On parle d’architecture vernaculaire, de langue vernaculaire. D’après le Petit Robert, la langue vernaculaire est la « langue parlée seulement à l’intérieur d’une communauté, souvent restreinte ».
Certains auteurs refusent d’employer ce terme à cause de son étymologie qui renverrait au statut d’esclave. Qu’en est-il vraiment ? Reportons-nous à une source sérieuse, le Grand Gaffiot (Félix Gaffiot, Dictionnaire latin-français, Paris, Hachette Éducation, nouvelle impression, 2000 ; voir p. 1661). Le latin vernaculus est un adjectif qui vient de verna (n. m. ou f.) : 1. esclave né dans la maison du maître, esclave de naissance ; 2. indigène, né dans le pays. Vernaculus a donc lui aussi deux sens : 1. relatif aux esclaves nés dans la maison ; 2. qui est du pays, indigène, national. Gaffiot cite même une locution trouvée chez Varron, un écrivain latin qui a vécu de 116 à 27 av. J.-C. : vocabula vernacula, qu’il traduit par « termes en langue nationale ». Varron prend le mot « nation » dans le sens de « langue du groupe », par opposition à « langue étrangère ». Il désigne évidemment la langue parlée par la communauté, et non une langue qui serait parlée par les esclaves. Si nous nous reportons au Trésor de la langue française informatisé (1994, ATILF – CNRS & Université de Lorraine), nous y trouvons le mot « vernacule » employé par Rabelais (1552) dans le sens de « langue maternelle » ; et dans l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert (1765), l’adjectif « vernaculaire » est défini comme : « tout ce qui est particulier à un pays ».
Le retour à l’étymologie pour discréditer l’usage d’un terme va parfois à rebours du principe même de l’évolution linguistique. Les mots, en évoluant dans l’histoire, perdent certaines de leurs connotations et en acquièrent de nouvelles. C’est le cas ici où l’on voit le passage du sens 1 au sens 2. Bien des mots du lexique seraient à bannir si l’on s’en tenait strictement à leur étymologie.
La langue vernaculaire est donc la « langue locale », qui est parlée au sein d’une communauté donnée, quelle que soit sa taille. On peut aussi l’appeler « langue ethnique », par opposition à la langue véhiculaire ou « langue trans-ethnique, ou supra-ethnique ». Cependant, les trois dernières expressions sont à leur tour problématiques, la notion d’« ethnie » n’étant pas toujours clairement définie.
Langue « locale », « véhiculaire », « transnationale » (dans un vocabulaire actuel, désignant une langue attestée dans plusieurs pays) sont certainement les termes les moins chargés de connotations négatives. De même que, au lieu de l’adjectif « population indigène », qu’on ne trouve plus que dans des écrits datés, on parle volontiers de « population autochtone » dans le sens de « Qui est issu du sol même où il habite, qui n’est pas venu par immigration ou n’est pas de passage ». Cependant, si l’on applique strictement ce sens aux peuples du Cameroun par exemple, il n’y en a pas un qui ne vienne d’ailleurs. Tout dépend donc de l’échelle historique à laquelle on se place.
Henry Tourneux