Òle kóson mɔ̀gɔ yé é tɔ̀gɔ nyàn / Pourquoi il faut faire attention à sa réputation

 

Mots-clés

mandingue, dioula, Kong, Côte d’Ivoire — oralité, conte, kúman, tàlen — animaux sauvages; hyène, lièvre; activités agricoles, mil, grenier

Production du corpus

Conteur: Traoré Brahima, 34 ans. Étudiant dans une médersa à Kong.

Contexte de production

Date et lieu d’enregistrement:  Novembre 2011, Kong, Côte d’Ivoire.

Contexte:  La performance est sollicitée et se déroule en situation quasi habituelle. Le conteur est informé une dizaine de jours avant les enregistrements. Le public, les assistants ou les intervenants sont assis à attendre leur tour de contage. Les enfants qui font partie du public sont éloignés afin de ne pas perturber les enregistrements.

Descriptif

Des animaux sauvages décident de faire un champ. Ils prennent soin de garder au fur et à mesure leur récolte dans un grenier. A la fin des travaux, à la question de savoir où chacun ira, Hyène répond qu’il1 n’irait pas loin; Lièvre, quant à lui, déclare qu’il ira très loin, « au pays des feuilles de calebasse ». Mais il reste non loin du grenier et le vide de son contenu en prenant soin de le remplir avec des excréments d’Hyène. On accuse ce dernier d’avoir mangé tout le contenu du grenier, et il est roué de coups.

Souvent, le lièvre — tout comme l’écureuil —, sont confrontés à un adversaire plus fort qu’eux. Ils ont recours à différents stratagèmes et sortent indemnes de la confrontation en roulant leur adversaire. Rusés, ils jouent le rôle de décepteurs. Ici, Hyène, réputé glouton, est accusé d’un méfait qu’il n’a pas commis. En revanche, Lièvre, qui bénéficie d’un préjugé positif n’est pas soupçonné de son comportement réél. La réputation négative joue au désavantage d’un personnage; la réputation positive, au contraire, agit à son avantage.

 

 

 

 

 

 

 

 

5. Òle kóson mɔ̀gɔ yé é tɔ̀gɔ nyàn

5. Pourquoi il faut faire attention à sa réputation

 

 

 

Ń tá yé ń tá yé,

Voilà mon conte. Voilà mon conte.

Kóngo sògori lé tí jἑnnan ká jíe tìgε ká tága sὲnε kἑ. Ní ári ká sἑnε kἑ ári yé bóno bá tìgε ká sùmanri sígi à kɔ́nɔn. Ári kó:

Un jour, des animaux de la brousse se réunirent pour traverser un cours d’eau et aller cultiver un champ. Alors qu’ils cultivaient le champ, ils construisirent un grenier bien grand pour y garder les récoltes. Puis, ils se dirent:

─ Àn bíyε tága dúga jàn nàn ní sἑnεn ságan ká sé àn bíyε nàn ká nàn kí sùman bɔ̀ kíye à dómu kí sἑnεn kἑ.

─ Voilà, nous pouvons partir et laisser les céréales dans le grenier. Lorsqu’il faudra à nouveau cultiver les champs, nous viendrons ramasser la récolte suivante. Et au fur et à mesure que nous travaillerons la terre, nous mangerons [ce que nous laissons ici maintenant].

Ári yé nyínigari kἑ kó mɔ̀gɔ mín nàn tága dúga mína ò yé à tága dúga fɔ́. Ári ká sànde nyíniga kó:

Chacun se mit alors à expliquer aux autres où il partirait:

─ Sànde éle nàn tága míni?

─ Et toi, Lièvre, où vas-tu?

─ Ní nàn tága Légelegejefla lé.

─ Moi, je vais dans le lointain pays des feuilles de calebasse2.

─ Ee! Éle dó nàn tága dúga jànan dἑ?

─ Non ! Et ça fait loin?

[Ári ká súrugu nyíniga ò kɔ́]:

[Ils demandèrent ensuite à Hyène]:

─ Éle dó, súrugu éle dó nàn tága míni?

─ Et toi, Hyène où vas-tu?

─ Àwa,, ní tí nàn tága dúga jànan.

─ Eh bien moi, je ne vais pas aller très loin d’ici.

Jàaga àle nàn bíri nyɔ̀n bóndo kɔ́rɔ kíye ɲɔ̀n bɔ́. Àle nànan bíri nyɔ̀n bóndo kɔ́rɔ kóngo sògori bíyε tága rá. Àle bἑ bóndo kɔ́rɔ ní, àle ká nyɔ̀n bɔ́ ká à dómu, yàn ní sògori yé nàn àle ká nyɔ̀n bíyε bɔ̀ ká à dómu. Ká súrugu búwo lé cἑ ká à fá bóndo rá.

Au final, Lièvre resta caché près du grenier de mil. Il y piquait des céréales petit à petit. Il resta donc par là, dans une cachette près du grenier, tandis que les autres animaux sauvages s’en allaient loin de là. Lièvre ne s’éloignait pas trop du grenier. Et il prenait du mil pour le manger. Il mangea ainsi tout le mil avant que les autres animaux ne reviennent. Il alla alors chercher des excréments d’Hyène et les déposa dans le grenier.

Sògori nànan nàn, mín ká tága bóndo dá yἑrε ò tó:

Lorsque les animaux revinrent et qu’ils s’approchèrent du grenier, ils se mirent tous à crier:

─ Ùnhun, ùnhun, ùnhun! Ùnhun, ùnhun, ùnhun!

─ Mais quelle puanteur ici! Oh, quelle puanteur, quelle puanteur! Mais qu’est-ce que c’est que c’est cette puanteur, quelle puanteur!

Ári ká nàn kó kɔ̀rɔ súrugu lé ká sùman bɔ́ ká dómu pásike kɔ̀rɔ súrugu búwo lé bἑ ká bóndo fá, ká à sɔ̀rɔ kɔ̀rɔ súrugu mán gbógo dómu. Ári ká kɔ̀rɔ súrugu mínan ká à búgɔ, ká à búgɔ ká à kἑ kárako ári yé nàn à fàga, kó pásike àle lé ká nyɔ̀n bɔ́. Ká à sɔ̀rɔ àle mán nyɔ̀n bɔ́. Òle kóson mɔ̀gɔ yé é tɔ̀gɔ nyàn. Kɔ̀rɔ súrugu àle tí ká à fɔ́ kó à tí tága dúga jàn nàn òle kóson ári ká fàninyan lá àle rá.

Ils en conclurent que ça devait être Hyène qui avait volé la récolte pour la manger, car ses excréments étaient partout dans le grenier. Mais ce n’était pas Hyène qui avait mangé le mil. Ils capturèrent Hyène pour lui mettre une bonne raclée. Ils lui donnèrent tant de coups qu’ils faillirent le tuer, ils étaient persuadés qu’il avait volé tout le mil. Même si ce n’était pas la vérité. Ceci est la raison pour laquelle tout le monde devrait faire attention à son image personnelle. De plus, Hyène avait dit aux autres animaux qu’il ne pensait pas trop s’éloigner lorsqu’ils l’avaient interrogé. Ceci ne fit qu’accroître la méfiance qu’ils avaient envers lui.

Tàlen ń kí júta dúga mína ń kí júbila yí bíla.

Conte, je te laisse là où je t’ai pris.

Traoré Brahima, 34 ans. Kong, novembre 2011.

Traoré Brahima, 34. Kong, novembre 2011.

Corpus inédit, © Copyright Awa Traoré

 


 

Notes:

1  Súrugu « hyène » en dioula est un zoonyme mâle. Les substantifs n’ayant pas en dioula de genre grammaticalement marqué, le mot súrugu peut aussi bien désigner indifféremment un référent masculin ou féminin. Dans les contes, il revoie toujours a priori au mâle et quand on veut spécifier un référent féminin, on parle toujours de la femme de Hyène (Súrugu mùso).

2  Légelegejefla: de légelege « loin », jé « calebasse »  et flá « feuille ».