Peul

Nom et code ISO: Peul (ISO 639-3 fuc/fub/ffm/fuh/fuq)

La langue est désignée par ses locuteurs sous une double appellation : (a) le pulaar, [ISO 639-3 fuc] en usage dans la partie occidentale du monde peul (ce terme étant réalisé avec un /a/ bref, pular, en Guinée et dans les États qui lui sont limitrophes), (b) et le fulfulde à partir du delta intérieur du Niger vers l’Est (Mali [ISO 639-3 ffm], Burkina-Faso, Niger [ISO 639-3 fuh, fuq], Nigéria, Cameroun [ISO 639-3 fub] …). Le mot français «peul», le plus courant dans la littérature spécialisée – et que l’on écrit de manière erronée avec un «h», «peulh», voire «peuhl» – est d’origine wolof ; il est entré dans la langue au début du XXe siècle. L’anglais se sert de deux emprunts : l’un au haoussa, Fulani, et l’autre au mandingue, Fula. Ce dernier terme est également celui que l’on retrouve dans la littérature russe ou portugaise. L’allemand désigne souvent la langue par le seul radical Ful (voir, par exemple, les travaux d’A. KLINGENHEBEN), ou par les termes de Fula ou Fulfulde. Mais concurremment aux vocables qui viennent d’être mentionnés, différents auteurs recourront aux glossonymes autochtones de pulaar ou fulfulde selon les régions du monde peul dans lequel s’inscrit la variante dialectale à laquelle s’applique leur recherche. Devant cette diversité d’usages, l’UNESCO a préconisé, à l’issue de la conférence de Bamako en 1966, l’emploi de fulfulde pour renvoyer à l’ensemble de la langue quel qu’en soit le parler, sans pour autant que cette recommandation soit unanimement respectée.

Région : L’une des caractéristique du peul est sans doute sa grande extension géographique, dans la mesure où il se rencontre dans 18 États, de la Mauritanie au Soudan du Sud, ce qui correspond sommairement à la bande soudano-sahélienne comprise entre le 9e et le 13e degrés de latitude nord. Sa présence dans cette zone reste étroitement liée aux principaux systèmes hydrographiques qui traversent cet espace : le bassin du Sénégal ; le bassin supérieur du Niger et de son plus grand affluent, la Bénoué, à l’est ; les plaines du lac Tchad ; et la zone de confluence entre le Nil Bleu et le Nil Blanc. Car les pasteurs peuls (ou Fulße), qui détiennent le quasi-monopole de l’élevage bovin dans cette partie du contient, trouvent ça et là dans ces régions, des points d’implantation qui conviennent à leurs troupeaux pendant la saison des pluies et des herbages pour la transhumance vers des plaines exondées en saison sèche, les plus connues d’entre elles étant le Waalo (Sénégal et Mauritanie) et le Burgu (Mali).

Locuteurs: L’extension de la langue sur un espace aussi vaste rend fastidieuse toute statistique globale sur le nombre de ses locuteurs. Les chiffres que l’on rencontre varient considérablement d’un auteur à l’autre. On peut estimer aujourd’hui que le peul est parlé par environ 30 millions d’individus.

Classification : Niger-Congo, Atlantic-Congo, North-Central Atlantic, North Atlantic, Peul-Serer, Fula, Fula-Eastern

Dialectologie : Les nombreux parlers qui composent la langue peuvent être regroupés en cinq principaux ensembles géographiques : 1) les parlers du Foûta-Tôro dans le bassin inférieur du fleuve Sénégal ; 2) ceux du Foûta-Djalon sur les hauts plateaux de la Guinée et sa périphérie ; 3) ceux du Mâssina autour du delta intérieur du Niger ; 4) les parlers centraux qui vont du sud-est du Mali à la région de Dallol au Niger ; 5) et enfin les parlers orientaux dans l’ancien Empire de Sokoto et les régions qui le bordent (Niger-Est, Nigéria, Cameroun, Tchad et République Centrafricaine).

Statut : Dans la plupart des États où il est présent, le peul est langue régionale. La situation est plus complexe dans la partie septentrionale du Nigeria. Dans les pays haoussa historiques (Sokoto, Kano, Zaria, etc.), les Peuls sédentaires ont perdu l’usage de la langue qui ne se maintient que chez les populations nomades connues sous le terme générique de Bororo (ou Mbororo) et qui se répartissent en plusieurs communautés (les Jaafun, les Aku, les Wo∂aaße…). Cependant, dans les États fédéraux de Bauchi, Gombe, Adamawa et Taraba, le peul coexiste avec le haoussa, à côté de nombreuses autres langues locales. Au Cameroun voisin, il représente géographiquement, et peut-être statistiquement, la première langue africaine véhiculaire du pays.

écriture : Le peul se sert des alphabets arabe et latin. Le premier système d’écriture, connu sous le nom d’ajami, est courant au Foûta-Djalon (Guinée) et dans la partie orientale du monde peul (Nigéria et Cameroun particulièrement). Il est principalement utilisé dans les compositions littéraires, les chroniques et les usages épistolaires.. L’usage de la graphie latine a débuté avec l’ouvrage bien connu de S.W. KOELLE, Polyglotta Africana (1854) dans lequel on trouve 300 mots et phrases en peul (C. SEYDOU, 1977). Cette écriture, qui est restée pendant longtemps l’apanage des chercheurs et des missionnaires qui commencèrent à s’en servir après la Première Guerre mondiale pour la traduction des Évangiles (Bisharawol Johanna, 1919), s’est progressivement généralisée dans la deuxième moitié du XXe siècle après la Conférence de Bamako (février-mars 1966), en grande partie grâce à l’action des mouvements associatifs (M. BOURLET, 2008).

Principaux traits typologiques : Langue SVO qui comporte cinq voyelles phonologiques, s’opposant entre elles selon leur longueur et 27 consonnes et semi-voyelles phonologiques, avec des nasales, des prénasalisées, des injectives mais pas de labio-vélaires. C’est une langue « à classes » qui compte dans sa globalité 27 classes nominales qui ne sont pas toutes attestées dans une même variante dialectale. Les termes lexicaux nominaux se répartissent en noms, adjectifs qualificatifs, idéophones et numéraux (cardinaux et ordinaux). L’adjectif peut être simple ou dérivé ; il se distingue des participes par l’absence de marqueur aspectuel. le système verbal du peul est aspectuel et qu’il distingue morphologiquement : (a) d’un côté, l’infinitif et le participe pour le verbe au «mode» impersonnel ; (b) et de l’autre, l’impératif, le subjonctif, l’inaccompli et l’accompli pour le verbe conjugué. La conjugaison du peul distingue de ce point de vue trois voix : la voix active (sujet point de départ du procès), la voix moyenne (sujet point de départ et centre du procès) et la voix passive (procès réalisé sur le sujet à partir d’une source extérieure).

Aliou Mohamadou