Métaphore

 

 

C’est, parmi les tropes, la figure la plus connue et la plus étudiée dans le cadre des approches textuelles. Au sens premier et microstructural, elle consiste à opérer un transfert sémantique : dans une séquence énonciative donnée, un signifiant (occurrent dans l’énoncé) renvoie non à son signifié habituel, mais à un signifié autre, dont le signifiant usuel non tropique est généralement absent de la séquence verbale (métaphore in abstentia). Le signifiant occurrent devient alors le représentant « imagé » d’un signifié extratextuel. Ce transfert de sens du signifié extratextuel vers le signifiant occurrent dans l’énoncé (la métaphore in absentia) peut porter sur des substantifs (fleur = femme), des adjectifs (puant = prétentieux), des verbes (piétiner = mépriser), des locutions prépositionnelles (en queue, en tête = à la fin, au début), voire des séquences idiomatiques entières (les carottes sont cuites = l’entreprise a échoué). Lorsqu’elles sont figées dans la langue, ces images métaphoriques sont appelées catachrèses (le bras d’un fauteuil).

Un tel transfert du signifié propre à l’image qui le représente est rendu possible grâce à un rapport d’analogie entre le comparant (in praesentia) et le comparé (in abstentia). Ce sont ces analogies formelles, consubstantielles, contextuelles, fonctionnelles, qui permettent d’établir des équations entre l’image et le référent réel. Il faut à ce propos prendre garde au fait que ces équations fondées sur un rapport d’analogie ne sont le plus souvent pas les mêmes dans toutes les cultures. Pour cette raison, les expressions idiomatiques ne sont la plupart du temps pas littéralement traduisibles d’une langue à une autre. Dans le cas de l’approche de textes dans une langue africaine, l’analyse de la métaphore devra donc nécessairement passer par une investigation ethnolinguistique qui permettra de comprendre et de valider les mécanismes d’analogie retenus dans la culture où cette langue a cours.

L’étude de la métaphore peut se conduire selon deux grandes orientations :

❖une orientation stylistique qui consistera à étudier les modalités de la métaphore : morphologie (in praesentia/in abstentia), mécanismes d’analogie entre comparant et comparé ;

❖ une orientation pragmatique, d’ordre plus fonctionnel, qui s’attachera plutôt à mettre au jour les raisons de la présence ou non de métaphores dans un discours donné. Les ethnographes de la communication ont à cet égard distingué différentes fonctions dans l’usage de la métaphore :

✺ une fonction euphémique (la métaphore sert à atténuer la brutalité de ce qui est signifié) ;

✺ une fonction emphatique (la métaphore contribue à ennoblir le discours) ;

✺ une fonction ludique (la métaphore contraint le lecteur à chercher l’analogie, comme dans le jeu de la devinette) ;

✺ une fonction hypocoristique (dans la mesure où les équations comparant/comparé ont une forte dimension culturelle, la métaphore favorise la connivence entre interlocuteurs) ;

✺ une fonction argumentative (la métaphore frappe plus l’imagination que la formulation abstraite d’un raisonnement et, de ce fait, retient davantage l’attention) ;

✺ une fonction poétique (au sens des fonctions du langage de Jakobson, dans la mesure où elle porte l’attention sur le signifiant)

Là encore, dans le cas de l’approche de textes littéraires en langues africaines, cette analyse fonctionnelle devra se faire en corrélation avec une étude ethnolinguistique sur les pratiques de communication dans la société concernée pour éviter les pièges de l’ethnocentrisme.

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Bibliographie:

  • ANGENOT Marc, La parole pamphlétaire, Paris, Payot, 1982.
  • BONHOMME Marc, Pragmatique des figures du discours, Paris, Champion, 2014.
  • CHARBONNEL Nicolas, les aventures de la métaphore, Strasbourg, Presses universitaires, 1991.
  • MAZALEYRAT Jean et Georges MOLINIÉ : Vocabulaire de la stylistique, Paris, PUF, 1989.
  • MAZZOTTI Tarso, « L’analyse des métaphores : une approche pour la recherche sur les représentations sociales » in C. GARNIER et W. DOISE (éd.), 2002, Les Représentations sociales, Montréal,

 

Jean Derive