Kai Musa ! kai Musa !

« Oh Moussa ! oh Moussa !

 

 

Ɗan makaranta Musa,

Élève Moussa,

 

 

Ɗan malammai Musa,

Fils de marabouts, Moussa,

 

 

Ba ni zanena, Musa,

Donne-moi mon pagne, Moussa,

2:53

45

Ba ni zanena, Musa. »

Donne-moi mon pagne, Moussa. »

 

 

Taƙ ƙi hwaɗi sunanshi.

Elle refusa de prononcer son nom.

 

 

Tana cikin ruwa, tac ce :

Elle était dans l’eau, elle dit :

 

 

Kai wane ! kai wane !

Oh un tel ! oh un tel !

 

 

Ɗan makaranta wane,

Élève un tel,

3:05

50

Ɗan malammai wane,

Fils de marabouts, un tel,

 

 

Ba ni zanena, wane,

Donne-moi mon pagne, un tel,

 

 

Ba ni zanena, wane.

Donne-moi mon pagne, un tel.

 

 

Yac ce mata :

Il lui dit :

 

 

Ba ni ba ki, ba ni ba ki,

Je ne te le donnerai pas, je ne te le donnerai pas

3:14

55

Sai kin ce :

Tant que tu ne diras pas :

 

 

« Kai Musa ! kai Musa !

« Oh Moussa ! oh Moussa !

 

 

Ɗan makaranta Musa,

Élève Moussa,

 

 

Ɗan malammai Musa,

Fils de marabouts, Moussa,

 

 

Ba ni zanena, Musa,

Donne-moi mon pagne, Moussa,

3:21

60

Ba ni zanena, Musa »

Donne-moi mon pagne, Moussa. »

 

 

Shi ke nan, ruwa suka kawo mata ga gwiwa.

Et l’eau lui arriva aux genoux.

 

 

Tac ce :

Elle dit :

 

 

Kai wane ! kai wane !

Oh un tel ! oh un tel !

 

 

Ɗan makaranta wane,

Élève un tel,

3:33

65

Ɗan malammai wane,

Fils de marabouts, un tel,

 

 

Ba ni zanena, wane,

Donne-moi mon pagne, un tel,

 

 

Ba ni zanena, wane

Donne-moi mon pagne, un tel.

 

 

Yac ce mata :

Il lui dit :

 

 

Ba ni ba ki, ba ni ba ki,

Je ne te le donnerai pas, je ne te le donnerai pas

3:42

70

Sai kin ce :

Tant que tu ne diras pas :

 

 

« Kai Musa ! kai Musa !

« Oh Moussa ! oh Moussa !

 

 

Ɗan makaranta Musa,

Élève Moussa,

 

 

Ɗan malammai Musa,

Fils de marabouts, Moussa,

 

 

Ba ni zanena, Musa,

Donne-moi mon pagne, Moussa,

3:51

75

Ba ni zanena, Musa. »

Donne-moi mon pagne, Moussa. »

 

 

Shi ke nan, ruwan suka kawo mata ga ciki.

Et l’eau lui arriva au ventre.

 

 

Tac ce :

Elle dit :

 

 

Kai wane ! kai wane !

Oh un tel ! oh un tel !

 

 

Ɗan makaranta wane,

Élève un tel,

4:02

80

Ɗan malammai wane,

Fils de marabouts, un tel,

 

 

Ba ni zanena, wane,

Donne-moi mon pagne, un tel,

 

 

Ba ni zanena, wane.

Donne-moi mon pagne, un tel.

 

 

Yac ce mata :

Il lui dit :

 

 

Ba ni ba ki, ba ni ba ki,

Je ne te le donnerai pas, je ne te le donnerai pas

4:12

85

Sai kin ce :

Tant que tu ne diras pas :

 

 

« Kai Musa ! kai Musa !

« Oh Moussa ! oh Moussa !

 

 

Ɗan makaranta Musa,

Élève Moussa,

 

 

Ɗan malammai Musa,

Fils de marabouts, Moussa,

 

 

Ba ni zanena , Musa,

Donne-moi mon pagne, Moussa,

4:20

90

Ba ni zanena, Musa. »

Donne-moi mon pagne, Moussa. »

 

 

Shi ke nan, ruwan suka kawo mata ga gaba.

Et l’eau lui arriva à la poitrine.

 

 

Yarinyan nan, taƙ ƙi hwaɗin sunanshi, tac ce :

La fille refusa de prononcer son nom, elle dit :

 

 

Kai wane ! kai wane !

Oh un tel ! oh un tel !

 

 

Ɗan makaranta wane,

Élève un tel,

4:36

95

Ɗan malammai wane,

Fils de marabouts, un tel,

 

 

Ba ni zanena, wane,

Donne-moi mon pagne, un tel,

 

 

Ba ni zanena, wane.

Donne-moi mon pagne, un tel.

 

 

Yac ce mata :

Il lui dit :

 

 

Ba ni ba ki, ba ni ba ki,

Je ne te le donnerai pas, je ne te le donnerai pas

4:45

100

Sai kin ce :

Tant que tu ne diras pas :

 

 

« Kai Musa ! kai Musa !

« Oh Moussa ! oh Moussa !

 

 

Ɗan makaranta Musa,

Élève Moussa,

 

 

Ɗan malammai Musa,

Fils de marabouts, Moussa,

 

 

Ba ni zanena, Musa. »

Donne-moi mon pagne, Moussa. »

4:53

105

Shi ke nan, ruwan suka kawo mata ga baki.

Et l’eau lui arriva à la bouche.

 

 

Da tag ga dai abin ba shi yuwa, ruwan za su haɗe ta, sai tac ce :

Quand elle se rendit compte que la chose était impossible et que l’eau allait l’engloutir, elle dit :

 

 

Kai Musa ! kai Musa !

Oh Moussa ! oh Moussa !

 

 

Ɗan makaranta Musa,

Élève Moussa,

 

 

Ɗan malammai Musa,

Fils de marabouts, Moussa,

5:11

110

Ba ni zanena, Musa.

Donne-moi mon pagne, Moussa.

 

 

Shi ke nan, sai yas sabko, yab ba ta zannuwanta.

Alors, il descendit [de l’arbre] et lui donna ses pagnes.

 

 

Tah hito, ta amsa, taɗ ɗarma.

Elle sortit de l’eau, elle noua [ses pagnes].

 

 

Daga wurin nan, da yah hwara ba ta kashi, yana ta ba ta kashi, yana ta ba ta kashi, yana ta ba ta kashi, yana ta ba ta kashi, yana ta ba kashi, sai da suka isa gida yana ba ta kashi.

À partir de là, il commença à la battre, il ne faisait que la battre, il ne faisait que la battre, il ne faisait que la battre, il ne faisait que la battre, jusqu’à ce qu’ils soient arrivés à la maison, il continuait à la battre.

 

 

Tun ran nan, sai tah hwara hwaɗin sunanshi.

C’est depuis ce jour-là qu’elle commença à prononcer son nom.

5:41

115

Shi ke nan.

C’est tout.

 

 

Ƙanƙaran kan kusu.

Le conte s’arrête là4 !

Fatimane Moussa-Aghali

 


 

Notes:

1  Pour une adaptation en français du conte, cf. Fatimane Moussa-Aghali 2005: 33-36.

2  Chez les Haoussa, en général, une femme ne prononce pas le nom de son mari, ni les noms de ses deux premiers enfants, ni ceux de ses beaux-parents. L’évitement du nom (kunyar suna) vaut également pour les enfants vis-à-vis du nom de leur père et de leurs oncles paternels.

3  Traduction de la formule de début de conte Kun ji kun ji ?… mot à mot : « Avez-vous entendu, avez-vous entendu ?… »

4  Traduction de la formule de fin de conte Ƙanƙaran kan kusu ; mot à mot : « Petite tête de souris ».

Auren wata yarinya / Le mariage d’une jeune fille

 

 

Mots-clés:  haoussa, Niger, Nigeria — oralité, néo-oralité ; tatsuniya conte — mariage ; nourriture ; insectes ; arbre, baobab ; tradipraticien

L’auteure:  Fatimane Moussa-Aghali est née à Bonkoukou au Niger. Elle vit actuellement en France. Après avoir étudié à l’INALCO le touareg, le peul et le haoussa, elle soutient, à l’Université de Paris III, une thèse de doctorat sur cette dernière langue, à laquelle elle a consacré un ouvrage et plusieurs articles. Elle a publié un récit de vie, Yarintata [Mon enfance]. Elle écrit également des contes en haoussa à l’intention du public scolaire.

Production du corpus:  Le présent conte est un auto-enregistrement sur cassette audio réalisé en 1984. Il fait partie d’un ensemble de textes produits dans le cadre d’études haoussa à l’INALCO, en vue de la constitution d’un corpus de textes sous la direction du Professeur Claude Gouffé (1926-2013).

Édition du corpus:  Conte transcrit et traduit par Fatimane Moussa-Aghali. La bande son initiale n’ayant pas été conservée, le conte a été oralisé par l’auteure pour la présente édition, à partir de la transcription qu’elle en avait faite. Une adaptation du conte en français a été publiée en 20051 (cf. références).

Références

      • MOUSSA-AGHALI, Fatimane, 2005, Yarintata [Mon enfance], Lagny-sur-Marne (France), Ellaf Éditions, 2021, 76 p. [première édition, revue Binndi e jannde, 1982-1983]. http://ellaf.huma-num.fr/yarintata/
      • MOUSSA-AGHALI, Fatimane, 2005, Contes des dunes et des sables, Roissy-en-Brie (France), Éditions Cultures croisées, 126 p.
      • MOUSSA-AGHALI, Fatimane, 1999, Lexique des néologismes en hawsa du Niger, Supplemento n. 90 agli Annali, vol. 59, fasc. 1-4, Naples, Istituto Universitario Orientale, xviii + 91 p.
      • AGHALI, Fatimane, 1984, « Recueil de contes en haoussa suivi de notes linguistiques ». Mémoire de D.R.E.A. sous la direction du Professeur Claude Gouffé, Université de Paris-III / Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), multicopié, 119 p.

Résumé:  Des parents célèbrent le mariage de leur fille. Ils font frire des scarabées (ƙurnu) et des mouches (ƙuda) 2 La fille ignore qu’il s’agit de son mariage. Les plats sont distribués. La fille porte la nourriture de maison en maison3. Au retour de chacune de ses tournées, elle réclame sa part de la nourriture. On ne lui en donne pas, car il s’agit de la nourriture de son mariage, elle ne doit pas en manger. Elle insiste, elle est moquée. Elle est très affectée.

Un très grand baobab se trouve dans leur habitation. Elle grimpe au sommet du baobab. Sa mère la supplie de descendre, elle refuse. Son père la supplie, elle refuse. On consulte un tradipraticien. Il recommande aux parents de semer des courges (duma) et de faire une réserve d’eau de rinçage de mil (ƙasari) pour attirer et attraper des scarabées et des mouches ; qu’ils fassent frire les insectes et qu’ils les lui apportent, elle descendra. Ils font ce que dit le tradipraticien. La jeune fille descend du baobab, elle mange à satiété. Sa mère lui dit : « Eh bien, tu as fait quelque chose de honteux, toi qui as osé manger le plat de ton mariage. »

 

 


 

Auren wata yarinya / Le mariage d’une jeune fille

 

 

 

 

 

 

Kun ji kun ji ?…

Voici l’histoire, voici l’histoire4 !…

 

 

Wanga dai, wata yarinya ce da za a auren ta, amma ita ba ta sani ba da aurenta ne za a yi.

C’était une jeune fille qu’on allait marier, mais elle, elle ne savait pas que c’était son mariage qui allait avoir lieu.

 

 

Shi ke nan, gidansu sai aka soya su ƙurnu, su ƙuda, ana rarraba ma mutanen gari.

Ainsi donc, on avait fait frire chez elle des scarabées5 et des mouches qu’on distribuait aux gens.

 

 

To, rabon, ita ce ke zuwa gida gida, tana kaiwa.

Bon, pour la distribution6, c’était elle qui allait de maison en maison offrir les plats.

0:25

5

Inda duk aka ba ta ta kai wani gida, da ta komo, sai ta ce ma uwatta : « Inna, ina rabona ? »

À chaque fois qu’on lui donnait [les plats] pour qu’elle les porte dans une maison, lorsqu’elle revenait, elle disait : « Maman, où est ma part ? »

 

 

Sai uwatta ta ce mata : « Tahi, naki yana nan aje, har ki ƙare rabo, sa’annan, in kin komo, kin ci naki. »

Alors sa mère lui disait : « Vas-y, ta part est gardée jusqu’à ce que tu termines la distribution, lorsque tu seras de retour, tu mangeras ta part. »

 

 

Haka nan, haka nan, haka nan, sai da suka rabe ƙudan nan, da ƙurnun nan duka, ba su bar ko kaɗan ba.

Ce fut ainsi jusqu’à ce qu’ils aient distribué toutes les mouches et les scarabées, sans rien laisser.

 

 

Da yarinyar taƙ ƙare rabon, sai taz zo tac ce : « Inna, ina nawa ? »

Lorsque la jeune fille eut terminé de porter les plats, elle revint, elle dit : « Maman, où est ma part ? »

 

 

Sai aka ce mata : « Ke tahi, ba ki da kunya !

Alors, on lui dit : « Va-t’en, tu n’as pas honte !

1:08

10

Kayan aurenki zaki ci ?

Tu oserais manger les plats de ton mariage ?

 

 

Wa yat taɓa jin haka nan ? »

Qui a déjà entendu cela ? »

 

 

Shi ke nan, ashe abin nan ya yi mata zahi.

Or, cela l’avait beaucoup affectée.

 

 

To, akwai wata babbar uwak kuka cikin gidansu, sai taz zo tah haye kan kukan nan.

Bon, il y avait chez elle un grand baobab, elle vint grimper au sommet du baobab.

 

 

Aka zo ana ta nemanta, ana ta nemanta, sai aka ganta bisa uwar kuka.

On se mit à sa recherche, on se mit à sa recherche, on la découvrit sur le baobab.

 

15

Sai uwatta tac ce mata :

Alors sa mère lui dit :

 

 

Ɗiyata, ɗiyata, sabko da bisa.

Ma fille, ma fille, descends de là-haut.

 

 

Tac ce :

Elle lui dit :

 

 

Inna uwata, ba na sabka ba.

Maman, ma mère, je ne descendrai pas.

 

 

Da kunka ci su ƙudanku ba da ni tare ba.

Lorsque vous avez mangé vos mouches, je n’en ai pas eu.

1:49

20

Da kunka ci su ƙurnunku ba da ni tare ba.

Lorsque vous avez mangé vos scarabées, je n’en ai pas eu.

 

 

Samarmara kuka, i da ni bisa.

Vite, vite, baobab, va plus haut avec moi.

 

 

Kuka tay yi da ita bisa.

Le baobab s’éleva plus haut avec elle.

 

 

Shi ke nan, uwat tak koma gida, taz zo tag gaya ma uban.

Alors, sa mère retourna à la maison et alla le dire à son père.

 

 

Uban yaz zo, yac ce :

Le père vint et dit :

2:06

25

Ɗiyata, ɗiyata, sabko da bisa

Ma fille, ma fille, descends de là-haut.

 

 

Tac ce :

Elle lui dit :

 

 

Abba ubana, ba na sabka ba.

Papa, mon père, je ne descendrai pas.

 

 

Da kunka ci su ƙudanku ba da ni tare ba.

Lorsque vous avez mangé vos mouches, je n’en ai pas eu.

 

 

Da kunka ci su ƙurnunku ba da ni tare ba.

Lorsque vous avez mangé vos scarabées, je n’en ai pas eu.

 

30

Samarmara kuka, i da ni bisa.

Vite, vite, baobab, va plus haut avec moi.

 

 

Kuka tas sake yin bisa da ita, sai da ma ba a ganinta.

Le baobab s’éleva plus haut avec elle, au point qu’on ne la voyait plus.

 

 

Shi ke nan, mutanen ga ba su san ba dai abun da za su yi yarinyag ga ta sabko.

Ainsi donc, les gens ne savaient plus quoi faire pour que cette fille descende [de l’arbre].

 

 

Sai suka tahi wajen wani boka, suka tambaye shi, har ƙaƙa za su yi yarinyag ga ta sabko.

Alors, ils allèrent trouver un tradipraticien, ils lui demandèrent comment faire pour que la fille descende.

 

 

Yac ce musu : « Yanzu, babu abin da za ku yi, sai ku shibka duma, ku kawo kuma ƙasari, ku aje.

Il leur dit : « Maintenant, il n’y a rien que vous puissiez faire si ce n’est semer des courges et chercher de l’eau de rinçage de mil7.

3:00

35

Da duma ya hwara ɗiya, ƙurnu sun zo, sai ku kamasu ; kuma cikin ƙasarin, ƙuda sun hwaɗa ciki, sai ku kwashe, ku zo ku soya, ku kai mata.

Lorsque les courges commenceront à donner des fruits, des scarabées viendront [s’y poser], vous les attraperez ; et pour ce qui est de l’eau de rinçage, les mouches y tomberont, vous [les] récupèrerez, vous [les] ferez frire et vous [les] lui porterez.

 

 

In kun gwada mata soyen nan, ta sabko. »

Si vous [les] lui montrez, elle redescendra. »

 

 

Shi ke nan, suka zo suka shibka duma, suka kawo babbar tukunyar ƙasari, suka aje waje.

Ainsi, ils semèrent des courges et apportèrent une grande jarre [remplie] d’eau de rinçage de mil qu’ils posèrent dehors.

 

 

Suna nan, suna nan, suna nan, sai da duman nan yag girma, ƙurnu suka zo, kuma ƙasarin, ƙuda suka hwaɗa ciki, suka kwashe.

Ils étaient là, ils étaient là, jusqu’à ce que les pieds de courge aient grandi, les scarabées vinrent [s’y poser], et l’eau de rinçage, les mouches tombèrent dedans, ils [les] récupérèrent.

 

 

Suka ɗauki ƙurnun nan, da ƙudan nan suka soya, suka zo suka tsaya ƙalƙashin uwak kuka.

Ils prirent les scarabées et les mouches, ils [les] firent frire, ils vinrent se tenir debout sous le baobab.

3:53

40

Sai uwatta tag gwada mata kwanon ƙurnu da ƙudan nan soyayye, tac ce : 

La mère de la fille montra à celle-ci le plat de scarabées et de mouches, elle lui dit :

 

 

Ɗiyata, ɗiyata, sabko da bisa.

Ma fille, ma fille, descends de là-haut.

 

 

Ko da ta tsinkayi ƙurnun da ƙuda, sai tac ce ma kuka ta yi ƙasa da ita, ta sabka.

Dès qu’elle aperçut les scarabées et les mouches, elle dit au baobab de descendre avec elle.

 

 

Kuka tay yi ƙasa da ita, sai tas sabko.

Le baobab descendit avec elle, elle redescendit.

 

 

Aka ba ta ƙurnu da ƙuda.

On lui donna les scarabées et les mouches.

3:22

45

Ta ci, ta ci, ta ci, sai da taƙ ƙoshi !

Elle mangea, mangea, mangea à satiété !

 

 

Shi ke nan, sai uwat tac ce mata : « Ai ko, kin yi kunya, ke da ke cin kayan aurenki ! »

Alors, sa mère lui dit : « Eh bien, tu as fait quelque chose de honteux, toi qui as osé manger le plat de ton mariage ! »

 

 

Ƙanƙaran kan kusu !

Le conte s’arrête là8 !

Fatimane Moussa-Aghali

 


 

Notes:

1    Pour une adaptation en français du conte, cf. Fatimane Moussa-Aghali 2005: 94-96.

2    Le conte porte sur une série de comportements contraires aux pratiques culturelles de la société :

      • on ne prépare pas de plats de mariage à base d’insectes et encore moins à base de mouches et de scarabées ;
      • la mariée ne distribue pas les plats préparés à l’occasion de son mariage ;
      • elle ne réclame pas publiquement à manger ;
      • il est interdit de manger devant les aînés, particulièrement devant les membres de sa belle famille ;
      • les cousins et les cousines à plaisanterie ont le droit de moquer la mariée ;
      • les tantes et les cousines ont le droit de lui faire de remontrances, etc.

3    Chez les Haoussa, en général, à l’occasion de mariage, on prépare de la nourriture qui est distribuée aux voisins et aux amis de la famille ; la nourriture est portée dans des plats,  de maison en maison, par les enfants.

4    Traduction de la formule de début de conte Kun ji kun ji ?… mot à mot : « Avez-vous entendu, avez-vous entendu ?… »

5    “« scarabées » : traduction de ƙúrnúu, terme désignant d’après Bargery, un « insecte ravageur de courges »

(http://maguzawa.dyndns.ws/frame.html ).

6    Voir note 2.

7    Traduction de ƙáasáríi, qui désigne l’eau ayant servi à rincer le mil pour le débarrasser du son après un premier pilage pratiqué à cet effet.

8    Traduction de la formule de fin de conte Ƙanƙaran kan kusu ; mot à mot : « Petite tête de souris ».

Kaico Arjin ! / Pauvre Arjin !

 

 

Mots-clés: haoussa, Niger — écriture littéraire, nouvelle ; édition bilingue — pauvreté, gouvernance, corruption, critique sociale.

Langue:  Bilingue haoussa/français.

Modalités d’énonciation: Texte écrit et illustré.

Auteurs: Aliyo Mainasara

Genre: Nouvelle.

Éditions: Niamey, Albasa, 2004, 103 p. Version PDF téléchargeable sur le site d’African Language Materials Archive (ALMA), rubrique « Hausa Language Ebooks » : http://www.dlir.org/e-books.html

Contexte d’écriture:  Kaico Arjin / Pauvre Arjin ! paraît en 2004 à Niamey aux Éditions Albasa. 

Le Projet éducation de base/Promotion de l’enseignement bilingue (2PEB 1997-2003) a initié plusieurs rencontres culturelles, dont celles de Birni N’Konni en 1999, de Zinder et de Maradi en 2000. Lors de ces rencontres, plusieurs textes en haoussa ont été présentés et compilés dans trois volumes de Duniyar haoussa. La contribution de Alio Maïnassara à ces rencontres a fait l’objet d’une publication à part sous le titre de Kaico Arjin ! Pauvre Arjin ! (2004). Initialement écrite en haoussa, la contribution a été traduite en français par l’auteur à la demande des organisateurs, aboutissant ainsi à ce recueil de nouvelles bilingue.

Dans la préface, l’auteur précise : « J’ai écrit ce petit recueil de nouvelles titré ‘Pauvre Arjin !’ avec l’intention d’apporter ma contribution dans la lutte contre l’imposture et d’autres mauvaises pratiques comme la corruption et le non-respect des engagements. […] Mon plus grand souhait est que ce petit recueil soit accepté par les lecteurs ».

Descriptif:  Le livre compte 103 pages. La première de couverture représente un homme portant un turban. Son visage évoque la forme de la carte du Niger. Arjin symboliserait donc tout simplement le pays, le Niger. Cette interprétation devient plus convaincante lorsqu’on sait qu’Arjin est une anagramme du mot Nijar, qui est la désignation du pays en haoussa.

Le livre est subdivisé en trois parties : 1) « Maza tuwon ƙaya  / Intraitables sont les héros », 2) « Nama ya ƙone / La viande est calcinée », et 3) « Bakin zare ya ɓace wa ƴaƴan Arjin / Les fils d’Arjin s’embourbent ». Chacune de ces trois parties comporte quatre nouvelles.

Résumé: Le titre, Kaico Arjin ! Pauvre Arjin ! », résume à lui seul le recueil : kaico est une interjection exprimant le regret et la compassion, ce qui induit la traduction par « pauvre ! ».

Arjin est un vieil homme qui vit dans une situation difficile, provoquée par l’imposture et la malhonnêteté de certains de ses fils. L’histoire est présentée comme vraie. L’auteur explique dans la préface qu’elle est « le résultat d’une longue observation de la vie quotidienne de la famille Arjin ». L’histoire confirme l’utilité « des conseils invitant à suivre l’exemple des dirigeants honnêtes qui font des bonnes œuvres ». De même, elle illustre « les conseils incitant à fuir les mauvais dirigeants tout en les maudissant ».

 

 


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Extrait1

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[Haduwar Arjin da yan-fashi]

[Arjin rencontre les brigands]

Arjin yana zaune cikin gidansa lafiya lau, sai kwatsam ba zato ba tsammani, ƴan fashi suka auka masa. Waɗannan mutane ƴaƴan wani mutun ne mai suna Safarana. Sun fito daga wata daula mai nisa da ake ce wa Utari. Utari daula ce mai attajirai da suka tara maƙuɗan kuɗi. Saboda kuɗaɗensu suka riƙa juya akalar mulkin daular yanda suke so. Suna sanya talakkawa cikin halin ƙangi tare da danne duk wani mai manufar da ta saɓa wa tasu.

Assis paisiblement dans sa maison, Arjin a reçu la visite inopportune des brigands. Ces derniers sont les fils d’un homme appelé Safarana. Ils viennent d’un empire lointain nommé Outari. C’est un empire dans lequel les richards qui y vivent, manipulent le pouvoir à leur guise. Ils maintiennent les gouvernés dans une situation précaire tout en réduisant toute possibilité de velléité de se procurer quelque chose pour soi.

Attajiran daular Utari sun dogara ga wata manufa ta jari hujja da suka ƙirƙiro sakamokon haɓɓakar arzikin daularsu. Masu mulkin Utari sun raba wata daula mai suna Raifa tsakaninsu ba tare da shawartar mazauna daular ba. Sun yi bincike don gano dubarar da za ta sa su kara habbaka arzikinsu ta hanyar sana’a da sassan da za su mallaka. Wannan manufa ta danganta ga yawan jama’ar daular da buɗuwar harakokin kasuwanci da ƙaruwar ilimi ta fannin kimiyya. Sun shiga daular Raifa da kyaukyawar niyya a baka. Amma daga ƙarshe sai cikakkiyar manufarsu ta bayyana. Masu kuɗi da masu mulkin Utari na da aƙidar ƴan jari haja da ta ƙunshi abubuwan da ke ƙara rishin mutunci da rishin tausayi. Wannan yana nuna kamar sun yi baki ɗaya ne don su cuci talakkawan duniya gaba ɗaya. Neman dukiya ya toshe wa waɗannan mutane basira. Sun shiga duniya da nufin tara arzikin ta kowane hali.

Les richards d’Outari s’appuient sur un système capitaliste qu’ils ont créé pour développer l’économie de leur empire. Quant aux gouverneurs ils se sont partagé un autre empire appelé Raifa sans en consulter les occupants. Ils ont mené des recherches afin de trouver une méthode leur permettant de développer leur économie à travers le commerce avec les zones qu’ils colonisent. Ce principe est le résultat de la croissance démographique, du développement des activités économiques et du progrès scientifique. Ils entrent dans l’empire de Raifa en chantant leurs bonnes intentions. Mais à la fin le vrai sens de leur discours apparaît. Les richards et les gouverneurs de Outari ont une idéologie capitaliste qui contient en elle les germes de l’insensibilité et de l’antipathie. Ceci dénote leur complot commun pour nuire à l’ensemble des pauvres du monde. La recherche du profit les a éblouis. Ils sont entrés dans le monde afin d’accumuler des richesses à n’importe quel prix.

Ibrahim Yahaya

 


Note:

1  Extrait pp. 12-13. Texte bilingue, traduction française reprise par Ibrahim Yahaya. Le texte haoussa respecte la graphie originale.

Duniya filin daga / La vie, parcours de combattant

.de

Salisu Sa’adu

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Mots-clés: haoussa, Niger — écriture littéraire, poésie ; poète ; édition bilingue — sens de la vie, valeurs morales ; droits et devoirs ; choix de vie.

Langue:  Bilingue haoussa/français.

Modalités d’énonciation: Texte écrit et illustré.

Auteurs: Salisu Sa’adu

Genre:  Poésie.

Éditions:  Niamey, Albasa, 2002.

Description de l’œuvre:  Le recueil bilingue, de 85 pages, se subdivise en trois parties portant respectivement les titres de : 1) « Hasken duniya / Lumière de la vie », 2) « Halaye daban-daban / Les vicissitudes de la vie » 3) et « Ƴanci / Droit ». Les titres de chacune de ces parties sont accompagnés d’un proverbe. Ce sont respectivement : 1) « Duniya ta ishi kowa » [Le monde est à la hauteur de tout un chacun1 ], 2) « A dinga sara ana dubin bakin gatari » [Il faut prêter attention à ce qu’on fait2] 3) et « In kunnuwa sun ji to jiki ya tsira » [ Si les oreilles sont au courant3, le corps est sauvé]. La première partie comporte dix poèmes, la seconde neuf, et la dernière quinze.

Contexte de création:  Sous l’égide du Ministère de l’éducation de base, le Projet éducation de base / Promotion de l’enseignement bilingue (2PEB) a publié de nombreuses œuvres écrites en langues nationales, dont Duniya filin daga / La vie, parcours de combattant.

 

 


 

Extrait4

 

Duniya5 sha kallo

 La vie, objet d’admiration

Duniya

La vie

Huren kallo

Fleur belle à regarder

Hure mai ƙamshi

Fleur à l’odeur agréable

Hure mai girma

Fleur bien grande

Hure mai inuwa

Fleur qui donne de l’ombre

 

 

Duniya

La vie

Sha kallo watan salla

Tu es comme le mois qui annonce la fête

Kina sa a yi lumana

Tu facilites l’union

Kina sa a yi hulda

Tu invites aux relations

Kina sa a yi sabga

Tu incites aux réjouissances

 

 

Duniya

La vie

Ruwa kike narau-narau

Tu es l’eau claire

Kina wanke mu da kyau

Tu nous purifie bien

Kina sa lafiyarmu ƙalau

Tu nous garantis la santé

Kina iya ba mu ruwa mai sanyi ƙarau

Tu nous donnes de l’eau bien fraîche

 

 

Sai dai kuma duniya

Mais la vie

Kasssssh !

Eh là !

Ba a yi maki mummunar ba’a

On ne peut te calomnier ?

Ba a bin ki da garaje

On ne te suit pas sans faire attention

Babu shakka in a ka yi haka

Sans nul doute, si l’on agit ainsi

Hurenki sai ya ƙeƙashe

Tes fleurs se fanent

Ruwanki ƙasa ta tsotse

Ton eau, la terre l’aspire

Idanun maza kuwa sai su juye

Et le regard des hommes changent

Lallen mata ma zai goge

Et le henné des femmes ternit.

Ibrahim Yahaya

 


 

Notes:

1  Mot à mot : « Le monde est suffisant pour tout le monde ».

2  Mot à mot : « Que l’on continue à donner des coups de hache en [en] regardant le tranchant ».

3  Mot à mot :  « Si les oreilles ont entendu ».

4  Extrait pp. 12-13. Texte bilingue, traduction française reprise par Ibrahim Yahaya. Le texte haoussa respecte la graphie originale.

5  De l’arabe ad-dunyā : « la vie ici-bas » par opposition à « l’au-delà » ; « le monde » ; « la vie » (sens privilégié dans l’extrait).

Aiki mai sa ƴanci / Le travail, l’indépendance

 

de

Abdou Nomaou Maïgari, Ibrahim Laminou et Dié Bi Dié Thomas

 

 

 

Mots-clés:  haoussa, Niger — écriture littéraire, poésie ; édition bilingue — aiki travail, métiers traditionnels, société.

Langue:  Haoussa, français.

Modalités d’énonciation:  Écrit, illustré.

Auteurs:  Abdou Nomaou Maïgari et Ibrahim Laminou. Illustrations de Dié Bi Dié Thomas.

Genre:  Poésie.

Éditions:  Niamey, Albasa, 2002, 94 p.

 

Contexte d’écriture:  Aiki mai sa ƴanci [Le travail rend indépendant] paraît pour la première fois en 2002 à Niamey aux Éditions Albasa. C’est un recueil de poèmes dédié à la mémoire d’Abdou Nomaou Maigari, infatigable pionnier de l’enseignement bilingue au Niger », décédé le 15 novembre 2000.

À l’origine, il s’agissait d’un manuscrit sur les métiers traditionnels que les Éditions Albasa avaient décidé de publier. Cependant, après avoir constaté que la femme travailleuse n’était pas bien représentée, il a été demandé à Ibrahim Laminou, un autre maître et poète d’expression haoussa, de rédiger des poèmes complémentaires sur le travail des femmes dans la société haoussa nigérienne. Ce sont donc ces poèmes d’Abdou Nomaou Maïgari et d’Ibrahim Laminou, illustrés par Dié Bi Dié Thomas, qui constituent cet ouvrage.

Descriptif:  L’ouvrage a 94 pages. La première page de couverture représente une femme au bord de l’eau en train de modeler des canaris1. Cet outil est indispensable pour la société puisqu’il permet de conserver l’eau et de la rafraichir. Le livre est composé de 49 poèmes parmi lesquels 21 portent sur les métiers des femmes. Les 28 poèmes sur les métiers des hommes sont rédigés par Abdou Nomaou Maïgari, tandis que ceux sur le travail des femmes sont l’œuvre de Ibrahim Laminou. Tous les poèmes sont illustrés. Ils sont disposés en deux colonnes sur une même page, la première étant réservée au texte haoussa et la seconde à la traduction en français. Celle-ci est assurée par Nana Aïchatou Aboubacar, Jaharou Souley et Katrin Koops.

Résumé:  On lit sur la page de couverture : « Il n’y a pas de sot métier. Chaque métier, du griot au chauffeur, de la tresseuse à la colatière, demande une expertise particulière. Chacun et chacune exerce son métier avec amour et conviction, pour son propre avantage et pour l’intérêt général de la société. C’est grâce à ces grands bosseurs et bosseuses que la société progresse.

Voici un recueil de poèmes qui leur est dédié, un recueil qui nous donne un véritable et émouvant portrait de la réalité profonde de la société hausa ».

 

 


 

Extrait2

 

Ma’aikaci

Le travailleur

Agogo sarkin aiki !

Horloge, roi des travailleurs !

Ba dare, ba rana kana bautar ƙasarka don dai kishi

Jour et nuit, tu sers ton pays par amour de la patrie

Bauta ; ma’aikaici ka saba.

Comme un esclave, tu travailles.

Ba da tarbiya, ga yara manyan gobe.

Tu instruis tes enfants, garants de l’avenir.

Koya musu aikin ci da kai

Apprendsleur à se débrouiller.

Kare kiwon lafiyar al’umma.

Tu t’occupes du bien-être de la société.

Gama kowa sadarwa da duniya, in ka so.

Tu peux faire découvrir le monde à nous tous, si tu veux.

 

 

Ba da fusa’ar noma don abinci ya yalwata.

Développe les techniques agricoles, pour que la nourriture abonde.

Kora duk wata cuta mai haddabar dabbobi.

Chasse toute maladie qui nuit aux bêtes.

Mai na’ura ; tsara al’adun gargajiya, don mu riƙe gado.

Ingénieur, conserve nos traditions pour que nous gardions notre héritage.

Mai suhuri, saurin cin zango ;

Transporteur, qui transporte rapidement ;

Mai gandun daji, kare mana muhallinmu.

Gardien de réserve naturelle, protège notre nature.

Soji masu jamhuriya.

Militaires, garants de la sécurité du pays,

Ku Kare ta, maganin ƴan daba

Protégez-le contre le banditisme.

Aiki da safe ; aiki da rana.

Travail au matin, travail durant la journée.

Aikin dare ; sai maza ƴan guri.

Les hommes ambitieux n’évitent même pas [de travailler] la nuit.

Ibrahim Yahaya

 


 

Notes:

1  canari : récipient de terre cuite servant de jarre, de marmite, etc.

2  Extrait p. 15. Texte bilingue, traduction française reprise par Ibrahim Yahaya. Le texte haoussa respecte la graphie originale.

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