Littérature en bulu

Le bulu est parlé au Cameroun dans la Région du Sud. Parmi les quatre départements qui composent cette région, le Dja-et-Lobo et la Mvila réunissent le plus grand nombre de locuteurs de la langue. L’Océan et la Vallée du Ntem abritent d’autres populations qui cohabitent avec les Bulu (voir présentation de la langue).

La littérature en bulu comprend la littérature orale et l’écriture littéraire.

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  1. La littérature orale bulu

On distingue deux catégories de productions en littérature orale bulu, définies selon le public visé. En effet, celui-ci se répartit en niveau de langue et en classes d’âge. Par ailleurs, on peut dégager deux catégories de textes : les récits longs, minlañ (sg.nlañ1), comme le mvet ; et les récits courts, minkana (sg. nkana) « proverbes » ou « contes »2. Ces derniers se différencient selon qu’ils comprennent des parties chantées ou non.

1.1.   Littérature destinée à un public jeune

La littérature orale destinée à un public jeune se compose de :

    • fables minlañ (sg. nlañ),
    • chantefables (ôkangana),
    • berceuses (e fôlô bon)3,
    • comptines4,
    • devinettes (ôkeka’an ou afii)5,
    • et devises (endan)6.

1.2.   La littérature orale pratiquée par les adultes

La littérature orale pratiquée par les adultes exige une grande maturité et la capacité à décrypter le sens profond des textes oraux. Elle comprend :

    • les contes ; les contes initiatiques et de mise en garde y prennent une place importante ;
    • les proverbes (minkana) ;
    • et les mythes et épopées.

Ils appartiennent à la catégorie des récits longs (minlañ). Ces derniers relèvent du mvet. On distingue un premier type de mvet, le mvet ôyeñ ou mvet ékañ, dit « authentique ». Un second type de mvet, le ndong mekoda, demande un apprentissage et une initiation du même niveau que le mvet ékañ. Le ndong mekoda correspond aux légendes et aux récits historiques. Le dernier type de mvet, le mvet bibon (le mvet des concubinages), s’inscrit dans le registre des variétés. Il accompagne les chants populaires ou les musiques religieuses.

Deux autres genres s’ajoutent à la littérature orale pratiquée par les adultes ; ils s’adressent à des initiés :

    • la poésie orale des rites
    • et le langage tambouriné.

1.3.   La néo-oralité

La néo-oralité se manifeste surtout dans l’espace urbain, en s’appuyant sur le plurilinguisme. Elle est plus récente et comprend des genres comme le rap et le slam.

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  1. Écriture littéraire en bulu

La scolarisation des jeunes en bulu commence avec l’installation des missions presbytériennes américaines au sud du pays (fin XIXe siècle). Celles-ci établissent dans tout le « grand sud » (qui comprenait les Régions du Centre et de l’Est actuelles) des stations où la langue d’évangélisation et de scolarisation était le bulu. En 1914, est fondée l’imprimerie Hasley Memorial Press (HMP) à Elat-Ebolowa (dans l’actuel département de la Mvila). Cette imprimerie initie la publication des premiers travaux, dont la traduction de la Bible, des Évangiles et des cantiques.

L’écriture littéraire débute dans les années 1930-1940 par des œuvres de commande. Il s’agit de textes narratifs portant généralement sur l’histoire et la vie des Bulu d’antan. La poésie et le théâtre sont rares dans cette littérature.

L’édition est réalisée par Hasley Memorial Press, la diffusion par les stations des missions presbytériennes du pays.

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Bibliographie

    • ABOMO-MAURIN Marie-Rose, 2005, « L’épopée bulu du Sud-Cameroun : un genre en mutation ? L’exemple de Ayono Ala d’Ásomo Ngono Ela », dans Oralité africaine et création, Actes du colloque de l’Isola (10-12 juillet 2002), dirigé par Anne-Marie-Dauphin-Tinturier et Jean Derive, Paris, Karthala, p. 127-147.
    • ABOMO-MAURIN, Marie-Rose, 2012, « La représentation de l’espace dans Àjònò Àlà, Les Trois Oyono, un Mvet boulou (Cameroun) de Asomo Ngono Éla, édité par Gaspard Towo-Atangana et Marie-Rose Abomo-Maurin, Classiques Africains, 2009) », Journal des africanistes 79 (2), (L’Expression de l’espace dans les langues africaines II, dirigé par Ursula Baumgardt et Paulette Roulon-Doko), p. 127-153.
    • ABOMO-MAURIN, Marie-Rose, 2006, « Nnanga Kôn [L’albinos blanc] de Jean-Louis Njemba Medou (boulou, 1932) : un roman unique », dans L’Effet roman. Arrivée du roman dans les langues d’Afrique, dirigé par Xavier Garnier et Alain Ricard, p. 75-90, Paris, Université Paris 13, L’Harmattan.
    • ABOMO-MAURIN, Marie-Rose, 2013, « Les Descendants d’Afri Kara à la recherche de la terre promise : mythe fondateur fang-boulou-beti », Études littéraires africaines 36, (Littératures et migrations transafri­caines), p. 61-73.
    • ABOMO‑MAURIN, Marie‑Rose, 2015, « Oralité et art de la communication chez les Búlù », Journal des africanistes 85 (1/2), (Sur les pas de Geneviève Calame-Griaule), p. 80-102.
    • ALEXANDRE, Pierre, 1967, « Pour un inventaire du folklore beti-bulu-fang : introduction au cycle de Boemoe », Journal des africanistes 37 (1), p. 7-24.
    • AMVELA Ze et ENO-BELINGA, Martin Samuel, 1978, « Caractéristiques linguistiques du bulu utilisé dans l’épopée vraie du Mvet », Journal des africanistes 48 (2), p. 121-132.
    • AWOUMA, Joseph-Marie, 1965, « Esquisse d’une étude socio-culturelle d’un conte bulu (Sud-Cameroun) », Présence Africaine 55, p. 83-91.
    • AWOUMA, Joseph-Marie, 1970, Littérature africaine orale et comportements sociaux : Étude littéraire et socio-culturelle des proverbes et contes bulu du Sud-Cameroun, Thèse de doctorat de 3e cycle, Paris, Université Paris III – Sorbonne nouvelle, 423 p.
    • BASSONG-AKOUMBA-MONNEYANG I., 1971, Bride songs of the Bulu area : a study of an aspect of women’s contribution to oral tradition, Mémoire de DES (Post-Graduate Diploma in English Studies), Yaoundé, Université de Yaoundé, 169 p.
    • BINAM BIKOI, Charles, 1975, L’Orphelin dans la littérature orale des Basaa, Beti et Bulu du Cameroun, Mémoire de DES, Yaoundé, Université de Yaoundé, 232 p.
    • ENO-BELINGA, Martin Samuel, 1967, « Oka’ angana : Un genre musical et littéraire pratiqué par les femmes bulu du Sud-Cameroun », dans La Musique dans la vie, 1. L’Afrique, ses prolongements, ses voisins, dirigé par Tolia Nikiprowetsky, p. 105-132 , Paris, OCORA.
    • ENO-BELINGA, Martin Samuel, 1966, Littérature et musique populaire en Afrique noire, Paris, Cujas, 258 p.
    • ENO-BELINGA, Martin Samuel et WATANABE K., 1984, « La civilisation du fer et l’épopée orale du mvet des Bulu du Cameroun (Afrique centrale) », dans Folklore in Africa Today, Proceedings of the International Workshop, dirigé par Szilárd Biernaczky, p. 445-487, Budapest, Dept. of Folklore, Loránd Eötvös University, African Research Program.
    • ENO BELINGA, Martin Samuel, 1986, « La littérature orale du Mvet : (à travers les pays d’Afrique centrale : Cameroun, Gabon, Guinée équatoriale) », Africana Budapest : African Studies in Hungary 2, p. 70-75.
    • HORNER George R., 1970, « A structural analysis of Bulu (Africa) folktales », Conch. Sociological Journal of Cultures and Literatures 11 (2), p. 18-28.
    • MENDO ZE Gervais, 2001, « L’esthétique de la langue bulu », African Journal of Applied Linguistics 2, p. 287-306.
    • METO’O Maxime, 1989, « Proverbes bulu », Notre Librairie 99, (Littérature camerounaise 1. L’éclosion de la parole), p. 54-58.

Marie-Rose Abomo-Maurin

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Notes:

1  nlañ signifie également : « histoire », « récit », « causerie », « conversation ».

2  Pour différencier les deux termes en bulu, on parle d’« e ku nkana » quand il s’agit de proverbe et d’« e kan nkana » pour les contes.

3  Traduction littérale : « qui berce les enfants ».

4  À notre connaissance, il n’existe pas de terme générique bulu pour « comptine ».

5  C’est le terme qui caractérise l’appel à la devinette, auquel on répond par anjek, qui exprime l’acceptation du défi lancé.

6  endan : renvoie à l’apprentissage et à la pratique des sobriquets, à la manière dont on interpelle ou salue quelqu’un ; le même terme signifie la généalogie.