L’expression « langue nationale » prête à confusion, car on lui attribue au moins trois sens différents. Dans un premier sens, on désigne ainsi la langue ou les langues officielles de la communauté politique constituée en un État-Nation. Il est préférable, en ce cas, de parler de langue(s) officielle(s).
Dans un deuxième sens, on entend par « langue nationale » toute langue parlée par un groupe de personnes vivant sur le territoire national et ressortissant à la nation, sachant qu’il y a aussi sur le sol national des personnes de nationalité étrangère, qui ne ressortissent donc pas à la nation. Au Cameroun par exemple, c’est le cas des Igbo, entre autres. En ce sens, on peut dire que le Cameroun a environ deux cent cinquante langues nationales. De ce point de vue, le statut de langue nationale ne dépend pas du bon vouloir des autorités politiques, il est imposé par la situation.
Dans un troisième sens, on entend par « langue nationale » une langue parlée sur le territoire national, à laquelle le pouvoir politique attribue un statut particulier, en fonction, généralement, du nombre de ses locuteurs, statut particulier qui la place au-dessus des autres langues parlées sur le territoire national, mais en-dessous de la ou des langues officielles. Le choix d’une ou de plusieurs « langues nationales » dépend donc d’une décision politique et est sujet à fluctuations. En Mauritanie, par exemple, à côté de l’arabe, langue officielle, il y a actuellement trois « langues nationales » qui sont reconnues comme telles : le pulaar, le sooninke et le wolof.
Indépendamment de ces situations, l’expression « langues nationales », utilisée au pluriel, peut aussi avoir un sens « militant », pour distinguer les langues africaines des anciennes langues coloniales.
Henry Tourneux