En français, le terme nouvelle désigne un récit narratif bref qui, dans sa forme publiée, se présente souvent comme une collection d’histoires réunies dans un recueil. De taille à peu près équivalente à celle du conte populaire, elle se distingue de ce dernier dans la mesure où son intrigue n’est pas directement reprise d’un répertoire patrimonial, même si elle entretient parfois des liens de connivence avec ce répertoire. Ces récits inventés, qui peuvent être ou non merveilleux ou fantastiques, se situent en principe dans un cadre spatio-temporel plus défini que celui du conte populaire. Si le terme a pu, au cours de l’histoire littéraire, s’appliquer à des œuvres anonymes (ainsi au Moyen Age Les cent nouvelles nouvelles), dans son acception moderne, le genre implique un auteur, inventeur de ses histoires qui, dans le cadre de l’intertexualité, peuvent néanmoins puiser à différentes sources. C’est l’existence de cet auteur attesté qui distingue aussi la nouvelle de l’histoire « de rumeur » qui, par définition, est quant à elle anonyme. Il n’empêche que les termes « nouvelle » et « conte » (mais selon une acception plus générale que celle de conte populaire) sont très proches et que, dans l’usage littéraire, ils ont pu souvent référer au même type d’objet : ainsi en va-t-il des Contes de Maupassant, des Contes cruels de Villiers de l’Isle Adam… Michel Tournier, quant à lui, inscrit deux de ses recueils de récits (Le Coq de bruyère et Le médianoche amoureux) sous la rubrique « contes et nouvelles », façon de suggérer l’équivalence entre les deux termes.
L’application de ce concept à la production littéraire en langues africaines ne va pas de soi. La difficulté, en l’occurrence, tient au fait que ce genre moderne et importé en Afrique par le biais des langues de colonisation, n’a pas de mot propre pour le désigner dans les langues locales[1], pour la bonne raison que cette réalité n’existait tout simplement pas. Lorsqu’il n’y a pas de terme propre pour désigner ce type spécifique de récit dans la langue d’expression de l’auteur (cas le plus fréquent), celui-ci a généralement recours, pour inscrire son œuvre dans une catégorie générique, soit au terme de la langue coloniale qui a importé la chose (nouvelle, short novel…) qu’il laisse intact, soit à un lexème de sa langue qu’il estime proche du concept de nouvelle et, très souvent, il choisit alors le mot qui, dans cette langue, sert à désigner le conte populaire oral. La présence d’un tel mot, dans une préface ou sur la couverture, ne doit pas abuser. La réalité à laquelle il renvoie en l’occurrence est en effet différente de celle de son référent sémantique habituel et n’est utilisé alors que par approximation métonymique.
Dans la mesure où l’ambition de l’encyclopédie est de classer le corpus enregistré par genres, il conviendra donc d’être vigilant. Sous la même rubrique générique, faute d’un lexique approprié dans la langue africaine, pourront se retrouver des œuvres qui, en réalité, relèvent de genres différents. Cela risque d’être encore assez fréquent dans le cas de la nouvelle. La responsabilité du chercheur est donc importante. C’est en fonction des propriétés objectives des œuvres – et pas seulement en fonction du nom qui leur a été donné par défaut dans la langue africaine – qu’il devra déterminer quel est leur genre et les classer en conséquence selon les critères en cours dans les études littéraires générales et comparées.
Jean Derive
[1] Sauf en de rares cas où, pour certaines langues, des commissions linguistiques travaillent à enrichir le lexique par la création de néologismes destinés précisément à rendre compte de ces réalités nouvelles. Mais le plus souvent ces néologismes sont peu utilisés et restent inconnus de la grande masse des usagers.